| En 1522, dans un voyage le long de la côte Nord-Ouest du continent sud-américain, Pascual de Andagoya avait recueilli les premiers renseignements sur l'empire des Incas. Sur ces indications, Francisco Pizarro, Diego Almagro et un ecclésiastique, Luque, organisèrent une expédition qui échoua misérablement. En 1526, Pizarro repartit avec Almagro et le pilote Bartolomé Ruiz. Pizarro prit terre à l'embouchure du rio San Juan. Ruiz partit à la découverte et rapporta quelques indications. Pizarro alla s'établir à l'île Gallo. Quelques mois après, abandonné par presque tous ses compagnons, il poursuivait son voyage et, après avoir constaté la richesse du pays, il revenait à Panama, pour retourner en Espagne avec le dessein de s'y faire accorder le titre d'adelantado et de préparer une nouvelle expédition. Le 19 janvier 1530, il mettait à la voile. Un an après, il quittait Panama avec 3 vaisseaux, portant 185 hommes et 27 chevaux. Il débarqua d'abord au Rio Esmeraldas et s'avança sur la côte jusqu'en face de l'île Puna. Descendant vers le Sud, il alla prendre terre à Tumbez. Il fonda à peu de distance, à San Mateo, le premier établissement espagnol au Pérou. Le 24 septembre 1532, il partit de ce point avec 102 fantassins, 62 cavaliers et 2 petites pièces d'artillerie, pour se porter au-devant de l'Inca Atahualpa qui s'avançait avec une armée, mais sans manifester d'intentions hostiles. L'entrevue eut lieu le 16 novembre, à Cajamarca, et Pizarro s'y empara traîtreusement d'Atahualpa, après avoir massacré sa suite. L'Inca prisonnier craignit que les Espagnols ne prissent fait et cause pour son rival, Huascar, qu'il tenait prisonnier et, secrètement, le fit tuer. Cependant il offrit une rançon si considérable que Pizarro l'accepta. On réunit de toutes parts des monceaux d'or, qui furent évalués à 4 603 670 ducats. Ce trésor réuni, les Espagnols se l'approprièrent, puis, craignant de relâcher leur captif, ils l'accusèrent d'avoir fait assassiner Huascar et de fomenter une émeute contre eux, le condamnèrent à mort et l'étranglèrent. Après quoi, Pizarro se mit en marche vers Cuzco. Une attaque au défilé de Vilacuenca fut repoussée et découragea la résistance des Indiens restés fidèles à Atahualpa. En même temps, Pizarro, pour se donner un appui parmi eux, proclamait un frère de Huascar, Manco-Inca, et le 15 novembre 1533 entrait avec lui dans Cuzco, à la tête de ses 480 soldats. Au Nord, un lieutenant de Pizarro, Sebastian de Benalcazar, laissé à San Miguel, entreprit de conquérir Quito. II y réussit avec l'aide d'Almagro, envoyé de Cuzco, et le concours des Indiens Cañaris. Dans cette campagne, il se rencontra avec une expédition rivale, venue de la côte et conduite par Alonso de Alvarado. Celui-ci consentit à se retirer moyennant une indemnité et laissa même à Almagro quelques-uns de ses compagnons. Cuzco étant à l'intérieur des terres, Pizarro, pour assurer ses communications avec Panama, établit sa capitale près de la mer, au bord du rio Limac; il la fonda le 18 janvier 1535 et l'appela Ciudad de los Reyes. Ce devint plus tard Lima. L'année suivante, le frère de Pizarro, Hernando, qui commandait à Cuzco, s'y trouva subitement assiégé. Le 18 avril 1536, Manco-Inca s'était échappé et avait suscité une révolte des Indiens. Il livra autour de Cuzco une lutte désespérée, qui dura cinq mois. Les Espagnols restèrent les maîtres. Un autre coup de main des Indiens, tenté simultanément contre Lima, fut déjoué par Francisco Pizarro. Manco-Inca s'enfuit et demeura insaisissable. Lorsque Hernando Pizarro avait été en Espagne porter au roi le cinquième de la rançon d'Atahualpa, il avait obtenu pour son frère Francisco, avec le titre de marquis, le gouvernement des territoires s'étendant de la rivière de Santiago, à 270 lieues au Sud, sous le nom de Nouvelle-Castille. Au delà, une autre province, de 200 lieues de long vers le Sud, la Nouvelle-Tolède, devait être le lot d'Almagro. Avant le retour de Hernando, Almagro s'était déjà mis en mesure, dès 1535, de conquérir le Chili. Mais il n'y trouva pas les mêmes richesses qu'au Pérou. Déçu, il revint sur ses pas, et dans l'incertitude où l'on était sur la limite exacte où finissait le domaine attribué à Pizarro, où commençait le sien, il se persuada que Cuzco devait lui appartenir, s'en empara et fit prisonniers Hernando et Gonzalo Pizarro, ainsi qu'Alonso de Alvarado. Puis il s'avança vers la mer dans la vallée de Chincha et y fonda une ville à laquelle il donna son nom. Francisco Pizarro, pour sauver la vie à ses frères, commença par négocier. Un arbitrage fut confié au frère Bobadilla. La sentence fut repoussée par Almagro. Pizarro offrit alors de lui abandonner Cuzco et obtint en échange la liberté de son frère Hernando. L'autre, Gonzalo, s'était évadé. Rassuré sur le sort de ses frères, Pizarro reprit aussitôt les hostilités et, le 26 avril 1539, Hernando, secondé par Pedro de Valdivia, infligea, près de Cuzco, une défaite sanglante aux partisans d'Almagro. Ce dernier fut pris, jugé et étranglé en juillet 1539. Pizarro, resté maître du pays, s'occupa d'y asseoir sa domination, mais guetté par les anciens partisans d'Almagro, il périt, assassiné par eux à Lima, le 26 juin 1541. Les conjurés, inspirés par Juan de la Rada, proclamèrent gouverneur du Pérou le fils d'Almagro, Almagro el Mozo, marchèrent avec lui sur Cuzco et s'y établirent. Quelque temps après arrivait à Lima Cristobal Vaca de Castro, dépêché d'Espagne en 1540, en qualité de juge enquêteur, au sujet du meurtre d'Almagro par Pizarro. Vaca de Castro réunit au nom du roi un nombre considérable de partisans, se mit à leur tête, occupa Xauxa, Guanamanga. Le 16 septembre 1542, il rencontra Almagro el Mozo dans la plaine de Chupas. Il se livra une bataille où plus de la moitié des combattants furent tués ou blessés. Castro de Vaca, victorieux, occupa Cuzco, et prit le gouvernement du Pérou. Almagro, fait prisonnier, fut condamné à mort et exécuté. Pendant ce temps, Charles-Quint, avisé des désordres du Pérou, sollicité d'autre part par l'évêque Las Casas d'intervenir en faveur des populations indigènes, édictait des lois nouvelles en faveur des Indiens et chargeait le premier vice-roi du Pérou, D. Blasco Nuñez Vela, de les mettre en vigueur avec l'aide de quatre oidores ( = auditeurs), qui devaient constituer avec lui la Real Audiencia, tribunal suprême. Vela arriva à Tombez le 4 mars 1544. Les lois nouvelles qu'il était chargé d'appliquer furent si mal accueillies des conquérants, menacés dans la jouissance des droits qu'ils s'étaient arrogés, qu'une révolte se prépara immédiatement à Cuzco, sous l'inspiration de Gonzalo Pizarro. Vela, inhabile et abandonné par les oidores, fut incapable de résister. L'un des auditeurs, Cepeda, l'arrêta et le fit embarquer pour Panama. Mais impuissant lui-même contre Gonzalo Pizarro et ses partisans, il fut contraint de le reconnaître comme gouverneur et de lui ouvrir les portes de Lima (28 octobre 1544). Vela, mis en liberté par celui qui était chargé de l'escorter, avait abordé à Tombez et réuni quelques forces. Gonzalo Pizarro marcha contre lui. Vela réussit à occuper Quito, mais le 18 juin 1546, il fut battu et tué par les rebelles. A ce moment partait d'Espagne, chargé de rétablir l'ordre au Pérou, un religieux, Pedro de la Gasca, avec le titre de président de la Real Audiencia. Arrivé à Panama, il entama une négociation avec Gonzalo Pizarro, puis, ayant rassemblé une flotte et un millier d'hommes, il partit pour le Pérou (1547). Gonzalo Pizarro évacua aussitôt Lima et se replia sur Arequipa. Le 26 octobre, il rencontra à Huarina la petite armée royaliste de Centeno, la tailla en pièces et réussit à occuper Cuzco. Mais Pedro de la Gasca, débarqué à Tombez en mai 1547, avançait avec plus de deux mille hommes. Gonzalo Pizarro et Carbajal l'attaquèrent le 8 avril 1548, dans la plaine de Sacsahuana. Trahis par une partie de leurs gens, ils furent pris et, après un jugement sommaire, mis à mort. Gasca châtia les fauteurs de la révolte et, après avoir assuré l'exercice de l'autorité royale, quitta le Pérou en janvier 1550. Le second vice-roi, D. Antonio de Mendoza, n'arriva qu'en septembre 1551 et mourut le 21 juillet. suivant. La promulgation d'une ordonnance royale supprimant le service personnel des Indiens avait été fort mal accueillie. Les mécontents profitèrent de l'interrègne qui suivit la mort de Mendoza pour se soulever sous la direction de Francisco Hernandez Giron. Celui-ci s'empara de Cuzco, de Guamanga (27 janvier 1554), s'avança vers la côte et y battit dans une première rencontre les troupes de l'Audiencia, puis, à Chuquinga, le 20 mai, celles d'Alonso de Alvarado. Mais il se laissa envelopper par l'armée royaliste au rocher de Pucara, ne put se dégager, et après avoir réussi à s'enfuir presque seul, fut pris et mis à mort le 6 décembre. (H. Léonardon). | |