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Alors que les Phéniciens
et leurs descendants les Carthaginois
conservaient encore le monopole du commerce dans la Méditerranée
occidentale et l'Atlantique ,
ils étaient remplacés dans la Méditerranée orientale par les Grecs,
leurs élèves. Ceux-ci ne purent d'abord que les chasser de la mer Egée ,
et la légende des Argonautes a perpétué
le souvenir des efforts infructueux qu'ils firent pour retrouver les fabuleux
trésors de la Colchide, la Toison
d'or. La marine et le commerce des Hellènes ne prirent un grand développement
que par l'extension des colonies grecques. Ces colonies étaient des cités
nouvelles fondées par la métropole, mais souvent en mesure de rivaliser
bientĂ´t avec elle. Celles d'Ionie prirent
l'initiative de l'exploration commerciale de la mer Noire ;
les Milésiens, bientôt suivis par les Mégariens, couvrirent les côtes
de leurs comptoirs dont plusieurs devinrent de grandes villes. Au VIIIe
siècle eut lieu la colonisation de la Sicile
et de l'Italie méridionale, et la
prospérité des colonies, due
en partie au commerce, l'alimenta ensuite. Lorsque les Grecs se furent
répandus sur tous les rivages, depuis la Scythie
jusqu'à la Cyrénaïque, des bouches
du RhĂ´ne
et du Don
Ă celles du Nil ,
comme ils n'occupaient partout qu'une étroite bande de côtes et que la
mer restait leur élément favori, ils furent essentiellement commerçants.
Tous les produits, agricoles, miniers, de tous les pays, furent échangés
les uns contre les autres par leur intermédiaire, et leurs manufactures
firent une concurrence active Ă celles des Asiatiques. La partie la plus
considérable de ce commerce est évidemment celle qui se faisait entre
les diverses cités grecques; nous ne pouvons en entreprendre ici l'exposé
détaillé; nous nous bornerons à dire que les principales cités commerçantes
furent Milet, Ephèse
et Phocée, Rhodes,
Chalcis, Byzance,
Egine remplacée par Athènes,
Corinthe, Mégare,
Cyrène, Sybaris,
Cumes, Syracuse,
Marseille. Les principaux marchés furent
l'Asie Mineure, la Scythie méridionale,
la Thrace, l'Italie.
L'Asie Mineure, très riche dans l'Antiquité,
était bordée d'un liseré de colonies grecques. Adossée à l'Ionie était
la prospère Lydie, avec ses plaines fertiles,
son Pactole aux sables aurifères, son grand entrepôt de Sardes, ses industries
de luxe (travail des métaux précieux, fabrication de jouets, belles étoffes);
Sardes était le marché d'esclaves le plus
considérable de cette partie de l'Asie. On attribue aux Lydiens l'invention
de la monnaie, c.-à -d. l'idée de garantir par une empreinte officielle
le poids et le titre des lingots; les Phocéens, puis les autres Grecs
développèrent rapidement cette féconde invention qui donna un grand
essor à leur commerce. Les plateaux intérieurs de l'Asie Mineure (Phrygie
et Cappadoce) vendirent la laine de leurs
brebis noires, le poil soyeux des chèvres d'Angora, des lapins mêmes,
matières premières très recherchées pour la fabrication d'étoffes
fines. Les marchés étaient à Célènes, à Carura, caravansérail frontière
entre la Carie, la Lydie et la Phrygie. Dans
les montagnes du Nord-Est, les Chalybes continuaient d'exploiter leurs
mines de fer; de la Paphlagonie, on tirait
des chevaux; de la Bithynie, des bois de
construction, de la laine et tous les produits agricoles, etc. Le commerce,
très actif et très varié des Grecs avec l'Asie Mineure, se faisait par
toutes les côtes, et il était, particulièrement sur le littoral septentrional,
bien plus florissant qu'à notre époque.
Les rivages septentrionaux et occidentaux
de la mer Noire étaient essentiellement formés de plaines très fertiles
en céréales; les Grecs en tiraient d'immenses approvisionnements de grains,
des bois de construction et pratiquaient la pĂŞche maritime et fluviale
avec un grand profit. Ils vendaient les produits du Midi, huile, vin, figues,
très appréciés des Scythes, et leurs objets manufacturés, armes et
ustensiles de bronze et de fer, tissus, etc. Des caravanes leur apportaient
mĂŞme l'or de l'Oural ,
les pelleteries et fourrures de la Russie
du Nord ou de la Sibérie; il ne faut pas
négliger le commerce des esclaves. Le commerce de la Colchide continuait,
mais sans avoir son ancien éclat. Les Grecs de la péninsule tiraient
de la Thrace des matières premières, du bois, du blé, l'or des mines
du mont Pangée, lui vendaient les produits du midi et des villes; ce trafic
était considérable; nous citons toujours en bonne place les bois de construction,
car on ne saurait imaginer ce qu'en absorbaient les flottes anciennes,
flottes de commerce ou de guerre, et combien il était important pour une
cité maritime de veiller à l'approvisionnement de ses chantiers.
Ce fut, avec le commerce des grains indispensable
à l'alimentation des grandes villes, la principale préoccupation économique
des Athéniens. Il s'en fallait de beaucoup que le sol de l'Attique, de
l'île d'Egine, de la Corinthie pût nourrir l'énorme population des grandes
villes dont le commerce avait fait la fortune; la préoccupation d'assurer
les approvisionnements de blé était grande. Nous connaissons les règlements
athéniens; on ne permettait la réexportation que dans les moments de
grande abondance; les céréales venaient surtout de la Scythie méridionale,
de même que le poisson salé. On note la préoccupation d'assurer les
approvisionnements et la prohibition des exportations des matières premières
jugées indispensables pour l'alimentation et la marine (bois, goudron,
cordages). Les douanes n'étaient que fiscales, droit de 2% à l'entrée
et Ă la sortie. A l'occasion, on prenait contre un adversaire des mesures
spéciales, même en temps de paix; Thémistocle
interdit aux Mégariens tout commerce avec l'Attique. La quantité de numéraire
en circulation était relativement faible, aussi l'intérêt de l'argent
était considérable, pas moins de 10% à Athènes, parfois 36%. La masse
de numéraire immobilisée dans les temples ou dans les trésors publics
diminuait d'autant la circulation. Dans les relations intérieures, on
employait des monnaies de cuivre et de fer, concurremment avec celles d'or
et d'argent qui avaient cours au dehors. Le crédit existait, et les cités
commerçantes avaient des banques de prêt et de dépôt. Les temples jouaient
ce rĂ´le, notamment celui de Delphes.
Bien qu'Athènes nous soit mieux connue
et que son rôle politique ait été plus beau, il semble que Corinthe
fut, grâce à sa situation, la plus grande place commerciale de la Grèce;
elle le fut sĂ»rement après la chute d'Athènes consĂ©cutive Ă
la guerre lamiaque. Quand les Romains la ruinèrent, ses marchands se transportèrent
à Délos. Il faut encore mentionner Corcyre,
centre du commerce et de la colonisation de l'Adriatique; Rhodes, prospère
dès le VIIe siècle av. JC, et dernière
puissance navale de la Grèce, dont les lois sur la navigation commerciale
furent adoptées généralement; enfin, les opulentes villes de la Grande-Grèce
auxquelles sera consacré un article spécial, de même qu'à celles de
la Sicile et à Syracuse. Dans le commerce général du monde alors connu,
le rĂ´le des Grecs, au moins jusqu'Ă Alexandre,
fut moindre que celui des Phéniciens; ils avaient bien organisé en Egypte
le grand marché commercial de Naucratis
et par là , comme par l'île de Chypre,
se procuraient tous les produits rares de l'Orient, épices de l'Inde,
encens de l'Arabie ,
ivoire, etc., ils allèrent chercher aux bouches du Pô
l'ambre jaune, en Espagne l'argent;
les Marseillais se procuraient l'étain de Cornouailles, et leurs navigateurs
allèrent jusque sur les côtes de Germanie,
mais ce commerce général fut toujours pour les Grecs la partie la moins
importante, au lieu que pour les Phéniciens il était presque tout.
Il faut accorder une mention spéciale
au rôle des Grecs après Alexandre, lorsqu'ils furent en possession des
marchés de Bactriane, de Babylonie,
de Syrie et d'Egypte. Ils prirent alors
la direction du commerce général du monde et Alexandrie en devint l'entrepôt.
Ce commerce se continua et se développa sous la domination romaine. (A.-M.
B). |
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