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L'histoire du Nigéria
Le territoire qui correspond Ă  l'actuel NigĂ©ria a abritĂ©, entre le VIIe siècle avant notre ère et le IVe siècle, une des plus brillantes cultures d'Afrique, la culture Nok, qui a produit un art magnifique. Des citĂ©s-Etats apparaissent en pays Yoruba Ă  la mĂŞme Ă©poque et prospĂ©reront, notamment grâce Ă  la traite des esclaves, jusqu'au XIXe siècle. La civilisation voisine du BĂ©nin fleurit Ă  partir du XVe siècle, mais apparaĂ®t dĂ©jĂ  en ruine Ă  l'arrivĂ©e des Anglais dans la rĂ©gion au XIXe siècle. L'irruption des EuropĂ©ens remonte au XVe siècle, avec l'installation de comptoirs commerciaux  par les Portugais le long de la cĂ´te. Entre 1500 et 1510, ceux-ci nouent des relations diplomatiques le royaume de BĂ©nin (rĂ©gion de Lagos, dans le NigĂ©ria actuel). Sous couvert d'une christianisation qui demeurera superficielle, c'est le commerce qui est la clĂ©.  Les termes des Ă©changes seront simples : des esclaves - que les Portugais troquent dans un premier temps contre de l'or, au Ghana, et, plus tard, achemineront vers le BrĂ©sil - contre des  Ă©toffes, de l'alcool et surtout des armes - que le roi du BĂ©nin utilisera dans ses guerres de voisinage, notamment contre les Igala.

Les Portugais sont presque complètement Ă©vincĂ©s au XVIIe s. Français, Danois et Hollandais prennent le relais et Ă©tablissent une sĂ©rie de forts le long de la cĂ´te. Puis viennent les  Britanniques qui prennent progressivement le contrĂ´le Ă©conomique de la rĂ©gion. La Traite alimente dĂ©sormais l'AmĂ©rique du Nord engagĂ©e dans une Ă©conomie de plantations. MalgrĂ© l'interdiction de la traite est instaurĂ©e en 1815 par le Congrès de Vienne,  ce commerce se poursuivra clandestinement jusqu'au milieu du XIXe siècle. Ses victimes auront Ă©tĂ© souvent les Yoruba et, et une population qui leur est apparentĂ©e par la langue, celle des Ibos (cour infĂ©rieur du Niger), ou des  Idjo (delta du Niger), des  Ibibio et Ehoi. 

A cette Ă©poque, existent, au Nord de la CĂ´te des esclaves, deux grands États, le Bornou, et l'empire de Sokoto, dernier avatar des États Haoussa dont l'histoire remonte au XIIe siècle. Les Britanniques vont peu Ă  peu prendre le contrĂ´le de tout cet espace et crĂ©er en 1900 la colonie du NigĂ©ria. IndĂ©pendant en 1960, Ă©rigĂ© en rĂ©publique fĂ©dĂ©rale en 1963, le NigĂ©ria moderne va connaĂ®tre par la suite de fortes instabilitĂ©s. La plus grave crise sera la meurtrière Guerre du Biafra, entre 1967 et 1970,  tentative de sĂ©cession avortĂ©e de l'une des composantes du pays (les Ibo).

Dates-clés
VIIe s. av. J.-C - IXe s. ap. J.-C - Culture de Nok.

XVe s. - XVIIIe s. - Cités-Etats Yoruba et royaume du Benin, au Sud; Etats Haoussa et royaume du Bornou, au Nord; Portugais sur la Côte des Esclaves; Traite intensive.

1809 - Empire de Sokoto.

1850. - Implantation britannique Ă  Lagos.

1861-1914 - Colonisation du Nigéria par les Britanniques.

1960 - Indépendance du Nigéria.

1967-1970 - Guerre du Biafra (2 millions de morts).

2000 - Instauration de la Chariah dans le Nord.

La culture Nok

L'une des premières civilisations connues dans la rĂ©gion actuelle du Nigeria est la civilisation ou culture Nok. La culture Nok apparaĂ®t au VIIe siècle av. JC. SituĂ© sur le plateau du Bauchi (Nigeria septentrional), ce centre d'art  prospère jusqu'au IVe siècle de notre ère autour de l'actuel centre minier de Nok, oĂą fut mis au jour un ensemble de figurines et de statues unique en Afrique. Nok, village situĂ© au nord du confluent du Niger et de la BĂ©nouĂ© dans le Nigeria central, a donnĂ© son nom Ă  une culture prĂ©historique de première importance dans le dĂ©veloppement de la statuaire africaine.

La culture de Nok fut identifiée en 1943 d'une vingtaine de sites répartis dans une vaste aire qui, d'est en ouest, s'étend sur plus de cinq cents kilomètres. C'est une statuaire en terre cuite qui a été mise au jour.

La civilisation d'Igbo-Ukwu

Dans le sud-est du Nigeria, la rĂ©gion d'Igbo-Ukwu montre des preuves d'une civilisation avancĂ©e datant du IXe siècle. Les fouilles archĂ©ologiques ont rĂ©vĂ©lĂ© des objets en bronze et en perles de verre, indiquant l'existence d'un commerce actif et de techniques mĂ©tallurgiques sophistiquĂ©es. Cette civilisation tĂ©moigne de l'existence de sociĂ©tĂ©s  organisĂ©es dans la rĂ©gion des Igbo bien avant 1500.

Les Nok connaissaient les techniques de fabrication des outils de fer; ils étaient, selon d'autres indices, vraisemblablement agriculteurs. Tout comme les peuples parlant des langues bantoues qui, vers la même époque, quittèrent une région fort voisine de l'aire nok (le plateau du Bauchi) pour commencer leurs lentes migrations vers le sud et l'est.

Les cités-Etats des Yoruba

La civilisation Yoruba (Yorouba) est une civilisation urbaine composĂ©e de citĂ©s-Etats, partageant une langue et une religion (riche panthĂ©on, sociĂ©tĂ©s secrètes, sacrifices humains) communes, et qui se signale par un commerce et un artisanat florissants. Selon leur tradition, les Yoruba ont pour ancĂŞtre Oduduwa, d'ascendance divine, et qui aurait vĂ©cu au VIe siècle Ă  IfĂ©. La très ancienne et prestigieuse citĂ© d'IfĂ© reste ainsi la ville sainte oĂą rĂ©side l'Oni (chef religieux). MĂŞme si la capitale  politique des Yoruba sera Oyo. Elle est le siège de l'Alafin (chef politique), et de l'Ogboni (un sĂ©nat qui dĂ©tient les vrais pouvoirs et est composĂ© de notables et de reprĂ©sentants de diffĂ©rentes corporations  organisĂ©es en guildes). 

Une politique de conquĂŞtes qui dĂ©bute vers 1575  permettra aux Yoruba d'affirmer leur domination  sur les royaumes du Dahomey et, dans un contexte particulier, au XVIIIe siècle, du BĂ©nin. Les CitĂ©s-Etats yoruba connaissent leur apogĂ©e au XVIIIe siècle.  Plus de cinquante ville de plus plus de 20 000 habitants sont dĂ©nombrĂ©es par un voyageur. Chaque ville est gouvernĂ©e par un Oba et un sĂ©nat fonctionnant selon les mĂŞmes principes que celui d'Oyo. Des dissensions internes vont cependant conduire Ă  un affaiblissement au dĂ©but du XIXe siècle. La citĂ©-Etat d'llorin (Nord), est prise par les Peuls en 1821, qui s'empareront Ă©galement du Vieux-Oyo en 1837. La cĂ´te, enfin, sera occupĂ©e par les Britanniques vers 1851. Ceux-ci imposent leur domination aux citĂ©s d'AbĂ©okouta (1893) et d'Oyo (1895), avant d'occuper l'ensemble de la rĂ©gion en 1897.

Le BĂ©nin

La culture du BĂ©nin est d'une certaine façon la jumelle de celle des Yoruba, notamment par sa religion et son organisation politique. Son art lui-mĂŞme semble dĂ©rivĂ© de celui d'IfĂ©.  L'art du bronze et celui de l'ivoire  y ont fleuri d'une façon remarquable; certains bronzes du BĂ©nin des XVe et XVIe siècles, que l'on peut voir aujourd'hui dans les musĂ©es des Pays-Bas, d'Allemagne et d'Angleterre et dans des collections privĂ©es, sont dignes de rivaliser avec les produits analogues de plusieurs civilisations renommĂ©es. Le BĂ©nin a aussi Ă©tĂ© un État puissant et redoutĂ©. L'histoire de ce royaume remonte au XIIIe siècle, avec la  fondation par les Edo ( = Bini ) de leurs premières citĂ©s-Etats  dans le delta du Niger : Eko (l'actuelle Lagos), Calabar, etc. Mais l'importance du pays s'est surtout affirmĂ©e Ă  partir de l'arrivĂ©e des Portugais, en 1472. Le contact avec les EuropĂ©ens placera le BĂ©nin au centre de la traite esclavagiste, et son histoire sera durablement indissociable de ce commerce. 

Tout le littoral du BĂ©nin, qui a fourni Ă  l'AmĂ©rique des centaines de milliers et peut-ĂŞtre des millions d'esclaves (d'oĂą le nom de cĂ´te des Esclaves, donnĂ© Ă  sa partie occidentale) a Ă©tĂ© le dernier refuge des nĂ©griers; ils y engageaient leurs vaisseaux au milieu des lagunes et des rivières, Ă©chappant facilement Ă  la surveillance et Ă  la poursuite des navires de guerre anglais ou français, qui craignaient les brisants et le dĂ©faut de profondeur des eaux. Après l'abolition de la traite (1815, en principe), et jusqu'en 1885, les Portugais se livraient encore en ces parages Ă  ce trafic lucratif. Après la suppression du commerce des esclaves, le littoral occidental du golfe de BĂ©nin, riche en huile de palme, en cafĂ©, arachides, etc., n'a pas perdu de son animation. Il restait  quelques points oĂą se fait un commerce notable : Odi, escale, Artigeri, clairière au milieu de la forĂŞt qui borde la mer et oĂą des milliers de personnes tenaient un grand marchĂ© tous les neuf jours, Mahin que les Allemands avaient un instant revendiquĂ©, mais dont ils ont restituèrent rapidement le protectorat Ă  l'Angleterre, Fish-Town, Obobi et Salt-Town Ă  l'embouchure de la rivière BĂ©nin. 

Le pays Haoussa

Tout le Nord-Ouest du Nigeria est habité par les Haoussa (Haoussaoua) ou Afno, qui ont fondé vers le XIIe siècle , dans l'espace compris entre le pays Songhaï et le Bornou, sept petits Etats (Biram, Daoura, Kano, Gober, Katséna, Rano et Zaria, selon la tradition), auxquels d'autres se sont ajoutés ensuite. Au début du XIXe siècle, le pays est passé sous la domination des Toucouleurs et s'est confondu avec ce qu'on a appelé l'empire de Sokoto. L'empire de Sokoto s'étendait dans la région du Soudan limitée au Nord par le Sahara, à l'Est par le Bornou, au Sud par l'Adamaoua et le Noupé, à l'Est par le Gando.

Les Cités-États haoussas.
Les Etats haoussa semblent avoir été tributaires les uns des autres tour à tour, sans qu'aucun ait jamais eu sur l'ensemble une prééminence véritable. C'étaient le Gober ou royaume de Tessaoua, devenu célèbre au XVIe siècle par ses tissus de coton et ses chaussures de cuir; le royaume de Kano, dont la capitale était déjà populeuse au temps de Léon l'Africain et réputée pour son enceinte imposante, ainsi que pour son commerce et son industrie; celui de Katséna, renommé pour sa richesse agricole et sa puissance militaire; celui de Zegzeg ou Zaria, dont on a toujours vanté la prospérité commerciale et dont on raconte qu'il aurait autrefois, grâce à l'énergie d'une femme qui en était la souveraine, étendu son autorité sur tous les pays haoussa; d'autres encore, notamment les royaumes de Zinder, du Zanfara, du Kontagora, du Baoutchi, etc.

Il semble que ces divers États, qui prospĂ©raient grâce Ă  la razzia d'esclaves qu'ils vendaient  aux marchands arabes de KatsĂ©na et de Kano,  furent rĂ©unis au XVe siècle sous l'autoritĂ© des kanta ou rois du Kebbi, pays situĂ© au Sud-Ouest de Sokoto et Ă  l'Ouest de Gando, dont les habitants seraient issus d'un mĂ©lange de SonghaĂŻ et de Haoussa. Vers l'an 1500 rĂ©gnait un kanta qui passait pour ĂŞtre maĂ®tre de KatsĂ©na, de Kano, de Zaria, du Gober et du Zanfara et Ă©tendre son pouvoir jusque sur l'AĂŻr. 

Le sultan du Bornou, Ali, qui venait de s'installer Ă  Gassaro, Ă  l'Ouest du Tchad,  voulut mettre fin Ă  l'extension grandissante du Kebbi et vint attaquer le kanta dans sa rĂ©sidence de Sourami; après un siège sans rĂ©sultat, il dut se retirer. Le roi du Kebbi le poursuivit, l'atteignit Ă  l'Est de KatsĂ©na et mit son armĂ©e en dĂ©route; mais, comme il revenait sur ses pas, il fut attaquĂ© par les gens de KatsĂ©na rĂ©voltĂ©s, reçut une flèche et mourut de sa blessure.

Son successeur fit alliance en 1513 avec le souverain du SonghaĂŻ, l'askia Mohammed, qui l'aida Ă  reprendre KatsĂ©na et, en 1515,  poussa ,jusqu'Ă  Agadès. Craignant de voir ses États passer sous la suzerainetĂ© de Gao, le kanta rompit le traitĂ© d'alliance. En 1517, il infligea une dĂ©faite complète Ă  l'armĂ©e que l'askia avait envoyĂ©e contre lui et rĂ©tablit l'autoritĂ© propre du Kebbi sur KatsĂ©na et l'ensemble des pays haoussa. Mais,  vers l'an 1600, les rois du Gober et du Zanfara s'unirent Ă  celui de l'AĂŻr contre le kanta qui vivait alors, le vainquirent, dĂ©truisirent ses trois villes principales (Goungou, Sourami et Liki) et libĂ©rèrent le Haoussa du joug du Kebbi.

L'empire de Sokoto.
Si l'on excepte les rĂ©gions de Kano et de Katsena, que le commerce des esclaves ont mis en contact avec le mondemusulman et qui ont Ă©tĂ© islamisĂ©es sans doute dès le dĂ©but du XIVe siècle, c'est au dĂ©but du XIXe siècle seulement que remonte vĂ©ritablement l'islamisation d'une grande partie des Haoussa. C'est au zèle mystique et au fanatisme guerrier d'un marabout toucouleur, originaire du Fouta-Toro, que cette importante rĂ©gion de l'Afrique dut d'ĂŞtre pĂ©nĂ©trĂ©e par l'Islam. En 1801, le cheikh Ousman le Torodo, fils d'un nommĂ© Mohammed dit FodĂ© ou Fodio, c'est-Ă -dire « le savant  » ayant appris que des difficultĂ©s s'Ă©taient Ă©levĂ©es entre des bergers peuls du Gober et leurs patrons haoussa, profita de la circonstance pour prĂŞcher la guerre sainte contre les habitants du Gober et leurs voisins. Prenant fait et cause pour les Peuls, qui avaient avec lui et son peuple un lien commun consistant Ă  parler la mĂŞme langue, il leva  une armĂ©e parmi des guerriers sans emploi du Fouta-Toro, du Macina, du Liptako et du SonghaĂŻ et se lança Ă  la conquĂŞte du Haoussa. Il rĂ©ussit dans son entreprise et fonda, avec Sokoto comme capitale et la ville voisine de Vourno comme rĂ©sidence princière, un empire qui ne tarda pas Ă  englober tous les royaumes haoussa, une partie de l'Adamaoua, le NoupĂ©, le Kebbi et, dans la boucle du Niger, le Liptako.

Ousmân (plus connu sous le nom haoussa d'Ousman-dan-Fodio, c'est-à-dire «-Ousmân fils de Fodio ») envahit même le Bornou, mais en fut chassé en 1810 par Mohammed el-Amine (dit le Kanémi). Le cheikh Ousmân mourut vers 1815, à la suite d'un accès de folie mystique. Son frère Abdoullahi prit le commandement des provinces occidentales de l'empire, avec Gando comme capitale; l'Adamaoua forma un Etat à peu près indépendant (L'histoire du Cameroun); quant à la majeure partie des provinces conquises par Ousmân, elle passa sous la domination de son fils Mohammed Bello (1815-1837).

Les débuts du règne de ce prince furent consacrés à une lutte sans répit contre le Zanfara, le Gober, le royaume de Katséna et le Kebbi qui refusaient l'obéissance au fils comme au frère d'Ousmân et dont les habitants avaient abjuré l'islam presque aussitôt après l'avoir accepté par contrainte. En fait, tout le Haoussa s'était révolté contre la domination toucouleure et les Touareg de l'Aïr et du Damergou pactisaient avec les rebelles. Bientôt, le Kanémi leur apporta son aide et leur fournit des contingents envoyés par le Ouadaï et le Baguirmi (Les Pays tchadiens); puis il partit lui-même en guerre contre Mohammed Bello. Celui-ci dépêcha contre son ennemi deux armées commandées l'une par Yakouba, roi du Baoutchi, et l'autre par Ya-Moussa, roi de Zaria. Ce dernier, prit la fuite avec son contingent dès le premier contact avec le maître du Bornou, mais Yakouba, après deux durs combats, mit le Kanémi en déroute et sauva l'empire de Sokoto.

Mohammed Bello, qui fut un guerrier assez médiocre et qui aimait peu se battre en personne, était un homme de lettres distingué. Il composa en arabe une foule de poèmes et d'ouvrages en prose, les uns religieux, les autres historiques, protégea les savants, reçut avec égards l'explorateur Clapperton (1828) et se signala par un contrôle rigoureux des actes des magistrats, qui redoutaient ses enquêtes et sa censure.

Son frère et successeur Atikou (1837-1843) se montra surtout grand ennemi de la danse et de la musique et proscrivit tous les divertissements. Le Gober et le royaume de Katséna se révoltèrent de nouveau sous son règne contre les excès des princes toucouleurs installés comme résidents dans les provinces vassales.

Ali, fils de Mohammed Bello, rĂ©gna de 1843 Ă  1855, au milieu des continuelles rĂ©voltes de ses prĂ©tendus sujets qui, notamment dans le Gober et le Kebbi, refusaient avec persistance d'adhĂ©rer Ă  l'islam. Ali laissa s'Ă©mietter l'autoritĂ© que lui avait lĂ©guĂ©e son oncle et qui, peu Ă  peu, passa aux gouverneurs de province. Les cinq souverains toucouleurs qui vinrent après lui - Ahmadou (1855-1866), Alioun-Karani (1866-1867), Ahmadou II (1867 -1872), Boubakar (1872-1877) et MĂ©yassou (1877-1904) - furent, incapables de gouverner un empire trop vaste et trop, mal organisĂ©, qui, sans disparaĂ®tre sur le papier, s'effondra en fait comme un château de cartes, en 1904, du seul fait de l'occupation de Sokoto par les troupes britanniques de Sir Frederick Lugard. PlacĂ© dans la zone d'influence de l'Angleterre, le Sokoto entra dans un Ă©tat d'Ă©quilibre instable, sous l'autoritĂ©, plutĂ´t religieuse que politique, de l'Ă©mir ou sultan de Sokoto, dont les autres Ă©mirs ou sultans, ses feudataires, suivaient, jusqu'Ă  un certain point, ses volontĂ©s. 

-Carte du Nigéria vers 1900.
Le Nigéria vers 1900.
Le Nigéria

Le colonisation anglaise.
L'installation des Anglais dans le pays remonte Ă  1879. Sur l'initiative de sir George Goldie, les sociĂ©tĂ©s anglaises de la rĂ©gion formèrent la National African Company Limited, qui, de 1880Ă  1884, racheta  tous les comptoirs crĂ©Ă©s par les compagnies françaises  dans le bas Niger. Le 10 juillet 1885, la compagnie obtint l'octroi d'une charte royale et devint la Compagnie royale du Niger.  Elle chercha alors Ă  dĂ©velopper son commerce; contrairement aux stipulations de l'acte de Berlin du 21 fĂ©vrier 1885, elle prĂ©tendit se rĂ©server le monopole de la navigation sur le Niger et s'opposa Ă  toutes les entreprises de l'Allemagne et de la France sur le fleuve et son affluent, la BĂ©nouĂ© (affaires Flegel, Mizon, etc.). La Compagnie s'efforça surtout d'acquĂ©rir pour l'Angleterre le pays haoussa. En 1890, elle affirma, faussement, dominer le Niger jus qu'Ă  Say (SaĂŻ) et tout le Sokoto, et l'Angleterre se fit reconnaĂ®tre par la France le Sokoto et le Bornou. Elle conquit le NoupĂ© en 1896-1897, prit Bida en 1897, et rĂ©prima de nombreuses rĂ©voltes. Enfin, la charte de la Compagnie fut rĂ©voquĂ©e, le 1er janvier 1900. Elle devint simple compagnie commerciale, mais avec d'immenses propriĂ©tĂ©s sur les deux rives du fleuve. Ses territoires furent rĂ©unis Ă  ceux de l'ancien Protectorat de la cĂ´te du Niger (Rivières de l'huile) crĂ©Ă© en 1881 et Ă  la colonie de Lagos et constituèrent le NigĂ©ria.

Le pays comprit dès lors deux parties, le Nigeria méridional ou Bas-Nigéria, et le Nigéria septentrional ou Haut-Nigéria, séparées par le parallèle passant par Ida. Chacune d'elles avait sa tête un haut commissaire nommé par la Couronne. Le Nigéria septentrional était gardé par une armée de 3 000 fantassins et 800 hommes d'infanterie montée, plus une police de 1000 hommes; le Nigéria méridional par une force de 1250 soldats : dans les deux Nigérias, les soldats étaient indigènes et les officiers britanniques. La population était estimée, au début du XXe siècle, à environ 24 millions d'habitants.

Le NigĂ©ria mĂ©ridional seul Ă©tait complètement occupĂ©e. Le pays fournissait surtout l'huile de palme, le caoutchouc, l'ivoire, le cacao, l'Ă©bène, les bois de teinture, etc. Villes principales : BĂ©nin. Wari, Akassa. Le NigĂ©ria du Nord n'Ă©tait occupĂ©e qu'en partie. L'Angleterre exerçait son autoritĂ© sur neuf provinces. Yola a Ă©tĂ© prise en 1901. Le Sokoto restait en principe indĂ©pendant. La capitale du NigĂ©ria du Nord a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©e, en 1901, de Gebha Ă  Wushishi, près de la rivière Kaduna, au Nord-Est de Bida. Villes principales : Lokodja, Badjibo, Boussa, Ilo sur le Niger, Yola, Sokoto, Kano, Kouka, etc.  Le pays produisait l'arbre Ă  beurre, l'huile de palme, les arachides, la gomme arabique, le caoutchouc, l'ivoire, les noix de kola. Le principal centre commercial restait Kano. 

Les Britanniques n'occuperont tout le territoire nigérian qu'en 1914. Ils unifient alors les protectorats du Nord et du Sud ainsi que la colonie de Lagos pour former le Nigeria moderne. L'unification est principalement motivée par des raisons économiques, permettant une administration plus efficace sous un gouvernement central dirigé par un gouverneur britannique. Les Britanniques utilisent une politique d'administration indirecte, gouvernant à travers les structures de pouvoir existantes (chefs locaux, émirs). Cette méthode est plus appliquée au nord, où les systèmes politiques étaient déjà centralisés, tandis que dans le sud, où les sociétés étaient plus décentralisées, cela a créé des tensions. A partir de 1922, la Société des Nations confiera aussi au Royaume-Uni l'administration de la partie occidentale du Cameroun jusque-là entre les mains de l'Allemagne; ce nouveau territoire sera agrégé au Nigéria.

Après la Seconde Guerre mondiale, les mouvements nationalistes gagnent en force. Des leaders comme Nnamdi Azikiwe, Obafemi Awolowo et Ahmadu Bello émergent pour représenter respectivement les intérêts des Igbo, des Yoruba, et des Haoussa-Fulani. Des partis politiques sont créés, comme le National Council of Nigeria and the Cameroons (NCNC), l'Action Group (AG), et le Northern People's Congress (NPC). Les Britanniques introduisent progressivement des réformes constitutionnelles pour accorder une autonomie limitée. En 1954, le Nigeria devient une fédération avec trois régions semi-autonomes : le Nord, l'Est, et l'Ouest, chacune ayant son propre gouvernement.

Le Nigéria indépendant.
Le Nigeria devient officiellement indĂ©pendant le 1er octobre 1960, avec Nnamdi Azikiwe comme prĂ©sident (poste principalement symbolique) et Abubakar Tafawa Balewa comme Premier ministre, chef du gouvernement. Le Nigeria reste une monarchie constitutionnelle sous la Couronne britannique jusqu'Ă  ce qu'il devienne une rĂ©publique en 1963. Une organisation fĂ©dĂ©rale est adoptĂ©e, et complète  le système de gouvernement parlementaire Ă  l'anglaise qui est celui du pays depuis trois ans. 

Mais les tensions entre les différents groupes de populations n'en sont pas moins effacées et toute l'histoire du Nigeria sera dominée jusqu'à aujourd'hui par les rivalités entre les trois principales forces en présence, les Big Three : les Nordistes (populations Haoussa, Peul et Kanouri) qui représentent 25% de la population, les Yoruba, au Sud-Ouest (22% de la population) et les Ibo ou Igbo, au Sud-Est (18% de la population. Des oppositions attisées par la volonté de contrôle de la manne pétrolière et qui seront la clé d'un violence chronique qui dure depuis plus de quarante ans.

Balewa est un Ibo, et ce sont les Ibo qui occupent  les principaux postes au moment de l'indĂ©pendance. Et, en janvier 1966, quand Balewa est renversĂ© et tuĂ© lors d'un premier coup d'État, c'est encore un Ibo, le gĂ©nĂ©ral Johnson Aguiyi-Ironsi qui prend le pouvoir. Mais en juillet, celui-ci est Ă  son tour renversĂ© et tuĂ©. Un Nordiste, le colonel Yakubu Gowon prend sa place et renonce Ă  l'ancienne organisation en trois États fĂ©dĂ©rĂ©s, pour en crĂ©er douze; des massacres d'Ibos commencent Ă  avoir lieu.

En réaction, trois des nouveaux États de la fédération, majoritairement peuplés d'Ibo, font sécession et proclament en 1967 la République du Biafra. Une guerre meurtrière s'engage sur fond de contrôle des ressources pétrolières du Nigéria, qui sont toutes au Sud du pays. La Guerre du Biafra, qui dure jusqu'en 1970, fait des millions de morts, principalement en raison de la famine. Le Biafra capitule finalement en janvier 1970, et le Nigeria reste un État unifié.
 

La Guerre du Biafra

La guerre du Biafra a eu lieu au Nigeria de 1967 à 1970. Elle a été déclenchée par la tentative de sécession de la région orientale du Nigeria, qui s'est déclarée indépendante sous le nom de République du Biafra.Cette guerre trouve ses racines dans les tensions ethniques, politiques et économiques qui se sont intensifiées après l'indépendance du Nigeria en 1960. Le pays est constitué de trois grandes régions dominées par des groupes ethniques distincts. Le Nord est principalement peuplé de Haoussa-Fulani, majoritairement musulmans. L'Ouest est dominé par les Yoruba, majoritairement chrétiens et animistes. L'Est est dominé par les Igbo, majoritairement chrétiens. En 1966, deux coups d'État militaires successifs, suivis de massacres d'Igbo dans le nord, aggravent les tensions. Le premier coup d'État, dirigé par des officiers principalement igbos, renverse le gouvernement fédéral, mais est suivi par un contre-coup d'État mené par des officiers nordistes. Ces événements alimentent un sentiment de persécution parmi les Igbo.

Le 30 mai 1967, le lieutenant-colonel Odumegwu Ojukwu, gouverneur militaire de la région de l'Est, déclare l'indépendance de la région sous le nom de République du Biafra, invoquant la nécessité de protéger son peuple face aux violences ethniques et à la marginalisation politique. Cette déclaration est rejetée par le gouvernement fédéral nigérian, dirigé par le général Yakubu Gowon, qui considère cela comme une menace à l'unité nationale. Lconflit ouvert éclate le 6 juillet 1967 lorsque les troupes fédérales lancent une offensive pour reprendre le contrôle du Biafra. Il dure trois ans, marqué par des combats intenses, des sièges et des souffrances humanitaires massives. On peut distinguer plusieurs phases :

• Les premières offensives (1967-1968). - Les forces fédérales avancent rapidement et reprennent certaines zones stratégiques du Biafra. Cependant, les forces biafraises, bien que mal équipées, résistent.

• Le siège et la crise humanitaire (1968). - Le Biafra est coupé de la mer, et les forces fédérales imposent un blocus total, provoquant une famine dévastatrice. Les images d'enfants souffrant de malnutrition extrême attirent l'attention internationale.

• L'offensive finale (1969-1970). - Les forces fédérales intensifient leurs attaques et finissent par submerger les défenses biafraises. Le 15 janvier 1970, le Biafra capitule officiellement.

Le bilan humain est catastrophique. Entre un et trois millions de personnes trouvent la mort, principalement à cause de la famine. Les infrastructures du Biafra sont largement détruites, laissant la région en ruines. Après la guerre, le gouvernement nigérian adopte une politique de « non-vainqueurs, non-vaincus » pour favoriser la réconciliation nationale. Cependant, les tensions ethniques persistent, et la région du sud-est du Nigeria reste marquée par des sentiments de marginalisation.

La guerre du Biafra a aussi eu un impact international significatif. Elle a contribué à l'émergence d'organisations humanitaires modernes comme Médecins Sans Frontières et a marqué le début de la médiatisation mondiale des crises humanitaires, rompant avec la règle de la Croix-Rouge de garder le silence pendant les conflits. Plusieurs pays africains (en particulier la Côte d'Ivoire), ainsi que la France, et Israël, ont soutenu le Biafra, tandis que le Royaume-Uni et l'Union soviétique soutenaient le gouvernement fédéral.

 Après la guerre, Yakubu Gowon dirige un gouvernement militaire axĂ© sur la reconstruction du pays et la promotion de l'unitĂ© nationale. Cependant, des problèmes de corruption et des retards dans la transition vers un rĂ©gime civil entraĂ®nent son renversement en 1975 par Murtala Mohammed. Ce dernier est assassinĂ© en 1976 et remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral Olusegun Obasanjo, qui, bien que Yoruba est soutenu par le Nord. Celui-ci achève la transition vers un rĂ©gime civil en organisant des Ă©lections en 1979. Shehu Shagari devient le premier prĂ©sident civil Ă©lu de la Seconde RĂ©publique. Son gouvernement est confrontĂ© Ă  des problèmes Ă©conomiques dus Ă  la chute des prix du pĂ©trole et Ă  une corruption gĂ©nĂ©ralisĂ©e. En dĂ©cembre 1983, il est renversĂ© par un coup d'État militaire dirigĂ© par le gĂ©nĂ©ral Muhammadu Buhari. Buhari met en place un rĂ©gime autoritaire axĂ© sur la lutte contre la corruption, mais son approche rĂ©pressive entraĂ®ne son renversement en 1985 par le gĂ©nĂ©ral Ibrahim Babangida. Babangida tente de rĂ©former l'Ă©conomie, mais son programme d'ajustement structurel (imposĂ© par le FMI) provoque des difficultĂ©s sociales.

En 1993, sous la pression populaire, Babangida organise des élections qui sont largement considérées comme libres et justes. Moshood Abiola, un riche homme d'affaires yoruba, remporte l'élection sous la bannière du Social Democratic Party (SDP), mais l'armée mécontente du résultat fait annuler le scrutin. Abiola, emprisonné mourra dans sa cellule en juin 1998. Face aux protestations, Babangida démissionne et met en place un gouvernement civil intérimaire dirigé par Ernest Shonekan. En novembre 1993, le général Sani Abacha renverse le gouvernement de Shonekan par un coup d'État, mettant fin à la brève tentative de retour à la démocratie. Le régime d'Abacha est l'un des plus répressifs et corrompus de l'histoire du Nigeria. Il emprisonne Moshood Abiola, réprime violemment l'opposition, et utilise l'appareil sécuritaire pour maintenir son pouvoir. Abacha met en place une commission constitutionnelle et promet une transition vers la démocratie, mais il manipule le processus pour rester au pouvoir. Le régime est également marqué par des violations des droits humains, y compris l'exécution en 1995 de Ken Saro-Wiwa, un militant écologiste et écrivain ogoni, ainsi que de huit autres militants, ce qui provoque une condamnation internationale. En 1998, Abacha meurt subitement dans des circonstances obscures, ouvrant la voie à une nouvelle transition politique.

Après la mort d'Abacha, le gĂ©nĂ©ral Abdulsalami Abubakar prend le pouvoir et organise une transition rapide vers la dĂ©mocratie. Une nouvelle constitution est adoptĂ©e, et des Ă©lections prĂ©sidentielles ont lieu en 1999. Olusegun Obasanjo, ancien gĂ©nĂ©ral et chef d'État militaire entre 1976 et 1979, est Ă©lu prĂ©sident sous la bannière du People's Democratic Party (PDP). Il entame un processus de rĂ©conciliation nationale, libère les prisonniers politiques et rĂ©intègre le Nigeria dans la communautĂ© internationale. Son gouvernement se concentre sur la rĂ©forme de l'Ă©conomie, la lutte contre la corruption, et la stabilisation du pays après des annĂ©es de rĂ©gimes militaires. 

En 2000, la loi islamique (chariah) est adoptĂ©e dans plusieurs États du Nord. L'annĂ©e suivante, une rĂ©bellion Ă©clate dans l'État de la BĂ©nouĂ© (personnes dĂ©placĂ©es par milliers). En 2002, la cour suprĂŞme annule la condamnation Ă  mort par la justice islamique du Nord d'une femme adultère, tandis que se dĂ©roulent Ă  Lagos des violences entre Musulmans et ChrĂ©tiens qui font une centaine de morts, et que d'autres Ă©meutes, cette fois Ă  propos de la tenue d'une Ă©lection de Miss Univers, font quatre-cents victimes. 

Obasanjo est réélu en 2003, malgré les "sérieuses irrégularités" du scrutin constatées par les observateurs de l'Union européenne. L'instabilité persiste : combats entres milices chrétiennes et musulmanes, guerres des gangs, répression violente, sabotage d'un oléoduc, début 2006, etc. En 2007, Umaru Musa Yar’Adua, candidat du PDP, remporte les élections. Son élection est critiquée pour des fraudes massives, mais il est considéré comme un leader modéré. Yar’Adua met en place un programme pour renforcer l'État de droit et améliorer la gouvernance. Cependant, sa présidence est marquée par des problèmes de santé qui l'empêchent de gouverner efficacement. En 2010, Yar’Adua meurt, et son vice-président, Goodluck Jonathan, lui succède. Jonathan est officiellement élu en 2011 après une élection relativement transparente, mais son mandat est marqué par des défis sécuritaires majeurs, notamment la montée en puissance du groupe terroriste Boko Haram, qui mène des attaques meurtrières dans le nord-est du pays.

En 2015, Muhammadu Buhari, ancien militaire et chef d'État dans les années 1980, remporte l'élection présidentielle sous la bannière de l'All Progressives Congress (APC). C'est la première alternance démocratique pacifique au Nigeria. Buhari arrive au pouvoir avec une promesse de lutter contre la corruption, d'améliorer la sécurité et de redresser l'économie. Son premier mandat est marqué par une lutte acharnée contre Boko Haram et par une récession économique due à la chute des prix du pétrole. Des élections présidentielles et législatives ont lieu au début de 2019 et ont été jugées globalement libres et équitables malgré les irrégularités de vote, l'intimidation et la violence. A cette occasion, Buhari est réélu, mais son second mandat est confronté à l'insécurité croissante avec la montée des groupes armés dans le nord-ouest, aux tensions ethniques et aux critiques sur sa gestion de l'économie.

En 2023, Bola Tinubu, ancien gouverneur de Lagos et figure de l'APC, remporte l'élection présidentielle. L'élection est contestée par l'opposition, avec des allégations de fraude et d'irrégularités.

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