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Lucas
Cranach,le Vieux, est un peintre-graveur
allemand, né à Cranach, près de Bamberg
(dans la Haute-Franconie), le 4 octobre 1472, mort à Weimar
le 16 octobre 1663. Son nom de famille était Lukas Müller (et
non pas Sünder, comme on l'a cru longtemps); mais c'est sous le nom
de son lieu de naissance qu'il est surtout connu et universellement désigné.
Il fut le fondateur et reste la gloire de l'école de Franconie.
Les oeuvres de sa façon et de son atelier, véritable usine
à tableaux qu'il établit à Wittenberg
et que son fils continua de diriger après sa mort, sont innombrables.
La présence du monogramme connu (le serpent ou dragon ailé
ou couronné) n'est pas du tout une garantie que le tableau qui en
est revêtu soit de la main du maître. Dès 1504, Cranach
est peintre de la cour de l'électeur Frédéric le Sage,
et établi dans la ville de Wittenberg, où il a ouvert son
atelier, et qui devait l'élire deux fois bourgmestre (en 1537 et
1540).
En 1508, Frédéric lui accorde
des lettres de noblesse et l'envoie en 1509 « pour faire briller
son talent » dans les Pays-Bas
comme ambassadeur auprès de l'empereur Maximilien pour assister
aux fêtes qui allaient se célébrer en l'honneur de
Charles V. Sous les successeurs de Frédéric, Cranach conserva
son titre de peintre de la cour; il fut surtout étroitement attaché
à Frédéric le Magnanime qu'il suivit en captivité
après la bataille de Mühlberg, à Augsbourg
d'abord, puis, après sa délivrance, à Weimar. C'est
là que le fidèle et loyal artiste mourut, à l'âge
de quatre-vingts ans, l'année suivante. Il fut un des premiers et
des plus fervents adeptes deLuther,
qui l'avait mis dans la confidence de ses grands desseins avant de partir
pour Worms, et qui, dans toutes les circonstances de sa vie, lui témoigna
la même amitié et la même confiance.
Une chasse de l'électeur Frédéric le Sage, par Lucas Cranach (Copenhague). On ne connaît pas ses oeuvres de jeunesse. Le premier tableau de lui que l'on puisse citer est le Repos en Egypte, daté de 1504, c.-à-d. de sa trente-deuxième année; c'est une oeuvre charmante pour la fraîcheur, la sincérité et la bonhomie du sentiment (collection Friedler à Munich). On peut suivre dans les gravures sur bois des années suivantes le développement de son talent, empreint d'un profond et naïf naturalisme : Saint George, Saint Michel, Saint Antoine (1506), Vénus et l'Amour, Jugement de Pâris (1508), Saint Jérôme, Abigaïl, etc. Quelques influences de Grünevald et de Dürer s'y font encore sentir; mais sa personnalité se dégage énergiquement dans le caractère des têtes et le modelé des nus d'une fermeté et d'une vigueur singulières sans avoir encore la sécheresse minutieuse et l'intraitable exactitude qui lui tiendront lieu de beauté. Dans la Vénus et l'Amour, tableau de 1509 (musée de l'Ermitage), qui pour la qualité de la couleur et la vivacité du sentiment est tout près du Repos en Egypte, on voit paraître le dragon, qui sera dès lors comme sa marque de fabrique, et qu'il emprunta aux armoiries que Frédéric venait de lui accorder. Jusque vers 1520 environ, son style conserve un caractère assez différent de celui qu'il devait adopter dans la suite. Son sentiment de la forme est plus large; il peint alors de grands tableaux d'autel; son exécution a plus de liberté et d'ampleur; il n'a pas encore adopté l'espèce de canon qu'il se fera plus tard, et sa couleur est, dans cette première période, également plus énergique et plus dorée; il la modérera et la refroidira peu à peu. Parmi les travaux de sa première
manière, on peut citer : un grand tableau d'autel à Notre-Dame
de Torgau (1505); une Descente de croix, dans l'église Notre-Dame
de Lubeck; Saint Wilibald, dans la
galerie de Bamberg, et la Couronne de
roses, au Dôme; l'Adoration des rois, à Saint-Wenceslas
de Naumbourg; la Madone et le Mariage de sainte Catherine
(1516), à l'Hôtel-Dieu de Wörlitz; à Notre-Dame
de Halle, un important tableau d'autel, Marie
entourée d'anges avec, en bas, le Cardinal Albert de Brandebourg
donateur (tout n'est pas de la main de Cranach) ; au musée de Berlin,
Sainte Anne et Saint Jérôme au désert; la Mise au
tombeau, de l'Académie de Vienne;
l'Ecce homo, des Uffizi; la Mise en croix, du Städel's
Institut de Francfort; le portrait de Carl
Scheurl du Musée germanique à Nuremberg;
deux portraits à la galerie de Dresde,
etc.
Crucifixion, par Cranach l'Ancien (Copenhague). Mais c'est surtout par les oeuvres de sa dernière manière et par les innombrables imitations que ses élèves en ont faites que Cranach est connu de la postérité : ce sont elles qui ont déterminé l'idée qu'on se fait de son art. Son dessin y est d'une précision et d'une sincérité qui n'accordent rien à la beauté; mais la convention s'y glissera quelquefois et même dans certaines figures nues de femmes, Eves, Vénus, Dianes, un maniérisme d'ailleurs plein de saveur dans sa mièvrerie naïve et ses subtiles gaucheries. Par son mélange de fortes qualités et de défauts, il est absolument et, si l'on peut dire, délicieusement germanique : il reste, à côté et au-dessous de Dürer dont il n'a pas les divinations supérieures et la profondeur, un des artistes les, plus représentatifs et les plus populaires de la vieille Allemagne. Son oeuvre est d'une extraordinaire variété : sujets bibliques, mythologiques, il a tout abordé, et, comme il a été le témoin ardent et convaincu d'une grande crise religieuse, ses tableaux inspirés de la Bible reflètent les influences et les doctrines de son temps et de son milieu. Ils sont d'abord conformes à l'esprit du culte catholique pour les églises de qui ils sont faits. Aux tableaux déjà cités, il convient d'ajouter la Madone aux raisins et la Vierge avec l'enfant, dans un cadre rond, de la Pinacothèque de Munich; celles de l'église Saint-Jacques à Innsbruck; du dôme de Koenigsberg (Kaliningrad); la Madone sous le pommier, de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, etc. Dans les sujets empruntés à
l'Ancien et au Nouveau
Testament, son naturalisme intransigeant se donne libre carrière;
parmi les plus caractéristiques, la Femme adultère devant
le Christ (les Pharisiens sont représentés sous les espèces
de gros bourgeois à bésicles et à trognes caricaturales);
les Judith et Holopherne, de Gotha (1531), Vienne, Dresde, Kassel,
Stuttgart; Samson et Dalila, de l'hôtel de ville d'Augsbourg;
les Laissez venir à moi les petits enfants, de Budapest,
Naumbourg et Leipzig; la suite de la Passion,
à Berlin.
Judith et la tête d'Holopherne, par Lucas Cranach, l'Ancien (Vienne). Parmi les tableaux peints sous l'influence de Luther (Luther ne condamnait pas absolument, comme Calvin, l'usage de toute décoration picturale dans les églises), il en est dont le titre seul révèle l'inspiration nouvelle; par exemple la Loi et la Grâce ou la Chute et la Rédemption (tableaux de l'église paroissiale de Schneeberg, du musée de Weimar, du Musée germanique de Nuremberg, de l'église paroissiale de Wittemberg, etc.). Les portraits des principaux réformateurs et de leurs disciples se retrouvent fréquemmenf dans les ouvrages de cette série. Mais Cranach ne s'interdisait pas les sujets mythologiques et païens. Il n'y a d'antique assurément que
le nom dans les Vénus et l'Amour (Berlin);
Apollon et Diane (Weimar, Kassel et galerie Lichtenstein); Jugement
de Pâris (Darmstadt, Gotha, Worlitz, Karlsruhe); Famille de
faunes (Donaueschingen); Hercule et Omphale, et les nombreuses
Lucrèces, que son atelier a répétées
à satiété. Il a aussi peint quelques scènes
allégoriques, comme la Fontaine de Jouvence, du musée
de Berlin, et les Scènes de mort (1518), du musée
de Leipzig (répétition à
Vienne et à Prague).
Enfin, des scènes de chasse, dont la
plus importante est la Chasse au cerf, du château de Prague
(1529). Les portraits de sa main sont nombreux; ce sont d'abord ceux des
trois électeurs dont il a été le peintre officiel,
et des membres de leur famille; puis ceux de ses amis personnels, et, avant
tous, ceux des réformateurs, Luther et Catherine de Bora sa femme,
Melanchthon, Bugenhagen. Beaucoup sont de
simples répétitions fabriquées dans son atelier.
Enfin, dans les différents cabinets européens, on trouve un assez grand nombre de dessins originaux du maître (études pour ses tableaux ou ses gravures, ou même libres inventions, souvent d'une grande saveur). (André Michel). Princesse saxonne, par Lucas Cranach, l'Ancien (Washington).. |
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Lucas Cranach,
le Jeune, est un peintre allemand, fils du précédent,
né en 1515, mort en 1586. Il succéda à son père
dans la direction de l'atelier comme dans sa charge de bourgmestre de Wittenberg.
Beaucoup, sinon la plupart des portraits attribués à Cranach
le Vieux, sont de sa façon. Schuchardt avait cru découvrir
que le monogramme du fils différait quelque peu de celui du père
(les ailes du serpent élevées chez celui-ci, rabattues chez
celui-là). Scheibler a soutenu que cette distinction n'était
que partiellement justifiée. La marque de l'atelier fut souvent
modifiée, mais elle fut employée indifféremment par
tous ceux qui y travaillèrent ou y furent employés. Pour
les dernières années de Cranach le Jeune, la marque caractéristique
est un dragon à l'essor aux ailes éployées.
Les principales oeuvres de Cranach le Jeune
(postérieures à 1553) sont : une Adoration des Bergers
(dans l'église paroissiale de Wittenberg) ainsi qu'une Mise en
croix; la Vigne du seigneur (1569), où l'on voit les catholiques
occupés à détruire les plants que les protestants
protègent et rétablissent; plusieurs tableaux à la
galerie de Dresde (Résurrection, Crucifiement, Résurrection
de Lazare, etc.), et au Belvédère de Vienne. On peut
lui attribuer aussi la Prédication de saint Jean-Baptiste,
de Brunswick (1549); les Chasses, de Madrid et de Vienne (1544),
et plusieurs portraits, dont quelques-uns excellents, à Dresde,
à Berlin et à Nuremberg. Dans les dernières années
de la vie de son père, il fut d'ailleurs son collaborateur assidu.
Son dessin est moins caractéristique, et, d'une façon générale,
son exécution plus molle. (A. M.).
Le Suicide de Lucrèce, par Cranach le Jeune. |
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