| Fragonard était logé au Louvre, où il avait arrangé son atelier à sa guise; il travaillait sans relâche et vendait fort cher. Contrairement à beaucoup d'artistes du siècle suivant, il ne voulut pas spécialiser son talent et se montra supérieur dans tous les genres. Le public connaît surtout de lui le Verrou, le Baiser à la dérobée, la Gimblette, le Pot au lait, et beaucoup d'autres sujets provocants, tels que ses illustrations des Contes de La Fontaine. Mais Fragonard fit aussi des paysages d'après nature; réaliste à sa manière, il sut également s'intéresser à la vie des humbles et l'Heureuse Mère, le Berceau, l'Heureuse Fécondité se distinguent par une sentimentalité de bon ton qui fait un peu songer à Greuze. Son imagination l'entraîna même vers des sujets religieux, comme l'Adoration des mages, et il traita les différents genres avec la même aisance, qu'il s'agit de l'histoire sainte, des grands spectacles de la nature comme l'Eruption du Vésuve , ou de scènes amusantes comme les Chiens savants. Pastel, aquarelle, gouache, encre de Chine, gravure et miniature, tout lui fut familier; mais ce grand artiste, qui vendit tant d'oeuvres en France , en Russie et en Angleterre , ne sut pas assurer son avenir. La Révolution le ruina; aussi bien le triomphe de l'école classique de David lui avait porté un coup funeste dès 1780, et la solennité pompeuse des Romains et des Grecs faisait oublier les mièvreries amoureuses de ses personnages. Oublié après sa mort, il fut remis en lumière par Walferdin au milieu du XIXe siècle. - J.- H. Fragonard, La Liseuse (ca. 1771). Jean-Honoré Fragonard a signé ses oeuvres tantôt de son nom, tantôt de l'abréviation : Frago. Citons, parmi les artistes qui ont gravé son oeuvre : Danzel, Flipart, Saint-Non, Beauvarlet, Halbon, de Launay, Macret, Mathieu, Miger, Vidal, Ponce, etc. Si dans ses grands sujets classiques il manque un peu d'originalité, si dans ses paysages il n'a qu'une nature trop souvent élégante et décorative (comme du reste tous les artistes de son siècle), Fragonard est demeuré inimitable dans les sujets de genre, où il a mis tout l'esprit et toute la grâce des talents purement français et où se remarquent particulièrement la finesse de ses tons et l'élégance personnelle de son dessin. (Ch. Grandmougin). | |