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Greuze

Jean-Baptiste Greuze est un peintre francais, né à Tournus le 21 août 1725, mort à Paris le 21 mars 1805. Dans l'art du XVIIIe siècle, Greuze tient une place spéciale par un tempérament et un oeuvre d'une grande originalité. Il est le peintre de la Grâce intime et de la Morale. L'auteur de la Cruche cassée et de l'Accordée de village était le fils d'un maître couvreur qui, ayant découvert chez son enfant des dispositions pour les beaux-arts, l'envoya étudier à Lyon chez un peintre du nom de Grandon, le père de la femme de Grétry. Son maître lui apprit à peindre un tableau par jour, en copiant ou travestissant des tableaux anciens et des gravures. Le jeune artiste acquit à ce métier une souplesse de main peu commune et l'habitude d'un travail acharné. Ambitieux de faire mieux, Greuze partit un beau jour pour Paris, emportant ses études et une composition achevée, le Père de famille expliquant la Bible. La fortune ne lui est pas tout d'abord favorable, et il ne trouve pas d'acquéreur pour son premier tableau. Résolu à se perfectionner, il suit les cours de l'Académie de peinture, dans l'atelier de Natoire, et, quand il se sent bien armé pour la vie, il se présente spontanément chez Pigalle et chez Silvestre pour leur montrer ses essais et leur demander leur protection. Un portrait qu'il obtient de faire du vieux dessinateur, sous les yeux de ses confrères, et un tableau, l'Aveugle trompé, le font agréer à l'Académie le 28 juin 1755, sur la présentation des deux artistes. 

La réputation vient au jeune artiste. Un amateur riche et très connu, La Live de Jully, a vu le Père de famille expliquant la Bible, l'a acheté et en a fait dans son hôtel une exposition qui a été fort courue. Le tableau est montré au Salon de cette même année et y obtient un très grand succès. Une occasion se présente à Greuze de faire, dans des conditions exceptionnelles, le traditionnel voyage en Italie. L'abbé Gougenot, conseiller au grand conseil, chargé d'une mission diplomatique à Naples et à Rome, lui offre de l'emmener avec lui. Le jeune artiste reste dans cette dernière ville un an environ, se préoccupant plus de sujets italiens populaires, de scènes de moeurs, de costumes et de natures mortes, que de copies et d'études des grandes oeuvres des maîtres. Sa jeunesse et sa bonne grâce l'engagent dans un gracieux roman d'amour avec une jeune princesse romaine, dont le souvenir lui inspirera plus tard l'Embarras d'une couronne et la Prière à l'amour. Au Salon de 1757, il expose six tableaux faits en Italie, deux portraits et deux têtes, l'une d'un petit garçon et l'autre d'une petite fille, « qui, ouvrant, en souriant, l'aimable galerie de ses portraits d'enfants, commençaient et révélaient la grâce de son oeuvre » (E. et J. de Goncourt). 

Son envoi du Salon de 1759 n'a plus rien qui rappelle l'Italie; on y trouve la Tricoteuse endormie, la Devideuse, la Jeune Fille pleurant la mort de son oiseau, la Simplicité, toutes oeuvres, entre les seize exposées, où s'affirment nettement sa manière et ses idées. En 1764, l'exposition pendant les six derniers jours du Salon de l'Accordée du village est un triomphe pour Greuze. Le Théâtre-Italien représente le tableau sur la scène dans les Noces d'Arlequin, ce qui ne s'était encore jamais vu. A ce Salon, à côté de sept autres tableaux dont quatre portraits, se voit pour la première fois celui de Mme Greuze, la jolie Mlle Babuty, la fille du libraire du quai des Augustins, dont Diderot a si spirituellement décrit les beaux sourires, quand il allait lui acheter les Contes de La Fontaine et la Religieuse en chemise et qui fournira à l'auteur son type féminin préféré, celui de tous ses tableaux les plus célèbres, type de la beauté blonde, opulente, à la carnation claire, à la chevelure touffue et ébouriffée, au visage un peu moutonnier, mais resplendissant de santé et qui s'incrusta si profondément dans l'oeil et dans le coeur de l'artiste, que, même après avoir éprouvé au bout de huit ans de mariage tout ce que l'infidélité conjugale a de plus cruel, il ne pouvait se défendre de la représenter encore de souvenir. 

« Le succès de l'Accordée de village, disent E. et J. de Goncourt, affermissait Greuze dans sa voie, dans sa vocation, la représentation des moeurs bourgeoises et populaires à laquelle prenaient goût la curiosité et l'intérêt du grand monde, lassé de galanteries mythologiques, de nudités friponnes et de tableautins galants. Le peintre se mettait en quête de matériaux, d'idées, de modèles, d'inspirations dans le Paris où Mercier glanait ses observations, cherchant, comme ce peintre à la plume, ses notes et ses croquis dans la rue et dans les faubourgs, dans les marchés, sur les quais, en plein peuple, en pleine foule. » 
Aux Salons de 1763 et de 1765, la production de Greuze se montre d'une fécondité peu commune; on n'y compte pas moins dans le premier de six portraits et de cinq tableaux ; dans le second, de sept portraits et de neuf tableaux. L'Académie, qui ne pouvait obtenir de l'artiste, en dépit de toutes ses insistances et ses réclamations depuis dix ans, la présentation du tableau de réception comme académicien, décida en 1767 de lui interdire l'entrée du Salon. Le 29 juillet 1769, Greuze se soumettait aux règlements et présentait à l'Académie un tableau au sujet suivant :
« Septime Sévère reproche à son fils Caracalla d'avoir attenté à sa vie dans les défilés d'Ecosse et lui dit : « Si tu désires « ma mort, ordonne à Papinien de me la donner. »
Le peintre fut reçu académicien, mais Lemoine, le directeur, eut soin d'ajouter à sa déclaration d'admission dans l'illustre compagnie, que l'Académie ne le recevait que comme peintre de genre, eu égard à ses anciennes productions excellentes, et en fermant les yeux sur celle-ci, qui n'était digne ni d'elle ni de lui. Cette critique violente et la classification de l'Académie qui lui enlevait les fonctions et les honneurs réservés au titre de peintre d'histoire, blessèrent profondément le récipiendaire, qui prit la résolution de ne plus exposer désormais aux Salons de l'Académie. Cette année-là, l'interdit ayant été levé en raison de sa promesse de se faire recevoir académicien, il avait envoyé la Mère bienaimée, la Jeune Fille au pied de l'autel de l'amour, deux autres compositions, trois portraits, six dessins et, conformément aux règlements, son tableau de réception. Après un long voyage en Anjou, où il peignit plusieurs com, positions pour des amis, Greuze, auquel la sévérité de l'Académie n'avait pas fait tort ni dans le public, ni auprès des amateurs, s'adonne avec acharnement au travail et produit avec une fécondité exceptionnelle. Il expose chez lui, dans son atelier, que visitent la cour et la ville, entre autres nombreux tableaux, l'Eloge de l'impertinence, Adèle et Théodore, le portrait de Franklin, la Dame de charité, la Malédiction paternelle, la Cruche cassée, Danaé, la Veuve et son curé, la Belle-Mère, et devient, de 1779 à 1785, un des membres assidus du Salon de la Correspondance, où se font des expositions artistiques périodiques. Les graveurs Flipart (son meilleur interprète), Ingouf, Gaillard, Levasseur, Massard, Moitte, Beauvarlet, Saint-Aubin, etc., popularisent ses tableaux. La Révolution ruina Greuze, pendant que la nouvelle école fondée par David faisait autour de lui l'oubli le plus profond et la misère la plus douloureuse. Les Salons de l'an VIII, de l'an IX et de l'an XII, auxquels il envoie encore vingt-six tableaux, ne lui apportent, par le silence profond qui les accueille, que la constatation définitive que tout est fini pour lui. Le grand artiste meurt et son convoi de pauvre n'est suivi que par deux amis dévoués.

L'oeuvre de Greuze est fort considérable. Dans son Catalogue raisonné des ouvrages des peintres les plus éminenis, John Smith donne la description de 184 compositions. Aux Salons seuls, de 1755 à 1808, les catalogues officiels ne mentionnentpas moins de 119 oeuvres diverses, tableaux, pastels et dessins. Dans le catalogue de l'oeuvre gravé de Greuze, avec adjonctions des principales pièces non gravées, dressé par E. et J. de Goncourt, nous trouvons : 32 portraits, 2 compositions religieuses, 2 compositions historiques, 2 allégories, 34 scènes familières et plus de 100 bustes et têtes de jeunes filles et d'enfants; les 24 dessins des Divers Habillements suivant le costume d'Italie et les 12 compositions qui figurent dans les deux volumes de Têtes de différents caractères. (GE).

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Dictionnaire biographique
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