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Eugène Fromentin
est un peintre
et écrivain français né
à La Rochelle le 24 octobre 1820, mort
à La Rochelle le 27 août 1876. Elève de Cabat, il s'en différencie
par une finesse de tons et une élégance de dessin qui lui sont très
particulières. Orientaliste délicat, il n'eut ni les lourdeurs de Decamps,
ni la précision quelquefois dure de Gérôme.
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Eugène
Fromentin (1820-1876).
En 1851, il parcourut le Sahel
et le Sahara
: ses récits se distinguent par une remarquable sincérité; l'observation
est pénétrante, la couleur juste et fine, et bien avant Loti
il sut évoquer le charme des pays exotiques, rayés de pluie ou brûlés
de soleil. Ses tableaux offrent les mêmes qualités que son style sans
outrance aucune ils mettent bien en lumière la nature africaine avec ses
arbres spéciaux, et ses habitants, décoratifs à leur insu.
Citons de Fromentin : les Gorges de
la Chiffa, l'Enterrement maure, la Chasse à la gazelle, les Bateleurs
nègres, la Place de la Brèche à Constantine, l'Audience dans un Khalifat,
les Hauts-Plateaux de Kabylie, la Lisière d'une oasis au moment du sirocco,
Coursiers arabes, la Curée (ou Chasse au faucon), le Coup
de vent dans les plaines de l'alfa, la Tribu nomade, Un Etang dans les
oasis, Arabes attaqués par des lions, Halte de muletiers, le Bivouac au
matin, la Caravane, le Nil, le Ravin d'Algérie, le Grand Canal de Venise,
etc. Le dernier tableau auquel il a travaillé et qui est resté inachevé,
le Campement arabe, fut acquis par l'Etat, après le décès de
l'artiste.
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Un ménage
heureux
« On était aux
premiers jours d'octobre. Les vendanges allaient finir; il ne restait plus
dans la campagne, en partie rendue à son silence, que deux ou trois groupes
de vendangeurs, ce que dans le pays on nomme des brigades, et un grand
mât surmonté d'un pavillon de fête, planté dans la vigne même où
se cueillaient les derniers raisins, annonçait en effet que la brigade
de M. Dominique se préparait joyeusement à manger l'oie, c'est-à -dire
à faire le repas de clôture et d'adieu où, pour célébrer la fin du
travail, il est de tradition de manger, entre autres plats extraordinaires.
une oie rôtie.
Le soir venait. Le
soleil n'avait plus que quelques minutes de trajet pour atteindre le bord
tranchant de l'horizon. Il éclairait longuement, en y traçant des rayures
d'ombre et de lumière, un grand pays plat, tristement coupé de vignobles,
de guérets et de marécages, nullement boisé, à peine onduleux, et s'ouvrant
de distance en distance, par une lointaine échappée de vue, sur la mer.
Un ou deux villages blanchâtres, avec leurs églises à plates-formes
et leurs clochers saxons, étaient posés sur un des renflements de la
plaine, et quelques fermes, petites, isolées, accompagnées de maigres
bouquets d'arbres et d'énormes meules de fourrage, animaient seules ce
monotone et vaste paysage, dont l'indigence pittoresque eût paru complète
sans la beauté singulière qui lui venait du climat, de l'heure et de
la saison. Seulement, à l'opposé de Villeneuve et dans un pli de la plaine,
il y avait quelques arbres un peu plus nombreux qu'ailleurs et formant
comme un très petit parc autour d'une habitation de quelque apparence.
C'était un pavillon de tournure flamande, élevé, étroit, percé de
rares fenêtres, irrégulières et flanqué de tourelles à pignons d'ardoise.
Aux abords étaient agglomérées quelques constructions plus récentes,
maisons de ferme et bâtiments d'exploitation, le tout au surplus très
modeste. Un brouillard bleu qui s'élevait à travers les arbres indiquait
qu'il y avait exceptionnellement dans ce bas-fond du pays quelque chose
au moins comme un cours d'eau; une longue avenue marécageuse, sorte de
prairie mouillée, bordée de saules, menait directement de la maison Ã
la mer.
« Ce que vous voyez-là ,
me dit le docteur en me montrant cet îlot de verdure isolé dans la nudité
des vignobles, c'est le château des Trembles et l'habitation de M. Dominique.
»
Cependant M. Dominique
allait rejoindre ses vendangeurs et s'éloignait paisiblement, son fusil
désarmé, suivi cette fois de ses chiens à bout de forces; mais à peine
avait-il fait quelques pas dans le sentier labouré d'ornières, qui menait
à ses vignes, que nous fûmes témoins d'une rencontre qui me charma.
Deux enfants dont
on entendait les voix riantes, une jeune femme dont on voyait seulement
la robe d'étoffe légère et l'écharpe rouge, venaient au-devant du chasseur.
Les enfants lui faisaient des gestes joyeux et se précipitaient de toute
la vitesse de leurs petites jambes; la mère arrivait plus lentement et
de la main agitait un des bouts de son écharpe pourpre. Nous vîmes M.
Dominique prendre, Ã son tour, chacun de ses enfants dans ses bras. Ce
groupe, animé de couleurs brillantes, demeura un moment arrêté dans
le sentier vert, debout au milieu de la campagne tranquille, illuminé
des feux du soir et comme enveloppé de toute la placidité du jour qui
finissait. Puis la famille au complet reprit le chemin des Trembles, et
le dernier rayon qui venait du couchant accompagna jusque chez lui ce ménage
heureux. »
(E.
Fromentin, Dominique).
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Outre ses remarquables impressions de voyage,
inspirées par le Sahel et le Sahara, Fromentin a écrit un
roman,
Dominique, et des Etudes critiques (1876) sur les anciens
maîtres de Belgique et de Hollande,
Rubens, Paul Potter, Ruysdael,
Cuyp,
Franz Hals, Rembrandt,
Van
Eyck et Memling. Appréciateur judicieux
des époques passées, il garde toujours les mêmes qualités, la mesure,
la justesse, la pénétration et ne sacrifie rien au parti pris des pseudo-novateurs.
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Un
campement dale Sahara (1872), par Eugène Fromentin.
Il est, à côté de Guillaumet, l'un des
rares peintres qui aient su en même temps être de véritables écrivains,
et son oeuvre littéraire comme son oeuvre picturale possède un charme
naturel qui semble défier les caprices de la mode. Il s'est toujours montré
poète inspiré quand son pinceau a représenté devant nous les coursiers
sauvages du désert et les forêts d'Afrique
ou quand sa plume a dépeint sans emphase, et avec une exactitude de coloriste
ému, les nuits de Mustapha, les aspects changeants de la Méditerranée
ou les étourdissantes fantasias des Arabes.
La Revue des Deux mondes a publié
Une
Année dans le Sahel en 1852. Fromentin a aussi fait paraître, sous
le titre Visites artistiques ou Simples Pèlerinages (1852-1856),
le résultat de ses missions archéologiques.
Un Eté dans le Sahara
et Une Année dans le Sahel ont été réunies ensemble et ont paru
en 1879, avec des croquis de l'auteur sous le titre Sahara et Sahel.
(Ch. Grandmougin).
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Le Sahara
« C'est une terre
sans grâce, sans douceurs, mais sévère, ce qui n'est pas un tort, et
dont la première influence est de rendre sérieux; effet que beaucoup
de gens confondent avec l'ennui. Un grand pays de collines expirant dans
un pays plus grand encore et plat, baigné d'une éternelle lumière; assez
vide, assez désolé pour donner l'idée de cette chose surprenante qu'on
appelle le désert; avec un ciel toujours à peu près semblable, du silence,
et, de tous côtés, des horizons tranquilles. Au centre, une sorte de
ville perdue, environnée de solitude; puis un peu de verdure, des îlots
sablonneux, enfin quelques récifs de calcaires blanchâtres ou de schistes
noirs, au bord d'une étendue qui ressemble à la mer; - dans tout cela,
peu de variété, peu d'accidents, peu de nouveautés, sinon le soleil
qui se lève sur le désert et va se coucher derrière les collines, toujours
calme, dévorant, sans rayons, ou bien des bancs de sable qui ont changé
de place et de forme aux derniers vents du sud. De courtes aurores, des
midis plus longs, plus pesants qu'ailleurs, presque pas de crépuscule;
quelquefois, une expansion soudaine de lumière et de chaleur, des vents
brûlants qui donnent momentanément au paysage une physionomie menaçante
et qui peuvent produire alors des sensations accablantes; mais, plus ordinairement,
une immobilité radieuse, la fixité un peu morne du beau temps, enfin
une sorte d'impassibilité qui, du ciel, semble être descendue dans les
choses et, des choses, avoir passé dans les visages.
La première impression
qui résulte de ce tableau ardent et inanimé, composé de soleil, d'étendue
et de solitude, est poignante et ne saurait être comparée à aucune autre.
Peu à peu, cependant, l'oeil s'accoutume à la grandeur des lignes, au
vide de l'espace, au dénuement de la terre, et, si l'on s'étonne encore
de quelque chose, c'est de demeurer sensible à des effets aussi peu changeants
et d'être aussi vivement remué par les spectacles en réalité les plus
simples. »
(E.
Fromentin, extrait de Un été dans le Sahara ).
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