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L'histoire des États-Unis
Au temps des « Pères fondateurs »
III - De Madison Ă  Monroe (1808-1826)
Histoire des Etats-Unis d'Amérique
Madison. La guerre et la paix

Madison qui, depuis huit ans, était secrétaire d'Etat, fut élu président de l'Union en 1808 par 122 voix contre 47 données à Pinckney; il garda comme ministre des finances Gallatin, qui occupait ce poste depuis la première présidence de Jefferson. Madison suivit la même ligne de conduite que son prédécesseur, avec moins d'éclat, plus de modération ou de timidité. L'opposition fédéraliste en devint plus hardie, plus acharnée, et prit une attitude si résolument séparatiste que le gouverneur du Canada crut utile d'envoyer un agent secret à Boston, chargé de constater dans quelle mesure l'Angleterre pourrait compter sur les États de l'Est dans le cas où elle ferait la guerre aux États-Unis. Les négociations entre les deux puissances n'aboutissaient pas. L'Angleterre ne voulait rien céder ni sur le droit de visite, ni sur la "presse", ni sur aucun des griefs de l'Amérique. Le dernier pas vers une solution qui semblait depuis longtemps inévitable fut franchi lorsque Madison vit sa réélection (1812) dépendre de sa soumission aux exigences des jeunes du parti républicain, Clay, Calhoun, Lowndes, qui voulaient la guerre. L'Ouest ne rêvait qu'agrandissements, et le Canada semblait une proie aisée à saisir. Les deux Chambres votèrent une déclaration de guerre à l'Angleterre et le président la signa (18 Juin 1812).
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James Madison.
James Madison.

La seconde guerre de l'indépendance.
La guerre de 1812 a été appelée la seconde guerre de l'indépendance des États-Unis, elle avait pour objet ostensible d'arracher à la Grande-Bretagne, par les armes, ce que de longues négociations n'avaient pu obtenir d'elle, la renonciation à l'exercice de certains droits tyranniques sur mer. Les États-Unis étaient fort mal équipés pour des hostilités actives. Le Trésor était vide, les lois de non-importation et l'embargo ayant tari les sources des recettes; l'armée comptait à peine 10 000 hommes, dont plus de la moitié recrutés à la hâte et non exercés, la marine de guerre 8 frégates, 5 sloops et 3 bricks. Heureusement, Angleterre, en 1812, était si occupée en Europe, qu'elle ne pouvait distraire qu'une part très limitée de son attention et de ses forces pour lutter contre ses anciennes colonies.

Une guerre indienne avait préludé aux hostilités. Les tribus du Nord-Ouest, sous la conduite de deux frères nommés Tecumseh, dont l'un se disait prophète, se levèrent en masse contre les établissements américains. William H. Harrison, gouverneur du territoire de l'Indiana, leur infligea une défaite décisive sur les bords de la rivière Tippecanoe (7 novembre 1811); les Indiens se jetèrent dans l'alliance de l'Angleterre. La campagne de 1812 ne fut pas heureuse pour les Américains. Le général Hull, gouverneur du Territoire de Michigan, avait reçu ordre d'envahir la presqu'île du Canada par Détroit. Il n'avait pas assez de forces pour cette entreprise. Assiégé lui-même dans Détroit par le général Brook, il dut lui abandonner le fort et tout le Michigan. Les attaques dirigées d'autres points, et notamment du Niagara, sur le Canada, ne furent pas plus heureuses. De brillants succès sur mer vinrent compenser ces mécomptes.

Stephen Decatur.
Stephen Decatur.
Ambrose Perry.
Ambrose Perry.
Du mois d'août à décembre, dans quatre rencontres entre navires de force à peu près égale, les Américains furent victorieux: : la frégate Constitution (capitaine Hull), le sloop Wasp (capitaine Jones), la frégate United Sates (capitaine Decatur) capturèrent la frégate anglaise Warrior, le brick Frolic et la frégate Macedonian; la Constitution encore, sous un nouveau commandant, Bainbridge, captura la frégate Java. Ainsi, la marine, que l'opinion publique avait tenue iusqu'alors en médiocre estime, donna à la cause américaine une série de beaux triomphes, alors que l'armée de terre, lancée au hasard contre le Canada, ne rencontra que des défaites. La marine excita dès lors un engouement extraordinaire; des corsaires sortirent en grand nombre des ports de l'Union et enlevèrent en un an plus de trois cents navires au commerce britannique. L'année 1813 amena quelques succès sur terre et quelques échecs sur mer. Pike occupa York (auj. Toronto) dans la presqu'île canadienne, Brown repoussa un corps d'Anglais de Sackett's Harbor. Harrison reprit Détroit, passa sur la rive canadienne et battit les Indiens près de la rivière Thames; leur chef, Tecumseh, resta parmi les morts. Une tentative pour surprendre Montréal échoua par suite de la mésintelligence entre deux généraux. Le plus beau fait d'armes dans cette campagne fut la victoire navale remportée (10 septembre 1813) sur le lac Érié par le commodore Perry, contre une flotte anglaise de six vaisseaux. Les Américains furent désormais les maîtres du lac. Sur mer, les frégates américaines firent encore quelques captures, mais l'une d'elles fut prise à son tour.
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Prise de la frégate Warrior par la Constitution.
Prise de la frégate Warrior par la Constitution.

La guerre fut conduite avec plus de vigueur, des deux cĂ´tĂ©s, en 1814, et de vraies batailles, acharnĂ©es et sanglantes, furent livrĂ©es sur la frontière, près de Niagara. A Chippewa et Ă  Lundy's Lane se distinguèrent les gĂ©nĂ©raux amĂ©ricains Brown et Winfleld Scott. Le gouvernement anglais, la guerre Ă©tant terminĂ©e en Europe, envoya au Canada quelques-uns des plus beaux rĂ©giments de Wellington. Prevost envahit le New York par le lac Champlain et mit le siège devant Plattsburg. La flottille amĂ©ricaine ayant, cette fois encore, battu complètement la petite escadre anglaise qui soutenait l'armĂ©e de terre, Prevost ramena ses troupes au Canada. Au mois d'aoĂ»t, 5 000 Anglais parurent avec le gĂ©nĂ©ral Ross dans la baie de Chesapeake et dĂ©barquèrent Ă  l'embouchure du Patuxent. Ils marchèrent sur Washington et mirent en dĂ©route un corps de milice Ă  Bladensburg. Le 24 aoĂ»t, ils entrèrent dans la capitale des États-Unis et incendièrent le Capitole, la Maison-Blanche et d'autres monuments. Ils se retirèrent bientĂ´t, mais pour attaquer le 12 septembre la ville de Baltimore; ils furent repoussĂ©s et Ross pĂ©rit dans la mĂŞlĂ©e. C'est Ă  l'occasion de cette dĂ©fense de Baltimore, que fut composĂ© le cĂ©lèbre chant amĂ©ricain The Star spanpled Banner, par Fr. Key (devenu par la suite l'hymne national des États-Unis). 
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Bombardement de Plattsburg.
Bombardement de Plattsburg.

Sur mer, les Américains prirent encore quelques navires de guerre anglais et perdirent eux-mêmes deux de leurs meilleures frégates. De longues négociations engagées en Angleterre depuis 1813 par Clay, J. Quincy Adams, Russell, Bayard et Gallatin, aboutirent à la paix de Gand, signée le 24 décembre 1814, par laquelle les deux puissances se rendaient mutuellement leurs conquêtes et gardaient un silence absolu sur les griefs qui avaient provoqué la guerre. La nouvelle de la signature de la paix arriva à Washington en même temps que celle de la brillante victoire remportée à la Nouvelle-Orléans par le général Jackson sur l'armée anglaise de Packenham (8 janvier 1815). Jackson était un officier volontaire du Tennessee, d'une grande influence dans le parti démocrate, et très populaire dans tout l'Ouest. Déjà en 1814, il s'était signalé par un exploit qui le mettait dans l'opinion au-dessus de tous les généraux de la guerre de 1812. Les Creeks, excités par les Anglais, s'étant insurgés en 1813, et ayant massacré 400 personnes réfugiées dans un fort sur l'Alabama, Andrew Jackson, à la tête de volontaires du Tennessee, était venu chercher les Indiens dans leur pays et les avait écrasés à Horseshoe (mars 1814). Ce coup abattit la puissance de la confédération des Creeks.

Les fédéralistes du Nord-Est n'avaient prêté qu'un faible concours au gouvernement pendant la guerre. Le parti avait relevé la tête sous la direction de Pickering, de Quincy, de Lloyd, d'Otis. Les gouverneurs de plusieurs des États de la Nouvelle-Angleterre étaient fédéralistes ainsi que les majorités des législatures. Ces interprètes autorisés de l'opinion choquèrent, en maintes circonstances, le sentiment national. On les traita bientôt de parti anglais, de traîtres, et ils s'approchèrent, en effet, assez près de la trahison (refus de soumettre la milice locale aux ordres du département de la guerre, opposition faite aux emprunts fédéraux). Ils reprirent la doctrine de la souveraineté des États et rééditèrent mot pour mot les déclarations faites quinze années auparavant par les hommes actuellement au pouvoir. Une convention se réunit à Hartford (15 décembre 1814) pour la rédaction de voeux et d'amendements constitutionnels représentant la doctrine du parti. Aucune proposition de séparation ne fut formulée; toutefois, la convention de Hartford, à cause de la situation difficile de l'Union au moment où cette réunion était tenue, fut flétrie par les républicains comme une conspiration criminelle contre la nation. En fait, la guerre, loin de relâcher les liens de l'Union, les fortifiait; défaites et victoires enflammèrent également l'esprit national; plus les hostilités se prolongèrent, plus aussi diminua le nombre des adhérents du fédéralisme. La convention de Hartford fut une conférence d'officiers sans troupes. Les commissaires chargés de présenter au Congrès les demandes de la convention étaient encore en route lorsqu'ils apprirent à la fois la signature de la paix et la victoire de la Nouvelle-Orléans. Ils rebroussèrent chemin.

La fin de la guerre fut cĂ©lĂ©brĂ©e en AmĂ©rique avec une joie exubĂ©rante. Le Congrès abrogea tous les appels de milices et de volontaires et tous les actes de non-importation. L'armĂ©e fut rĂ©duite Ă  10 000 hommes. Une escadre fut envoyĂ©e sous les ordres de Decatur, dans la MĂ©diterrannĂ©e, contre les pirates barbaresques qui, Ă  la faveur de la guerre, avaient recommencĂ© leurs dĂ©prĂ©dations. Le dey d'Alger vint signer sur le pont du vaisseau amiral sa renonciation Ă  tout tribut amĂ©ricain; Alger, Tunis et Tripoli durent payer des indemnitĂ©s pour les pertes infligĂ©es pendant la guerre au commerce amĂ©ricain. Une pacification gĂ©nĂ©rale des Indiens du Nord-Ouest fut solennellement effectuĂ©e en septembre 1815, par des traitĂ©s signĂ©s avec toutes les tribus (Delaware, Shawanese, Wyandot, Ottawa, Chippewa, Osage, lowa, Kansas, Foxes, Kickapoo, Sioux). De cette Ă©poque date l'organisation des rĂ©serves (Indien reservations) ou enclaves pour les Indiens au milieu des terres livrĂ©es Ă  la colonisation. 

En 1813 avait éclaté une crise financière d'une grande intensité, qui amena la suspension générale des paiements en espèces (sauf par les banques des États du Nord-Est). Dallas, successeur de Gallatin aux finances, proposa, pour remédier à cet état de choses, la création d'une nouvelle Banque nationale des États-Unis (le privilège de la première qui expirait en 1811 n'avait pas été renouvelé). Son projet fut adopté (1816) et la Banque, constituée au capital de 35 millions de dollars, commença de fonctionner en 1817 (Girard et Astor étaient au nombre de ses directeurs). Les paiements en espèces furent repris partout cette même année.

Le licenciement des partis. Monroe

La prospérité était vite revenue; les importations s'élevèrent de 7 282 000 dollars en 1815 et 46 300 ,000 en 1816. Les manufactures s'étaient multipliées pendant la guerre et avaient profité de tout ce qui était une cause de misère pour le commerce et l'agriculture. Bien que les industriels réclamassent avec énergie le maintien de droits hautement protecteurs, le Congrès vota (avril 1816) un tarif de paix à échelle décroissante de 30 à 20%. Dans cette question du tarif, il est curieux de constater que Webster et les représentants de la Nouvelle-Angleterre (région encore plus commerciale qu'industrielle à cette époque) votèrent contre la protection, soutenue par Calhoun et Lowndes au nom des États du Sud. La dette publique s'élevait, au 1er janvier 1816, à 127 millions de dollars. Elle allait étre remboursée totalement en vingt années. Diverses taxes de guerre furent immédiatement supprimées. Le commerce maritime américain redevint actif, mais beaucoup moins lucratif qu'au temps où les droits des neutres étaient livrés à tant de hasards; les profits diminuèrent avec le retour de la sécurité, et aussi par la concurrence. Après les grandes guerres impériales, plusieurs nations européennes développèrent rapidement leur marine commerciale. La présidence de Madison s'acheva au milieu d'une paix profonde, d'un calme que l'Amérique n'avait pas connu depuis plus d'un demi-siècle. Le cadre des anciens partis était rompu; il n'y avait plus de place pour une faction anglaise ou une faction française; d'autre part, les questions de politique intérieure, sur lesquelles pouvait s'effectuer la formation de nouveaux partis, n'étaient pas encore mûres. On entrait dans l'ère de la bonne entente (Era of good Feeling).
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James Monroe.
James Monroe.

Monroe, en 1816, candidat des démocrates, fut élu président par 183 voix contre 34 données à Rufus King par les États fédéralistes, Massachusetts, Connecticut et Delaware. En 1820, il fut réélu pour un deuxième terme, à l'unanimité moins une voix. Sa double présidence fut une époque de prospérité continue, pendant laquelle les progrès matériels se développèrent avec une rapidité inconnue jusqu'alors. L'accroissement de la population marcha de pair avec le développement de la richesse agricole, commerciale et industrielle. Les animosités de parti s'affaiblirent au point que, Monroe visitant les États du Nord-Est, la popu lation lui fit le meilleur accueil, et que Quincy put dire :

« Il n'y a plus de distinction de partis, puisque les républicains dépassent aujourd'hui les fédéralistes en fédéralisme.»
Les Creeks, vaincus une première fois par Jackson, recommencèrent en 1817 leurs pillages sur la frontière des établissements américains. La tribu des Séminoles, en Floride, se montra surtout redoutable. Le général Jackson, de nouveau chargé de combattre les Indiens, n'y épargna rien, ni massacre ni incendie (mars 1818). Arguant de l'aide prétée par les Espagnols aux Indiens, il envahit la Floride, s'empara de Saint-Mark et de Pensacola, et mit à mort, sur le territoire espagnol, deux sujets anglais accusés de complicité dans les hostilités des Séminoles. Le représentant de l'Espagne à Washington protesta contre l'invasion du territoire de la Floride, dont le gouvernement américain ordonna la restitution, tout en approuvant la conduite de Jackson. La Floride avait été de tout temps un refuge pour les esclaves fugitifs, les criminels, les contrebandiers, les pirates et les Indiens hostiles. Les autorités espagnoles de cette possession n'étaient elles-mêmes nullement animées de dispositions amicales, et à toutes ces causes de conflit venait s'ajouter la disposition des habitants de l'Union à donner toutes leurs sympathies aux colonies espagnoles de l'Amérique du centre et du Sud révoltées contre leur métropole. Des négociations furent engagées pour obtenir de la cour de Madrid la cession de la Floride. Elles aboutirent enfin le 22 février 1819, l'Espagne cédant aux États-Unis la Floride orientale et la Floride occidentale, les États-Unis acceptant que la rivière Sabine servit de frontière entre la Louisiane et le Mexique, et s'engageant à payer jusqu'à concurrence de 5 millions de dollars les indemnités réclamées du gouvernement espagnol par des citoyens américains.
Andrew Jackson.
Andrew Jackson.

Les nouveaux Etats.
L'Ă©poque de cette nouvelle acquisition de territoire fut aussi celle d'une formation rapide de nouveaux États, prenant leur place dans l'Union Ă  cĂ´tĂ© des treize communautĂ©s politiques qui avaient fait la rĂ©volution et conquis l'indĂ©pendance. Le Kentucky et le Vermont avaient Ă©tĂ© admis en 1791 et 1792, le Tennessee en 1796, l'Ohio en 1802, la Louisiane en 1812, puis l'Indiana en 1816, le Mississippi en 1817, l'Illinois en 1818 et l'Alabama en 1819; le Congrès allait admettre encore le Maine en 1820 et le Missouri en 1821; soit six États dans les six dernières annĂ©es, un par an, et onze depuis la mise en vigueur de la Constitution fĂ©dĂ©rale. Le nombre en fut alors de vingt-quatre, et la population totale de 9 634 000 habitants. Les derniers États admis s'Ă©taient très rapidement peuplĂ©s pendant leur courte existence comme Territoires. L'Indiana, en 1820, avait 147 000 habitants, le Mississippi 75 000, l'Illinois 55 000, l'Alabama 128 000; le Maine, fragment dĂ©tachĂ© du Massachusetts, comptait 298 000 habitants, et le Missouri, dĂ©tachĂ© du Louisiana purchase (territoire acquis de la France sous le nom de Louisiane), 66 000 habitants. Le territoire au Nord-Ouest de l'Ohio, qui Ă©tait encore n'Ă©tait pas encore colonisĂ© par les EuropĂ©ens en 1790, possĂ©dait, après trente ans, 790 000 habitants, dont 581 000 pour le seul Etat d'Ohio. Le peuplement de la rĂ©gion situĂ©e au Sud de l'Ohio jusqu'au golfe du Mexique, entre les Appalaches et le Mississippi, Ă©tait encore plus Ă©tonnant; le Kentucky avait 564 000 habitants, le Tennessee 422 000, le Mississippi 75 000, l'Alabama 127 000, la Louisiane 152 000; ensemble, près de 1 400 000 habitants. 

En trente années, la population totale des États-Unis avait passé de moins de 4 millions d'habitants à près de 10 millions. Quelle avait été la part de l'immigration dans cet accroissement? On ne peut que le conjecturer, aucune statistique n'ayant été établie sur ce sujet avant 1820. Or, les relevés officiels n'accusent, pour les sept années suivantes, 1820 à 1826, qu'un total de 60 000 immigrants, soit moins de 10 000 par année (chiffre, il est vrai, manifestement au-dessous de la vérité). C'est donc surtout à ce que l'on peut appeler l'immigration intérieure qu'est due cette occupation effective de l'Ouest américain (2 100 000 habitants) de 1790 à 1820. D'une part, la population yankee (habitants de la Nouvelle Angleterre) s'est répandue dans le New York, la Pennsylvanie, l'État d'Ohio, l'Indiana et l'Illinois avec un contingent déjà sérieux d'Allemands et d'Irlandais; de l'autre, les maîtres d'esclaves, avec leurs troupeaux de Noirs, ont pris possession des vastes plaines du Kentucky, du Tennessee, du Mississippi et de l'Alabama. La population noire s'élève, à cette époque, à 1 770 000 âmes, dont 233 000 Libres et 1 538 000 esclaves.

Le Nord, jusqu'à cette époque, avait paru indifférent à ce développement de l'esclavage, favorisé par les vingt années que la constitution de 1787 avait concédées au Sud pour l'importation des Noirs d'Afrique, et par l'essor de la culture du coton. Même après que fut arrivé le temps ou le Congrès avait le droit d'interdire l'importation (1808), la tentative de faire de la contrebande, en cette matière, un crime capital (en 1820 l'importation des Noirs fut assimilée à la piraterie), se heurta à une violente résistance. L'introduction de Noirs par contrebande continua, la Virginie ne pouvant suffire à l'élevage pour les déserts du Sud-Ouest qu'il fallait couvrir de plantations de sucre et de coton. La capitale fédérale se transforma en un grand marché d'esclaves. On crut donner une satisfaction suffisante à la philanthropie par la comédie hypocrite de la Société de colonisation fondée en 1816 par les gentlemen du Sud et qui eut pour objet d'envoyer de temps à autre sur la côte africaine une troupe de Noirs libres, dont le Sud était fort aise de se débarrasser. On prétend qu'en une seule année (1818) il fut importé aux États-Unis 14 000 Noirs esclaves; le chiffre est sans doute exagéré; les autorités fédérales, émues cependant d'une violation si flagrante de la loi, violation qui avait toute une moitié du pays pour complice, proposèrent aux puissances européennes, à la Grande-Bretagne en particulier, l'adoption de mesures communes pour la répression de la traite sur les côtes d'Afrique.

La question de l'esclavage.
L'esclavage devenait de plus en plus, par la force des choses, le principe constitutif de la vie sociale et Ă©conomique dans le Sud; de lĂ  une infĂ©rioritĂ© qui devait aller s'aggravant sans cesse Ă  l'Ă©gard du Nord, oĂą le travail libre donnait toute son intensitĂ© Ă  l'essor de la force individuelle s'exerçant dans une variĂ©tĂ© infinie d'occupations. Aussi, malgrĂ© sa richesse apparente, qui n'Ă©tait que le luxe extĂ©rieur de son aristocratie blanche, le Sud Ă©tait-il en tout devancĂ© par le Nord. Au temps de l'adoption de la constitution, la population Ă©tait d'importance Ă  peu près Ă©gale dans les deux sections gĂ©ographiques du pays, 1 967 000 habitants au Nord, 1 960 000 (dont plus de 600 000 Noirs) au Sud. En 1820, avant mĂŞme le grand essor de l'immigration europĂ©enne, la diffĂ©rence Ă©tait de 600 000 habitants en faveur du Nord, 5 147 000 habitants, contre 1 435 000 (dont plus de 1 500 000 esclaves) au Sud. Et comme, pour la reprĂ©sentation au Congrès (Chambre des reprĂ©sentants), cinq esclaves ne comptaient que comme trois Blancs, l'Ă©cart en faveur du Nord Ă©tait plus grand encore que le simple rapprochement des chiffres ne l'indique. 

L'équilibre ne pouvant être conservé dans la Chambre des représentants, les gens du Sud devaient tout tenter pour le maintenir au moins dans le Sénat, où chaque État envoie deux délégués, et pour empêcher l'Union de compter un plus grand nombre d'États libres que d'États à esclaves. C'est là ce qui explique la violence extraordinaire du débat que suscita en 1819 la question de l'admission du Missouri comme État. De 1791 à 1818, le Congrès avait admis huit États, dont quatre libres et quatre à esclaves, alternés, Vermont après Kentucky, Ohio après Tennessee, Indiana après Louisiana, Illinois après Mississippi. En 1819, on admit l'Alabama, État à esclaves. C'était donc le tour d'un Etat libre. Lorsque le Missouri demanda à entrer dans l'Union, un représentant du New York proposa que l'esclavage fût interdit dans le futur État; les représentants du Sud protestèrent, des maîtres d'esclaves s'étant déjà établis sur la rive droite du Mississippi, autour de Saint-Louis. Le Maine, État libre, avant été admis sur ces entrefaites (1820), le Sud se récria plus vivement encore. Le Maine, formant avec l'Alabama le cinquième couple, le Missouri revenait de droit à l'esclavage. La discussion fut longue (1819-1821) et passionnée. Des paroles ardentes, des menaces de séparation furent prononcées de part et d'autre; tous les arguments tirés des faits, du droit et de la constitution, furent invoqués. Enfin, des représentants modérés s'entremirent et proposèrent un compromis que Clay appuya de son éloquence et qui finit par être adopté le Missouri était cédé à l'esclavage, mais tout le territoire à l'Ouest du Mississippi et au Nord du 36°30 était réservé au travail libre, et l'on n'y pourrait jamais introduire l'institution du travail servile. En fait, le Nord n'abandonnait pas seulement au Sud l'objet immédiat de ses réclamations, il renonçait de plus au droit, incontesté jusqu'alors, qu'avait le Congrès d'interdire l'esclavage dans les Territoires, aussi bien au Sud qu'au Nord de cette ligne arbitraire, le 36°30. Le Sud, en retour, consentait que toutes les questions de droit constitutionnel ou de droit naturel, soulevées par l'incident, ne fussent pas immédiatement résolues en sa faveur, mais ajournées. Le compromis du Missouri donnait une fixité légale à la division, qui existait déjà en fait, des États-Unis en une section du Nord et une autre du Sud.

La doctrine Monroe.
Les colonies espagnoles du centre et du Sud de l'Amérique s'étaient définitivement émancipées. Elles avaient rejeté le joug de la métropole, s'étaient constituées en républiques indépendantes et avaient maintenu leur liberté les armes à la main. Le gouvernement des États-Unis, bien que la cause de ces républiques eût nécessairement toutes ses sympathies, hésita quelque temps à les reconnaître. Il le fit cependant en 1822, et envoya dans leurs capitales des ministres plénipotentiaires. L'année suivante, ayant appris que les puissances de la Sainte-Alliance, Autriche, Prusse, France et Russie, projetaient d'aider l'Espagneà soumettre ses colonies révoltées, le président Monroe fit, à ce sujet, dans son message annuel au Congrès (2 décembre 1823) les déclarations suivantes, devenues célèbres, sous le nom de doctrine Monroe

« Mon administration, dans les nĂ©gociations avec la Russie, a Ă©tabli, comme un principe oĂą sont impliquĂ©s les droits et les intĂ©rĂŞts des États-Unis, que les continents amĂ©ricains, par la position libre et indĂ©pendante qu'ils ont assumĂ©e et maintenue, ne doivent plus ĂŞtre dĂ©sormais considĂ©rĂ©s comme un domaine propre Ă  la colonisation par aucune puissance europĂ©enne. Nous devons Ă  la bonne foi et aux relations amicales existant entre les États-Unis et ces puissances, de dĂ©clarer que nous considĂ©rerons Ă  l'avenir toute tentative de leur part d'Ă©tendre leur système Ă  quelque portion de cet hĂ©misphère comme dangereuse pour notre paix et notre sĂ©curitĂ©. En ce qui concerne les colonies ou dĂ©pendances actuelles d'aucune puissance europĂ©enne, nous ne sommes pas intervenus et n'interviendrons pas. Mais pour ce qui regarde les gouvernements qui ont dĂ©clarĂ© et maintenu leur indĂ©pendance, nous ne pourrions regarder toute intervention d'une puissance europĂ©enne, ayant pour objet soit d'obtenir leur soumission, soit d'exercer une action sur leur destinĂ©e, autrement que comma la manifestation d'une disposition hostile Ă  l'Ă©gard des États-Unis. » 
Cet énoncé de principes fut très bien accueilli par l'opinion publique qui n'y attacha peut-être pas tout de suite la grande signification attribuée plus tard à la doctrine de Monroe; mais le Congrès ne prit aucune mesure, ne vota aucune loi pour donner une valeur pratique à la déclaration présidentielle. Peu de temps après, John Quincy Adams, ayant succédé à Monroe à la Maison Blanche, le gouvernement américain fut invité à envoyer des représentants au Congrès de Panama, où devaient figurer tous les États de l'Amérique. Deux délégués furent nommés, mais l'un mourut et l'autre ne put se rendre au lieu indiqué pour la réunion (décembre 1825 - mars 1826). Le Congrès se réunit et siégea en juin et juillet 1826, sans que les États-Unis fussent représentés. Un second Congrès devait se réunir en 1827 dans la capitale du Mexique. Cette fois, les délégués des États-Unis furent exacts au rendez-vous, mais ne trouvèrent point de Congrès. La tentative d'une entente entre toutes les républiques d'Amérique a été reprise depuis 1826; une réunion a eu lieu ensuite (1890) à Washington, sous la présidence du secrétaire d'État, Blaine, mais n'a pas abouti à des résultats décisifs. (A. Moireau).
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