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Au temps des « Pères fondateurs » III - De Madison à Monroe (1808-1826) |
Madison.
La guerre et la paix
Madison qui, depuis huit ans, était secrétaire
d'Etat, fut élu président de l'Union en 1808
par 122 voix contre 47 données à Pinckney; il garda comme ministre des
finances Gallatin, qui occupait ce poste depuis la première présidence
de Jefferson. Madison suivit la mĂŞme ligne
de conduite que son prédécesseur, avec moins d'éclat, plus de modération
ou de timidité. L'opposition fédéraliste en devint plus hardie, plus
acharnée, et prit une attitude si résolument séparatiste que le gouverneur
du Canada crut utile d'envoyer un agent secret à Boston, chargé de constater
dans quelle mesure l'Angleterre pourrait compter sur les États de l'Est
dans le cas où elle ferait la guerre aux États-Unis. Les négociations
entre les deux puissances n'aboutissaient pas. L'Angleterre ne voulait
rien céder ni sur le droit de visite, ni sur la "presse", ni sur aucun
des griefs de l'Amérique. Le dernier pas vers une solution qui semblait
depuis longtemps inévitable fut franchi lorsque Madison vit sa réélection
(1812) dépendre de sa soumission aux
exigences des jeunes du parti républicain, Clay,
Calhoun,
Lowndes, qui voulaient la guerre. L'Ouest ne rĂŞvait qu'agrandissements,
et le Canada semblait une proie aisĂ©e Ă
saisir. Les deux Chambres votèrent une déclaration de guerre à l'Angleterre
et le président la signa (18 Juin 1812).
James Madison. La seconde guerre
de l'indépendance.
Une guerre indienne avait préludé aux hostilités. Les tribus du Nord-Ouest, sous la conduite de deux frères nommés Tecumseh, dont l'un se disait prophète, se levèrent en masse contre les établissements américains. William H. Harrison, gouverneur du territoire de l'Indiana, leur infligea une défaite décisive sur les bords de la rivière Tippecanoe (7 novembre 1811); les Indiens se jetèrent dans l'alliance de l'Angleterre. La campagne de 1812 ne fut pas heureuse pour les Américains. Le général Hull, gouverneur du Territoire de Michigan, avait reçu ordre d'envahir la presqu'île du Canada par Détroit. Il n'avait pas assez de forces pour cette entreprise. Assiégé lui-même dans Détroit par le général Brook, il dut lui abandonner le fort et tout le Michigan. Les attaques dirigées d'autres points, et notamment du Niagara, sur le Canada, ne furent pas plus heureuses. De brillants succès sur mer vinrent compenser ces mécomptes.
-- Prise de la frégate Warrior par la Constitution. La guerre fut conduite avec plus de vigueur,
des deux côtés, en 1814, et de vraies
batailles, acharnées et sanglantes, furent livrées sur la frontière,
près de Niagara. A Chippewa et à Lundy's Lane se distinguèrent les généraux
américains Brown et Winfleld Scott. Le gouvernement anglais, la guerre
étant terminée en Europe, envoya au Canada
quelques-uns des plus beaux régiments de Wellington.
Prevost envahit le New York par le lac Champlain et mit le siège devant
Plattsburg. La flottille américaine ayant, cette fois encore, battu complètement
la petite escadre anglaise qui soutenait l'armée de terre, Prevost ramena
ses troupes au Canada. Au mois d'août, 5 000 Anglais parurent avec le
général Ross dans la baie de Chesapeake et débarquèrent à l'embouchure
du Patuxent. Ils marchèrent sur Washington
et mirent en déroute un corps de milice à Bladensburg. Le 24 août, ils
entrèrent dans la capitale des États-Unis et incendièrent le Capitole,
la Maison-Blanche et d'autres monuments. Ils se retirèrent bientôt, mais
pour attaquer le 12 septembre la ville de Baltimore;
ils furent repoussés et Ross périt dans la mêlée. C'est à l'occasion
de cette défense de Baltimore, que fut composé le célèbre chant américain
The Star spanpled Banner, par Fr. Key (devenu par la suite l'hymne
national des États-Unis).
Bombardement de Plattsburg. Sur mer, les Américains prirent encore
quelques navires de guerre anglais et perdirent eux-mĂŞmes deux de leurs
meilleures frégates. De longues négociations engagées en Angleterre
depuis 1813 par Clay,
J.
Quincy Adams, Russell, Bayard et Gallatin, aboutirent Ă la paix de
Gand, signée le 24 décembre 1814,
par laquelle les deux puissances se rendaient mutuellement leurs conquĂŞtes
et gardaient un silence absolu sur les griefs qui avaient provoqué la
guerre. La nouvelle de la signature de la paix arriva Ă Washington en
même temps que celle de la brillante victoire remportée à la Nouvelle-Orléans
par le général Jackson sur l'armée anglaise
de Packenham (8 janvier 1815). Jackson
Ă©tait un officier volontaire du Tennessee, d'une grande influence dans
le parti démocrate, et très populaire dans tout l'Ouest. Déjà en 1814,
il s'était signalé par un exploit qui le mettait dans l'opinion au-dessus
de tous les généraux de la guerre de 1812.
Les Creeks, excités par les Anglais, s'étant insurgés en 1813,
et ayant massacré 400 personnes réfugiées dans un fort sur l'Alabama,
Andrew
Jackson, Ă la tĂŞte de volontaires du Tennessee, Ă©tait venu chercher
les Indiens dans leur pays et les avait écrasés à Horseshoe (mars 1814).
Ce coup abattit la puissance de la confédération des Creeks.
La fin de la guerre fut célébrée en Amérique avec une joie exubérante. Le Congrès abrogea tous les appels de milices et de volontaires et tous les actes de non-importation. L'armée fut réduite à 10 000 hommes. Une escadre fut envoyée sous les ordres de Decatur, dans la Méditerrannée, contre les pirates barbaresques qui, à la faveur de la guerre, avaient recommencé leurs déprédations. Le dey d'Alger vint signer sur le pont du vaisseau amiral sa renonciation à tout tribut américain; Alger, Tunis et Tripoli durent payer des indemnités pour les pertes infligées pendant la guerre au commerce américain. Une pacification générale des Indiens du Nord-Ouest fut solennellement effectuée en septembre 1815, par des traités signés avec toutes les tribus (Delaware, Shawanese, Wyandot, Ottawa, Chippewa, Osage, lowa, Kansas, Foxes, Kickapoo, Sioux). De cette époque date l'organisation des réserves (Indien reservations) ou enclaves pour les Indiens au milieu des terres livrées à la colonisation. En 1813 avait éclaté une crise financière d'une grande intensité, qui amena la suspension générale des paiements en espèces (sauf par les banques des États du Nord-Est). Dallas, successeur de Gallatin aux finances, proposa, pour remédier à cet état de choses, la création d'une nouvelle Banque nationale des États-Unis (le privilège de la première qui expirait en 1811 n'avait pas été renouvelé). Son projet fut adopté (1816) et la Banque, constituée au capital de 35 millions de dollars, commença de fonctionner en 1817 (Girard et Astor étaient au nombre de ses directeurs). Les paiements en espèces furent repris partout cette même année. Le licenciement des partis. Monroe La prospérité était vite revenue; les
importations s'élevèrent de 7 282 000 dollars en 1815
et 46 300 ,000 en 1816. Les manufactures
s'étaient multipliées pendant la guerre et avaient profité de tout ce
qui était une cause de misère pour le commerce et l'agriculture. Bien
que les industriels réclamassent avec énergie le maintien de droits hautement
protecteurs, le Congrès vota (avril 1816)
un tarif de paix à échelle décroissante de 30 à 20%. Dans cette question
du tarif, il est curieux de constater que Webster et les représentants
de la Nouvelle-Angleterre (région encore plus commerciale qu'industrielle
à cette époque) votèrent contre la protection, soutenue par Calhoun
et Lowndes au nom des États du Sud. La dette publique s'élevait, au 1er
janvier 1816, Ă 127 millions de dollars.
Elle allait étre remboursée totalement en vingt années. Diverses taxes
de guerre furent immédiatement supprimées. Le commerce maritime américain
redevint actif, mais beaucoup moins lucratif qu'au temps oĂą les droits
des neutres étaient livrés à tant de hasards; les profits diminuèrent
avec le retour de la sécurité, et aussi par la concurrence. Après les
grandes guerres impériales, plusieurs nations européennes développèrent
rapidement leur marine commerciale. La présidence de Madison s'acheva
au milieu d'une paix profonde, d'un calme que l'Amérique n'avait pas connu
depuis plus d'un demi-siècle. Le cadre des anciens partis était rompu;
il n'y avait plus de place pour une faction anglaise ou une faction française;
d'autre part, les questions de politique intérieure, sur lesquelles pouvait
s'effectuer la formation de nouveaux partis, n'étaient pas encore mûres.
On entrait dans l'ère de la bonne entente (Era of good Feeling).
James Monroe. Monroe, en 1816, candidat des démocrates, fut élu président par 183 voix contre 34 données à Rufus King par les États fédéralistes, Massachusetts, Connecticut et Delaware. En 1820, il fut réélu pour un deuxième terme, à l'unanimité moins une voix. Sa double présidence fut une époque de prospérité continue, pendant laquelle les progrès matériels se développèrent avec une rapidité inconnue jusqu'alors. L'accroissement de la population marcha de pair avec le développement de la richesse agricole, commerciale et industrielle. Les animosités de parti s'affaiblirent au point que, Monroe visitant les États du Nord-Est, la popu lation lui fit le meilleur accueil, et que Quincy put dire : « Il n'y a plus de distinction de partis, puisque les républicains dépassent aujourd'hui les fédéralistes en fédéralisme.»Les Creeks, vaincus une première fois par Jackson, recommencèrent en 1817 leurs pillages sur la frontière des établissements américains. La tribu des Séminoles, en Floride, se montra surtout redoutable. Le général Jackson, de nouveau chargé de combattre les Indiens, n'y épargna rien, ni massacre ni incendie (mars 1818). Arguant de l'aide prétée par les Espagnols aux Indiens, il envahit la Floride, s'empara de Saint-Mark et de Pensacola, et mit à mort, sur le territoire espagnol, deux sujets anglais accusés de complicité dans les hostilités des Séminoles. Le représentant de l'Espagne à Washington protesta contre l'invasion du territoire de la Floride, dont le gouvernement américain ordonna la restitution, tout en approuvant la conduite de Jackson. La Floride avait été de tout temps un refuge pour les esclaves fugitifs, les criminels, les contrebandiers, les pirates et les Indiens hostiles. Les autorités espagnoles de cette possession n'étaient elles-mêmes nullement animées de dispositions amicales, et à toutes ces causes de conflit venait s'ajouter la disposition des habitants de l'Union à donner toutes leurs sympathies aux colonies espagnoles de l'Amérique du centre et du Sud révoltées contre leur métropole. Des négociations furent engagées pour obtenir de la cour de Madrid la cession de la Floride. Elles aboutirent enfin le 22 février 1819, l'Espagne cédant aux États-Unis la Floride orientale et la Floride occidentale, les États-Unis acceptant que la rivière Sabine servit de frontière entre la Louisiane et le Mexique, et s'engageant à payer jusqu'à concurrence de 5 millions de dollars les indemnités réclamées du gouvernement espagnol par des citoyens américains. Andrew Jackson. Les nouveaux Etats.
En trente années, la population totale des États-Unis avait passé de moins de 4 millions d'habitants à près de 10 millions. Quelle avait été la part de l'immigration dans cet accroissement? On ne peut que le conjecturer, aucune statistique n'ayant été établie sur ce sujet avant 1820. Or, les relevés officiels n'accusent, pour les sept années suivantes, 1820 à 1826, qu'un total de 60 000 immigrants, soit moins de 10 000 par année (chiffre, il est vrai, manifestement au-dessous de la vérité). C'est donc surtout à ce que l'on peut appeler l'immigration intérieure qu'est due cette occupation effective de l'Ouest américain (2 100 000 habitants) de 1790 à 1820. D'une part, la population yankee (habitants de la Nouvelle Angleterre) s'est répandue dans le New York, la Pennsylvanie, l'État d'Ohio, l'Indiana et l'Illinois avec un contingent déjà sérieux d'Allemands et d'Irlandais; de l'autre, les maîtres d'esclaves, avec leurs troupeaux de Noirs, ont pris possession des vastes plaines du Kentucky, du Tennessee, du Mississippi et de l'Alabama. La population noire s'élève, à cette époque, à 1 770 000 âmes, dont 233 000 Libres et 1 538 000 esclaves. Le Nord, jusqu'à cette époque, avait
paru indifférent à ce développement de l'esclavage, favorisé par les
vingt années que la constitution de 1787
avait concédées au Sud pour l'importation des Noirs d'Afrique, et par
l'essor de la culture du coton. Même après que fut arrivé le temps ou
le Congrès avait le droit d'interdire l'importation (1808),
la tentative de faire de la contrebande, en cette matière, un crime capital
(en 1820 l'importation des Noirs fut
assimilée à la piraterie), se heurta à une violente résistance. L'introduction
de Noirs par contrebande continua, la Virginie ne pouvant suffire Ă l'Ă©levage
pour les déserts du Sud-Ouest qu'il fallait couvrir de plantations de
sucre et de coton. La capitale fédérale se transforma en un grand marché
d'esclaves. On crut donner une satisfaction suffisante Ă la philanthropie
par la comédie hypocrite de la Société de colonisation fondée en 1816
par les gentlemen du Sud et qui eut pour objet d'envoyer de temps Ă autre
sur la cĂ´te africaine une troupe de Noirs libres, dont le Sud Ă©tait fort
aise de se débarrasser. On prétend qu'en une seule année (1818)
il fut importé aux États-Unis 14 000 Noirs esclaves; le chiffre est sans
doute exagéré; les autorités fédérales, émues cependant d'une violation
si flagrante de la loi, violation qui avait toute une moitié du pays pour
complice, proposèrent aux puissances européennes, à la Grande-Bretagne
en particulier, l'adoption de mesures communes pour la répression de la
traite sur les cĂ´tes d'Afrique.
L'équilibre ne pouvant être conservé dans la Chambre des représentants, les gens du Sud devaient tout tenter pour le maintenir au moins dans le Sénat, où chaque État envoie deux délégués, et pour empêcher l'Union de compter un plus grand nombre d'États libres que d'États à esclaves. C'est là ce qui explique la violence extraordinaire du débat que suscita en 1819 la question de l'admission du Missouri comme État. De 1791 à 1818, le Congrès avait admis huit États, dont quatre libres et quatre à esclaves, alternés, Vermont après Kentucky, Ohio après Tennessee, Indiana après Louisiana, Illinois après Mississippi. En 1819, on admit l'Alabama, État à esclaves. C'était donc le tour d'un Etat libre. Lorsque le Missouri demanda à entrer dans l'Union, un représentant du New York proposa que l'esclavage fût interdit dans le futur État; les représentants du Sud protestèrent, des maîtres d'esclaves s'étant déjà établis sur la rive droite du Mississippi, autour de Saint-Louis. Le Maine, État libre, avant été admis sur ces entrefaites (1820), le Sud se récria plus vivement encore. Le Maine, formant avec l'Alabama le cinquième couple, le Missouri revenait de droit à l'esclavage. La discussion fut longue (1819-1821) et passionnée. Des paroles ardentes, des menaces de séparation furent prononcées de part et d'autre; tous les arguments tirés des faits, du droit et de la constitution, furent invoqués. Enfin, des représentants modérés s'entremirent et proposèrent un compromis que Clay appuya de son éloquence et qui finit par être adopté le Missouri était cédé à l'esclavage, mais tout le territoire à l'Ouest du Mississippi et au Nord du 36°30 était réservé au travail libre, et l'on n'y pourrait jamais introduire l'institution du travail servile. En fait, le Nord n'abandonnait pas seulement au Sud l'objet immédiat de ses réclamations, il renonçait de plus au droit, incontesté jusqu'alors, qu'avait le Congrès d'interdire l'esclavage dans les Territoires, aussi bien au Sud qu'au Nord de cette ligne arbitraire, le 36°30. Le Sud, en retour, consentait que toutes les questions de droit constitutionnel ou de droit naturel, soulevées par l'incident, ne fussent pas immédiatement résolues en sa faveur, mais ajournées. Le compromis du Missouri donnait une fixité légale à la division, qui existait déjà en fait, des États-Unis en une section du Nord et une autre du Sud. La doctrine Monroe.
« Mon administration, dans les négociations avec la Russie, a établi, comme un principe où sont impliqués les droits et les intérêts des États-Unis, que les continents américains, par la position libre et indépendante qu'ils ont assumée et maintenue, ne doivent plus être désormais considérés comme un domaine propre à la colonisation par aucune puissance européenne. Nous devons à la bonne foi et aux relations amicales existant entre les États-Unis et ces puissances, de déclarer que nous considérerons à l'avenir toute tentative de leur part d'étendre leur système à quelque portion de cet hémisphère comme dangereuse pour notre paix et notre sécurité. En ce qui concerne les colonies ou dépendances actuelles d'aucune puissance européenne, nous ne sommes pas intervenus et n'interviendrons pas. Mais pour ce qui regarde les gouvernements qui ont déclaré et maintenu leur indépendance, nous ne pourrions regarder toute intervention d'une puissance européenne, ayant pour objet soit d'obtenir leur soumission, soit d'exercer une action sur leur destinée, autrement que comma la manifestation d'une disposition hostile à l'égard des États-Unis. »Cet énoncé de principes fut très bien accueilli par l'opinion publique qui n'y attacha peut-être pas tout de suite la grande signification attribuée plus tard à la doctrine de Monroe; mais le Congrès ne prit aucune mesure, ne vota aucune loi pour donner une valeur pratique à la déclaration présidentielle. Peu de temps après, John Quincy Adams, ayant succédé à Monroe à la Maison Blanche, le gouvernement américain fut invité à envoyer des représentants au Congrès de Panama, où devaient figurer tous les États de l'Amérique. Deux délégués furent nommés, mais l'un mourut et l'autre ne put se rendre au lieu indiqué pour la réunion (décembre 1825 - mars 1826). Le Congrès se réunit et siégea en juin et juillet 1826, sans que les États-Unis fussent représentés. Un second Congrès devait se réunir en 1827 dans la capitale du Mexique. Cette fois, les délégués des États-Unis furent exacts au rendez-vous, mais ne trouvèrent point de Congrès. La tentative d'une entente entre toutes les républiques d'Amérique a été reprise depuis 1826; une réunion a eu lieu ensuite (1890) à Washington, sous la présidence du secrétaire d'État, Blaine, mais n'a pas abouti à des résultats décisifs. (A. Moireau). |
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