|
. |
|
Au temps des « Pères fondateurs » I - La présidence de Washington (1789-1796) |
La guerre terminée, le Congrès s'était occupé d'établir une constitution qui fut acceptée par tous les États en 1787, et en 1789 Washington avait été appelé à la présidence. Pendant la guerre qui éclata peu après entre la France et l'Angleterre, le président s'empressa de déclarer la neutralité des États-Unis. Il maintint ainsi la paix avec l'Europe que la Révolution française mettait en feu et resta neutre pendant la guerre de la France et de l'Angleterre (1793). Il fut renommé cette même année à la même unanimité pour quatre nouvelles années, mais il perdit un peu de sa popularité en s'opposant aux doctrines démagogiques. Il renonça en 1797 à un troisième mandat et mourut deux ans après. A l'abri de sa neutralité le pays continua de prospérer sous la présidence de ses successeurs. Adams, puis Jefferson, qui avaient été les ministres de Washington, furent successivement présidents. Le territoire s'agrandit par l'achat de vastes terres prises aux tribus indiennes, que l'on commença dès cette époque à parquer dans des réserves, ainsi par l'acquisition, sous Jefferson, de la Louisiane (1803). Mais Madison, élu à la présidence en 1808 fut confronté rapidement à de nouvelles difficultés, qui s'élevèrent entre l'Angleterre et les États-Unis, surtout à l'occasion de la question de la liberté des mers, et la guerre fut déclarée en 1812 : elle dura jusqu'en 1815, et se termina encore à l'avantage de la République. La paix revenue, semble se replier sur lui-même, l'armée est réduite - elle est surtout requise pour mener des "opérations de police" contre les Indiens. Les États-Unis, sous les présidences de Madison (1809) et Monroe (1817), s'engagent de fait dans la prise de possession leur propre territoire, symbolisée par la Frontière, un front de colonisation qui s'avance progressivement vers l'Ouest. En même temps, s'installe un débat autour de l'esclavage qui polarisera la vie politique pendant plusieurs décennies. Au Nord, on le refuse, au Sud ont bâti sur lui toute l'économie. Le compromis du Missouri, en 1820, qui établit le partage entre les États esclavagistes et les États abolitionnistes ne réglera aucune tension. Après Washington, qui invitait les États-Unis à ne pas se mêler des affaires de l'Europe, Monroe avertit l'Europe de ne pas se mêler des affaires de l'Amérique. La "doctrine Monroe" (1823), comme on désignera cette option, parfaitement en phase avec les tendances traditionnellement isolationnistes de l'opinion publique, dominera pour l'essentiel la politique extérieure des États-Unis jusqu'à la Première Guerre mondiale. Dates-clés : 1789 - George Washington nommé président des États-Unis. | ||
Les mandats de George Washington George Washington assumait le pouvoir dans des conditions exceptionnelles d'autorité. Objet du respect, de l'admiration, de l'affection de l'immense majorité, il était regardé comme l'homme le plus capable, sinon le seul dans l'Union, d'assurer la marche régulière du nouveau mécanisme gouvernemental. Planant au-dessus de toutes les opinions, il ne devait d'égards particuliers à aucune des factions qui venaient de diviser si ardemment le pays pendant la période des discussions constitutionnelles dans les États. Il put donc, sans étonner ni offusquer personne, appeler aux deux postes principaux de son cabinet les deux hommes en qui se personnifiaient les tendances contraires; il confia les finances (secrétairerie du Trésor) à son ancien aide de camp le colonel Hamilton, et les affaires étrangères avec l'intérieur (secrétairerie d'État) à Jefferson, qui venait de faire un long séjour en France. Un des membres les plus importants du Congrès était James Madison qui avait eu une part considérable dans la préparation et la discussion des projets de réforme d'où sortit la constitution actuelle des États-Unis. Madison à la Chambre des représentants, Hamilton au pouvoir, prirent immédiatement l'initiative des grandes mesures propres à consolider le nouveau gouvernement, à rétablir la confiance et à développer la prospérité nationale, rôle qu'on les avait déjà vus jouer, avec un zèle si infructueux d'ailleurs, dans les trois années de crise qui avaient suivi la signature de la paix. Le Congrès vota, sur la proposition de Madison et conformément aux vieux formels exprimés par plusieurs États dans leur acte d'adhésion à la Constitution, une série d'amendements énonciatifs des garanties de liberté individuelle, dont aucune mention n'avait été insérée dans le texte élaboré à Philadelphie en 1787. Madison fit en outre voter le premier tarif douanier des États-Unis, tarif purement fiscal et modéré, protectionniste toutefois déjà dans ses tendances sur certains points. Un revenu régulier et susceptible de rapides accroissements fut ainsi assuré au Trésor. Pour accroître encore les ressources du gouvernement, Hamilton proposa des droits d'accise sur la fabrication des liqueurs spiritueuses, et décida non sans quelque peine le Congrès à les adopter. Il obtint aussi de cette assemblée l'acceptation de tout un système financier reposant sur la reconnaissance intégrale et l'unification, sous la responsabilité directe de l'Union, de toutes les dettes de la Confédération défunte et des États particuliers. Pour mieux assurer la réalisation de ce plan, il obtint encore la constitution d'une Banque des États-Unis qui commença ses opérations en 1792, et était « incorporée » pour vingt années. Toutes ces mesures relevèrent à tel point le crédit fédéral que les titres de la dette publique, devenus presque sans valeur avant l'inauguration du nouveau régime, atteignirent maintenant le pair. L'Union à peine constituée se trouva en mesure de contracter des emprunts à 5%. Les affaires commerciales étaient en pleine activité et la prospérité faisait de rapides progrès; Hamilton, riche, gendre de Schuyler, était à New York le centre de la haute société américaine; il ne cachait pas qu'il avait emprunté à l'Angleterre le secret de toutes les mesures qui venaient d'avoir un si grand succès, et qu'il professait pour les moeurs et les institutions de la Grande-Bretagne une admiration sans bornes. Thomas Jefferson avait approuvé les premières mesures de son collègue, mais non l'ensemble de son oeuvre. Il estimait qu'il y avait trop de finance et de spéculation dans cette méthode de gouvernement. Après avoir obtenu que le siège de la future capitale des États-Unis fût établi sur les bords du Potomac (emplacement de la ville de Washington, où le transfert matériel du gouvernement eut lieu en 1800), il se renferma dans une attitude de réserve, bientôt presque d'opposition, et se rapprocha de Madison, effrayé, lui aussi, des hardiesses de la politique d'Hamilton. La divergence entre les tendances personnifiées par les deux conseillers de Washington s'accentua avec une grande rapidité et conduisit à la formation de deux partis : les «-fédéralistes-», ou partisans de la constitution interprétée dans sa signification la plus générale et offrant les moyens d'organiser un pouvoir central très fort; les «-antifédéralistes » ou « républicains », partisans non moins résolus de la constitution, mais interprétée dans sa signification la plus étroite, et considérée surtout comme une limitation du pouvoir fédéral et une sauvegarde des droits des États. Hamilton, John Adams, Jay, Washington lui-même dans ses dernières années, étaient les principaux chefs des fédéralistes; Jefferson, Madison, Livingston, plus tard Monroe, Gallatin, étaient les chefs des républicains. Ces républicains (ou "démocrates-républicains"), correspondent à ce qui est aujourd'hui le parti Démocrate; alors que l'actuel parti Républicain, qui représente aux États-Unis la sensibilité de droite, est plutôt héritier du parti fédéraliste de cette époque, naîtra peu avant la guerre de sécession, au sein de la mouvance anti-ésclavagiste du Nord. George Washington. Tandis que le fédéralisme était surtout l'opinion des classes riches, éclairées, de la bonne société dans les villes de commerce, d'industrie et de finance comme Boston et New York, le républicanisme recrutait ses adhérents dans la masse du peuple, chez qui se maintenaient vivaces les tendances particularistes. Chaque État était, en effet, par suite des circonstances de sa formation et des conditions de son développement propre, doué d'une individualité puissante et tenace. Lorsque Hamilton proposa de constituer une Banque nationale, il songeait avant tout aux intérêts généraux, et ce projet provenait de la même théorie de gouvernement que le Assumption Act (reconnaissance des dettes) et le Funding Act (unification des dettes), et il se heurta, au Congrès, à la même hostilité de principe. L'opposition déclara que la constitution ne donnait au Congrès aucun droit formel de créer une Banque et que cette création n'était nécessaire pour l'exercice d'aucun pouvoir quelconque expressément attribué au Congrès. Les républicains, surtout ceux du Sud, disaient en outre qu'une Banque donnerait trop de facilités au gouvernement pour emprunter (Jefferson en 1798 écrira que, pour ramener le gouvernement des États-Unis aux vrais principes de la constitution, il suffirait d'un amendement retirant au pouvoir fédéral le droit de contracter des emprunts). Ces arguments et d'autres du même genre pouvaient faire sourire Hamilton et ses amis. Ils faisaient impression sur le public, dont la susceptibilité était éveillée dès que les droits des États étaient déclarés en péril. Si les républicains purent ainsi continuer pendant dix années l'opposition organisée dès le début de la présidence de Washington et triompher à la fin, c'est qu'ils s'appuyaient sur la base large et solide des tendances anticentralisatrices qui dominaient dans la population. Les graves événements qui s'accomplissaient en France vinrent donner une nouvelle animosité aux luttes des partis. Washington était effrayé et indigné des excès où tombait la Révolution française. Ses conseillers fédéralistes, animés de sympathies persistantes pour l'Angleterre, appuyèrent sa résolution de maintenir les États-Unis complètement étrangers aux luttes qui allaient déchirer l'Europe. Le parti républicain au contraire avouait hautement ses sympathies pour la République française et inclinait à l'aider dans sa lutte contre les monarchies européennes. Les Girondins envoyèrent en Amérique le citoyen Genet; ce représentant de la nation française opéra avec une décision, dépourvue de tout préjugé, et qui, dans la disposition où était alors le peuple américain, obtint tout de suite un grand succès (1793). Il venait demander pour la France, avec l'appui moral des États-Unis, une alliance qui ne tînt compte ni des obligations des traités ni du droit des gens. Son voyage de Charleston à Philadelphie fut une marche triomphale. Les républicains lui faisaient fête, des clubs démocratiques s'organisèrent. Washington publia le 22 avril 1793 une proclamation de neutralité afin d'empêcher ces sympathies pour la France de se manifester d'une manière dangereuse. La presse du parti républicain prolongea quelque temps l'agitation. Mais lorsque Genet, irrité de la froideur du monde officiel, commit l'imprudence de déclarer qu'il en appelait du président au peuple, tous les chefs antifédéralistes l'abandonnèrent, et bientôt après son propre gouvernement le désavoua. Il est vrai que les Girondins n'étaient plus au pouvoir. Genet eut pour successeur Fauchet, dont l'attitude mesurée et prudente ne tarda pas à ramener de nombreuses sympathies américaines à la France. Les difficultés étaient à peine apaisées entre les États-Unis et leurs anciens alliés qu'un orage se forma du côté de l'Angleterre. Dix ans encore après la signature du traité de Versailles, le gouvernement britannique refusait de retirer ses garnisons des postes situés dans le Nord-Ouest des États-Unis, bien que cette évacuation fût une stipulation formelle du traité. Les procédés de sa marine de guerre étaient aussi arrogants qu'ils avaient jamais été avant L'indépendance. Un ordre du Conseil du 6 novembre 1793, en réponse à la proclamation de neutralité de Washington, interdit aux puissances neutres tout commerce avec les colonies françaises. Le Congrès répondit à son tour par le vote (26 mars 1794) d'un embargo de deux mois sur les navires en partance des ports d'Amérique pour l'Angleterre. Les sentiments des Anglais à l'égard de leurs anciennes colonies semblaient si hostiles que l'on commençait autour de Washington à songer sérieusement à une guerre. Le président cependant était décidé à ouvrir de nouvelles négociations; John Jay, envoyé à Londres, y conclut le 19 novembre 1794 un traité qui, lorsqu'il fut connu à Washington en mars 1795, excita une émotion extraordinaire. Il semblait que Jay eût trahi les États-Unis. Il n'avait pas obtenu sans doute toutes les satisfactions, mais le traité stipulait au moins l'évacuation immédiate des postes de l'Ouest par les garnisons britanniques, et Washington pour ce motif, en dépit des clameurs de L'opposition, se décida à ratifier le traité. Cette décision le classait définitivement comme fédéraliste, et les injures de la presse républicaine cessèrent de l'épargner. Depuis longtemps la présence de Jefferson et d'Hamilton dans le même cabinet ne pouvait plus se comprendre, car le secrétaire d'État dirigeait presque ostensiblement toutes les attaques de l'opposition contre la politique de son rival; Jefferson se décida enfin à donner sa démission (janvier 1794). Sa situation officielle était pour ses amis politiques une gêne plus qu'un appui. Sa retraite consolida le parti républicain dont il fut dès lors le chef reconnu. Hamilton, à son tour, devant les tracasseries du Congrès et l'humiliation d'une enquête sur sa gestion financière, dont l'intégrité fut d'ailleurs clairement établie, abandonna le pouvoir. Si la retraite de Jefferson n'avait pas fortifié le gouvernement de Washington, celle d'Hamilton l'affaiblit. Les successeurs de ces deux hommes d'État étaient d'honorables médiocrités, et le président servit de cible désormais aux traits acérés d'une presse dont la violence passait toute mesure. Aussi Washington, sensible plus qu'aucun de ses concitoyens aux injures, était-il vraiment las du pouvoir lorsque approcha le terme de sa présidence; il refusa absolument de se laisser présenter pour une troisième élection (1796). |
. |
|
| ||||||||
|