| Domenico Theotocopulos, surnommé Le Greco est un peintre d'origine crétoise, né vers 1545, mort à Tolède en 1625. Il avait appris à Venise l'exercice des trois nobles arts et, sans qu'on puisse affirmer auprès de quel maître il étudia plus particulièrement, on relève dans ses peintures, surtout dans les plus anciennes, l'influence évidente des ouvrages de Titien, de Palma et surtout de Tintoret. Quelques-unes de ces peintures, si vénitiennes d'inspiration comme d'exécution, sont conservées à Parme, Naples, Dresde et en Angleterre; dans l'une d'elles, les Vendeurs chassés du Temple, l'artiste s'est représenté au milieu d'un groupe de spectateurs formé par Michel-Ange, Titien et Giulio Clovio, son ami. Attiré sans doute en Espagne par le désir d'être employé dans les grands travaux de décoration que Philippe Il commençait de faire exécuter à l'Escurial, Theotocopulos, ou plus simplement le Greco, surnom que lui conservèrent les Espagnols, vint s'établir à Tolède vers 1575. - Portrait d'un vieil homme (autoportrait?), par Le Greco. Il y débuta par l'exécution d'un tableau de retable pour l'église de Santo Domingo et Viejo, puis, en 1577, il recevait du chapitre de la cathédrale la commande de son beau tableau, le Partage de la Tunique, placé aujourd'hui dans la sacristie et dont il sculpta lui-même la bordure. Terminée en 1579, cette peinture, composée avec une liberté et un réalisme que ne pratiquaient pas les peintres espagnols d'alors, vaut d'assez longs démêlés à l'artiste avec le chapitre, mais fut très goûtée des amateurs qui se plaisaient à la rapprocher des ouvrages de Titien. Deux ans plus tard, Philippe II commandait au Greco une toile importante pour l'Escurial : le Martyre de saint Maurice et de ses compagnons. Mais, une fois achevée, elle ne plut pas au roi qui préféra lui substituer une autre peinture due au pinceau de Romulo Cincinnato. L'oeuvre beaucoup plus intéressante et originale du Greco demeura cependant à l'Escurial. En 1584, l'artiste reçut de l'archevêque de Tolède la commande de celui de ses ouvrages qui caractérise le mieux son talent qu'on regarde comme son chef-d'oeuvre : l'Enterrement du comte d'Orgaz, placé dans l'église de Santo Tome, à Tolède. Une évolution singulière se produit dès lors dans la manière de l'artiste. Son dessin devient plus aigu, plus tourmenté; les corps de ses personnages s'amincissent et s'allongent, ses figures s'émacient; son coloris devient sobre et austère jusqu'à la monochromie. Le Greco, disent quelques biographes espagnols, voulait par là éviter les rapprochements que l'on faisait de ces ouvrages avec ceux de Titien; d'autres attribuent la cause de cette évolution à la folie ou même à un astigmatisme supposé. Il n'en est rien : Greco est un novateur, un chercheur passionné et subtil que sa chimère égare parfois jusqu'à la bizarrerie, mais qui ne cesse jamais d'être un grand artiste même au travers de ses plus audacieuses étrangetés. Presque tous ses portraits, dont on peut voir de si beaux exemplaires au musée du Prado et à Tolède, sont des oeuvres magistrales et qu'anime une vie intense et mystérieuse. Leur étonnante exécution eut très probablement une part d'influence sur la technique de Velazquez. Comme architecte et comme sculpteur, Greco est l'auteur des dessins sur lesquels furent élevés l'Ayuntamiento de Tolède et les églises de la Caridad et des Franciscains à Illiescas. Dans cette dernière se trouvent les tombeaux des fondateurs dont les représentations sculpturales sont l'oeuvre du Greco. Deux retables ornés de sculptures et de peintures dans la chapelle de l'hôpital Saint-Jean-Baptiste hors les Murs de Tolède comptent parmi ses meilleurs ouvrages. Le musée du Prado conserve de lui un Christ mort soutenu par son père, dont une répétition se voit dans la sacristie de la cathédrale de Séville. Theotocopulos forma de nombreux élèves, dont les plus connus sont Manuel, son fils, qui cultiva la peinture et surtout l'architecture; Tristan, dont les oeuvres sont remarquablement robustes; Orrente, auteur de tableaux dans la manière du Bassan; le frère Mayno, dominicain, qui fut le professeur de dessin de l'infant, plus tard Philippe IV, et Diego de Aster, peintre et graveur, qui a fort bien reproduit plusieurs peintures du Greco. (Paul Lefort). | |