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Gilles
Deleuze
est un philosophe français né Ã
Paris 18 janvier 1925, et mort dans cette même ville le 4 novembre 1995.
Il a joué un rôle important dans le développement de la philosophie
contemporaine. Souvent associé à la philosophie de la différence, il
a rejeté les conceptions traditionnelles basées sur l'identité et a
préconisé une pensée de la différence et de la diversité. Il a insisté
sur la singularité et l'hétérogénéité des individus et des concepts.
Cela l'a conduit à développer le concept de rhizome pour décrire
les structures non hiérarchiques et non linéaires, en opposition aux
structures arborescentes. Il a également utilisé le concept de multiplicité
pour désigner des assemblages complexes et diversifiés. Par ailleurs,
Deleuze s'est intéressé à la philosophie politique, critiquant le capitalisme
et la société de contrôle moderne. Il a également été impliqué dans
des mouvements de protestation et d'activisme politique.
Deleuze a étudié
la philosophie aux Lycées Louis-le-Grand et Henri-IV, puis à la Sorbonne
et a obtenu l'agrégation en 1948. Il a enseigné dans plusieurs
lycées, à l'université de Lyon en 1969, à l'université de Paris VIII
(Vincennes), et enfin à la Sorbonne.
Dans les années
1950-1960, il se fait connaître comme historien de la philosophie et reviendra
ensuite à plusieurs moments de sa vie à cette matière. Il écrira
ainsi sur Spinoza, Hume, Foucault
et Bergson, etc. Parmi ses premières oeuvres, on note en particulier
: Empirisme et subjectivité (1953),
Nietzsche et la philosophie
(1962), Proust et les signes (1964). Sa thèse de doctorat principale
(sous la direction de Maurice de Gandillac) paraît en 1968 et s'intitule
Différence
et répétition. C'est l'un des ouvrages les plus importants de Deleuze
:
• Dans
Différence
et répétition, il critique la manière traditionnelle de penser la
différence comme étant simplement une négation ou une opposition. Il
propose une conception de la différence qui va au-delà de l'opposition
binaire, en la conceptualisant comme un processus créatif et productif.
Deleuze insiste sur l'importance de la différence positive, créatrice
et productive, qui est à la base de la diversité et de la multiplicité
dans le monde. La répétition quant a elle envisagée comme un concept
complexe et dynamique. Il ne la conçoit pas simplement comme une reproduction
identique, mais plutôt comme un processus où quelque chose de nouveau
peut émerger malgré la répétition apparente. La répétition, selon
Deleuze, est liée à la différence, car même dans la répétition, il
y a des variations et des différences qui peuvent conduire à des manifestations
inattendues.
Dans La Logique du
Sens, ouvrage paru l'année suivante (1969), il s'intéresse
à la philosophie de l'expression, du sens et du langage. Il examine la
manière dont le sens est produit à travers l'énonciation et comment
il est lié au corps et à la répétition.
• La
Logique du sens se présente en première approche comme une
lecture des oeuvres de Lewis Carroll, mais elles ne sont qu'un prétexte
pour illustrer les idées de Deleuze concernant la logique paradoxale et
le langage. Deleuze s'intéresse aux jeux de langage et aux mécanismes
de représentation que Carroll utilise dans ses histoires. Il étudie comment
Carroll manipule les mots, les significations et les représentations visuelles
pour créer des mondes fantastiques et étranges. Les jeux de mots, les
paradoxes et les situations absurdes que l'on trouve dans les écrits de
Lewis Carroll lui servent à illustrer la manière dont la logique peut
donner lieu à des situations non linéaires, des contrariétés et des
paradoxes. Deleuze s'appuie sur les dialogues ambigus et les scènes de
dédoublement de sens que l'on trouve dans les œuvres de Carroll pour
discuter de la nature de l'énonciation et de l'ambiguïté dans le langage.
Il s'intéresse particulièrement à la relation entre les énoncés et
leur contexte d'énonciation, ainsi qu'aux mécanismes par lesquels le
sens est construit. Ainsi, Deleuze peut-il développee ses idées sur la
nature du signe linguistique et ses relations avec la sémiotique. Un autre
thème important dans La Logique du Sens est la relation entre le
corps et le langage, sur la manière dont le corps et ses différentes
composantes (gestes, sensations, perceptions) sont impliqués dans la production
du sens et la création de signification. Enfin, Deleuze discute des affects,
des forces et des intensités qui participent à la genèse du sens et
influent sur la manière dont nous interprétons le monde.
Deleuze est encore Ã
Lyon quand éclatent les événements de mai 1968.
Il ne descendra pas dans la rue, mais, profondément anticonformiste et
anti-autoritaire il ne peut que se trouver en phase avec le mouvement et
avec les idées qui émergent à cette période. En retour, sa pensée
sur la déconstruction des normes
et des hiérarchies va va bientôt être une source d'inspiration pour
pour de nombreux courants contestataires ( féministes,
écologistes,
anti-autoritaires...). Il va avoir l'occasion de les exprimer au
qcours des années suivantes, avec sa très singulière et fructueuse collaboration
avec Félix Guattari,marquée par une approche interdisciplinaire, combinant
notamment des éléments de philosophie, de psychanalyse
et, de sociologie.
Deleuze et Guattari
ont été les coauteurs de plusieurs oeuvres majeures, à commencer par
leurs deux livres répondant au projet appelé Capitalisme et schizophrénie,
et qui sont : L'Anti-Oedipe (1972) et Mille plateaux (1980),
lesquels redéfinissent la philosophie, la psychanalyse et les sciences
sociales et s'inscrivent dans analyse du capitalisme et de la société
de consommation, vus comme des modes de répression (ou de mise sous-tutelle)
du désir (le capitalisme manipule le désir pour le canaliser vers la
consommation et la production).
• L'Anti-Oedipe
est une critique de la psychanalyse freudienne, en particulier de la notion
de complexe d'Oedipe, Deleuze et Guattari affirment que cette théorie
est répressive et réduit le désir humain à des structures familiales
stéréotypées. Ils proposent une approche différente de l'inconscient
et du désir et introduisent des concepts tels que le désir schizophrène,
la schizo-analyse, et le corps sans organes. Leur étude de la nature du
désir humain les mène à examiner son rapport avec la schizophrénie,
et à élaborer le concept du désir schizophrène pour illustrer
la multiplicité et la complexité du désir, qui ne peut être enfermé
dans des catégories fixes. Il peut dès lors se constituer une schizo-analyse,
capable de se substituer à la psychanalyse. Le concept du corps
sans organes est quant à lui présenté comme un état où le corps n'est
pas contraint par des structures préétablies. C'est une une structure
flexible, en mouvement et non définie, un espace de potentialité et de
liberté créative. Chemin faisant,
l'Anti-Oedipe propose des idées
politiques radicales et appelle à une révolution contre les structures
oppressives, mettant en avant la nécessité de libérer le désir et de
créer des espaces de résistance et d'émancipation.
•
Mille
plateaux étend et approfondit les idées présentées dans
L'Anti-Å’dipe.
Tout en continuant d'explorer la schizo-analyse (la schizophrénie sertici
de métaphore pour illustrer la multiplicité et la diversité des subjectivités),
les relations entre le désir et le capitalisme, les deux auteurs développent
des concepts nouveau tels celui de rhizome ou de déterritorialisation,
et invitent à envisager la multiplicité et la créativité comme des
moyens de repenser la manière dont nous comprenons le monde et notre place
en son sein. Deleuze et Guattari développent une éthique et une politique
basées sur la singularité, la créativité et la diversité. Ils prônent
une transformation sociale radicale basée sur la libération des désirs
et des subjectivités individuelles. Le concept de rhizome
leur sert à décrire les structures non hiérarchiques et non linéaires.
Deleuze et Guatarri opposent cette structure rhizomatique aux structures
arborescentes traditionnelles, suggérant que les idées, les concepts
et les phénomènes culturels se propagent et se connectent de manière
non linéaire, créant ainsi des plateaux d'intensité. Le rhizome représente
une déterritorialisation, une déconstruction des normes et des structures
sociales. La déterritorialisation implique la rupture des structures établies
et se complète par une reterritorialisation, qui est le processus de création
de nouvelles connexions et de nouvelles structures. Ces concepts représentent
des mouvements à la fois individuels et sociaux. La métaphore du rhizome
peut par exemple servir à décrire la structure complexe et non hiérarchique
du désir, qui ne peut plus être vu comme un simple manque à combler.
Le désir est une force productive et créatrice qui forme des connexions
entre les individus et les idées, et se voit confronté le au capitalisme
qui opère en tant que système de contrôle et de désir. Mais, ici, plutôt
qu'une confrontation frontale Deleuze et Guattari préfèrent des stratégies
de détournement (détourner le capitalisme vers des fins créatives et
libératrices).
Dans les années 1980,
Gilles Deleuze retourne à l'histoire de la philosophie.
Il consacre un ouvrage
à Michel
Foucault (Foucault, 1986), puis
publie en 1988
Spinoza et le problème de l'expression où il étudie
notamment la question de l'expression dans la pensée de Spinoza et la
manière dont elle relie les individus au monde. On lui doit aussi, la
même année,
Le Pli : Leibniz et le Baroque,
1988.
•
Le Pli : Leibniz et le Baroque, comme son titre l'indique, s'emploie
à relier la philosophie de Leibniz, au concept de pli dans l'art
et à la philosophie du Baroque. Ce livre propose une lecture originale
de Leibniz et montre comment sa philosophie valorise la diversité
et la différence, comment le pli favorise la création d'univers multiples,
déployant ainsi une philosophie de la multiplicité. L'ouvrage met ainsi
en lumière l'importance dans l'histoire de la philosophie de Leibniz,
mais aussi il illustre parfaitement la manière caractéristique de Deleuze
de mettre en relation relation la philosophie avec d'autres domaines (art,
littérature, sciences).
Deleuze
montre que, chez Leibniz, le pli est à la fois un élément matériel
(comme dans la structure des atomes) et un élément immatériel (comme
dans les perceptions et les âmes). Sous des apparences de simplicité,
il s'agit d'une structure complexe : le repliement engendre de la diversité
et de la richesse.
Un parallèle est
ensuite fait entre la philosophie de Leibniz et le mouvement artistique
du Baroque. L'art baroque, l'achitecture baroque, aussi usent de plis,
de courbes, et de mouvements complexes. Deleuze retrouve dans cette esthétique
baroque une caractéristique centrale de la philosophie de Leibniz.
La notion de monade,
elle aussi centrale chez Leibniz, est considérée par lui comme une entité
indivisible et un reflet du monde entier. Deleuze l'aborde au travers cette
fois d'une métaphore architecturale, celle de la fenêtre qui illustre
la relation entre les monades et l'univers.
(En
librairie : Gilles Deleuze, Le
Pli, Leibniz et le baroque, Ed. de Minuit.)
Dans les années 1990,
les préoccupations esthétiques et éthiques prennent davantage d'importance.
Il retrouve aussi Félix Guattari pour un dernier ouvrage en commun
: Qu'est-ce que la philosophie? (1991).
•
Qu'est-ce
que la philosophie? met l'accent sur la production de concepts. Les
deux auteurs abordent des thèmes tels que l'art, la science, la perception,
et la pensée philosophique. Ils voient la philosophie comme une
activité créatrice qui consiste à produire de nouveaux concepts. Un
travail de créations cependant distinct de la science et de l'art. Les
concepts philosophiques ne décrivent pas simplement la réalité : ils
l'inventent. Ils émergent de l'expérience et de l'imagination, créant
ainsi des outils pour penser le monde. Deleuze et Guattari encouragent
les philosophes à être des créateurs, des penseurs libres visant Ã
élaborer des concepts en rupture avec les idées établies. La philosophie,
pour eux, en tant qu'activité créatrice, est indissociable d'une attitude
éthique et politique. Elle est engagement radical avec le monde
et un appel à la création de nouvelles possibilités, résistant aux
contraintes et aux systèmes de pouvoir.Les deux auteurs abordent aussi
la question des affects (émotions, sentiments) dans la philosophie. Ils
considèrent que les affects jouent un rôle essentiel dans la création
de concepts philosophiques, influençant la manière dont nous percevons
et pensons le monde. La schizoanalyse prend ici sa dimension de concept
clé, de méthode d'analyse des discours et des pratiques sociales dans
laquelle sont pris en compte des structures inconscientes et des flux de
désir.
La philosophie de Deleuze,
souvent appelée deleuzianisme, (mais elle pourrait aussi être
définie dans une large mesure comme un guattarisme...) transcende
en fait les étiquettes et est souvent difficile à catégoriser de manière
stricte. Elle s'est largement développée, on la a déjà eu un aperçu,
en interagissant avec d'autres philosophes, artistes et domaines (psychanalyse,
littérature, cinéma, mathématiques).
Deleuze a proposé
une ontologie dynamique qui se distingue
par son rejet des conceptions statiques et figées de l'être au profit
d'une vision dynamique, en perpétuel mouvement et devenir. En son coeur
se trouve le concept de devenir qui oblige à remettre en question les
notions l'identité et de la réalité. L'ontologie de Deleuze, en opposition
avec à la traditionnelle vision unifiée et réductrice de l'unité,
valorise la multiplicité et la pluralité, affirmant que la réalité
est constituée d'une multitude de différences, de variations et de diversités.
Deleuze est également
souvent associé à deux écoles philosophiques majeures : le post-structuralisme,
répandu dans les années 1960 et 1970, qui remet en question les concepts
et les idées du structuralisme en insistant sur le caractère instable
et fragmentaire de la réalité, ainsi que sur le rôle du langage dans
la construction de la signification, et le réalisme spéculatif, un courant
philosophique qui insiste sur l'existence d'une réalité indépendante
des perceptions et des représentations humaines. |