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Cooper (James Fenimore). - Romancier américain, né à Burlington (New-Jersey) le 15 septembre 1789, mort à Cooperstown (New-York) le 14 septembre 1851. Il descendait d'une famille anglaise qui s'était établie à Burlington à la fin du XVIIe siècle. Son père, le juge William Cooper, possesseur d'une assez belle fortune, acquit en 1785 un vaste domaine dans le voisinage du lac Otsego (New-York) et y fonda, sous le nom de Cooperstown, un établissement où il se retira avec sa famille en 1790, un an après la naissance de James Fenimore. En 1790 et 1795, il fut élu membre du Congrès par le district. James Fenimore passa son enfance sur ce domaine si voisin de la "frontière", au milieu de paysages d'une sauvagerie grandiose et d'une population composée de colons aventureux, de hardis pionniers et des restes des tribus indiennes qui, jadis, avaient été seules maîtresses de la région. Il y puisa naturellement l'inspiration qui anima plus tard tant de ses romans. A treize ans, il fut envoyé au collège de Yale (Connecticut), où il resta trois ans. Son peu de goût pour ces études trop calmes le poussa bientôt dans une autre voie. Il avait seize ans, lorsqu'il s'embarqua sur un navire de commerce. Après une année de courses sur mer, il entra au service comme midshipman sur un bâtiment de guerre et passa cinq années dans cette carrière de marin, décrite plus tard dans nombre de ses meilleurs ouvrages. En 1811, il résigna sa commission, épousa miss de Lancey, qui appartenait à une des meilleures familles de l'Etat de New-York, et s'établit dans le village de Mamaroneck, près de New-York. Il ne commença que tard à écrire. Lisant un jour à sa femme un roman anglais, il posa tout à coup le livre en s'écriant que, bien sûr, il serait capable de composer lui-même une histoire meilleure. II s'essaya bientôt et sa première oeuvre fut Précaution, imitation britannique, peinture de la vie de campagne et de château en Angleterre. Ce premier volume passa inaperçu. Au contraire, la publication de l'Espion, en 1821, fut un véritable événement dans l'histoire de la littérature américaine. Fenimore Cooper plaçait son action aux portes mêmes de New-York. Son héros était un patriote révolutionnaire qui offre sa vie et son honneur en sacrifice pour le salut de son pays. L'Espion est une des meilleures oeuvres de Cooper, une de celles qui commencèrent, en Amérique et bientôt en Europe, sa réputation de romancier. Fenimore Cooper. Dans les Pionniers, en 1823, apparaît le héros favori de Cooper, Bas-de-Cuir, le backwoodman dans sa simplicité native, dont le langage n'a pas été formé par l'école, ni l'esprit déformé par la vie civilisée, le trappeur aux sentiments élevés, le chevalier de la forêt vierge. Dans ce roman qui a eu tant de lecteurs, revivent les scènes avec lesquelles Fenimore Cooper, dans son enfance, avait été familier. Vint ensuite le premier des romans maritimes, le Pilote, dont la composition fut suggérée par la lecture du Pirate de Walter Scott, récemment paru. Tom Coffin est un des personnages favoris des lecteurs de Cooper. Lionel Lincoln, seconde excursion dans le champ des épisodes de la guerre révolutionnaire, n'eut pas le même succès que l'Espion. Dans le Dernier des Mohicans, « récit de 1757 », l'oeuvre la plus complète et la plus goûtée de Fenimore Cooper, paraît de nouveau Bas-de-cuir, mais plus jeune, à une époque où les Indiens étaient encore les possesseurs incontestés de leurs terrains de chasse. Ses contemporains ont reproché à notre auteur d'avoir peint dans ce roman, si aimé de la jeunesse, des Indiens de fantaisie, plus beaux et surtout meilleurs que nature. Dans la préface de son édition revisée des Récits de Bas-de-Cuir (Leather stocking Tales), publiée en 1850, Cooper se défendra contre cette objection en déclarant qu'autre chose est de juger les Indiens dans leurs sentiments habituels et dans les états élevés de leur vie morale, de leur existence d'êtres ayant une âme et une conscience, ou de les voir négociant un traité avec les agents du gouvernement fédéral, rusant d'astuce avec ces derniers, et donnant un libre cours à leurs sauvages passions. Fenimore Cooper déclare qu'il a voulu représenter le « beau idéal » de la vie et des sentiments des Indiens. Déjà la plupart des romans de Fenimore Cooper avaient été traduits et lus avidement dans toute l'Europe. Ils y avaient excité un intérêt extraordinaire, comme une sorte de révélation de la poésie et des charmes du Nouveau monde. Ces livres furent certainement une cause très active du développement des idées d'émigration d'Allemagne en Amérique. En 1827, Cooper se rendit en Europe et y fit un séjour de sept années, à Londres, à Paris, à Lyon où il fut consul des Etats-Unis, et à Florence. « Il écrit que nous sommes, conformément à un act voté par le Congrès, le peuple le plus éclairé de la terre, que toute la semaine est aussi heureuse chez nous qu'un dimanche à Paris, plein de chants, de danses et de rires, que de la Nouvelle-Orléans à la baie de Fundy on ne saurait rencontrer un geôlier ni une épitaphe; qu'un jour, dans cinquante ans au plus tôt, nous exporterons de la poésie et du vin; et que notre brave flotte (huit frégates et un schooner) balayera les mers de la Nouvelle-Zemble à l'Equateur.-»En 1829, fut publié the Wept of Wish-ton-Wish. Fenimore Cooper assista à la révolution de 1830. Ami intime de La Fayette, à la réception si chaleureuse duquel, aux Etats-Unis, il avait pris, en 1824, une part très active, il lui conseillait l'établissement de Henri V sur le trône comme roi constitutionnel, avec l'abolition de la pairie remplacée par un Sénat élu par toute la nation, les départements élisant les membres de la Chambre basse, etc. De 1830 à 1832, parurent Water-Witch, plusieurs lettres apologétiques dans le National, une histoire semi-politique, semi-romanesque, le Bravo, dont les scènes se passent à Venise et où se dessine un type charmant de fille de geôlier; puis the Heidenmauer et, en 1833, le Bourreau de Berne. Lorsque Fenimore Cooper rentra aux Etats-Unis, il rapportait, répartie plus tard en une dizaine de volumes (Recollections of Europe, England, Italy, Excursions in Switzerland, Résidence in France, Homeward Bound, etc.), une masse d'observations amusantes, ingénieuses ou simplement familières, d'anecdotes, de descriptions, sorte de reproduction fidèle de sa vie quotidienne et de ses conversations en Europe. Riche, ayant le goût de la société, causeur infatigable, ami passionné de la controverse, il avait vécu, à Londres et à Paris, dans un cercle très large d'hommes politiques, d'écrivains et d'artistes. A son retour en Amérique, il expliqua dans une Lettre à mes concitoyens les raisons pour lesquelles il avait engagé en Europe de si vives discussions sur les moeurs des Américains. L'admiration sincère qu'il ressentait, avec son esprit puritain et républicain, pour les institutions de son pays, ne l'aveuglait cependant pas sur les défauts et les imperfections de toute sorte de ses compatriotes. Il publia, en effet, à cette époque une série d'oeuvres satiriques : The Monikins, the American democrat (le vrai titre de ce dernier ouvrage, dit l'auteur lui-même, aurait dû être Anti-Cant, expression répondant exactement à sa pensée). Fenimore Cooper, dans ces peintures et dans celles de Home as Found (1838), ne ménageait pas la société de son temps. Ses railleries lui attirèrent de vives attaques et il s'engagea dans de longs procès contre plusieurs directeurs de journaux qu'il avait malmenés et qui le lui avaient bien rendu. En 1839, il donna son Histoire maritime des Etats-Unis dont l'exactitude fut fortement contestée, plus que l'oeuvre toutefois ne le mérite. On y trouve, en tout cas, de beaux récits de batailles navales, devenus classiques dans la littérature américaine. En 1840, enfin, Fenimore Cooper revint à ses Indiens avec the Pathfinder et the Deerslayer. Entre ces deux romans, il avait donné Mercédès de Castille. La scène du Tueur de daims est le lac Otsego et les forêts environnantes au milieu du XVIIIe siècle. Les aventures de Tom Hutter, le Solitaire, et de ses deux filles, Judith et Hetty, ont charmé d'innombrables lecteurs dans les deux mondes. Bas-de-Cuir apparaît ici encore, mais dans sa première jeunesse, héros simple et grand, tenant le milieu entre la vie sauvage et la vie civilisée, être primordial, épuré par le christianisme, et modèle des vertus les plus chevaleresques. Ce roman est, sans aucun doute, un des plus achevés de Fenimore Cooper; il attira cependant peu l'attention à l'époque même de sa publication. En 1842, parurent les Deux Amiraux et Wing and Wing, deux histoires maritimes; en 1843, Wyandotte ou the Hutted Knoll, récit de l'établissement d'une famille anglaise (la sienne) sur le lac Otsego au temps de la Révolution. Citons encore l'Autobiographie d'un mouchoir de poche, Ned Myers, Sur mer et sur terre et Miles Wallingford, récits maritimes. En 1845, Cooper donna une intéressante trilogie à travers laquelle se déroulent, durant près de trois générations, les destinées de la famille Littlepage, Satanstoe, où se trouve une agréable peinture de la vie à Albany il y a deux-cent quarante ans, et un beau récit de bataille dans la guerre des colonies contre les Français du Canada, the Chain-Bearer, et les Peaux rouges ou Indian and Ingin. En 1847, parut the Crater on Vulcan's Peak, récit fantaisiste des côtes du Pacifique. Fenimore Cooper eut encore le temps, avant sa mort (1851), de donner Oak openings ou le Chasseur d'abeilles; Jack Tier ou le Rocher de la Floride; les Lions de mer ou the Lost Sealers, histoire de deux navires perdus dans les glaces; the Ways of the hour. Il mourut, ayant en cours d'exécution une histoire des Towns of Manhattan, et en projet un sixième roman consacré à son héros Bas-de-Cuir. En 1852, Webster et Bryant prononcèrent son éloge funèbre devant une réunion ayant pour objet de recueillir des fonds pour lui élever un monument. Après lui, Cooperstown fut vendu, transformé en hôtel, mais incendié dès l'année suivante (1853). Fenimore Cooper a été, avec Washington Irving, et dans une plus large mesure encore que celui-ci, un des initiateurs de la littérature originale américaine. Dans ses principaux romans, ceux-là même qui l'ont mis hors de pair comme écrivain et poète, tout est américain, descriptions, inspirations, pensées et sentiments, personnages. Dans la voie qu'il a ouverte, il n'avait pas eu de prédécesseur, tandis que les légendes, coutumes et superstitions écossaises avaient déjà été exploitées et mises en oeuvre avant Walter Scott. Dans l'oeuvre du premier, la forêt vierge, la prairie immense, le silence des bois, la poésie des lacs mystérieux jouent le même rôle que, dans celle du second, les ruines des anciennes abbayes et les châteaux démantelés des lairds du Moyen âge. Les qualités de narrateur de Fenimore Cooper sont attestées par le succès éclatant et durable de ses livres, cependant les défauts de sa manière sont nombreux. On lui reproche la prolixité de ses récits et l'infini et minutieux détail, en même temps que la sécheresse de ses descriptions. Son coloris est froid, si son pinceau est extrêmement fidèle. L'intrigue est souvent tissée avec maladresse, si les caractères sont admirablement dessinés. L'auteur se laisse trop souvent dominer par ses matériaux, au lieu de leur commander en maître. Cooper arrive, à force de précision, à représenter des tableaux d'un aspect vraiment saisissant et grandiose : on ne peut se défendre d'y trouver une certaine aridité; il y manque de la grâce, de la fraîcheur. Cependant, on citera toujours certaines descriptions de la forêt, de la plaine ondulée ou de la mer, comme absolument admirables. Le charme du talent vigoureux de Fenimore Cooper, c'est qu'il se présente étroitement associé avec la civilisation et la poésie native de son pays, et qu'il a révélé l'une et l'autre à l'Europe, avec un accent de sincérité qui évoque l'idée du quaker et du puritain. « Quand Robinson Crusoé, dit Philarète Chasles, aperçut les traces de Vendredi sur la plage, il ne ressentit pas plus d'étonnement que le public d'Europe au moment où les romans américains de Cooper lui apprirent que l'on pouvait vivre à New-York, être né sur les bords de la Delaware, n'imiter personne et avoir du génie. » (Aug. M.).
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