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La Première Guerre mondiale Déclenchement de la Guerre, campagne de 1914 |
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Le déclenchement de la guerreLa veille du conflit.En France, les craintes de guerre qui, depuis plusieurs années, hantaient les esprits, s'étaient dissipées dans les premiers mois de 1914. Les élections, au printemps, donnèrent une majorité aux adversaires de la loi de trois ans. Le chef des socialistes, Jean Jaurès, s'était persuadé que la Sozial-Demokratie opposerait à toute velléité belliqueuse la grève générale. A la veille même de la catastrophe, il fraternisa encore avec les socialistes allemands dans un congrès à Berne. De nouveau l'opinion ne fut occupée que de querelles intérieures. Les radicaux avaient repris le pouvoir à la fin de 1913. Démissionnaire après les élections, le ministère de Doumergue fut remplacé par un ministère de Ribot que la Chambre renversa du premier jour où il se présenta devant elle. Le gouvernement de Viviani obtint, à grand-peine, que la loi de trois ans ne fût pas tout de suite abrogée. La grande affaire, c'était le procès de la femme du ministre Caillaux; elle avait tué à coups de revolver un journaliste qui poursuivait son mari de violentes attaques. Caillaux avait dû remettre son portefeuille, mais il gardait la direction de son parti. Bien qu'il fût informé des armements allemands et de la conversation de l'empereur allemand avec le roi des Belges, le gouvernement ne prévoyait pas une guerre prochaine. La même confiance dans la paix continentale régnait en Angleterre; l'opinion n'était occupée que des projets financiers du ministre Lloyd George et des agitations de l'Irlande, à la veille, semblait-il, de la guerre civile. Rien ne pouvait mieux servir les desseins allemands que ces troubIes intérieurs, symptômes, pour un observateur superficiel, d'une profonde corruption. Les affaires étaient partout très actives et la vie de plaisir à ce point bruyante que les philosophes en ressentirent une sorte de crainte superstitieuse. L'entrevue de
Konopischt.
L'attentat de
Sarajevo.
Cependant l'événement, si grave qu'il fût, au seuil même de la poudrière des Balkans, ne donna l'alerte que l'espace d'un jour. On se rassura d'autant plus que le gouvernement serbe exprima sans retard son horreur du crime et que l'empereur allemand, en juillet, partit comme à son ordinaire, pour sa croisière de Norvège. Poincaré, le président français, accompagné du président du Conseil, s'embarqua de son côté pour rendre visite à l'empereur de Russie et aux rois de Danemark, de Suède et de Norvège. Diplomates et ministres allèrent, de toutes parts, en vacances. Conseil de Potsdam.
L'empereur déclara qu' « il fallait agir sans délai contre la Serbie », - si innocente qu'elle fût, pensait-on encore, du crime, - que « certainement la Russie se montrerait hostile », mais que l'Autriche pouvait entièrement compter sur l'Allemagne. En même temps, il donna « ses ordres pour les mesures préparatoires de guerre ». La mèche allumée, l'empereur partit pour son alibi de la mer du Nord, d'où il pressa sans cesse le mouvement. Il proposa d'ajouter aux conditions à exiger de la Serbie l'évacuation du Sandjak, « parce que cela ferait un beau vacarme » [Annotation de sa main], et se plaignit que l'Autriche attendît, pour donner le signal, que Poincaré eût quitté la Russie. Ultimatum à la
Serbie.
Les conditions en avaient été délibérées de façon à les rendre, pensait-on, inacceptables, tant elles étaient humiliantes pour un Etat libre et un peuple fier : désaveu des propagandes et dissolution des ligues slaves, ordre du jour à l'armée où le roi lui-même condamnera la propagande, révocation des officiers et des fonctionnaires suspects, poursuite contre toute personne ayant aidé au complot du 28 juin, participation d'agents autrichiens aux poursuites. Cependant la Serbie s'inclina, tant étaient pressants les conseils de résignation qui lui vinrent des gouvernements de Paris, de Londres et de Pétersbourg. Elle ne fit de réserves que sur la collaboration du gouvernement austro-hongrois à l'action judiciaire ouverte sur son propre territoire; encore se borna-t-elle à demander que la question fût soumise, à l'arbitrage. L'Autriche s'attendait à un refus, le désirait. Elle ne s'arrêta pas à l'humble réponse. Moins d'une heure après l'avoir reçue, son ministre quitta Belgrade et, le soir même, à Vienne, la mobilisation fut décrétée (25 juillet). Aussitôt l'empereur allemand revint à Potsdam (26 juillet). Négociations.
D'une part, la Russie affirmait ne pouvoir laisser écraser injustement un petit peuple slave; l'Allemagne, d'autre part, déclarait que, si le conflit n'était pas localisé, elle interviendrait, d'où, pour la France, liée par l'alliance, l'obligation de se porter au secours de la Russie. Le prince Lichnowski, ambassadeur allemand à Londres, mais qui n'était pas dans le secret du maître, a écrit lui-même que, dans un entretien de quelques heures, les ambassadeurs des grandes puissances eussent certainement réglé le conflit. C'est ce que ne voulait pas l'empereur allemand, dominé par les coteries militaires et féodales. C'est encore un ministre allemand, celui des Affaires étrangères (Jagow), qui écrit que les militaires l'emportèrent à Potsdam. L'empereur écarta toutes les propositions de conférence et de médiation qui lui furent adressées par le ministre anglais Grey, d'accord avec les gouvernements de Paris et de Rome, et avec l'assentiment de la Russie. Le tsar télégraphia directement à l'empereur pour soumettre le différend à la conférence de La Haye, l'empereur ne répondit même pas à la confiante missive. L'Angleterre lui offrit de laisser à l'Allemagne le choix même de la formule de conférence. Il refusa. Le prétexte de la guerre, qui allait coûter la vie à plus de 10 millions d'hommes, était si futile que l'Autriche s'effraya de sa docilité à suivre l'Allemagne; elle consentit (31 juillet) à accepter la médiation « sur le fond même de l'ultimatum à la Serbie ». Les mobilisations.
Comme l'Autriche, en guerre déclarée depuis le 28 juillet avec la Serbie, continuait à armer sur toutes ses frontières, la Russie avait commencé, elle aussi, à mobiliser, d'abord partiellement. L'Autriche et la Russie ordonnèrent ensuite, dans la même matinée, la mobilisation générale, mais sans que, pour l'une ni pour l'autre, la mobilisation « signifiât inévitablement la guerre », comme c'était la nouvelle thèse allemande. Cyniquement, l'Allemagne se fit plus autrichienne que l'Autriche. Dans cette journée du 31 juillet où l'Autriche accepta le principe de la médiation et n'objecta pas à la mobilisation russe, l'empereur Guillaume proclama à Berlin « le danger de guerre » (qui était la mobilisation allemande); somma le tsar d'arrêter ses préparatifs dans les douze heures, et invita la France à dire, dans les dix-huit heures, si elle resterait neutre pendant une guerre russo-allemande. Pour le cas où le gouvernement de la République
consentirait à une pareille trahison de son alliance, il serait invité
à remettre pour la durée de la guerre, comme garanties, Toul
et Verdun aux Allemands.
Affiche de mobilisation générale allemande, en août 1914. Déclarations
de guerre.
La Russie n'ayant fait aucune réponse à l'insolente mise en demeure, l'ambassadeur allemand demanda ses passeports (1er août). Le gouvernement français se borna à répondre que, si la guerre éclatait entre la Russie et l'Allemagne, « il s'inspirerait de ses intérêts». Comme l'empereur allemand ne pouvait plus avoir de doute sur la loyauté de la France envers son alliée et comme les militaires le pressaient, ce fut lui qui déclara la guerre, et sous le prétexte le plus impudent. Le gouvernement français essayant de ne
pas compromettre la paix avait fait ramener les postes avancés de la couverture
de la France à 10 kilomètres en arrière de la frontière. Le kaiser
inventa (3 août) que des avions, avant toute déclaration de guerre, avaient
jeté des bombes près de Wesel et sur Nuremberg,
mensonge dont l'aveu a été fait plus tard par les Allemands.
L'appel du président du Conseil Viviani "Aux Femmes françaises". Violation de la
neutralité de la Belgique.
L'Angleterre, voyant venir la guerre malgré tous ses efforts pour sauver la paix, avait, comme en 1870, demandé aux gouvernements de Paris et de Berlin leur engagement de respecter, selon la foi des traités, la neutralité de la Belgique. Le gouvernement français répondit aussitôt par l'affirmative; le gouvernement allemand refusa de répondre. Dès le 2 août, ses avant-gardes envahirent le grand-duché de Luxembourg, neutralisé en 1867, et s'emparèrent par surprise de la capitale. Le même jour, le gouvernement belge fut sommé d'ouvrir lui-même son territoire aux armées allemandes, faute de quoi ce serait la guerre. Il n'y eut qu'un sursaut d'honneur chez l'héroïque Belgique, ses représentants et son roi; ils ne trahiront pas leurs devoirs envers l'Europe. Déjà les Allemands passaient le pont de Visé et poussaient sur Liège. L'ultimatum anglais.
Comme tout le plan, depuis longtemps étudié, des généraux allemands reposait sur l'invasion de la Belgique, ouvrant par la vallée de l'Oise la route directe de Paris, autant renoncer à la victoire; mais c'était y renoncer aussi que d'appeler dans la guerre l'Angleterre qui fermera les mers et tarira les sources mêmes de la vie allemande par un blocus implacable. L'empereur sentit passer le vent de la défaite, entra en fureur, renvoya ses décorations et tous ses titres anglais; le chancelier étala son étonnement : « Quoi! rien que pour un mot : neutralité! Rien que pour un chiffon de papier! » (4 août).L'Italie, alliée des Empires centraux, mais dans l'éventualité d'une guerre défensive, se hâta de publier qu'elle restait neutre. Le Japon, allié de l'Angleterre, la suivit contre l'Allemagne. L'opinion allemande.
Au début, elle s'irrita plus qu'elle ne s'inquiéta de l'intervention anglaise, y répliqua par un refrain : le Chant de la Haine. Le Reichstag, avec tous les socialistes, à l'unanimité, vota les crédits. Le chancelier convint que l'entrée de l'armée en Belgique, « c'était contre le droit des nations » ; mais « nécessité ne connaît pas de Ioi ». L'Union sacrée.
La guerre de revanche, la guerre pour reprendre l'Alsace-Lorraine, des soldats et des poètes et des démagogues l'avaient évoquée, et même réclamée; elle n'avait été à aucun moment dans la pensée de la masse de la nation. Bien que définitivement relevé de la défaite, le pays, dans sa volonté de la paix, avait refoulé le désir des réparations. on s'était résigné. La plaie était restée saignante au flanc; la France avait mal à l'Alsace-Lorraine, avait-on coutume de dire; il n'y avait pas de statue plus sacrée que celle de Strasbourg sur la place de la Concorde, avec ses drapeaux et ses couronnes en deuil; mais qui ne savait l'effroyable enjeu d'une nouvelle guerre allemande : pas moins que l'existence même de la France? Quarante-trois ans durant, le Traité de Francfort fut scrupuleusement respecté par tous les gouvernements. Maintenant, victoire sur l'agresseur et retour de l'Alsace-Lorraine devenaient synonymes. Provoquée sans l'ombre d'un prétexte, brutalement assaillie, la France devra lutter jusqu'à la libération de Strasbourg et de Metz. Du soir au matin, dans cette ardente démocratie, divisée par les partis, l' « Union sacrée » se fit. L'assassinat de Jaurès par un royaliste fanatique, à la veille de la mobilisation, fit craindre des troubles; au contraire, les partis se rapprochèrent autour du cercueil du grand orateur, les socialistes entrèrent dans le pacte d'alliance. A la Chambre et au Sénat, une seule acclamation accueillit le message de Poincaré et le discours de Viviani sur le rôle de la France dans la semaine tragique (4 août). Point de manifestations dans les rues.
L'Allemagne, disait-on, en reprenant l'entreprise pour la domination universelle,
rouvrait l'ère des guerres révolutionnaires pour l'indépendance et la
liberté des peuples.
La campagne de 1914Le plan allemand.L'Allemagne, préoccupée, depuis l'alliance franco-russe, d'une double guerre à soutenir à l'Ouest et à l'Est, avait décidé de se porter avec le gros de ses armées contre la France, le principal ennemi et le premier prêt à l'action. Elle arrêtera en Prusse orientale les Russes que l'Autriche attaquera sur leur frontière galicienne. Le plan de la campagne de France, dessiné
par le général de Schlieffen, dont avait hérité le neveu du maréchal
de Moltke, se justifiait (techniquement) par le système de fortification
de la France : sa frontière de l'Est protégée par une véritable ceinture
de fer, oeuvre puissante de Séré de Rivière; ses frontières du Nord
et du Nord-Est entrouvertes. C'était une vaste bataille d'enveloppement,
sur le classique modèle de la manoeuvre célèbre d'Hannibal
à Cannes.
A travers la Belgique, la droite de l'armée entre en France par la trouée de l'Oise, défaut de la cuirasse française, et suit le long de la rivière la voie des plus anciennes invasions; le centre s'engage par la vallée de la Meuse; la gauche, entre Nancy et Epinal, pousse, par la trouée de Charmes, vers le plateau de Langres. Ainsi l'armée française se trouvera prise, dans un véritable filet, entre Marne et Seine. Pendant que ses débris s'enfuiront vers la Suisse, Paris tombera comme un fruit mûr. Pour l'exécution de ce plan, l'Allemagne disposait d'une armée en première ligne de 2.500.000 hommes, avec une supériorité marquée en artillerie, surtout en canons lourds, en mitrailleuses et en avions. Elle avait le nombre et la force : l'offensive. Toutefois, de l'aveu des Allemands, du ministre Jagow lui-même parlant à l'ambassadeur anglais Goschen, le succès du plan était subordonné à une condition souveraine : « Agir avec rapidité, c'est le maître atout de l'Allemagne, c'est question de vie ou de mort.-»La résistance de la Belgique et la bataille de la Marne firent perdre à l'Allemagne son «-maître atout ». Entrée en Belgique le 4 août, l'Allemagne perdra, d'une certaine manière, la guerre le 10 septembre, sur la Marne. L'attaque par
la Belgique.
Les armées allemandes de von Klück et de von Hausen mirent seize jours à franchir cette distance. La défense héroïque de Liège, la retraite en combattant du roi Albert vers le camp retranché d'Anvers, le harcèlement des gardes civiques, coûtèrent dix jours (4 août-24 août) aux Allemands. Ils avaient compté traverser la Belgique « aussi aisément, disait le kaiser, que je remue la main ». Ils se vengèrent de la déception par d'affreux massacres de civils, des incendies où périrent des chefs-d'oeuvre de l'art et d'irremplaçables trésors (Louvain, Dinant). Le plan français.
La mobilisation et la concentration s'opérèrent avec une grande exactitude, comme un mouvement d'horlogerie. Le plan de l'Etat-Major était de prendre l'offensive sur toute la frontière franco-allemande, Alsace et Lorraine mosellane. Le commandement avait prévu la violation de la neutralité belge par les Allemands; l'hypothèse qu'il avait admise, c'était l'attaque par la rive droite de la Meuse. La parade préparée (jonction des 4e et 5e armées à la trouée de la Meuse) devenait insuffisante devant le mouvement divergent de grande envergure des Allemands poussant en masse, par les deux rives du fleuve. Joffre donna l'ordre aux 3e et 4e armées de prendre l'offensive contre le centre de l'armée ennemie en marche par le Luxembourg belge, et à la 5e de monter le long de la frontière vers la Sambre, où elle serait au contact des Anglais qui débarquaient sous le maréchal French. L'échec de l'offensive.
L'offensive napoléonienne était depuis nombre d'années la doctrine de l'Ecole de guerre et des états-majors. Dans l'enthousiasme des premier jours,
on évoqua la possibilité de voler au secours des Belges. C'eût été
courir au désastre. Par malheur, les moyens étaient insuffisants, la
tactique très arriérée; nombre de chefs d'unité n'étaient pas à la
hauteur de leur tâche; enfin l'Ardenne belge, avec ses inextricables fourrés,
et la région des étangs lorrains étaient des terrains défavorables
pour l'attaque.
La bataille des
frontières.
Repoussés à Sarrebourg
et à Morhange, Dubail et Castelnau se replièrent en ordre sur la Meurthe
et sur le Grand-Couronné de Nancy, tinrent héroïquement contre tous
les assauts, fermèrent la trouée de Charmes. Au centre, après leurs
succès de Virton et de Neufchâteau, les Allemands étaient arrêtés
aux débouchés des Ardennes quand la victoire de leur aile marchante sur
la Sambre ouvrit les portes de l'invasion (23
La retraite.
Il était dur de livrer presque sans combat
de vastes régions à une invasion sauvage - car les Allemands menaient
la guerre comme les Huns, pillant, brûlant,
massacrant - et d'exposer à une ruée furieuse Paris,
d'où le gouvernement, sur les instances du général en chef, allait partir
pour Bordeaux. Mais rien ne devait compter,
sauf la reconstitution de l'armée par le regroupement des forces, par
le renouvellement de la tactique, par l'élimination des chefs incapables,
en vue d'un puissant retour offensif. Joffre, avec le sang-froid dont il
ne se départait jamais, en prit toute la responsabilité.
(ministère des affaires étrangères) et, au-dessous, le ministère de la marine. La « splendide retraite », comme l'appela le maréchal French, se poursuivit jusqu'au 5 septembre. Jamais encore on n'avait vu reculer pareille masse d'hommes avec plus de méthode. De temps à autre, Langle de Cary et Sarrail, entre Meuse et Aisne, Lanrezac entre Aisne et Oise (à Guise), envoyaient aux Allemands de vigoureux coups de boutoir. C'était déjà Joffre qui manoeuvrait l'ennemi. Le pays fut saisi par la brusque révélation de la défaite, mais il garda son calme et sa confiance. Viviani renouvela son ministère avec des parlementaires éprouvés (Ribot, Briand, Millerand, Delcassé) et deux socialistes (Guesde, Sembat). Les trois gouvernements alliés (Angleterre, France, Russie) convinrent « de ne pas conclure de paix séparée » (Londres, 6 septembre). La marche de von
Klück.
La menace sur
Paris.
C'était, dans le monde entier, l'opinion
générale que Paris était l'objectif des Allemands. Paris, qui n'avait
pas le choix, les attendait d'un coeur ferme, et ne pouvait plus que s'en
remettre à son gouverneur militaire, Galliéni.
Il avait juré « de défendre Paris jusqu'au bout ».
La manoeuvre allemande.
« Que chacun tende ses énergies pour la victoire finale! »Déjà Gallieni brûlait de lancer sur le flanc de Klück : la 6e armée, qui était placée sous ses ordres directs. Il avisa Maunoury de son intention « d'entamer (le 5) un mouvement général dans l'est du camp retranché ». Ainsi Joffre touchait à la bataille qu'il avait vue dès le 25 août, mais sans en fixer encore le lieu; Oise, ou Marne ou Seine. Le 4, la conversion de l'aile droite allemande ne fut plus une hypothèse. Devant la certitude, Joffre décida d'engager la bataille sur la Marne, et il y décida French. Le 5, il lança le fameux ordre du jour où il commanda demi-tour à l'armée : « Une troupe qui ne peut plus avancer devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se faire tuer sur place plutôt que de reculer. »La bataille de la Marne. La première bataille de la Marne se livra, du 6 au 10 septembre, au coeur de l'lle-de-France, sur des fronts de près de 300 kilomètres, entre deux piliers : Paris et Verdun. Cinq armées allemandes furent engagées contre autant d'armées françaises et l'armée anglaise; de part et d'autre, près d'un million d'hommes. Les ailes à l'Ouest combattirent pour
se tourner, les ailes à l'Est pour se contenir, les centres pour s'enfoncer.
Le redressement de ces soldats qui, depuis douze jours, battaient en retraite,
stupéfia les Allemands; ils leur parurent « surhumains
» [Carnet d'un officier allemand]. Si l'énorme bataille avait été
perdue par les Français, la défaite eût été imputée à Joffre. La
Marne, c'est Joffre.
Carte de la bataille de la Marne. La cause première de la victoire des Alliés fut la création de la 6e armée sur le flanc droit des armées allemandes. Klück avait déjà passé la Marne, s'aventurant beaucoup à la recherche des Anglais, quand l'un de ses corps de réserve se heurta aux avant-gardes de Maunoury, à la veille de la bataille générale (5 septembre). Il repassa aussitôt la Marne pour engager la bataille de l'Ourcq. Maunoury résista avec une énergie farouche contre des forces triples ; Gallieni, à son secours, vida Paris. La 5e armée (Franchet d'Esperey) et les Anglais profitèrent de l'effet de ventouse qu'avait produit l'attaque de Maunoury pour pousser entre la 1re et la 2e armée allemande; la trouée s'élargit bientôt à plus de 30 kilomètres. La victoire se dessina aux lieux mêmes où Napoléon avait gagné les fameux combats de 1814, Montmirail, Champaubert, Vauchamps. Pour que l'avantage revînt aux Allemands il eût fallu que Foch, au centre, devant les marais de Saint-Gond, Langle de Cary et Sarrail à sa droite, cédassent aux assauts répétés de la garde, du duc de Wurtemberg et du kronprinz. ils tinrent comme le roc. Le plus violent effort des Allemands fut
pour enfoncer Foch. Il les tourna par leur droite, rejeta la garde aux
marais, Moltke, dès le 8 septembre, vit la bataille perdue. Le 9, comme
Bülow n'était plus lié à von Klück que par un seul corps de cavalerie,
il ordonna, dans la nuit, la retraite générale.
Uhlans allemands surpris par des dragons français, par G. Charpentier Bosio. L'ordre du jour de Joffre retentit comme un cri de délivrance et de triomphe : « La bataille qui se livre depuis cinq jours s'achève en une victoire incontestable. Officiers, sous-officiers, et soldats, vous avez répondu à mon appel ; tous, vous avez bien mérité de la patrie. »Paris était sauvé. Depuis cent ans, l'armée allemande avait été toujours victorieuse. Pour la première fois, depuis quarante-quatre ans, une partie de l'Europe crut pouvoir respirer. Selon le mot de Ferrero, un historien italien, elle « cessa d'avoir peur de l'Allemagne ». Pour quelque temps, du moins. -
à droite des soldats se recueillant sur des tombes dans la plaine de Varreddes, après la bataille d'artillerie du Multien, pour la prise du plateau de Trocy. L'Aisne.
Le général d'Esperey rentra à Reims, mais trop tard pour empêcher les Allemands de s'établir aux hauteurs voisines d'où ils incendièrent la cathédrale et commencèrent la destruction méthodique de la vieille cité. Sans la fatigue des troupes et l'épuisement des munitions, les conséquences immédiates de la Marne eussent été de beaucoup plus considérables. Les Allemands portèrent aussitôt leur
activité à l'Ouest où ils avaient laissé passer, après la bataille
des frontières, l'occasion favorable de s'emparer des villes du littoral.
La course à la
mer.
Après six semaines de très durs combats,
Joffre établit sa barrière occidentale, de Compiègne
à Nieuport. Sa maîtrise dans l'art d'utiliser les transports (chemins
de fer, automobiles) lui permit de transporter de l'Est à l'Ouest la plus
grande partie de l'armée de Lorraine et de porter les Anglais de l'Aisne
aux Flandres.
Chute d'Anvers.
L'audacieuse opération réussit. Les Belges (6 divisions) s'établirent sur l'Yser, où ils garderont obstinément leur dernier carré de terre libre jusqu'à la victoire finale. Bataille des Flandres.
Il vint assister lui-même à la furieuse mêlée qui dura plus d'un mois (11 octobre - 14 novembre 1914); plus de 150 000 Allemands y tombèrent, sans autre résultat que l'occupation des ruines de Dixmude, après l'épopée des fusiliers marins de l'amiral Ronarc'h. Foch.
La bataille orientale.
Deux cuirassés allemands, le Goeben et le Breslau, échappant aux escadres franco-anglaises de la Méditerranée, avaient franchi les Dardanelles, où il eût fallu les suivre, et étaient entrés à Constantinople. Les Russes, avec une promptitude qui surprit
les Allemands, avaient lancé, dès le mois d'août, deux armées dans
la Prusse orientale. L'impéritie ou la
trahison de Rennenkampf permit au vieil Hindenburg et à son lieutenant
Ludendorff d'envelopper et d'écraser Samsonoff à Tannenberg. (L'histoire
de l'armée russe engloutie dans les marais de Tannenberg a été inventée
de toutes pièces. Il n'y a pas de marais sur ce champ de bataille déjÃ
fameux pour une victoire des Slaves sur les chevaliers
Teutoniques).
L'artillerie russe. Le raid russe n'en avait pas moins rempli son rôle; Moltke avait envoyé au secours de la Prusse orientale trois corps d'armée qui lui firent gravement défaut sur la Marne. A l'automne et jusqu'à l'entrée de l'hiver, la Pologne fut le théâtre de grandes batailles où la fortune alterna. Les Autrichiens furent constamment battus par les Russes qui s'emparèrent de Lemberg. Leur « expédition de châtiment » en Serbie se termina par un désastre. Le maréchal Putnik et ses « héros », après une éclatante victoire au mont Rudnik, leur firent repasser le Danube. Sur mer, les Anglais anéantirent l'escadre
allemande du Pacifique.
En Chine, les japonais
prirent Tsing-Tao, réduit de la colonie de Kiao-Tchéou. (J.
Reinach).
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