Chant de Guillaume de Poitiers partant pour la Terre Sainte « Je veux faire un chant, et je prendrai pour sujet ce qui cause ma peine ; je ne serai plus aattaché au Poitou ni au, Limousin. Je m'en irai en exil outre-mer; je laisserai mon fils en guerre dans la crainte et dans le péril; et ses voisins l'inquiéteront. Il m'en coûte de quitter la seigneurie de Poitou; je laisse à la garde de Foulques d'Anjou ma terre et mon jeune cousin. Si Foulques d'Anjou et le roi de qui je relève ne lui prêtent assistance, la plupart des seigneurs qui verront un faible jouvenceau ne manqueront pas de lui nuire S'il n'est très sage et vaillant, les traîtres Gascons et les Angevins l'auront bientôt renversé, quand je serai éloigné de vous. Fidèle à l'honneur et à la bravoure, je me sépare de vous; je vais outre-mer, au lieu où les pèlerins implorent leur pardon. Adieu, brillants tournois! adieu, grandeur et magnificence, et tout ce qui attachait mon coeur! Rien ne m'arrête; je vais aux champs où Dieu promet la rémission de nos péchés. Pardonnez-moi, vous tous mes compagnons, si je vous ai offensés; j'implore mon pardon! j'offre mon repentir à Jésus, maître du ciel, je lui adresse à la fois ma prière et en roman et en latin. Trop longtemps je me suis abandonné aux distractions mondaines; mais la voix du Seigneur se fait entendre; il faut comparaître à son tribunal; je succombe sous le poids de mes iniquités. O mes amis! quand je serai en présence de la mort, venez tous auprès de moi ; accordez-moi vos regrets et vos encouragements. Hélas! j'aimai toujours la joie et les plaisirs, soit quand j'étais chez moi, soit quand j'en étais éloigné. J'abandonne donc joie et plaisirs, le vair, le gris et le sambellin [= habillement des barons]. » (Guillaume de Poitiers). |