|
Fedor Mikhailovitch
Dostoïevski est un écrivain né à Moscou
en 1848, mort à Saint-Pétersbourg le 9 février 1881. II fit ses études
à Moscou et entra à l'école des ingénieurs de Saint-Pétersbourg;
il en sortit avec le titre d'ingénieur. Sa vocation le portait vers la
littérature. En 1844, il quitta l'armée, il débuta (1846) dans le Recueil
de Saint-Petersbourg par un roman,
les Pauvres Gens, qui surprit le public par son allure simple et
touchante et qui mérita les suffrages du célèbre critique Bielinsky.
Il donna ensuite divers récits dans les Annales de la Patrie :
les Nuits blanches, le Sosie, Monsieur Prokartchine, Netotchka
Nezvanova. En 1849, il fut compromis dans une société
secrète, dite de Petrachevsky, reconnu coupable d'attaques
contre l'Église et l'État et condamné à mort. L'empereur commua sa
peine en quatre ans de travaux forcés en Sibérie.
A l'expiration de cette peine, il devait être incorporé comme simple
soldat et privé de tous ses droits civils. Son séjour en Sibérie exerça
une influence considérable sur ses idées; il lui inspira l'amour des
faibles et des persécutés. Après trois ans de service, Dostoïevski
devint officier. L'état de sa santé l'obligea à quitter l'armée. Il
collabora, au Temps, et publia Humiliés et Offensés (1861).
Il raconta les misères de la Sibérie dans un remarquable récit, Souvenirs
de la maison des morts (1860). Il publia ensuite divers récits dont
l'un, Crime et Châtiment (1867), a produit en Russie et plus tard
à l'étranger une profonde sensation. C'est un chef-d'oeuvre d'émotion
intense et d'analyse psychologique. Il a donné depuis les Démons
(1867), l'Idiot (1869), l'Adulte (1875), les Frères Karamazov
(1881), oeuvre puissante, tragique, mais mal équilibrée.
Il fut pendant quelque temps directeur
du journal le Monde russe. A partir de 1876, il publia une sorte
de revue intitulée le Carnet d'un écrivain. Il y fournit de curieux
détails sur son état psychologique; dans sa jeunesse il était sujet
à des hallucinations fréquentes; il avait des attaques d'épilepsie,
et cet état morbide a singulièrement influé sur son talent. Dostoïevski
a exercé une action profonde sur le public russe, et ses funérailles
eurent le caractère d'une manifestation nationale. L'un des traits caractéristiques
de son oeuvre, c'est « la religion de la souffrance humaine». Maladif,
nerveux, sujet à l'épilepsie, il se plaît à dépeindre des malades,
des souffrants, des victimes, à étudier les drames du crime et du remords.
M. de Vogüé, qui l'a bien connu, a tracé de lui ce portrait saisissant
:
« Petit,
grêle, tout de nerfs, usé et voûté par soixante mauvaises années;
flétri pourtant plutôt que vieilli, l'air d'un malade sans âge, avec
sa longue barbe et ses cheveux encore blonds, et malgré tout respirant
cette « vivacité de chat » dont il parlait un jour. Le visage était
celui d'un paysan russe, d'un vrai moujik de Moscou
: le nez écrasé, de petits yeux clignotant sous l'arcade brillant
d'un feu tantôt sombre, tantôt doux; le front large bossué de plis et
de protubérances, les tempes renfoncées comme au marteau; et tous ces
traits tirés, convulsés, affaissés sur une bouche douloureuse. Jamais
je n'ai vu sur un visage humain pareille expression de souffrance amassée.
»
La critique russe a placé Dostoïevski Ã
côté des plus grands maîtres du roman, Gogol,
Tourguéniev, Tolstoï.
Ses oeuvres ont été fréquemment réimprimées. Une édition complète
a paru à Saint-Pétersbourg en
1882-83 (14 vol. in-8). Longtemps ignorés en France, les romans de Dostoïevski
ne sont guère appréciés que depuis les années 1890, date à partir
de laquelle un assez grand nombre d'entre eux ont commencé à être
traduits ou adaptés; Humiliés et Offensés, Crime et Châtiment, l'Esprit
souterrain, les Possédés, Krotkaïa, Souvenirs de la maison des morts,
l'Idiot, le Joueur, les Pauvres Gens, Celle d'un autre, les Frères Karamaxov.
(L. Léger).
|
En
librairie - Dostoievski,
Carnet de Sibérie, L'Herne, 1996. |
|
|