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Jean Honoré Fragonard est un peintre et graveur né à Grasse en 1732, mort à Paris le 22 août 1806. Il vint à Paris à dix-huit ans. Sa famille ayant été ruinée par un procès, il entra chez un notaire pour gagner sa vie bien modestement. Sa vocation se faisait jour déjà, mais sa mère n'en fut pas ennemie; elle le présenta chez Boucher qui, trop absorbé pour prendre des débutants, ne voulut pas se charger du jeune élève. Chardin l'accepta, et peu de temps après, Fragonard se représenta chez Boucher qui, cette fois, étonné de ses progrès, l'admit dans son atelier. Il concourut pour le prix de Rome, qu'il obtint en 1752 avec le sujet : Jéroboam sacrifiant aux idoles. A Rome, Fragonard se lia avec Hubert Robert. Les maîtres de XVIIe siècle, et particulièrement Tiepolo, l'influencèrent beaucoup. Ce fut alors qu'il voyagea en Italie et en Sicile avec son ami Hubert Robert et Saint-Non, amateur de talent, qui grava lui-même une grande partie du Voyage de Naples et de Sicile. Revenu à Paris, Fragonard exécuta et exposa sa Callirhoé au Salon de 1765. Ce tableau le fit entrer à l'Académie. Le sujet représente le grand prêtre Corésus s'immolant pour sauver Callirhoé. Le roi avait commandé cette toile pour être exécutée en tapisserie aux Gobelins. Elle avait été payée 2400 F. Il paraît même que les difficultés suscitées par M. de Marigny, surintendant des beaux-arts, pour le paiement de cette oeuvre, dégoûtèrent tout à fait Fragonard des travaux officiels. J.-H. Fragonard, Les hasards heureux de l'escarpolette (la Balançoire) (1767). Les amateurs se disputèrent alors ses compositions originales et élégantes. Il entreprit avec un financier de ses amis, fermier général, un second voyage en Italie où il exécuta beaucoup de dessins; son compagnon se les appropria et aima mieux payer 30.000 F que de les lui restituer. En 1765, Fragonard exposa un Paysage et l'Absence des père et mère mise à profit, sujet déjà égrillard où un jeune garçon donne un baiser à une jeune fille. Boucher étant mort, le succès de Fragonard ne fit que grandir; il fut chargé par Mme Dubarry de peindre divers sujets dans un des salons de Louveciennes; il exécuta quatre panneaux représentant les Amours des bergers. En 1773, la ballerine Sophie Guimard lui demanda de décorer une pièce de son hôtel. Il commença un plafond; la Guimard, peu experte sans doute en matière d'art et se défiant de son propre jugement, soumit son oeuvre à un jury d'amateurs. Fragonard, qui par ailleurs avait fait d'elle un beau portrait (ci-dessous), s'en vengea simplement en faisant la caricature de la dame dans le tableau. Elle se fâcha et ce fut David qui termina le travail décoratif du boudoir de la Guimard. - |
Fragonard était logé au Louvre, où il avait arrangé son atelier à sa guise; il travaillait sans relâche et vendait fort cher. Contrairement à beaucoup d'artistes du siècle suivant, il ne voulut pas spécialiser son talent et se montra supérieur dans tous les genres. Le public connaît surtout de lui le Verrou, le Baiser à la dérobée, la Gimblette, le Pot au lait, et beaucoup d'autres sujets provocants, tels que ses illustrations des Contes de La Fontaine. Mais Fragonard fit aussi des paysages d'après nature; réaliste à sa manière, il sut également s'intéresser à la vie des humbles et l'Heureuse Mère, le Berceau, l'Heureuse Fécondité se distinguent par une sentimentalité de bon ton qui fait un peu songer à Greuze. Son imagination l'entraîna même vers des sujets religieux, comme l'Adoration des mages, et il traita les différents genres avec la même aisance, qu'il s'agit de l'histoire sainte, des grands spectacles de la nature comme l'Eruption du Vésuve, ou de scènes amusantes comme les Chiens savants. Pastel, aquarelle, gouache, encre de Chine, gravure et miniature, tout lui fut familier; mais ce grand artiste, qui vendit tant d'oeuvres en France, en Russie et en Angleterre, ne sut pas assurer son avenir. La Révolution le ruina; aussi bien le triomphe de l'école classique de David lui avait porté un coup funeste dès 1780, et la solennité pompeuse des Romains et des Grecs faisait oublier les mièvreries amoureuses de ses personnages. Oublié après sa mort, il fut remis en lumière par Walferdin au milieu du XIXe siècle. J.- H. Fragonard, La Liseuse (ca. 1771). Jean-Honoré Fragonard a signé ses oeuvres tantôt de son nom, tantôt de l'abréviation : Frago. Citons, parmi les artistes qui ont gravé son oeuvre : Danzel, Flipart, Saint-Non, Beauvarlet, Halbon, de Launay, Macret, Mathieu, Miger, Vidal, Ponce, etc. Si dans ses grands sujets classiques il manque un peu d'originalité, si dans ses paysages il n'a qu'une nature trop souvent élégante et décorative (comme du reste tous les artistes de son siècle), Fragonard est demeuré inimitable dans les sujets de genre, où il a mis tout l'esprit et toute la grâce des talents purement français et où se remarquent particulièrement la finesse de ses tons et l'élégance personnelle de son dessin. (Ch. Grandmougin).
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Alexandre-Evariste Fragonard est un peintre et sculpteur, fils du précédent, né à Grasse en 1780, mort à Paris le 10 novembre 1850. Il n'hérita guère de son père que le sentiment classique des compositions historiques. Citons parmi ses tableaux : François ler armé chevalier par Bayard (plafond du Louvre); Henri IV et Sully chez Gabrielle d'Estrées; les Bourgeois de Calais; Marie-Thérèse montrant son fils aux Hongrois; la Bataille de Marignan; les Funérailles de Masaniello; François ler recevant le Primatice (plafond du Louvre);Jeanne d'Arc sur le bûcher; Le Tasse lisant la Jérusalem. Subissant le sort de la plupart des imitateurs de David, Fragonard ne put lutter contre l'avènement du romantisme; appartenant à une école finissante où l'histoire avait toujours quelque chose de froid et de pompeux, il fut vaincu par la révolution artistique dont Delacroix était le protagoniste. A l'encontre de son père, que David avait fait passer de mode et qui avait été la victime des classiques, il fut, lui, celle des romantiques. |
Parmi ses sculptures, citons le bas-relief qu'il avait exécuté pour servir de fronton à la Chambre des députés. Cette composition en stuc a disparu aujourd'hui pour faire place à l'oeuvre d'un autre artiste, Cortot. On doit aussi à Fragonard une statue colossale de Pichegru. Il travailla beaucoup dans ses dernières années pour la manufacture de Sèvres où son fils Hippolyte-Evariste-Etienne (1806-1876) fut également employé comme peintre, avec succès. (Ch. G.). |
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