| Lorsque les rois de France habitaient le Palais de Justice, les juges, les avocats, les procureurs et tous les gens de justice furent désignés sous le nom de Clercs de la basoche (du mat latin basilica = palais royal) ou Clercs du Palais. II se forma plus tard entre les clercs du Palais et les clercs du Châtelet une association qui fut reconnue en 1303 par Philippe le Bel et qui obtint des privilèges particuliers. Associés pour le plaisir, les basochiens élisaient un chef qui prenait le titre pompeux de roi de la basoche, avait une cour, des grands officiers, une monnaie, des armoiries (trois écritoires d'or sur champ d'azur); ce roi faisait la revue de ses sujets tous les ans au pré au Clercs, et il leur rendait la justice deux fois par semaine. Les Clercs de la Basoche, qu'ils aité été clercs du Palais, du Châtelet, ou, aussi de la Chambre des comptes qui avait également sa confrérie, partageait un même goût pour les représentations dramatiques, et c'est de la basoche que sont sorties un grand nombre de farces ou moralités qui forment le répertoire comique du théâtre du Moyen âge. Les basochiens toutefois n'ont pas fondé le théâtre comique : « Les principaux créateurs de notre comédie ont été, dit Magnin, les étudiants des grandes écoles, à Paris et en province, avec les ménes. trels du XIIe et du XIIIe siècle. La basoche vint ensuite. » On ne sait pas exactement à quelle époque la basoche commença à donner des représentations; ce fut sans doute peu de temps après que Philippe le Bel eut autorisé les clercs du Parlement à se constituer en corporations. Nicole Oresme, contemporain de Charles V, parle, dans sa traduction des Ethiques d'Aristote, des comédies que l'on fait à présent, et il est probable qu'il pense aux Clercs de la basoche. Vers 1380, se fonda l'association des Enfants-sans-souci, qui fit aux représentations des clercs une importante concurrence : il semble toutefois que les Enfants-sans-souci se soient ordinairement renfermés dans le cadre de la sottie, laissant la moralité aux basochiens. En 1442, on met en prison, au pain et à l'eau, des basochiens trop caustiques, et l'on soumet à la censure leurs représentations. Le 12 mai 1473, un arrêt autorise la corporation à reprendre ses jeux interrompus; le 6 mai 1475, on lui interdit de jouer sans autorisation; en 1476, autre arrêt qui interdit aux clercs du Parlement et du Châtelet « de représenter publiquement audit Parlement ou Chastelet, ou ailleurs et lieux publics, farces, sotties, moralités ni autres jeux à convocation de peuple, sur peine de bannissement et confiscation de tous biens »; avec défense de demander l'autorisation de faire de pareilles représentations sous peine d'être exclu du Parlement et du Châtelet. En 1486, Charles VIII fait emprisonner à la Conciergerie cinq basochiens coupables de quelques allusions politiques. Louis XII rend toute liberté à la basoche. En 1536, un arrêt interdit de porter des masques imitant les personnes vivantes; en 1538, ordre de remettre au greffier du Parlement les manuscrits des pièces quinze jours avant la représentation; en 1540, défense de faire des personnalités; en 1561, ordre de demander une autorisation particulière pour chaque pièce que l'on voudra représenter; enfin, Henri III, en 1582, supprime complètement le théâtre de la basoche. Le 1303 à 1582, la basoche a dû beaucoup produire. Dans la masse de farces, sotties eu moralités qui nous sont parvenues, des connaisseurs au goût affiné reconnaissent les productions de la basoche à une saveur particulière : le trait le plus saillant est l'abondance des citations latines. La farce de Maître Patelin, ce chef-d'oeuvre du théâtre comique antérieur à la Renaissance, appartient incontestablement à la basoche et est son plus beau titre de gloire. Les noms les plus connus dans l'histoire littéraire de la basoche parisienne sont ceux de Martial d'Auvergne, Henri Baude, Thomas Sibilet, André de la Vigne. En 1501, la basoche avait à sa tête un jeune homme appelé Pierre de Baugé, qui mourut le 16 juin, âgé seulement de vingt ans. André de la Vigne a consacré à déplorer sa mort une curieuse Complainte dont le style est d'un étonnante modernité. Après avoir épuisé non seulement le vocabulaire, existant, mais toutes les expressions qu'il lui était possible de forger, pour pleurer le roi défunt, le poète fait intervenir les basoches de Toulouse, Bordeaux, Grenoble et Dijon, c.-à-d. des quatre plus anciens parlements de France, pour qu'elles joignent leurs lamentations à celles de la basoche parisienne. Il est singulier qu'on ne voie pas intervenir la basoche de Rouen à laquelle Louis XII avait conféré des lettres patentes au mois d'avril 1499. Quant à celle d'Aix-en-Provence, on comprend qu'elle ne soit pas mentionnée, le parlement de cette ville ne datant que du 4 juillet 1504. Ces basoches de province rivalisèrent avec celles de Paris pour les représentations théâtrales, mais leur histoire est moins bien connue. Ajoutons que d'anciens basochiens, retirés dans des villes où il n'y avait pas de basoche proprement dite, contribuèrent à y répandre le goût de ces représentations. Il faut citer parmi les noms d'auteurs qui se rattachent aux basoches provinciales : Jehan d'Abundance (Pont-Saint-Esprit), Pierre Blanchet (Poitiers), Claude Bonnet (Aix), Jean Bouchet (Poitiers), François Habert (Issoudun), Pierre Taserye (Rouen). (Antoine Thomas). | |