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L'histoire du Zimbabwe
Les premiers habitants du Zimbabwe étaient des chasseurs-cueilleurs de l'âge de la pierre, souvent associés aux cultures San, qui ont laissé des peintures rupestres dans diverses régions du pays. Ces œuvres d'art sont les témoignages les plus anciens de l'activité humaine dans la région. Vers 300-400 ap. JC, les populations bantoues, pratiquant l'agriculture et l'élevage, commencent à migrer vers la région du Zimbabwe. Ils introduisent la métallurgie du fer, l'agriculture sur brûlis et l'élevage, posant les bases des premières sociétés complexes dans la région. Les plus anciens Etats connus remontent au Xe siècle, parmi lesquels le royaume ou empire du Monomotapa, dont la notoriété atteint même l'Europe vers le XVIe siècle.

Le Monomotapa.
On peut indentifier dans l'histoire du royaume du Monomotapa deux périodes, celle d'abord du Grand Zimbabwe, puis celle du Mutapa ou Monomotapa proprement dit, qui en reprend l'éhritage.

Le Grand Zimbabwe.
Vers 1100, le royaume de Grand Zimbabwe émerge comme une puissance régionale. Le site archéologique de Grand Zimbabwe, célèbre pour ses structures en pierre imposantes, devient le centre politique, économique et religieux du royaume. La civilisation de Grand Zimbabwe est fortement impliquée dans le commerce de l'or et d'autres produits avec les marchands arabes et swahilis de la côte est de l'Afrique. Le Grand Zimbabwe atteint son apogée au XIVe siècle. Il contrôle alors une vaste région et une population nombreuse. La cité abrite le roi et une élite aristocratique, tandis que les habitants se livrent à l'agriculture, l'artisanat et le commerce. Le royaume commence à décliner au milieu du XVe siècle, probablement en raison de l'épuisement des ressources, des tensions internes, et peut-être de changements climatiques. Le centre du pouvoir semble s'être déplacé plus au nord, où le Royaume du Monomotapa va émergé. Les élites quittent la ville pour s'installer aussi ailleurs, notamment à Khami et d'autres sites.

Le royaume de Mutapa (Mwenemutapa).
Après la chute de Grand Zimbabwe, le royaume de Mutapa, également appelé empire Mwenemutapa ( = Monomotapa), devient la puissance dominante dans la région.  Le terme Mwene Mutapa signifie Maître des mines ou Seigneur des terres ravinées dans la langue Shona. Il est également utilisé pour désigner les souverains du royaume. Selon la tradition, le premier roi du Monomotapa, Nyatsimba Mutota, aurait fondé le royaume au XVe après s'être séparé du Grand Zimbabwe, dont il était un prince, à la recherche de nouvelles sources de sel et de terres.  Sous le règne de Nyatsimba Mutota et de son successeur Matope, le Royaume du Monomotapa s'étend rapidement pour couvrir une vaste région du Zimbabwe moderne jusqu'à la rivière Zambèze au nord, et à l'est vers la côte de l'océan Indien (sur une partie du territoire de l'actuel Mozambique). Le royaume contrôle de nombreuses mines d'or, d'argent et de cuivre, ce qui en fait une puissance régionale importante. Il devient également un acteur clé dans le commerce transsaharien et transocéanique. Les commerçants arabes et swahilis de la côte est-africaine échangent des textiles, des perles, et d'autres marchandises contre de l'or, de l'ivoire, et des esclaves. Le royaume sera même en contact avec des marchands portugais à partir du début du XVIe siècle.

Les Portugais, en quête de routes commerciales vers l'Inde et de nouvelles sources de richesse, commencent à cette époque à explorer l'intérieur de l'Afrique australe. Ils établissent des comptoirs commerciaux sur la côte de l'actuel Mozambique et commencent à entrer en contact avec le royaume du Monomotapa. Les relations entre le Monomotapa et les Portugais sont initialement cordiales, basées sur des alliances commerciales et militaires. Cependant, les Portugais cherchent à contrôler les routes commerciales et les sources d'or, ce qui provoque des tensions. D'autant plus que les Portugais s'immiscent de plus en plus dans les affaires internes du royaume, soutenant différents prétendants au trône et tentant d'installer un protectorat.

À partir du XVIIe siècle, le pouvoir du Monomotapa commence à décliner en raison des luttes internes pour le pouvoir, de la pression continue des Portugais, et de la montée de nouveaux royaumes régionaux, tels que les Rozwi. Le royaume perd progressivement le contrôle de ses territoires périphériques et de ses ressources économiques. Il se fragmente en plusieurs entités politiques plus petites. Le contrôle portugais sur les affaires du Monomotapa devient plus direct, mais leur influence est également limitée par la résistance locale et la concurrence d'autres puissances africaines émergentes. Le royaume s'efface complètement au XVIIIe siècle, mais le terme Monomotapa a continué à être utilisé par les Portugais pour désigner diverses entités politiques dans la région bien après la disparition du royaume original.

Les autres royaumes précoloniaux.
Le royaume de Mapungubwe.
Constituée un peu avant le Grand Zimbabwe, et situé au sud du Zimbabwe actuel, le royaume de Mapungubwe (vers 1075-1220) est l'un des premiers États connus de la région. Il s'agit d'une société hiérarchisée avec un roi au sommet, qui contrôle les routes commerciales reliant l'intérieur de l'Afrique à la côte orientale. Le commerce d'or, d'ivoire et d'autres produits locaux contre des marchandises importées, comme des perles de verre et des poteries, prospère durant cette période.

Torwa et Khami.
Le royaume de Torwa (XVe-XVIIe siècles), avec sa capitale à Khami, émerge dans le sud-ouest du Zimbabwe après le déclin de Grand Zimbabwe. Khami devient un centre important de pouvoir. On y trouve des structures en pierre similaires à celles de Grand Zimbabwe, mais avec un style architectural distinct. Le royaume de Torwa est également impliqué dans le commerce à longue distance et prospère jusqu'à ce qu'il soit remplacé par le royaume de Rozwi.

Le royaume Rozwi.
Le royaume ou empire Rozwi (XVIIe-XVIIIe siècles), fondé par Changamire Dombo, se forme vers la fin du XVIIe siècle. Les Rozwi repoussent les Portugais et prennent le contrôle de la majeure partie de l'ancien territoire du Monomotapa et du Torwa. Le Rozwi unifie de nombreuses régions du Zimbabwe moderne sous un gouvernement centralisé, avec une capitale à Danangombe (anciennement Dhlo-Dhlo). Ce royaume se signale sa résistance aux tentatives d'invasion portugaise et pour avoir maintenu son indépendance. Le Rozwi développe une économie basée sur l'agriculture, le pastoralisme, l'artisanat, et le commerce. Il continue à commercer avec les Portugais tout en défendant son territoire contre les incursions extérieures.

Au début du XIXe siècle, le royaume Rozwi décline en raison de la pression des migrations et des conflits internes. Cela coïncide, à partir de 1837, avec l'arrivée des Ndebele ou Matabele, un groupe issu du Mfecane ( = un mouvement migratoire causé par les guerres zouloues en Afrique australe). La population Ndebele, sous la direction de Mzilikazi, est venue du sud vers la région du Matabeleland (aujourd'hui dans l'ouest du Zimbabwe) où elle a établi un Etat avec sa capitale à Bulawayo, qui va atteindre son apogé sous le règne du roi Lobengula.

Les guerres Matabele.
En 1893 et 1894, les Britanniques mènent une guerre contre le royaume Ndebele, connue sous le nom de Première Guerre Matabele, et annexent son territoire. Peu de temps après, ils soumettent également les Shona lors de la révolte de 1896-1897 (Seconde Guerre Matabele), réprimée brutalement par les colons. Les guerres Matabele vont consolider la domination britannique dans la région et faciliter l'expansion coloniale en Afrique australe.

Première Guerre Matabele.
La première guerre Matabele éclate en 1893. À cette époque, les colons britanniques, sous la direction de Cecil Rhodes et de la British South Africa Company (BSAC), cherchaient à étendre leur contrôle sur les terres et les ressources de la région, en particulier l'or. En 1888, Rhodes avait obtenu une concession minière du roi Ndebele Lobengula, grâce à des manoeuvres diplomatiques et à la tromperie. La BSAC avait fondé en 1890 la ville de Salisbury (aujourd'hui Harare) après la signature de la Charte royale. Les colons britanniques visaient le contrôle sur le territoire qui sera nommé Rhodesie du Sud en 1895. Les tensions montent lorsqu'un incident diplomatique et militaire (l'affaire des fusils Martini-Henry) provoqua une guerre ouverte. Les forces de la BSAC, bien équipées et bénéficiant de la supériorité technologique (en particulier avec l'utilisation des mitrailleuses Maxim), parviennent à vaincre les forces de Lobengula. Cette défaite entraîna l'annexion du Matabeleland par les Britanniques.

Seconde Guerre Matabele (Chimurenga).
La deuxième guerre Matabele ( = Première Chimurenga) (1896-1897, fut une insurrection plus généralisée contre la domination britannique. Cette révolte compred non seulement les Ndebele, mais aussi les Shona, un autre groupe ethnique important dans la région. Les causes de la rébellion incluent l'insatisfaction face aux politiques coloniales, les taxes élevées, et la perte de terres. De plus, la sécheresse et l'épidémie de peste bovine avait affaibli la population locale, exacerbant les tensions. Les forces britanniques répriment finalement la révolte grâce à leur supériorité militaire, bien que la guerre ait été marquée par de nombreux actes de résistance héroïque de la part des Matabele et des Shona. La défaite des révoltés marque l'établissement définitif de la domination coloniale britannique sur la région, qui devint connue sous le nom de Rhodésie du Sud.

La période coloniale.
En 1923, la Rhodesie du Sud devient une colonie autonome sous administration britannique, distincte de la Rhodésie du Nord (Zambie actuelle). Les colons blancs dominent la politique et l'économie, tandis que la majorité noire est privée de droits et de terres. Les années 1930 voient l'instauration de lois discriminatoires, comme le Land Apportionment Act (1930), qui sépare les terres en zones réservées aux Blancs et aux Noirs. Cela entraîne la dépossession massive des terres des Africains. Le système colonial se renforce au cours des décennies suivantes, avec des inégalités croissantes entre les Blancs et les Noirs.

La Fédération de Rhodésie et du Nyassaland est créée en 1953. Elle regroupe la Rhodésie du Sud, la Rhodésie du Nord, et le Nyassaland (Malawi actuel). Cette fédération est impopulaire parmi les Africains et se dissout en 1963, sous la pression des mouvements nationalistes. En 1965, Ian Smith, le Premier ministre de Rhodésie du Sud, déclare unilatéralement l'indépendance vis-à-vis du Royaume-Uni, établissant un régime de ségrégation raciale similaire à l'apartheid en Afrique du Sud. Cette déclaration unilatérale d'indépendance n'est reconnue par aucun pays, et le gouvernement de Smith fait face à des sanctions internationales. 

Dans les années 1970, la guerre de libération, connue sous le nom de Seconde Chimurenga, s'intensifie. Des mouvements nationalistes africains, principalement la ZANU (Zimbabwe African National Union) dirigée par Robert Mugabe, et la ZAPU (Zimbabwe African People's Union) dirigée par Joshua Nkomo, mènent une guérilla contre le régime de Smith. Le conflit devient de plus en plus violent, avec des pertes humaines croissantes des deux côtés. Sous la pression militaire et économique, Ian Smith accepte de négocier en 1979. Les pourparlers aboutissent aux Accords de Lancaster House à Londres, qui prévoient un cessez-le-feu, la tenue d'élections multiraciales, et l'indépendance du Zimbabwe.

Le Zimbabwe indépendant.
En avril 1980, le Zimbabwe devient officiellement indépendant. Robert Mugabe remporte les premières élections libres et devient Premier ministre. L'indépendance marque la fin de la domination coloniale, mais inaugure une nouvelle ère complexe pour le pays. Les premières années de l'indépendance sont marquées par la tentative de Mugabe de créer un État socialiste, avec des réformes dans les secteurs de la santé et de l'éducation. Cependant, ces progrès sont entachés par la répression politique, notamment le massacre de Gukurahundi (1983-1987) dans la région du Matabeleland, où l'armée tue des milliers de civils soupçonnés de soutenir la ZAPU.

Mugabe devient président en 1987 après avoir modifié la Constitution pour créer un poste de président exécutif, consolidant ainsi son pouvoir. Joshua Nkomo est contraint de fusionner la ZAPU avec la ZANU, créant le parti ZANU-PF, qui domine désormais la scène politique. Dans les années 1990, le Zimbabwe commence à connaître un déclin économique en raison de la mauvaise gestion, de la corruption, et de l'inefficacité des politiques économiques. Les réformes économiques dictées par le FMI exacerbent la pauvreté et le mécontentement populaire. En 2000, Mugabe lance une campagne de confiscation des terres appartenant aux fermiers blancs, en réponse à la pression populaire et à la montée de l'opposition politique. Ces confiscations, souvent violentes, entraînent l'effondrement du secteur agricole, autrefois florissant, et plongent le pays dans une crise économique majeure, caractérisée par une hyperinflation, un chômage massif, et la dégradation des services publics. Mugabe réprime brutalement l'opposition, en particulier le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) dirigé par Morgan Tsvangirai.

Lors des élections présidentielles de 2008, Mugabe est battu au premier tour par Tsvangirai, mais s'accroche au pouvoir après une campagne de violence généralisée. Sous la pression internationale, un gouvernement d'union nationale est formé, avec Tsvangirai comme Premier ministre, mais Mugabe conserve le contrôle réel. En  2013, Mugabe remporte les élections dans des conditions controversées, renforçant son emprise sur le pouvoir malgré son âge avancé. En novembre 2017, Mugabe est destitué par un coup d'État militaire après avoir tenté de préparer sa femme, Grace Mugabe, comme sa successeure. Sous la pression de l'armée et du parti ZANU-PF, il démissionne après 37 ans au pouvoir. Emmerson Mnangagwa, ancien vice-président et fidèle de Mugabe, lui succède à la présidence.

Mnangagwa remporte les élections présidentielles de 2018 dans un climat tendu. Il promet des réformes économiques et une ouverture démocratique, mais les changements restent limités. L'économie continue de souffrir, avec une inflation galopante, une pauvreté généralisée, et des tensions sociales persistantes. Le Zimbabwe s'enfonce dans une crise économique exacerbée par la corruption, une mauvaise gestion, et des sanctions internationales. Le gouvernement de Mnangagwa est critiqué pour sa répression des dissidents et son incapacité à améliorer la situation économique.

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