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François Coppée

Francis Edouard Joachim, dit François Coppée est un poète et écrivain français, né à Paris le 12 janvier 1842, et mort le 23 mai 1908 dans cette même ville. Il avait déjà publié un recueil de vers : le Reliquaire (1866), quand un délicieux acte en vers, le Passant (1869), établit sa réputation. De ce jour il ne cessa de s'élever, tant par ses recueils de vers et ses Contes en prose que par ses drames brillants et habiles, tous pleins de beaux sentiments et de nobles pensées.Coppée restera avant tout pour la postérité l'auteur des Humbles et des Intimités. Ce sont là deux genres exquis, qu'il a sinon découverts, du moins portés, en artiste impeccable, à leur plus haut degré de perfection. En cela, il est digne de figurer tout de suite après les plus grands, autant que Ruysdaël, Téniers et tous les intimistes de l'école flamande peuvent être admirés après les Michel-Ange, les Vinci et les Rembrandt. On avait déjà remarqué dans son premier recueil, le Reliquaire, des pièces comme Adagio.

La vie et l'oeuvre de François Coppée.
Sa famille, du côté paternel, était d'origine flamande et compta au XVIe siècle un poète wallon. Dernier né d'un père qui occupait un modeste emploi au ministère de la guerre, il eut une enfance maladive et ne put poursuivre jusqu'au bout ses études commencées au lycée Saint-Louis. 

Admis comme expéditionnaire dans un des bureaux de la guerre, et bientôt, par suite de la mort de son père, devenu chef de famille, il employait ses loisirs à rimer des drames et des poésies. Ce fut Catulle Mendès qui lui procura le plaisir de se voir imprimé dans les feuilles éphémères où s'essayait la jeunesse d'alors. C'est ainsi qu'une partie des pièces qui formèrent plus tard les Intimités parut d'abord dans le journal le Hanneton. Le véritable début de Coppée date de la publication du Reliquaire (1866, in-18), recueil de poésies très favorablement accueilli des délicats et nommément de Sainte-Beuve qui saluait dans l'auteur un « vrai poète », tout en notant avec finesse ce qu'il y avait encore de factice et de « voulu » dans son talent. 

Les Intimités (1868, in-18); les Poèmes modernes (1869, in-12), vinrent promptement justifier les espérances que ses premiers vers avaient fait naître. Dans l'intervalle, un drame en un acte et en vers, le Passant (Odéon, 14 janvier 1869), obtint non seulement auprès des lettrés, mais encore auprès du grand public, un succès éclatant que pouvaient revendiquer au même titre l'auteur et ses deux interprètes, Sarah Bernhardt et Agar. C'est alors aussi que deux de ses Poèmes modernes, le Défilé et la Bénédiction, puis un autre récit inspiré par les tragiques événements dont le bassin de la Loire avait été le théâtre, la Grève des Forgerons, lus ou récités dans diverses matinées ou solennités, devinrent bientôt populaires. Les Deux Douleurs, autre drame en un acte et en vers (Théâtre-Français, 20 avril 1870), ne rencontrèrent pas, à beaucoup près, le même accueil.

Pendant le siège de Paris, François Coppée ne publia que la Lettre d'un mobile breton dont la vogue dura fort longtemps, et dans un autre poème : Plus de sang! écrit en avril 1871, il appela en vain l'apaisement des discordes qui assombrissaient encore les défaites françaises. Après la guerre, ses oeuvres se sont succédé fort nombreuses et il suffira ici de rappeler les titres des drames, des poèmes ou des romans qui, s'ils n'ont pas eu tous une égale fortune, ont du moins tous, et à bon droit, excité ou retenu l'attention publique. 

Au théâtre, Coppée a donné à partir de 1870 l'Abandonnée, drame en deux actes (Gymnase, 1871); Fais ce que dois (Odéon, 1871, un acte), épisode inspiré par les récentes défaites françaises et qui leur dut un succès; les Bijoux de la Délivrance (1872), scène due à la même inspiration; le Rendez-Vous (Odéon, 11 septembre 1872, un acte), ou les concessions faites à ce qu'on appela jadis « l'école du bon sens-», troublèrent et dérangèrent un peu les admirateurs du poète; le Luthier de Crémone (Théâtre-Français, 28 mai 1876), drame en un acte qui acquit tous les suffrages et tint longtemps l'affiche; le Trésor (1877), comédie anecdotique à trois personnages; la Korigane, ballet en deux actes (1881), musique de Widor, resté au répertoire de l'Opéra; Madame de Maintenon, drame eu cinq actes (Odéon, 1881), tentative mal accueillie et qui ne faisait point prévoir le succès retentissant et légitime de Severo Torelli (Odéon, 21 novembre 1883), drame en cinq actes; les Jacobites (Odéon, 21 novembre 1885), autre drame en cinq actes, tiré des péripéties de la lutte du dernier des Stuarts contre la maison de Hanovre, qui n'obtint qu'un petit nombre de représentations.

François Coppée n'a pas fait imprimer le Petit Marquis, drame en quatre actes, dont M. d'Artois fut le collaborateur, pour divers motifs, ni pu faire représenter la Guerre de Cent ans, drame en cinq actes, avec prologue et épilogue, dû à la même collaboration; le Justicier (intitulé d'abord Pour la Couronne), dont l'auteur a fait des lectures très applaudies en Suisse et en Hollande; enfin le Pater, épisode des dernières luttes de mai 1871, dont l'interdiction fit grand bruit en 1889.

Les Humbles (1872) marquent une évolution nouvelle chez le poète des Intimités; il y chante les joies et les misères dédaignées et sans crainte des parodies faciles dont il fut le premier sans doute à sourire; le Cahier rouge (1874) est sorti de la même veine; le poème d'Olivier (1875), et l'Exilée (1877), trahissent plus d'une réminiscence personnelle; les Récits et les Elegies (1878), sont en partie, du moins, empruntés à diverses traditions de l'Ancien Testament, des Evangiles et du Coran, ainsi qu'aux légendes ou aux moeurs du Moyen âge ou de la Renaissance. L'Arrière-Saison (1887, in-18), et les Paroles sincères (1890, in-18), renferment au contraire des pièces ultérieures d'inspiration plus intime. 
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A cette série se rattachent un certain nombre de poésies écrites pour des inaugurations ou des anniversaires de circonstances, de prologues et d'à-propos dramatiques : l'Asile de Nuit (1880); la Bataille d'Hernani (1880); la Maison de Molière (1880); Pour le Drapeau (1883); A Brizeux (1888) : A l'empereur Frédéric III (1889); Lamartine (1890).

Coppée n'a pas montré moins d'originalité ni de personnalité comme prosateur, mais sans parvenir à conquérir dans le roman la place à laquelle il aurait légitimement droit : Une Idylle pendant le siège (1875), publiée en 1872 dans le feuilleton du Moniteur ne montre pas, il est vrai, les qualités maîtresses des Contes en prose (1882, in-18), des Contes rapides (1886), dont quelques-uns sont de véritables petits chefs-d'oeuvre; Henriette (1879), et surtout de Toute une Jeunesse (1890), où l'auteur a évoqué un passé et des silhouettes aisément reconnaissables.

Attaché en 1869 à la bibliothèque du Sénat, François Coppée céda sa place, en 1872, à Leconte de Lisle et fut nommé archiviste de la Comédie-Française. Démissionnaire à la suite du refus par le comité de lecture d'entendre Severo Torelli, il fut chargé à la Patrie du feuilleton dramatique précédemment rédigé par Edouard Fournier et y révéla, de 1880 à 1884, des aptitudes inattendues. Ses causeries hebdomadaires n'ont pas été recueillies, mais un livre de Lescure en renferme d'abondants extraits. Coppée déposa la plume de critique lorsqu'il fut élu membre de l'Académie française (21 février 1884), en remplacement de Victor de Laprade; il y prit séance le 18 décembre suivant et ce fut Victor Cherbuliez qui répondit au discours du récipiendaire.
 

Le Petit épicier

« C'était un tout petit épicier de Montrouge,
Et sa boutique sombre, aux volets peints en rouge,
Exhalait une odeur fade sur le trottoir. 
On le voyait debout derrière son comptoir, 
En tablier, cassant du sucre avec méthode. 
Tous les huit jours, sa vie avait pour épisode
Le bruit d'un camion apportant des tonneaux 
De harengs saurs ou bien des caisses de pruneaux; 
Et, le reste du temps, c'était, dans sa boutique, 
Un calme rarement troublé par la pratique, 
Servante de rentier ou femme d'artisan, 
Logeant dans ce faubourg à demi paysan. 
Ce petit homme roux, aux pâleurs maladives, 
Était triste, faisant des affaires chétives 
Et, comme on dit, ayant grand'peine à vivoter. 
Son histoire pouvait vite se raconter.
Il était de Soissons, et son humble famille, 
Le voyant, à quinze ans, faible comme une fille,
Voulut lui faire apprendre un commerce à Paris.
Un cousin, épicier lui-même, l'avait pris, 
Lui donnant le logis avec la nourriture; 
Et, malgré la cousine, épouse avare et dure, 
Aux mystères de l'art il put l'initier.
Il avait ce qu'il faut pour un bon épicier 
Il était ponctuel, sobre, chaste, économe.
Son patron l'estimait, et, quand ce fut un homme, 
Voulant récompenser ses mérites profonds, 
Il lui fit prendre femme et lui vendit son fonds. »
 

(F. Coppée, Les Humbles).

La poésie de François Coppée. 
L'originalité de François Coppée ne se dégagea pas tout de suite de la double influence de Leconte de Lisle et de Sully Prudhomme.

La poésie épique et lyrique. 
Il a laissé des poèmes épiques dont les sujets sont empruntés aux diverses époques de l'humanité (Sennachérib, Duel de raffinés, Mort du général Walhubert, etc.). Il s'est analysé aussi à la manière de Sully Prudhomme (Intimités, Olivier). Mais une certaine recherche de l'effet trahit trop souvent l'effort et le manque de spontanéité.

La poésie réaliste. 
 Au fond ce parisien était plus à l'aise quand il promenait sa flânerie dans les rues ou la banlieue, s'arrêtant à regarder un régiment qui passe (Poèmes modernes : le Défilé), un militaire et une bonne d'enfants (Ibid. : le Banc), des lutteurs de foire (Le Cahier rouge : Lutteurs forains), des ouvriers endimanchés partant pour la campagne (Ibid : Croquis de banlieue), etc. De ses origines et de ses débuts modestes, il gardait pour les petites gens une sympathie sincère : il s'intéressait à un épicier désolé de ne pas avoir d'enfant (Les Humbles, Le Petit Épicier), à un fils qui se résigne à un emploi modeste (Ibid. : Un fils), à un forgeron qui a fait grève malgré lui et tue un camarade qui le traite de lâche (La Grève des Forgerons).

L'art de François Coppée.
C'est là ce qu'on regarde d'ordinaire comme la prose de la vie. De pareils sujets ne comportent d'autre poésie que celle que sait y ajouter l'artiste.

Le prosaïsme.
François Coppée n'y réussit pas toujours. C'est un jeu de relever chez lui des
vers plats comme ceux-ci :

Elle était orpheline et servait dans les fermes. (La Nourrice).

Donc il était encor satisfait comme ça. (Le Petit Epicier).

Ses poèmes n'ont pas non plus pour décor, comme les Pauvres Gens de Victor Hugo, la mer tragique, mais un jardin, une rue maussade, un coin aride de banlieue. Ses croquis, d'une précision très vécue, n'ont rien de poétique :
Devant la loterie éclatante où les lots 
Sont un sucre de pomme ou quelque étrange vase,
L'illustre Arpin, devant un public en extase, 
Manipule des poids de cinquante kilos. 

(Lutteurs forains).

L'émotion.
Pourtant le poète côtoie la vulgarité plus qu'il n'y tombe. Il sait, en auteur dramatique qui connaît le public, conduire un récit pour faire naître l'émotion. Ses humbles sont estimables, coupables parfois, sans être criminels, respectueux de la piété filiale et du devoir patriotique, capables à l'occasion d'abnégation et de sacrifice. Le petit épicier fait des cadeaux à ses jeunes clients. Le fils dévoué renonce à son ambition pour gagner plus tôt sa vie :
L'enfant avait rêvé gloire, sabre, épaulettes, 
Un avenir doré, les honneurs les plus grands.
A présent, il voulait gagner douze cents francs. (Un fils).
Cette poésie est faite de la valeur morale de ces héros modestes et de la sympathie du poète. Elle répond très exactement à la sentimentalité du public moyen, et c'est pourquoi François Coppée a rencontré plutôt un accueil populaire que l'admiration des lettrés. (Maurice Tourneux / E. Abry).
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