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Guido
(en français Gui), surnommé d'Arezzo ou l'Arétin
(Aretinus), du lieu de sa naissance, est le célèbre
inventeur d'une méthode d'enseignement
musical, né à Arezzo (Toscane)
vers 990. On n'est pas tout à fait d'accord sur le lieu et la date
de sa mort : une opinion assez probable est qu'il mourut au couvent d'Avellano,
où il était prieur de ordre des camaldules,
le 17 mai 1050. Guido d'Arezzo jouit, dans l'histoire
de la musique, d'une très grande réputation qui tient
plus aux découvertes qu'on lui a attribuées à diverses
reprises qu'à celles dont il est l'auteur. De tous les auteurs
de musique du Moyen âge, il est
celui dont les ouvrages se sont le plus répandus; presque toutes
les grandes bibliothèques en contiennent des copies manuscrites.
Les principaux renseignements que l'on possède sur sa vie sont contenus
dans deux lettres qu'il écrivit à Theobald, évêque
d'Arezzo de 1023 à 1036, et à un certain Michel, son ami,
moine bénédictin de l'abbaye
de Pompose (ou Pomposa, en italien), près de Ferrare.
Gui d'Arezzo, moine
bénédictin de l'abbaye de Pompose, s'y fit remarquer bientôt
par ses connaissances en musique et chant
ecclésiastique qu'il fut chargé d'enseigner. Ayant remarqué
combien l'absence de méthode pour l'enseignement du chant d'église
était fâcheuse et rendait les études pénibles
et longues, il imagina une méthode pour suppléer à
cette insuffisance. Il établit, dans son couvent, une école
pour y appliquer sa méthode à l'enseignement des novices,
et le succès fut tel (on apprenait, en quelques mois, ce qui auparavant
demandait des années) que le nom de Guido se répandit dans
toute l'Italie. Les moines de son
couvent, jaloux de son succès, l'obligèrent à quitter
le couvent; il voyagea, se plaignant beaucoup de son exil, et se retira
à Arezzo dans un couvent de bénédictins : c'est là
qu'il reçut un message du pape Jean XIX,
qui avait entendu parler de la méthode de chant et de sa notation
musicale et qui l'engageait à venir à Rome.
Guido se décida
avec peine; enfin, il alla présenter son antiphonaire
au pape; celui-ci fit aussitôt l'expérience de la méthode
et se trouva, en quelques minutes, en état de trouver le ton d'une
antienne
et de la chanter. Très frappé de cette invention, il chercha
vainement à retenir le moine à Rome. Celui-ci qui avait pris
les fièvres n'y consentit pas; il avait retrouvé, dans cette
ville, son abbé du monastère de Pompose, s'était réconcilié
avec lui et paraît, d'après sa lettre au moine Michel, avoir
eu l'intention de retourner à son ancien couvent de Pompose. Quoi
qu'il en soit, on ne possède pas de renseignements très authentiques
sur les dernières années de Guido d'Arezzo; les annalistes
de l'ordre des camaldules prétendent qu'il s'enferma au monastère
de Sainte-Croix d'Avellano, en devint prieur et y mourut : cette affirmation
a été souvent contestée, et aucune opinion définitive
ne s'est encore imposée.
Les ouvrages de Guido
d'Arrezzo n'ont été publiés qu'en 1784, par le savant
Gerbert, prince-abbé de Saint-Blaise, qui les réunit dans
sa collection des écrivains ecclésiastiques sur la musique.
Il cite d'abord, le Micrologus de Disciplina artis musicae, traité
écrit vers 1030 et dédié à l'évêque
d'Arezzo, Theobald; c'est l'ouvrage le plus important de Guido, qui y traite
de la nature et du nombre des notes, de leur disposition
sur le monocorde et des six manières dont
elles se lient entre elles, de l'octave et des
raisons pour lesquelles elle ne renferme que sept notes, des intervalles
des sons et de l'explication de leurs noms, des quatre modes
d'affinité des sons, des autres affinités des sons, particulièrement
du bémol et du bécarre, de la similitude
des sons dans le chant qui n'est parfaite que
dans l'octave, de la manière de distinguer les mélodies
altérées et de les corriger, des notes qui tiennent le premier
rang dans le chant, de la division des quatre modes en huit, de la connaissance
de ces huit modes, des tropes et de la puissance de la musique, de la composition
du chant, de la variété multipliée des sons et des
neumes,
de la manière d'écrire tout ce qui appartient au chant, de
la diaphonie ou règles de l'organum,
de l'invention de la musique calculée d'après le son des
marteaux.
Le second ouvrage
important de Guido est l'Antiphonaire, avec deux préfaces,
l'une en vers, l'autre en prose, publiées par Gerbert : Versus
de musicae explanatione, suique nominis ordine, suivi de Regulae
Rhythmicae in Antiphonarii sui prologum prolatae et Aliae Regulae de ignoto
cantu, identidem in Antiphonarii sui prolatae. Gerbert a donné
aussi sa lettre au moine Michel, où Guido explique sa méthode
: Epistola Guidonis Michaeli monacho, De Ignoto Cantu diruta. Un
petit traité, intitulé De Sex Motibus vocum a se invicem,
dont le titre et la division ont été supprimés par
Gerbert, appartient aussi, incontestablement, à Guido. Quant aux
autres ouvrages qu'on lui attribue, tels que : Tractatus correctorius
multorum errorum qui fiunt in cantu Gregoriano in multis lotis, publié
d'après un manuscrit du XIVe siècle
et Quomodo de arithmetica procedit musica, placé à
la suite du Micrologue dans quelques manuscrits, il est peu probable
que Guido d'Arezzo en soit réellement l'auteur.
Les titres de ce
moine célèbre à la reconnaissance de la postérité
ont été un peu exagérés. On lui a attribué
pendant des siècles tous les progrès que fit l'art musical
au XIe siècle. Il faut en rabattre
un peu, tout en reconnaissant son très grand mérite. Jusqu'à
lui les traités de musique de Remi d'Auxerre, de Reginon de Prum,
de Hucbald, d'Odon, abbé de Cluny,
ne contenaient pas de bonnes méthodes d'enseignement : il n'existait
pas de direction dans l'étude de l'art. Les instruments
des anciens étaient tombés dans l'oubli; l'orgue
ne se trouvait que dans quelques églises et peu de musiciens savaient
en jouer; quant aux autres instruments aux IXe
et Xe siècles, il n'en existait
guère; il n'y avait donc pour diriger la voix et former l'oreille
des élèves de chant que la voix du maître; aucune étude
individuelle n'étant possible. Les chantres
étaient maladroits et ignoraient les principes de l'art, malgré
le temps qu'ils avaient consacré à apprendre leur métier.
Guido inventa une méthode d'enseignement et rendit l'instruction
musicale si facile qu'en peu de jours un enfant pouvait apprendre seul
le chant d'une antienne ou d'un répons. On trouvait les intonations
au moyen du monocorde, petit instrument sur lequel étaient inscrites
les lettres représentatives des notes; un chevalet mobile se plaçait
sur la lettre de la note cherchée, et en pinçant la corde
on obtenait l'intonation. Guido compléta sa méthode par une
mnémonique des sons : il faisait apprendre par cour une mélodie
connue dont on se servait comme point de comparaison en donnant pour nom
aux notes de cette mélodie les syllabes placées sous chacune
d'elles de manière à conserver ces mêmes noms à
toutes les notes semblables. Il se servait du chant de l'hymne
de saint Jean-Baptiste.
Ut
queant taxis Resonare fibris
Mira gestorum
Famuti
tuorum,
Solve polluti
Labii
reatum,
Sancte Iohannes.
Au début et à
la fin de sa leçon, dans l'école qu'il dirigeait, Guido faisait
chanter cette strophe à ses élèves l'intonation de
la note s'élevant d'un degré sur chacune des syllabes, ut,
re, mi, fa, sol, la, correspondait à l'une des lettres de l'échelle
diatonique
dont nous avons fait la description. Il cherchait simplement à créer
une méthode d'enseignement par analogie, se proposant de graver
l'intonation des sons dans la mémoire des élèves.
Enfin, Guido recommanda l'usage des neumes
comme le moyen le plus simple de distinguer les notes principales d'une
mélodie
et d'en reconnaître le ton.
Voilà exactement
à quoi se réduit la découverte de Guido d'Arezzo;
elle paraît bien simple aujourd'hui, mais il fallait alors un effort
de génie pour la faire. Les effets en furent immenses : l'instrument
de l'enseignement étant trouvé, des écoles de chant
ecclésiastique s'instituèrent partout et l'instruction se
répandit. Malheureusement, on interpréta mal quelques-unes
de ses paroles et l'on créa bientôt un système de solmisation
absolument faux et hérissé de difficultés qu'on lui
attribua comme une invention admirable et qui, pendant plus de six cents
ans, empêcha le retour au système naturel; l'usage des muances
ne fut abandonné qu'au XVIIe siècle,
époque où la septième note de la gamme reçut
le nom de si. Les Allemands
ont été les derniers à se servir des lettres de l'alphabet
pour solfier.
Guido a joint au
mérite de son invention celui de l'exposer avec la plus grande lucidité
dans son Micrologue et le prologue de son Antiphonaire. A
côté de la découverte réelle de Guido d'Arezzo,
il est bon de rappeler toutes celles qu'on lui a inexactement attribuées.
On lui devrait la gamme et son nom, les noms
des notes, le système de solmisation par les trois hexacordes
de bémol, bécarre et nature et par les muances,
la méthode de la main musicale, la notation
avec la portée du plain-chant,
le contrepoint, le monocorde,
le clavecin, le clavicorde
et quelques autres instruments. Ces assertions ont été réfutées
d'une manière décisive, après une étude approfondie,
par Fétis dans sa Bibliographie générale
de la musique et par Forkel dans son Allgemeine Geschichte der Musik.
(Ph. Bertthelot). |
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