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Les Hafsides
sont une dynastie berbère qui a succĂ©dĂ© Ă
celle des Almohades et a régné sur
la Tunisie et le Maghreb
central de l'année 1228 à l'année 1574. Son nom lui vient de Abou Hafs
Omar, chef de l'importante tribu berbère des Hintata, dans l'Atlas marocain.
Ce personnage avait contribué pour une large part à l'élévation de
la dynastie des Almohades, en apportant son précieux concours au mehdi
Ibn Toumert et à Abdelmoumen. Sa vie durant, il fut honoré et respecté
des souverains almohades, et la faveur dont il jouissait fut ensuite reportée
sur son fils, Abou Mohammed, qui reçut, en 1206, le gouvernement de l'Ifrikiya
avec mission de combattre Ibn Ghânia, le chef du parti almoravide
qui essayait de reconstituer à son profit un nouvel empire aux dépens
des Almohades. Les succès remportés par le fils d'Abou Hafs ne furent
pas décisifs; à sa mort, survenue en mars 1221, son fils, Abderrahman,
lui succéda pendant trois mois seulement et fut ensuite relevé de ses
fonctions. En avril 1226, Abou Mohammed II, fils d'Abou Mohammed Ier,
fut Ă son tour investi du commandement de l'Ifrikiya, mais comme il refusa
de prêter serment d'obéissance au sultan almohade, El-Mamoun, alors en
compétition avec El-Adel, il fut déposé et remplacé par son frère,
Abou Zakariya (1228), le véritable fondateur de la dynastie hafside.
Abou Zakariya se déclara indépendant,
tout en ne prenant que le titre d'Ă©mir; il fit de Tunis la capitale de
son empire auquel il annexa bientĂ´t les territoires de Constantine
et de Bejaia, puis il poursuivit sans relâche
Ibn Ghânia qui, traquĂ© de toutes parts, erra vaincu et fugitif jusqu'Ă
sa mort (1233). Débarrassé de son adversaire le plus redoutable, Abou
Zakariya devint maître incontesté de tout le territoire qui s'étend
de Tripoli à Tlemcen, et son autorité,
nominale tout au moins, fut reconnue par les provinces de l'Andalousie
et de l'Espagne orientale, une
partie du Maroc et même par le chérif de
La Mecque. A sa mort (1249), Abou Zakariya
laissa Ă son fils, Abou Abdallah El-Mostancer, un vaste empire assez florissant,
mais sans grande cohésion. El-Mostancer eut de grandes luttes à soutenir
pour maintenir l'intégrité de ses Etats, menacée à la fois par la compétition
de ses frères et par les révoltes des tribus berbères. Néanmoins il
vint à bout de toutes ces résistances et son règne fut un des plus glorieux
de la dynastie hafside. Bien qu'il ait dĂ» payer une forte contribution
de guerre pour obtenir le départ des croisés, les musulmans lui font
honneur de l'insuccès de la huitième croisade,
dont la mort de saint Louis, Ă Carthage,
avait seule arrêté la marche.
Tunis doit
Ă El-Mostancer une grande partie de ses embellissements. En mai 1277,
El-Ouatsek, surnommé El-Mekhlou', succéda à son père. Son oncle, Abou
Ishac, lui ayant enlevé Bejaia, l'obligea bientôt à abdiquer (juillet
1279) et le fit ensuite périr lui et tous ses fils vivants. Cette usurpation
ne se fit pas sans difficultés et en janvier 1283, un agitateur, du nom
d'Ibn Abou Omara, profitant de sa ressemblance avec El-Ouatsek, se donna
comme son fils et s'empara de Tunis; puis, marchant sur Bejaia oĂą Abou
Ishac s'était réfugié, il fit assassiner ce prince (juin 1283). Seul
maître du pouvoir, Ibn Abou Omara ne tarda pas à mécontenter ses sujets
par ses exactions et ses cruautés; aussi quand Abou Hafs, oncle d'Abou
Ishac, se présenta devant Tunis, la population lui ouvrit-elle les portes
de la ville. Abandonné de tout son entourage, lbn Abou Omara essaya de
s'enfuir, mais il fut arrêté et mis à mort de la façon la plus cruelle
(juillet 1284).
Abou Hafs, qui prit le surnom de Mostancer-billah,
ne jouit pas longtemps en paix du pouvoir. Dès 1285, Abou Zakariya, fils
d'Abou Ishac, se fit reconnaître sultan; il s'empara successivement d'Alger,
de Bejaia, de Constantine et de la Tripolitaine et créa un nouveau royaume
dont Bejaia fut la capitale, démembrant ainsi l'empire hafside. Abou Hafs
conserva seulement l'Ifrikiya, mais Ă sa mort (1295), son successeur,
Abou Acida, un fils posthume d'El-Ouatsek, résolut de détruire le royaume
de Bejaia et, dans ce but, il fit appel aux MĂ©rinides.
Le succès ne répondit pas à ses espérances, car Abou Zakariya, lorsqu'il
mourut en 1298, laissa son royaume intact Ă son fils, Abou'l-Beka. Tout
d'abord, Abou'l-Beka songea Ă se rapprocher d'Abou Acida, mais quand il
apprit que les MĂ©rinides qu'il redoutait venaient de subir un Ă©chec devant
Tlemcen, il changea d'attitude et, Ă la mort d'Abou Acida en 1309, il
marcha sur Tunis dont il s'empara et fit mettre Ă mort Abou Bekr, fils
et successeur d'Abou Acida, qui ne régna que dix-sept jours. Cette victoire
eut pour conséquence de mettre provisoirement un terme au démembrement
de l'empire hafside qui demeura en entier aux mains d'Abou'l-Beka.
Les cruautés de ce prince amenèrent bien
vite de fâcheux événements. Abou Yahia Abou Bekr se fit proclamer souverain
et s'Ă©tablit Ă Bejaia, tandis que Abou Yahia Zakariya El-Lihyani, marchant
sur Tunis, s'en empara en 1311 et fit mettre Ă mort Abou'l-Beka. De son
côté, Abou Yahia Abou Bekr, poussé par son vizir, Ibn Ghamr, partit
de Constantine et essaya, en 1315, de s'emparer de Tunis que El-Lihyani
avait abandonné en abdiquant en faveur de son fils, Abou Derba. Après
une première tentative demeurée infructueuse, il entra dans Tunis et
devint seul maître de tout l'empire hafside, car Ibn Ghamr, qui conserva
le commandement de Bejaia, était en réalité sous ses ordres. Abou Yahia
Abou Bekr éprouva de vives résistances pour maintenir son autorité.
Cependant il se maintint au pouvoir jusqu'en 1346, Ă©poque Ă laquelle
il mourut et où il fut remplacé par son fils, Abou Hafs Il qui se débarrassa
par le meurtre de son légitime compétiteur, Abou'l-Abbas. Mais les Mérinides,
conduits par le sultan Abou'l-Ilasen, envahirent le Maghreb central et
l'Ifrikiya; Abou Hafs fut tué dans un combat un an à peine après son
élévation au trône et l'empire hafside cessa pour un moment d'exister.
La dĂ©faite d'Abou'l-lfasen Ă
Kairouan
rendit courage aux partisans des Hafsides et El-Fadel, fils d'Abou Yahia,
se fit proclamer à Annaba en 1348. L'année suivante, les Mérinides étaient
expulsés, mais la faiblesse d'El-Fadel ne lui permit pas de prolonger
longtemps son règne, et en 1350 il était étranglé et remplacé par
Abou Ishac II, tout jeune enfant placé sous la tutelle du célèbre vizir
Ibn Tafraguin. Un prince hafside, Abou ZeĂŻd, voulut alors profiter de
la jeunesse du souverain pour lui enlever la couronne; il avait dĂ©jĂ
obtenu quelques succès, quand son frère, Abou'l-Abbas, s'étant lui aussi
mis sur les rangs, les MĂ©rinides, Ă la faveur de ces divisions, intervinrent
de nouveau et reprirent le Maghreb central et l'Ifrikiya. Toutefois cette
occupation ne fut pas de longue durée et la même année, en 1357, Abou
Ishac II remontait sur le trône. L'empire hafside fut de nouveau divisé
pour un instant, Abou Abdallah s'Ă©tant Ă©tabli Ă Bejaia et Abou Abou'l-Abbas
Ă Constantine; bientĂ´t cependant Abou'l-Abbas chassa Abou-Abdallah de
Bejaia et il n'y eut plus que deux princes hafsides.
Lors de la mort d'Abou Ishac II en 1369,
son fils et successeur Abou'lBeka Il fut attaqué par Abou'l-Abbas et perdit
la couronne et la vie en 1370. Abou'l-Abbas, devenu par suite seul maître
de tout l'empire, régna en paix jusqu'en juin 1394, époque à laquelle
il mourut; son fils, Abou Farès Azzouz, s'empara du pouvoir après avoir
fait périr l'héritier présomptif légitime, son oncle Abou Zakariya.
Grâce à l'intelligence et à la vigueur d'Abou Farès, l'empire hafside
brilla une fois encore d'un vif Ă©clat et s'Ă©tendit de nouveau de Tripoli
à Tlemcen. Après son long règne, qui dura jusqu'en 1434, le déclin
arriva promptement. Abou Abdallah ne conserva la couronne qu'un an, et
son successeur, Abou Omar Otoman, ne cessa jusqu'Ă sa mort (1488) d'essayer
d'étouffer les insurrections constantes des tribus arabes et berbères
révoltées contre son autorité. Après lui, Abou Zakariya II (1488-1494)
et Abou Abdallah Mohammed (1494-1526) furent incapables de rétablir l'ordre
et de maintenir leur autorité; aussi Moulay Hasen, leur successeur, vit-il
ses Etats réduits à la banlieue de Tunis. La faiblesse de ce prince était
telle que Kheir ed-din songea à s'emparer de Tunis; il y réussit sans
peine et obligea Moulay Hasen Ă chercher un refuge en Espagne.
Charles-Quint
accueillit avec bienveillance le monarque fugitif et le rétablit sur son
trône en 1535, mais la présence de troupes chrétiennes à Tunis indisposa
les musulmans qui méconnurent l'autorité de leur souverain et, durant
un voyage qu'il avait fait en Espagne pour obtenir du secours contre les
Turcs, les Tunisiens proclamèrent Ahmed
sultan en 1542. Celui-ci, grâce aux 3000 hommes que Charles-Quint avait
laissés à unis, se maintint au pouvoir jusqu'en 1569. A ce moment, les
Turcs reparurent de nouveau et reprirent Tunis. Une flotte, commandée
par don Juan d'Autriche, chassa les Turcs
en 1573, mais Ahmed fut remplacé par Moulay Mohammed, puis l'année suivante
les Turcs devenaient définitivement maîtres de Tunis.
L'histoire de la dynastie hafside est celle
d'une lutte perpétuelle. Attaquée d'abord par les derniers partisans
des Almoravides, puis par les MĂ©rinides et les Abdelouadites, elle eut
encore à réprimer sans cesse les révoltes de ses propres sujets. La
foi musulmane, chez les populations berbères, n'était pas assez vive
pour remplacer, comme elle eût pu le faire dans d'autres circonstances,
les sentiments de patrie ou de nationalité. Enfin la forme par trop allongée
du territoire et son relief tourmenté en rendant les communications difficiles,
appelaient presque fatalement le morcellement de l'empire hafside et devaient
hâter sa chute définitive.
(O. Houdas). |
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