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Guillaume Ier
(Frédéric-Louis) est un roi de Prusse
(1861-1888), et un empereur d'Allemagne
(1871-1888), né à Berlin le
22 mars 1797, mort à Berlin le 9 mars 1888. Second fils du roi Frédéric-Guillaume
III et de la reine Louise, il passa avec ses parents trois années
à Koenigsberg (Kaliningrad) et
Memel après la bataille d'Iéna.
Le 1er janvier 1807, il fut nommé
officier. Dès sa jeunesse, il se signala par son caractère
sérieux, son bon sens pratique et son goût de l'ordre. Le
30 octobre 1813, il devint capitaine et fit contre la France
les campagnes de 1814 et 1815. Il continua sa carrière dans l'armée
avec passion et passa par les différents grades pour arriver aux
plus élevés; en 1825, il fut nommé lieutenant général
et commandant des gardes du corps. Le 11 juin 1829, il épousa la
princesse Augusta de Saxe-Weimar, dont la soeur aînée, la
princesse Marie, avait épousé son jeune frère Charles.
- Guillaume Ier. A la mort de son père (7 juin 1840), Guillaume, dont le frère aîné, le roi Frédéric-Guillaume IV, n'avait pas d'enfants, reçut le titre de prince de Prusse; il était, en effet, l'héritier présomptif du trône. Il devint, en même temps, gouverneur de Poméranie et général de l'infanterie. Il siégea à la première diète que l'on convoqua à Berlin et eut une certaine influence sur les affaires politiques, manifestant ses préférences pour le règne militaire. Considéré en 1848 comme le représentant des doctrines absolutistes, il se réfugia en Angleterre pendant quelques mois; il arriva à Londres le 22 mars et, grâce à l'habileté du ministre Camphausen, put rentrer à Berlin au mois de juin. Elu député à l'Assemblée nationale, il ne prit pas part à ses travaux. Le 8 juin 1849, il obtint le commandement des troupes envoyées par la Prusse contre les révolutionnaires de Bade et pacifia le pays en quelques semaines. Au mois d'octobre 1849, il fut nommé gouverneur militaire des provinces rhénanes et de Westphalie et s'installa à Coblence. En 1854, il reçut le titre de colonel général de l'infanterie avec le rang de feld-maréchal et le titre de gouverneur de la forteresse fédérale de Mayence; en même temps, il devenait grand maître des francs-maçons prussiens. Pendant la guerre d'Orient, il désapprouva vivement l'attitude passive de la Prusse vis-à-vis de la France et de l'Angleterre. Guillaume, dont on connaissait les idées nationales, devenait chaque année plus populaire. Les libéraux eux-mêmes, oubliant leurs anciens griefs, furent heureux de le voir prendre la direction du pouvoir, en octobre 1857, à cause de la maladie du roi Frédéric-Guillaume IV; le 7 octobre 1858, le prince Guillaume fut nommé régent malgré la mauvaise volonté du parti dévoué à la politique de son frère. Le système politique fut modifié. Le ministère Manteuffel donna sa démission et fut remplacé par un cabinet présidé par Auerswald dont les tendances étaient plus libérales à l'intérieur et plus nationales au dehors. Du 15 au 18 juin 1860, il eut une entrevue avec Napoléon III à Baden-Baden, entrevue à laquelle assistaient la plupart des princes de l'Allemagne du Sud et quelques-uns de ceux de l'Allemagne du Nord. Le prince Guillaume résolut, dès lors, de fortifier l'armée en perfectionnant l'organisation et augmentant le nombre des troupes; le plan de réorganisation fut principalement son oeuvre, et le ministre de la guerre Roon en fut l'exécuteur. Le 2 janvier 1861, Frédéric-Guillaume IV mourut et Guillaume succéda à son frère; il publia une amnistie générale pour faits de politique et manifesta ses tendances belliqueuses : l'armée fut accrue, la marine développée, la défense des côtes organisée avec l'aide de la Confédération germanique. En octobre, le roi vint à Compiègne visiter l'empereur Napoléon III. Couronné le 16 octobre, il déclara, à cette occasion, qu'il ne tenait sa couronne que de Dieu. Il répondait ainsi à l'opposition que les élections générales avaient fortifiée à la Chambre des députés. La lutte s'engagea aussitôt : au mois de janvier 1862, la Chambre adopta une proposition du député Hagen contre le ministère qui donna sa démission. Le roi refusa cette démission, prononça la dissolution de la Chambre des députés et la prorogation de la Chambre des seigneurs (11 mars 1862). Il mit à la tête du cabinet le prince de Hohenlohe, président de la Chambre des seigneurs, qui fut remplacé peu de temps après par Bernstorff. L'opposition triompha cependant aux élections,
et, malgré quelques mesures libérales du cabinet (traité
de commerce avec la France, reconnaissance du royaume d'Italie, intervention
en Hesse en faveur de la constitution de 1831),
les projets de réforme militaire furent repoussés à
une grande majorité par la Chambre qui, le 20 septembre, refusa
de voter les crédits. Le roi appela alors Bismarck
à la présidence du conseil (22 septembre), mais ne put vaincre
la résistance de la Chambre dont il fit clore la session, le 14
octobre, par un message. Le gouvernement, s'appuyant sur le parti féodal
(la Chambre des seigneurs), se passa du vote des députés
et poursuivit les journaux progressistes. En 1863, la lutte continua; un
conflit s'éleva entre le président de la Chambre des députés
et les ministres qui ne voulaient pas reconnaître son autorité
: le roi soutint ses ministres et prononça la dissolution de la
Chambre. En même temps, il supprimait, le 1er juin, la liberté
de la presse. Au mois de novembre, le roi répondit à la proposition
d'un congrès, faite par la France, qu'il acceptait « après
entente préparatoire ». De nouvelles élections renforcèrent
encore le parti libéral : heureusement pour le roi la question des
duchés vint ajourner les difficultés et fournir une diversion.
L'organisation de la Confédération de l'Allemagne du Nord (1er juillet 1867), dont le roi Guillaume devenait président, lui donnait la direction militaire et politique des Etats du Nord de l'Allemagne; en même temps, par des arrangements avec les princes de l'Allemagne du Sud, il obtenait le commandement des contingents militaires de leurs Etats. Une nouvelle Allemagne achevait de se constituer. La guerre avec la France allait permettre de l'organiser définitivement. La question du Luxembourg, sans se terminer tout à fait au gré de la Prusse, ne satisfaisait nullement Napoléon III. Cependant Guillaume se préparait à la guerre contre la France. Le 5 juin il alla, en même temps que l'empereur Alexandre Il de Russie, faire visite à Napoléon III. A son retour, il acheva la réorganisation de l'armée et de la marine allemandes et se trouva prêt pour la guerre qu'il eut l'habileté de faire déclarer par la France. La participation plus ou moins personnelle qu'il eut dans les événements qui ont transformé l'Allemagne est difficile à déterminer. Deux noms résument les grands événements de son . règne: Bismarck, pour la diplomatie et la politique; de Moltke, pour l'organisation et l'exécution des opérations militaires. La rupture motivée par la candidature
du prince de Hohenzollern au trône
d'Espagne et rendue définitive par
l'entrevue d'Ems avec Benedetti (juillet 1870) amena la déclaration
de guerre. Le roi Guillaume quitta Berlin le 31 juillet et prit à
Mayence, le 2 août, le commandement général de l'armée
allemande. Le 11 août, il passa la frontière française,
assista personnellement aux batailles de Gravelotte (18 août), de
Sedan (1er
septembre) et eut une courte entrevue avec Napoléon III au châàteau
de Bellevue (2 septembre). Du 5 octobre 1870 au 7 mars 1871, il eut son
quartier général à Versailles,
d'où il dirigea les opérations militaires et l'organisation
politique de l'empire allemand (Guerre
de 1870). Il fut couronné empereur d'Allemagne le 18 janvier
1874 dans la galerie des Glaces de Versailles. Les proclamations représentèrent
le nouvel empire comme une continuation de l'ancien empire germanique.
Le 3 mars, il signa les préliminaires acceptés par l'Assemblée
nationale du traité qui réglait l'annexion de l'Alsace
à l'empire d'Allemagne.
Statue équestre de Guillaume Ier, à Coblence. Photo : © Angel Latorre. Le 17 mars, il revint à Berlin et le 24 mars il ouvrit le premier Reichstag allemand. Ses efforts continuèrent pour assurer l'unité du nouvel empire et parfaire l'organisation militaire de l'armée et de la marine nationales. Il s'attaquait en même temps au mouvement religieux qui portait les catholiques à reconnaître l'infaillibilité du pape et commença le célèbre Kulturkampf; se tournant contre les jésuites, il les expulsa du territoire de l'empire par un décret d'Ems du 4 juillet 1872. La même année, il renoua les relations diplomatiques avec la France et reçut en grande pompe l'empereur d'Autriche à Berlin (septembre 1872); en mai 1873, il alla à Saint-Pétersbourg rendre visite à l'empereur Alexandre II. Au mois d'octobre, il continua la lutte contre l'ultramontanisme et échangea avec le pape Pie IX une correspondance très vive; il ne céda pas davantage à son successeur, Léon XIII, et par une lettre du 24 mars 1878 et une autre écrite en son nom par le prince royal le 10 juin 1878, lui affirma qu'une entente pacifique n'était possible qu'en prenant pour base la reconnaissance des lois de l'Etat par l'Eglise catholique. A l'intérieur, l'empereur se préoccupa de la refonte monétaire (en 1873, on frappa 1500 millions environ aux armes de l'Empire), de l'organisation de la flotte, de la défense des ports de la mer Baltique, des nouvelles lois militaires qui mettaient 400,000 hommes sous les armes en temps de paix (sans compter les volontaires d'un an et le landstrum) : le Reichstag ne vota la loi qu'à la troisième lecture et après intervention personnelle de l'empereur (20 avril 1874). L'Assemblée nationale votait en même temps en France des lois militaires analogues, et des bruits de guerre se répandirent ;une visite d'Alexandre Il à Berlin (10 mai 1875) ne fut sans doute pas étrangère au maintien de la paix; le 13 mai, le prince Gortschakov annonçait, par une circulaire aux diplomates russes, que le tsar avait emporté de sa visite l'assurance que la paix ne serait pas troublée : les vues belliqueuses que l'on prêtait au prince de Bismarck n'avaient donc pu se réaliser. Le 18 octobre 1875, l'empereur Guillaume rendit au roi Victor-Emmanuel la visite que celui-ci lui avait faite; il reçut l'accueil le plus empressé à Milan. Pour la troisième fois, l'empereur d'Allemagne rencontra l'empereur de Russie, à Berlin et à Ems (mai-juin 1876) et de leur entrevue résulta une entente sur la question d'Orient. La guerre ayant éclaté entre la Turquie et la Russie, Guillaume garda une neutralité tout à fait bienveillante pour cette dernière puissance. La guerre se termina par le traité de Berlin le 13 juillet 1878 et Guillaume l'empêcha de dégénérer en conflit russo-anglais. Cependant, l'empereur prenait part dans l'empire à toutes les fêtes nationales où qu'elles se donnassent; il assistait régulièrement tous les ans aux manoeuvres des troupes au mois de septembre dans le Nord et le Sud de l'Allemagne; il trouvait à ces voyages une grande utilité, restant ainsi en communication fréquente avec les princes alliés et la population des diverses provinces allemandes. C'est ainsi que du 1er au 5 mai 1877, il visita Strasbourg et, au retour de ce voyage, Hagueneau et Metz. L'année suivante, un attentat contre sa vie causa la plus grande émotion : le 11 mai 1878, un ouvrier, Max Hoedel, tira deux coups de revolver, qui ne l'atteignirent pas, sur l'empereur qui, venant de Charlottenbourg (Berlin), passait sur la promenade des Tilleuls en calèche découverte, dans la compagnie de la grande-duchesse de Bade. Cet attentat fut attribué aux excitations du parti socialiste. Le décret soumis au Reichstag contre les socialistes fut rejeté par celui-ci le 24 mai. Mais le mois suivant, le 2 juin 1878, l'attentat se renouvela. L'empereur passait en voiture découverte dans la promenade « sous les Tilleuls » quand Karl-Eduard Nobiling tira sur lui, du second étage d'une maison, deux coups de fusil chargés à petit plomb qui blessèrent le souverain au cou et au bras droit. Nobiling tenta de se suicider et se blessa grièvement. Il mourut de sa blessure le 10 septembre suivant (Hoedel avait eu la tête tranchée le 16 août). L'empereur, bien que blessé légèrement, fut obligé d'appeler le prince Frédéric-Guillaume à la régence. Les conséquences des deux tentatives d'assassinat contre l'empereur furent graves pour la politique intérieure. Bismarck, pour briser la résistance du Reichstag, le fit dissoudre (7 juin) et, après les élections (30 juillet), proposa les lois les plus sévères sur les associations (19 octobre) et l'établissement de l'état de siège (29 novembre). Tous les individus suspects furent arrêtés ou expulsés et la presse libérale rigoureusement réprimée. Sur l'initiative du maréchal de Moltke, une souscription surnommée « le Denier Guillaume », et destinée à commémorer la préservation des jours de l'empereur, produisit 1,740,000 marks versés par douze millions de souscripteurs. Les soins des médecins ayant réussi à guérir l'empereur, il quitta Berlin le 22 juillet 1878 et le 20 septembre assista à cheval et le bras en écharpe à une grande revue à Cassel. Il parcourut plusieurs provinces et partout son passage souleva l'enthousiasme. Le 5 décembre, il était de retour à Berlin où l'on célébra sa venue par des fêtes religieuses qui eurent presque un caractère expiatoire. Le 22 mars 1879, jour de sa naissance, fut un jour de réjouissances nationales, bientôt attristé par la mort du prince Waldemar (27 mars), le troisième et le plus jeune fils du prince héritier. Le 14 juin 1879, l'empereur et l'impératrice Augusta célébrèrent leurs noces d'or. Au cours de l'automne de 1879, l'empereur Guillaume retourna en Alsace et, à son retour, prorogea l'état de siège à Berlin (novembre 1879). Cependant la longue entente de la Prusse et de la Russie, troublée par le mécontentement de la Russie à la suite des résultats du congrès de Berlin, provoqua l'entrevue des deux empereurs, Guillaume et Alexandre II à Alexandrowo (3 septembre 1879). L'entrevue étant restée sans résultats, Guillaume signa le traité défensif avec l'Autriche-Hongrie préparé par Bismarck (15 octobre 1879), traité auquel l'Italie a adhéré en 1883. Les entrevues annuelles de Guillaume avec l'empereur d'Autriche, François-Joseph, à Gastein, consolidèrent de plus en plus leur alliance. L'empereur de Russie, Alexandre III, bien qu'il ne fût bien disposé, avant d'être empereur, ni pour la Prusse, ni pour l'Autriche, ne put se tenir à l'écart de cette alliance défensive. Alexandre II étant tombé sous les coups des nihilistes, son successeur eut le 9 septembre 1881 une entrevue avec Guillaume à Dantzig (Gdansk) pour combattre l'anarchie. Le 15 septembre 1884, les trois empereurs se rencontrèrent au château polonais de Skierniewice. A l'intérieur, les idées de l'empereur et de Bismarck se modifièrent touchant le parti socialiste : ils se flattèrent d'enrayer ses progrès, non plus par des mesures de répression, mais en prenant eux-mêmes l'initiative de lois nouvelles destinées à améliorer la situation matérielle des ouvriers et en favorisant l'industrie et le commerce germaniques par un retour au système protectionniste, abandonné. depuis 1865. L'empereur intervenait personnellement au Reichstag chaque fois que l'opposition se manifestait. En même temps sa politique religieuse subissait une évolution analogue; inquiet des progrès du socialisme et se demandant si la lutte poursuivie depuis 1873 contre les catholiques n'avait pas contribué, en déracinant le sentiment religieux, aux progrès du socialisme révolutionnaire, Guillaume se rapprocha du pape pour terminer le Kulturkampf. De 1880 à 1886, il proposa au Reichstag de nouvelles lois dans ce sens et envoya au Vatican un envoyé spécial pour arriver à un accommodement (1882). Enfin le 18 décembre 1883 le prince impérial eut avec le pape une entrevue d'une heure. Les difficultés intérieures continuaient cependant : le vote des lois militaires donnait lieu à des conflits constants. Après une dissolution du Reichstag, la pression administrative triompha et le 6 février 1888 les lois militaires furent votées. Douloureusement affecté de la maladie de son fils et de la mort de son petit-fils, le prince Louis de Bade, l'empereur mourut, le 9 mars, après une courte maladie, à l'âge de quatre-vingt-onze ans. Le 16 mars, on porta son corps à Charlottenbourg où il fut enseveli. Guillaume Ier était d'une taille haute et imposante, et les larges traits de sa physionomie avaient un aspect franc et sympathique. La grande simplicité de sa manière de vivre lui permit de rester vert et en possession de son intelligence jusqu'à un âge très avancé. Son sentiment de la justice, sa fidélité, la reconnaissance qu'il eut pour ses ministres, l'attention qu'il portait à bien remplir tous ses devoirs de monarque étaient remarquables. Sa mère disait de lui en 1810 : « Il est simple, honnête et intelligent. » La postérité lui rendra cette justice. S'il n'a pas brillé par des dons d'intelligence exceptionnels, s'il n'a pas eu un goût très vif pour les sciences et les arts, du moins il a appliqué toute son intelligence à l'armée et à la politique; on ne saurait trop louer aussi son désintéressement personnel qui l'a porté à s'effacer, à rester dans l'ombre, sans éprouver aucune envie de la glorification de Bismarck, de Moltke et de Roon. Il a su sacrifier jusqu'à ses plus chères affections au bien de l'Etat ou du moins à la conception qu'il en avait : en 1826, il renonça, pour ne pas troubler l'ordre successoral dans la dynastie, à épouser la princesse Elise Radziwill qu'il aimait passionnément. De son mariage avec la fille du grand-duc Charles-Frédéric de Saxe-Weimar, Marie-Louise-Catherine-Augusta, née le 30 septembre 1811, morte le 7 janvier 1890), naquirent un fils et une fille : Frédéric, plus tard roi de Prusse et empereur d'Allemagne (Frédéric III), et Louise-Marie-Elisabeth, née le 3 décembre 1838, mariée le 20 septembre 1856 au grand-duc de Bade, Frédéric-Guillaume-Louis. (Ph. Berthelot). |
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