| Régence de Marie de Médicis La reine Marie de Médicis, devenue, par la mort de Henri IV, régente pour son fils Louis XIII, changea de politique et de ministres. Elle s'unit à l'Espagne, renvoya Sully et accorda toute sa faveur au Florentin Concini, qu'elle fit maréchal. Les grands reconnurent bien vite la faiblesse de ce gouvernement; ils prirent les armes et ne les déposèrent qu'en échange de grosses pensions (1614). Aussi, trouvant commode ce moyen de subvenir à leurs prodigalités, ils firent une nouvelle levée de boucliers en 1615, et vendirent encore la paix. Le prince de Condé exigea pour lui seul un million cinq cent mille livres et cinq villes. États généraux Pour remettre l'ordre dans l'État on avait recouru en 1614 aux états généraux. Cette assemblée ne mérite pas le discrédit où elle est tombée. Le tiers état demanda des réformes dont les réclamations de 1789 ne sont qu'un écho agrandi. On refusa de l'entendre; et son orateur ayant osé dire que les Français ne formaient tous qu'une même famille dont les nobles étaient les aînés et les gens du tiers les cadets, la noblesse se plaignit violemment au roi de ces paroles comme d'un affront : « C'est grande insolence, disait son orateur, de vouloir établir quelque sorte d'égalité entre le tiers et la noblesse, car il y a entre eux autant de différence comme entre le maître et le valet. » De tels sentiments rendaient toute union impossible. Les députés du tiers persistèrent néanmoins à consigner dans les cahiers les plaintes et les voeux du peuple. Mais la nation ne les soutint pas; la cour put les chasser impunément de leur salle, et l'oubli pesa bientôt sur ces états, les derniers que la vieille monarchie ait assemblés avant ceux qui firent la Révolution. Richelieu seul garda souvenir de quelques-unes de leurs réclamations et en tint compte plus d'une fois dans son administration. Luynes : désordre universel dans l'État En 1617, Louis XIII voulant sortir de tutelle se débarrassa du joug de Concini en le faisant assassiner; mais son favori Luynes remplaça le maréchal d'Ancre, et mit comme lui le trésor au pillage. Il se fit nommer, en moins de quinze mois, duc, pair et connétable. Marie de Médicis, exilée de la cour, arma deux fois contre son fils. Ces folles guerres, cette administration déplorable encouragèrent les protestants, qui aspirèrent à former en France une république calviniste à l'instar de celle des Provinces-Unies. Une guerre de deux ans (1621 -1622), marquée par le siège inutile de Montauban, après lequel Luynes mourut, et par une défaite navale des Rochellois, força les protestants à ajourner leurs espérances, mais sans les détruire. « Lorsque Votre Majesté, disait plus tard le cardinal de Richelieu à Louis XIII, résolut de me donner la direction de ses affaires, les huguenots partageaient l'État avec elle, les grands se conduisaient comme s'ils n'eussent pas été ses sujets, et les plus puissants gouverneurs de provinces comme s'ils eussent été souverains en leurs charges. » Richelieu : buts qu'il se propose En 1622, Marie de Médicis s'était réconciliée avec son fils et avait obtenu pour son conseiller, l'évêque de Luçon, le chapeau de cardinal. En 1624, elle le fit entrer au conseil du roi, où bientôt l'ascendant de son génie lui donna la première place et une influence souveraine. Ce cardinal était Richelieu. Devenu principal ministre, Richelieu se proposa trois buts : 1° Détruire en France, non la religion réformée, mais le parti politique que les calvinistes constituaient; 2° Dompter les grands; 3° Abaisser la maison d'Autriche, « et relever le nom de la France dans les nations étrangères, au point où il devait être ». La Journée des Dupes On donna le nom de Journée des Dupes au 11 novembre 1630, jour dans lequel les ennemis du cardinal de Richelieu crurent avoir déterminé le roi à le disgracier et qui se termina, au contraire, par le triomphe de ce ministre. Le 10 novembre, Louis XIII, qui logeait rue de Tournon, à l'hôtel des ambassadeurs extraordinaires (plus tard caserne de la garde républicaine), alla voir sa mère au Luxembourg, et lui parla de la nécessité d'une réconciliation entre elle et le cardinal; la nièce de Richelieu, Mme de Combalet, survenant sur ces entreprises, fut accueillie par la reine avec froideur d'abord. « A la froideur, l'aigreur succéda, puis incontinent la colère, l'emportement, les plus amers reproches, enfin un torrent d'injures, et peu à peu de ces injures qui ne sont connues qu'aux halles. » (Saint-Simon). Le roi s'efforça en vain de calmer sa mère; Richelieu arrivant fut, après avoir été tout d'abord un peu mieux reçu, l'objet des mêmes injures; traité de fourbe, de perfide, il essuya sans mot dire, paraît-il, « une si étrange tempête ». Le roi sortit outré de dépit et de colère et retourna à pied chez lui. Là, il se jeta sur un lit de repos et ne garda avec lui que son écuyer, Claude de Saint-Simon, Après plus de deux heures de réflexions, entrecoupées par les réponses, embarrassées sans doute, de Saint-Simon à qui il demandait conseil, le parti de Louis XIII était pris; sa mère l'avait mis dans l'alternative de choisir entre Richelieu et elle; il choisissait son ministre dans l'intérêt supérieur du royaume. Saint-Simon fit immédiatement prévenir le cardinal, par M. de Tourville, d'aller la soir même trouver le roi à Versailles. Chacun avait cru le cardinal perdu; il revint plus puissant que jamais au moment où ses ennemis croyaient n'avoir plus qu'à se partager ses dépouilles. Le roi fit redemander de suite les sceaux à Michel de Marillac qui fut exilé à Châteaudun; en même temps, il envoya l'ordre d'arrêter à l'armée d'Italie le maréchal Louis de Marillac. D'autre part, ceux qui étaient restés fidèles à Richelieu, Châteauneuf, Le Jai, Montmorency, en furent hautement récompensés. (L. Delavaud). | Abaissement des protestants. Dès 1625, les huguenots reprirent les armes; Richelieu n'était pas prêt encore : il leur accorda, au bout de quelques mois, un édit de pacification. En 1627, il avait déjà réorganisé la marine, et enlevé aux Rochellois l'alliance de la Hollande. Les Anglais, qui voulurent les secourir, quand la guerre recommença, furent chassés de l'île de Ré; et une digue immense, jetée dans la mer, empêcha leur flotte de porter des secours dans La Rochelle assiégée. Cette forteresse du calvinisme en France tomba en 1628. La perte de Privas et d'Alès força, l'année suivante, les protestants à demander la paix. Richelieu leur laissa le droit de prier Dieu à leur guise, et ne leur ferma ni les honneurs ni les fonctions publiques. Mais il démantela toutes leurs places fortes, et dès lors ils cessèrent de former un État à part dans l'État. Abaissement des grands L a désorganisation du royaume durant les guerres de religion et la minorité de Louis XIII avait rendu à la noblesse toute son indocilité; Richelieu reprit l'oeuvre de Louis XI. il fit décapiter le comte de Chalais, convaincu de complot (1626), le comte de Bouteville-Montmorency et le comte des Chapelles pour s'être battus en duel, malgré les défenses du roi (1627); le maréchal de Marillac, comme concussionnaire (mai 1632); le plus illustre seigneur du royaume, le duc de Montmorency, coupable de révolte ouverte (octobre 1632); le grand écuyer, Cinq-Mars, le dernier et le plus cher des favoris de Louis XIII, pour avoir conspiré avec l'Espagne la chute du ministre, et le fils du président de Thou, pour n'avoir pas révélé les desseins de son ami dont il avait eu connaissance (1642) .Il enferma à la Bastille les maréchaux de Bassompierre et d'Ornano, ses ennemis. Il chassa de France le frère du roi, Gaston, et Marie de Médicis, qui étaient le centre de toutes les intrigues contre le gouvernement, et il laissa la reine-mère mourir dans le dénuement à Cologne. Il fit exécuter en effigie les ducs de Vendôme et de la Valette, l'un pour un complot, l'autre pour une défaite, car il punit souvent un échec comme une trahison; et à la Bastille une commission attendait les généraux malheureux ou incapables (Sourdis, Grancey, Praslin). Enfin, le duc de Bouillon, complice de Cinq-Mars, arrêté au milieu de l'armée qu'il commandait, dut, pour sauver sa tête, livrer à Richelieu la forte place de Sedan. Les autres seigneurs lui ouvrirent leurs forteresses, qu'il fit raser. Cette politique sans pitié souleva bien des résistances. Pour renverser le ministre, on mit tout en jeu, les intrigues, les complots, même la guerre civile. Deux prises d'armes, essayées par les grands, aboutirent, l'une au combat de Castelnaudary, où le duc de Montmorency fut pris (1632), l'autre au combat de la Marfée (1641), où un prince du sang, chef des rebelles, le comte de Soissons, fut tué. Les parlements plièrent comme les grands sous cette main de fer. Dans les provinces, ils avaient envahi les fonctions administratives. Pour les réduire à leur rôle judiciaire et placer à côté des gouverneurs, qui tous étaient de la haute noblesse, un surveillant jaloux, Richelieu créa des intendants (1655). Ces nouveaux magistrats, hommes obscurs et révocables à la volonté du ministre, allaient maintenir énergiquement les provinces sous l'autorité royale que parlements et gouverneurs avaient tant de fois méconnue. Abaissement de la maison d'Autriche La maison d'Autriche possédait encore, par ses deux branches d'Autriche et d'Espagne, presque tout l'héritage de Charles-Quint et la couronne impériale. Richelieu reprit contre elle la politique de Henri IV et de François Ier. D'abord il rétablit l'influence de la France en Italie, en chassant les Espagnols de la Valteline, par où se touchaient les possessions italiennes et allemandes des deux branches de la maison d'Autriche (1624). En même temps, il força le duc de Savoie à rentrer dans l'alliance avec la France, après le combat du Pas-de-Suze (1629), où Louis XIII montra la brillante valeur de son père (traité de Chérasco qui, en outre, donne Pignerol à la France, 1631). L'influence autrichienne ruinée en Italie, Richelieu s'occupa de la réduire dans l'empire. Il avait, dès l'année 1629, signé la paix avec l'Angleterre, et il était l'allié de la Hollande. Il alla chercher au fond du Nord le roi de Suède, Gustave-Adolphe, pour qu'il arrachât l'Allemagne protestante des mains de l'empereur (1631). Quand la mort eut arrêté le héros suédois au milieu de sa carrière, à Lützen, Richelieu, libre de tout souci à l'intérieur, donna enfin à la France le premier rôle dans la lutte contre la maison d'Autriche (1635). Il acheta Bernard de Saxe-Weimar, un des meilleurs généraux de Gustave-Adolphe, et il envoya sur toutes les frontières de la France des armées bien disciplinées. En 1635, cent régiments d'infanterie et plus de trois cents cornettes de cavalerie entrèrent en campagne. Les commencements de cette guerre furent cependant malheureux pour les Français. Malgré la victoire d'Avein (1635), les Impériaux pénétrèrent en Bourgogne, et les Espagnols en Picardie, d'où ils envoyèrent des coureurs jusque sous les murs de la capitale (1636). Mais, à l'approche des troupes ennemies, toute la France s'arma, les fit reculer et reprit l'offensive. Les victoires de Bernard de Saxe-Weimar à Rhinfeld (1638) et à Brisach, celles de d'Harcourt à Casal et à Turin (1640), de Guébriant à Wolfenbutel (1641) et à Kempen (1642), les succès de l'archevêque de Bordeaux Sourdis, qui battit plusieurs fois les Espagnols sur mer; enfin le soulèvement contre la couronne d'Espagne des Catalans et des Portugais auquel les intrigues de Richelieu n'étaient pas étrangères, furent comme l'annonce des éclatants succès de Condé et de Turenne, qui obligèrent plus tard la maison d'Autriche à signer le traité de Westphalie (1648) . Mort de Richelieu (1642) et de Louis XIII (1643) Richelieu, qui avait préparé ce traité, ne le vit pas. Ce terrible niveleur était mort en 1642. Un mot de lui, ou fait pour lui, caractérise sa politique : « Quand j'ai tout examiné, tout pesé, je marche droit au but : je fauche tout, et je recouvre tout de ma soutane rouge. » L'Académie française, le Palais-Royal, le Jardin des Plantes, aujourd'hui Muséum d'histoire naturelle, lui doivent leur fondation. Le grand Corneille était son pensionnaire. A l'oeuvre de Richelieu, ajoutons ses efforts pour relever la marine. Parlant un jour d'une insulte faite par les Anglais à un des navires français, il avait dit ces paroles, qui montrent encore son sens de la formule : « Les coups de canon perçant le vaisseau percèrent aussi le coeur aux bons Français. » Louis XIII, qui n'avait jamais aimé son ministre ni jamais eu la faiblesse de céder aux clameurs élevées de partout contre lui, ne lui survécut que six mois (1643). (V. Duruy). | |