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L'arrivée des Européens et la Nouvelle-Espagne |
La
période espagnole de l'histoire du Mexique
s'ouvre par le débarquement de Cortez en 1519.
En moins de deux ans, de 1519
à 1521,
il fit la conquête de l'Etat de Mexico, sur lequel l'empereur aztèque
Montézuma régnait depuis 1503. Cette conquête fut bientôt
suivie de celle de tout le reste du pays. L'Espagne en fit une vice-royauté,
la Nouvelle-Espagne, dans laquelle fut compris aussi le Guatemala.
Dans le cours du XVIIe siècle les missionnaires espagnols et leurs aventuriers s'étendirent au Nord et au Sud du plateau de Mexico. La population indigène, accablée par la barbarïe et la cupidité des conquérants, épuisée par des travaux excessifs, livrée aux supplices par l'Inquisition, décrut rapidement, malgré les efforts de Las Casas pour adoucir son sort. Jusqu'au début du XIXe siècle, l'histoire de la Nouvelle-Espagne se résume principalement au pillage de ses richesses au bénéfice de la couronne d'Espagne. L'exploitation du pays ainsi se borna presque seulement à la recherche des métaux précieux : aussi le Mexique a-t-il fourni immensément d'or et d'argent à l'Espagne : Acapulco, sur l'Océan Pacifique, était le lieu où venaient se rendre, toutes les richesses, qu'on expédiait ensuite en Europe sur des galions. Le malaise de la société créole, prospère, mais dépourvue de poids politique, l'acheminera peu a peu vers des velléités d'indépendance après que les États-Unis aient acquis la leur à la fin du XVIIIe siècle. Cependant, la rébellion ouverte devra encore attendre pour se faire jour quelques décennies, et l'affaiblissement de la métropole, envahie en 1808 par les troupes napoléoniennes. Dates-clés : 1519 - Débarquement de Hernan Cortez et des premiers conquistadores. |
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Cortez
à la Conquête du Mexique
Depuis quelques années, les Espagnols établis à Cuba et dans les autres Antilles avaient déjà eu quelques échos de l'existence de grandes constructions sur le continent, à l'Ouest. Juan de Grijalva avait abordé les côte du Yucatan en 1518. Cela décida, Diego Velazquez, le gouverneur de Cuba à monter une nouvelle expédition à destination des côtes mexicaines. C'est ainsi que Hernan Cortez fut mis en 1519 à la tête de onze embarcations ayant un équipage de cent dix hommes, portaient plus de cinq cents soldats, trente-deux artilleurs avec dix pièces de bronze, deux cent cinquante Indiens, dix-sept chevaux et quantité de munitions. Il aborda au cap Cotoche situé à 200 kilomètres de là, sur le littoral opposé du Yucatan. Comme témoignage de ses sentiments religieux qui lui concilièrent l'affection du clergé,Cortez avait fait broder sur le pavillon de sa capitane une croix rouge pour indiquer que sa tâche consistait autant à évangéliser qu'à soumettre les Indiens. La flotte dispersée par une tempête se rallia devant l'île de Cozumel où se présenta Géronimo de Aguilar qui, étant depuis longtemps captif dans le Yucatan, en parlait la langue. Il put servir d'interprète, non seulement dans les relations avec les Mayas, mais encore dans celles avec les peuples Nahuas, par l'intermédiaire de Malintzin (la célèbre Marina). Celle-ci, que les Espagnols eurent la bonne fortune de rencontrer dans le Tabasco, s'attacha à leur cause et put les renseigner exactement sur tout ce qui concernait les indigènes, d'autant plus qu'à sa connaissance du maya et du nahua elle joignit bientôt celle du castillan; elle joua un grand rôle dans la conquête, à tel point que son son nom transformé en Malinche, servit chez les Mexicains à désigner Cortez dont elle eut un fils. Après avoir côtoyé le Yucatan, les explorateurs, débarqués sur le littoral du Tabasco, furent assaillis par des milliers d'indigènes et ils ne l'emportèrent qu'à cause de la terreur inspirée par leurs chevaux alors inconnus des Indiens. Arrivé à San Juan de Ulua (pour Culua) le jeudi saint, 21 avril 1519, Cortez reçut des présents de Montezuma II, roi de Mexico (Tenochtichtlan) et empereur de la confédération culua; on le prenait pour un avatar de Quetzalcoatl, à la fois dieu et évangélisateur du IXe siècle, venu d'au delà de l'océan Atlantique et qui avait annoncé aux Mexicains l'arrivée de dominateurs blancs et barbus. Cortez se garda bien de redresser cette erreur qui lui donna un prestige dont il avait bien besoin, n'ayant que quelques centaines d'hommes à opposer à toutes les forces d'un grand empire. Sur la route de
Mexico.
Une nouvelle alarmante
lui parvint au milieu de ces succès inespérés : Panfilo
de Narvaez, chargé par Velasquez de gouverner la Nouvelle-Espagne,
comme on appelait la partie soumise du Mexique, était arrivé
devant San Juan de Ulua avec dix-huit navires portant mille quatre cents
Espagnols, mille indigènes de Cuba,
quatre-vingts chevaux (23 avril 1520).
Hernan
Cortez avec des forces moitié moins nombreuses (si toutefois
l'on n'y comprend pas les auxiliaires Totonaques, Tlaxcaltèques
et Cholultèques), avait à faire face à ce nouvel ennemi,
tout en tenant en respect les Mexicains indignés de la destruction
de leurs idoles et exaspérés de la tyrannie de quelques centaines
d'étrangers. Il conjura le péril avec une résolution
et une habileté merveilleuses : laissant Mexico à la garde
du gros de ses troupes sous le commandement de Pedro
de Alvarado, il parut avec un détachement de quatre-vingts fantassins
qu'il quadrupla en route, gagna par des présents les gens qui étaient
chargés de l'arrêter, déploya toutes les ressources
d'un juriste consommé pour infirmer les documents qu'on lui opposait
et, par une nuit obscure, il surprit à Cempoallan Narvaez qui perdit
un oeil dans la lutte et fut fait prisonnier (29 mai). II prit à
son service les troupes du vaincu, fit désarmer sa flotte et rentra,
le 24 juin, à México dont les habitants s'étaient
soulevés à la suite du massacre de six cents prêtres
et nobles dans une grande fête (10 mai). Les vivres manquant aux
Espagnols dans la citadelle où ils étaient enfermés
avec Montezuma, il fallut rendre la liberté au prince Cuitlahuac
qui, au lieu de pourvoir à l'approvisionnement des assiégés,
se mit à la tête des insurgés. Le roi, qui jusqu'alors,
malgré sa captivité, avait été respecté
de ses sujets, ne put plus se faire obéir; son cousin Cuauhtemoc
lui lança des projectiles; ce fut un arrêt de mort : le trop
faible et malheureux monarque fut étranglé (30 juin 1520)
par les Espagnols qui ne pouvaient plus se couvrir de son autorité
et qui ne voulaient pas s'embarrasser de lui dans leur fuite. Ils opérèrent
leur sortie par une nuit pluvieuse (la noche triste) du 30 juin
au 1er juillet; l'obscurité leur
fut plus nuisible qu'utile : elle les mit dans l'impossibilité d'utiliser
les armes à feu et les chevaux; ils perdirent non seulement les
trésors dont ils étaient chargés, mais encore six
cents Européens et quatre mille auxiliaires indiens, tués
par les Mexicains ou noyés dans les coupures de la chaussée
de Tacuba, sans parler de deux à trois cents chrétiens restés
dans la ville où ils furent immolés dans les temples.
Les préparatifs achevés, le premier combat aux avant-postes eut lieu le 31 mai 1521. Pendant des semaines on continua de s'attaquer par eau ou sur les chaussées, dont les Espagnols s'emparaient pendant le jour, pénétrant jusqu'aux murs de la cité, mais qu'ils devaient abandonner la nuit pour prendre un peu de repos; ils perdirent beaucoup des leurs et éprouvèrent parfois de si grands échecs que les alliés les abandonnèrent pour quelque temps. Mais la longueur du siège tint moins aux prodiges de valeur faits par les Mexicains qu'au désir de Cortez de sauver les richesses renfermées dans la ville; pour éviter que ses auxiliaires ne la missent à sac comme Tezcuco, il eût mieux aimé qu'elle se rendit; aussi fit-il plusieurs fois des propositions de paix à Cuauhtemoc qui les repoussa imperturbablement, même lorsque toute la ville eut été détruite quartier par quartier et que le dernier refuge des assiégés était un retranchement en bois sur un terrain marécageux et peu accessible; et après que des centaines de milliers de Culuas eurent presque tous péri de faim, de misère, par la peste ou dans les combats, l'empereur tenta de gagner la terre dans une barque (13 août 1521), mais il fut reconnu et mené à Hernan Cortez qui le traita honorablement et qui le maintint sur le trône sous la suzeraineté de Charles-Quint, mais le fit vainement torturer quelques jours après pour lui faire révéler l'endroit où étaient cachés ses trésors réels ou supposés; car la médiocrité du butin faisait murmurer les vainqueurs qui soupçonnaient le général d'en avoir détourné la meilleure part et d'avoir altéré l'or fondu. Pour les apaiser il les envoya chercher fortune dans les provinces, qui continuaient d'obéir à Cuauhtemoc, même captif. Cortez, maître de la confédération culua, reçut aussi la soumission du royaume de Michoacan, qui jusque-là était resté indépendant. Il fit occuper la Zapotèque et la Mixtèque (1521) par Francisco de Orozco, et il chargea Pedro de Alvarado de conquérir le littoral de l'océan Pacifique (1522) jusqu'au Guatemala (1523). Ayant ainsi étendu les limites du plus grand empire du nouveau monde, il put s'attribuer les palais de deux Montezuma, lorsqu'il répartit l'emplacement de la capitale ruinée entre les conquistadores, avec charge de reconstruire chacun dans son lot. Cortez contesté
par les siens.
A son retour au Mexique (1530), il subit toutes sortes de vexations de la part de l'Audience présidée par Nuño de Guzman, qui exerçait le pouvoir civil, et il dut tourner son activité d'un autre côté. Dès 1527, il avait envoyé des vaisseaux dans la direction des Moluques; il en expédia d'autres en 1532 et 1533, vers le nord, le long des côtes occidentales du Mexique, et il y conduisit lui-même une flotte et fonda une colonie en Californie (1534-35), dont le golfe fut nommé d'après lui; la famine le força de revenir et, comme le droit de coloniser au nord du Mexique lui était contesté par le vice-roi Antonio de Mendoza, il lui fut interdit d'envoyer des renforts à la flotte de Francisco de Ulloa, qui s'était avancée jusqu'au 30° degré de latitude Nord. Pour faire trancher ces difficultés et d'autres qu'il avait à propos de la manière de compter (par feu ou par tête) les vingt-trois mille Indiens qui lui avaient été recommandés, il se rendit à la cour (1540), mais n'y trouva que froideur et indifférence. L'histoire du Mexique se poursuivra désormais sans Cortez. La Nouvelle-Espagne D'après les observations de Humboldt et les estimations de H. Bancroft, il y avait au Mexique en 1803, 6 122 364 habitants. qui se divisaient ainsi : 1 097 918 Espagnols, 3 676 281 Indiens, 1 338 706 métis. Il y avait 4 229 prêtres, 3 112 moines, 2 098 religieuses et environ 6 000 soldats. La population était concentrée surtout sur le plateau de l'Anahuac. La province de Mexico avait 269 habitants par lieue carrée (lieue mexicaine), celle de Puebla, 301; celle de Guanajuato 633. Mais la province de Cohahuila et celle du Nouveau-Mexique n'avaient que six habitants par lieue carrée. La moyenne pour toute la Nouvelle-Espagne était de 52 habitants par lieue carrée. Nous n'avons pas de chiffres pour les Noirs, mais nous savons qu'il y en avait très peu, car le Mexique n'était pas un pays de plantation, et plusieurs fois des ordonnances avaient défendu d'y transporter les Noirs, sans doute dans l'intention de ne pas faire monter le prix des esclaves dans les colonies à plantations de l'Amérique du Sud. Il n'y avait que quelques Noirs affranchis ou esclaves autour des ports de Veracruz et d'Acapulco. Les Indiens étaient principalement des Aztèques, des Zapotèques, des Chichimèques, des Mayas. Dans le Nord, les Apaches restaient toujours des pillards indépendants. Le nombre des Indiens soumis avait diminué considérablement, puisque autrefois les franciscains seuls prétendaient avoir converti 6 millions d'indigènes de 1524 à 1540; et alors la Nouvelle-Espagne n'était pas aussi étendue qu'en 1803. Cette diminution avait été causée surtout par les massacres faits pendant la conquête et après les révoltes qui l'avaient, suivies. Créoles
et Gachupines.
Les anciennes fortifications du port de Veracruz, au Mexique. Photo : © Serge Jodra. Les Blancs eux-mêmes se divisaient en deux classes rivales, les Créoles ou Blancs nés au Mexique, et les Espagnols venus d'Europe qu'on appelait Chapetones ou Gachupines. C'était une maxime de gouvernement de réserver aux Espagnols toutes les places importantes. Eux seuls étaient vice-rois, conseillers, officiers de terre et de mer, évêques, abbés. Ces charges étaient réservées aux cadets des grandes familles européennes. Les nobles castillans disaient à leurs fils : "Choisis l'Église, la mer, ou la maison du roi ! »Les Créoles étaient riches, ils possédaient les concessions minières ou les territoires donnés à leurs ancêtres. Ils auraient voulu avoir part au gouvernement. De là leurs rivalités continuelles avec les Chapetones. Créoles et Chapetones vivaient noblement, c.-à-d. sans rien faire, dans les villes agréables de l'Anahuac, entourés de domestiques et d'esclaves - et au milieu d'un luxe très grand dans les mines et dans les campagnes, il n'y avait guère que des Indiens ou des métis. La population ne s'accroissait pas par l'immigration européenne, car le gouvernement espagnol l'enrayait loin de l'encourager. Il fallait pour aller dans les colonies donner les raisons de son départ et recevoir une autorisation. En somme, il ne venait d'Espagne que quelques grands fonctionnaires. La colonie était faite pour enrichir le roi, pour donner des places à ses nobles, enfin pour être conquise à la religion catholique. Les franciscains étaient arrivés aussitôt après la conquête, et ils avaient converti les indigènes de l'Anahuac; les dominicains avaient établi leurs missions au Sud dans la province d'Oaxaca et les pays voisins. Les augustins s'étaient installés à côté des franciscains. Enfin au XVIIe siècle les jésuites avaient converti les indigènes de la Californie : ces derniers venaient d'être expulsés du Mexique comme de l'Espagne. Ces ordres avaient obtenu de grandes concessions de terrains. Ils s'étaient disputé les générosités des conquérants et des rois d'Espagne. De là de longues querelles entre eux; dans le sein de chaque ordre, il y avait eu des disputes entre religieux créoles et religieux espagnols, le pape avait essayé de les accorder en ordonnant aux couvents mi-partie d'élire alternativement un prieur créole et un prieur européen; les disputes avaient continué; enfin les Créoles et les Espagnols avaient pris l'habitude d'entrer dans des couvents composés exclusivement de leurs compatriotes. Les principales difficultés ecclésiastiques étaient celles qui s'étaient élevées entre les religieux et le clergé séculier; ces difficultés ont influé beaucoup sur les idées de Las Casas. Enfin le pape et le roi d'Espagne avaient ordonné aux religieux et religieuses d'obéir aux évêques. Les archevêques et les évêques étaient richement dotés; c'étaient aussi de puissants personnages qui ne relevaient que du roi d'Espagne. Tous étaient des Européens, et en 1808 on citait comme une circonstance extraordinaire le fait qu'un seul évêché du Mexique, celui de Puebla, était occupé par un Créole, Manuel Gonzalès del Campillo. Une cédule de 1792 avait ordonné que la moitié des canonicats des cathédrales seraient donnés à des Créoles; mais elle ne fut pas observée; on ne donnait aux créoles que les bénéfices les moins fructueux, et on leur faisait occuper le dernier rang parmi les chanoines. Les curés, en majorité créoles, aimaient peu le haut clergé. Ils tenaient l'état civil et percevaient la dîme. Leur influence était grande sur les Indiens,: quoique ceux-ci fussent très dévots, aucun d'eux n'était jamais devenu ni prêtre ni moine; c'étaient là des situations réservées aux Blancs. L'Inquisition avait été établie à Mexico à la fin du XVIe siècle. Elle fit brûler un grand nombre de païens, de relaps et de sorciers ou sorcières. L'inquisiteur général avait souvent des conflits de juridiction avec le gouverneur et son conseil; de même les officieux, tribunaux des évêques, avec les fonctionnaires civils et militaires; par exemple, la contrebande fut longtemps regardée comme une hérésie, et jugée par l'Inquisition. Le clergé, surtout les évêques, étaient riches et puissants en Nouvelle-Espagne. L'ensemble des privilèges du clergé s'appelait les Fueros ecclesiasticos. L'administration
et l'économie de la colonie.
L'agriculture se bornait à l'élevage des troupeaux appartenant aux blancs et surveillé par les peones; la culture de la vigne, de l'olivier, des textiles, du safran était interdite. Le commerce était comme les mines un monopole de l'État qui le louait à des compagnies. Chaque année, ces colonies faisaient partir de Séville ou de Cadix une flotte, la caravane, qui débarquait à le Veracruz. Ce fut seulement à partir de 1778 que l'on autorisa le libre commerce d'un certain nombre de ports espagnols avec le Mexique. Les marchands profitaient de leur monopole pour acheter à bas prix les denrées coloniales, tabac, cacao, bois précieux, etc., et pour vendre les objets manufacturiers d'Europe avec des bénéfices qui atteignaient souvent 300 %. Quelques grands négociants, établis à Mexico, achetaient toutes les cargaisons à la foire de Jalapa et les revendaient aux détaillants au prix qui leur convenait. Pour assurer ces gains énormes, il était interdit aux Mexicains de travailler les métaux usuels, le bois, etc. L'extraction de l'or et de l'argent était la seule industrie. |
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