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L'Ecole Cynique

L'école Cynique est l'une des petites écoles socratiques, fondée vers 380 avant J.-C., par Antisthène, disciple de Socrate. Cette école eut pour principaux représentants, outre son fondateur, le fameux Diogène de Sinope, Cratès de Thèbes, sa femme Hipparchia et Métroclès, frère d'Hipparchie, puis Xéniade et Onésicrite. L'histoire du cynisme part donc du IVe siècle av. J.-C.; elle se prolonge jusqu'à la fin du IIIe siècle avec Ménédème et Ménippe. Lorsqu'au commencement de l'ère chrétienne des Nouveaux Cyniques essayèrent de la remettre en honneur, elle présentera quelques affinités avec le Stoïcisme : on peut citer parmi eux Démétrius, ami de Sénèque, et le Démonax peint par Lucien.

Les doctrines cyniques sont un mĂ©lange des doctrine de Socrate, des ElĂ©ates et des MĂ©gariques. Avec Socrate, les cyniques soutiennent qu'une seule chose vaut qu'on s'en occupe, la bonne conduite de la vie. Tout le reste est indiffĂ©rent. Ils condamnent donc comme inutiles toutes les sciences, telles que la logique et la physique, qui n'ont aucun rapport avec la vertu. Or, le sens commun suffit largement Ă  apprendre Ă  l'humain tout ce qui est nĂ©cessaire pour bien vivre. Le reste n'est que vaine recherche et subtilitĂ©. 

La science d'ailleurs est impossible, car on n'a le droit de donner à un concept aucun autre concept pour attribut. A chaque objet correspond un nom qui le désigne en totalité : donner donc un attribut à un sujet, c'est non pas exprimer un objet, mais dire que deux objets ou deux noms sont un seul objet, ce qui est absurde. Le jugement devient ainsi impossible et, par contre-coup, la science. Il n'y a donc pas de science purement théorique qui soit légitime.

Mais la science pratique a cependant le droit d'exister. Cette science a pour but de donner Ă  l'humain la vertu et, par la vertu, le bonheur. Le bonheur est ainsi la fin dernière de la vie, mais il ne se sĂ©pare pas de la vertu; la vertu est le seul bien, le vice, le seul mal. Tout le reste est indiffĂ©rent. Le seul bien qui mĂ©rite ce nom est ce que l'humain possède en propre, dont il est toujours le maĂ®tre et que rien ni personne ne peut lui enlever, c.-Ă -d. son activitĂ© intellectuelle et morale. Tout le reste est hors de lui. 

La richesse, l'honneur, le dĂ©shonneur, la mort dĂ©pendent de la fortune et non de nous. Ce ne sont pas lĂ  des biens pour nous, puisqu'ils ne sont pas vraiment nĂ´tres. 
La chose la plus vile et la plus pernicieuse du monde est le plaisir; aussi Antisthène se plaisait-il Ă  rĂ©pĂ©ter qu'il aimerait mieux ĂŞtre en proie Ă  la folie qu'au plaisir. Le travail, au contraire, est un bien; par lui l'humain apprend Ă  se maĂ®triser, Ă  se dominer, Ă  se possĂ©der. VoilĂ  pourquoi les cyniques se mettaient sous la protection spĂ©ciale d'HĂ©raclès, portant comme lui un manteau et un bâton de chĂŞne. 
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Diogčne et Alexandre le Grand.
Diogène à Alexandre : Ôte-toi de mon soleil!

La vertu consiste dans la sagesse qui nous enseigne ce que la nature exige de nous; or, la nature ne saurait exiger de nous rien autre chose sinon que nous demeurions nous-mêmes, indépendants de toute domination extérieure. La vertu est donc, avant toute chose, dans l'action énergique et droite, dans la possession de soi. La vertu se suffit donc à elle-même.

Le sage se dépouillera donc de sa fortune, s'il en a, ne la recherchera pas, s'il n'en a pas, il vivra en mendiant, boira de l'eau dans le creux de sa main, mangera le pain qu'on lui donnera, se contentera d'un tonneau pour demeure et d'un haillon troué pour vêtement. Il ne donnera à la nature que les satisfactions indispensables et de la façon la plus simplifiée possible. Au nombre des satisfactions indispensables, les cyniques, ainsi que tous les païens, mettaient les plaisirs d'Aphrodite. Ils condamnaient comme des embarras la famille et le mariage. On voit aisément les conséquences d'une pareille doctrine et on s'explique alors les pratiques onanistes que Diogène Laërce rapporte de son homonyme cynique.

Ils prĂ©tendaient supprimer ainsi tous les besoins artificiels, et ils plaçaient parmi ces besoins non seulement les règles de la civilitĂ© vulgaire, mais encore les exigences les plus lĂ©gitimes de la pudeur. Ils se croyaient en droit d'agir en toute chose au grand jour et de satisfaire en public tous leurs besoins. Ils condamnaient la vie publique comme un embarras, la sociĂ©tĂ© comme un fait artificiel, l'esclavage pour la mĂŞme raison. L'esclavage n'a pas de raison d'ĂŞtre, car nul humain n'a besoin d'un autre pour ĂŞtre lui-mĂŞme et se possĂ©der. 

Les cyniques méprisaient l'opinion des humains et divisaient l'humanité en deux parts, l'une, la plus nombreuse, composée des fous, l'autre, la moins nombreuse et la seule cependant qui eût vraiment une existence humaine, composée des sectateurs de la philosophie cynique. Qu'importait au cynique que les fous se moquassent de lui et l'appelassent chien, il savait de science certaine que c'étaient les autres qui méritaient le nom de fous et que lui seul possédait la véritable sagesse.

Disons pour terminer que le nom de cette école paraît lui venir du Cynosarge, portique d'Athènes, où enseigna Antisthène, à moins que les propos insolents et provocateurs des sectateurs ne leur ait attiré la dénomination de chien de la part de quelque fou trop vivement interpellé. (G. Fonsegrive).
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• Antisthène, considĂ©rĂ© comme le fondateur de l'École cynique. Il a Ă©tĂ© un disciple de Socrate et a adoptĂ© certaines de ses idĂ©es, notamment son mĂ©pris pour  le confort matĂ©riel.

• Diogène de Sinope est célèbre pour avoir adopté un mode de vie extrêmement simple et pour avoir vécu dans un tonneau. Il était également connu pour ses réponses impertinentes et ses provocations philosophiques.

• Bion de Borysthène  a enseignĂ© Ă  Athènes et Ă©tait connu pour sa critique des conventions sociales et des valeurs matĂ©rialistes.

• Ménédème de Pyrrha était un disciple de Diogène de Sinope et est connu pour ses critiques et ses satires des coutumes sociales de son époque.

• Démonax s'est signalé par sa vie simple, son rejet des conventions sociales et son comportement provocateur.

• Hipparchia de Maronée est l'une des rares femmes philosophes de l'Antiquité. Elle avait décidé de suivre le mode de vie cynique, y compris le port de vêtements masculins. Ses écrits n'ont pas survécu.

• Cratès de Thèbes est connu pour sa vie ascétique et son mépris des possessions matérielles. Il a également été marié à Hipparchia.

• MĂ©troclès, frère d'Hipparchia a d'abord Ă©tĂ© le disciple de ThĂ©ophraste et de XĂ©nocrate. Cratès le gagna au cynisme après l'avoir guĂ©ri de ses idĂ©es sur le suicide, ce qui ne l'empĂŞcha pas d'ailleurs de se pendre pour Ă©chapper aux infirmitĂ©s de la vieillesse.  (V. BR.).

• MĂ©nippe de Sinope  a Ă©crit des satires philosophiques qui ont eu une influence sur le dĂ©veloppement de la satire littĂ©raire. Il s'est rendu cĂ©lèbre par ses satires, et Lucien le met  souvent en scène dans ses Dialogues des morts.



En bibliothèque - Diogène Laërce, Vies des Philosophes, 1. VI; Richter, Dissertatio de Cynicis, Leipzig, 1701, in-4°; Meüschen, Disputatio de Cynicis, Kehl, 1703, in-4°; Ritter, Histoire de la Philosophie, trad. par Tissot, tome II.
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