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Hegel
a eu de nombreux disciples que l'on range communément dans ce que
l'on appelle l'Ecole hégelienne. Mais la division s'introduisit
dans l'école aussitôt après la mort de Hegel, et il
conviendrait plutôt de distinguer plusieurs écoles. La nécessité
de prendre position dans les querelles religieuses et politiques fit que
l'on perdit vite de vue, en Allemagne,
les bases scientifiques du système, pour n'en plus discuter que
les conséquences pratiques.
Les anciens et plus fidèles amis
du philosophe, Hinrichs, Goeschel, Gabler et, dans les premières
années, Bruno Bauer, se jetèrent dans le conservatisme politique
et l'orthodoxie cléricale : ils formèrent la droite hégélienne
et conservèrent la rédaction des Jahrbücher für
wissenschaftliche Kritik (jusqu'en 1847). La gauche hégélienne
fut représentée par des esprits jeunes et libres, Arnold
Ruge, Feuerbach, D.F.
Strauss, auxquels se joignit ensuite Bruno Bauer, qui soutinrent l'interprétation
panthéistique, humanitaire, anticléricale et radicale de
la doctrine : ils eurent pour organe les Hallische Jahrbücher
(1838 et suiv.), qui devinrent en 1841 les Deutsche Jahrbücher,
furent supprimés en Saxe
en 1843 et parurent à Paris en 1844
sous le titre Deutsch-franzoesische Jahrbücher, rédigés
par Ruge et Karl Marx (jusqu'en 1845) : ce fut la
gauche hégélienne.
Un grand nombre d'esprits restèrent
attachés au contenu philosophique du système et se bornèrent
à en modifier quelques parties qu'ils jugeaient imparfaites, et
à le détendre contre les attaques des Herbartiens, de Trendelenburg
et des nombreux philosophes qui en firent la critique : parmi ces esprits
moyens et dociles, qu'on appela le centre hégélien,
il faut citer Rosenkranz, Michelet,
Erdmann et Schaller. Dégagées de leur appareil systématique,
les idées hégéliennes exercèrent une profonde
influence sur l'esprit des théologiens Daub et Marheinecke et une
action plus décisive peut-être sur F.-Chr. Baur et son école
(Zelfer, Koestlin, Schwegler, etc.); elles influencèrent les travaux
d'esthétique de Hotho, Schasler, Vischer
et elles agirent d'une manière plus efficace encore sur les grands
travaux d'histoire de la philosophie
de Zeller, de J.-Ed. Erdmann,
de Kuno Fischer.
Peu de temps avant 1870, un professeur
de Kiel, G. Thaulow, et un hégélien
italien, Vera, proposèrent de fêter le centenaire du philosophe.
Une souscription fut organisée par la « Société
philosophique » de Berlin, fondée
jadis par des hégéliens. Elle eut pour objet d'exécuter
un buste de Hegel, qui fut érigé
à Berlin le 3 juin 1871, sur la petite place voisine de l'université
qui porte aujourd'hui son nom. Parmi les hommes dont les noms figurent
sur les listes de souscription, il en est peu qui n'aient subi, à
quelque degré, l'influence de ses idées. Elles sont depuis
longtemps mortes en tant que doctrine; comme tendances, il s'en faut qu'elles
soient mortes.
A la fin du XIXe
siècle, et au début du XXe,
on peut reconnaître les profondes influences de l'hégélianisme
chez Dilthey et ses élèves, chez les penseurs de l'Ecole
de Baden, mais aussi chez Nicolai Hartmann, Hans Freyer, Ernst Cassirer.
Le marxisme et les diverses formes de néo-marxisme
resteront eux aussi fortement marqué par leurs racines hégéliennes.
En URSS,
le marxime officiel fut même occupé à pourchasser dans
les oeuvres des philosophes soviétiques le "déviationnisme
hégélien" (trop de dialectique,
pas assez de matérialisme...). On
rencontre, par ailleurs, en Espagne,
un hégélianisme juridique (pour reprendre le titre d'un ouvrage
de J. Elias de Tejada), mais surtout une école néo-hégélienne
britannique apparue dès1865 (Stirling, Green, Ciard, Wallace, Ritchie,
Bradley, Bosanquet, Jones, Muirhead, Mackenzie, Haldane, McTaggart). Ajoutons,
enfin, qu'après une période de relatif délaissement,
les études hégéliennes ont été renouvelées
par Alexandre Kojève, Jean Hyppolite, Franz Grégoire, Benedetto
Croce, G. Mure, J. N. Findley, etc. (L. Herr). |
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