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L'Égypte ancienne
Le Pharaon et l'État
L'Egypte antique
Le Pharaon et l'Etat
L'Ancien Empire
Le Moyen Empire
Le Nouvel Empire
La Basse Epoque
La période Ptolémaïque
L'Egypte romaine
L'État égyptien était une théocratie dont le monarque, chef absolu, tirait, à l'origine, sa puissance d'une doctrine politique : le roi était un Horus vivant sur terre, dieu lui-même à l'égal des divinités du ciel ou de l'autre monde. Cette croyance, absolue sous les rois de l'Ancien Empire, qui la faisaient enseigner d'autorité aux enfants de leurs fonctionnaires, se nuança sous le Nouvel Empire, après l'épreuve des malheurs de la monarchie : le roi, toujours reconnu de sang divin et par conséquent dieu à ce titre, fut toutefois considéré comme le vicaire d'Amon, souverain suprême régnant dans les cieux, de qui il accomplissait les gestes ici-bas. C'est par le sang, en effet, que se transmettait la descendance divine : plus d'une fois dans le cours de l'histoire, Amon fut censé intervenir en personne pour rétablir une légitimité insuffisante ou douteuse : pour ce motif, un des titres essentiels du protocole royal, la devise « Fils du Soleil », précédait le nom de naissance. Le nom royal, à dater du jour de l'intronisation, s'inscrivait dans un cartouche.

Même lorsque le pays était unifié, les titres du souverain conservaient la marque des Deux Royaumes dont était issue l'Egypte. Le roi portait ainsi notamment les titres de souten khab (= roi de la Haute et de la Basse-Égypte), de Nesout-bit (= celui qui appartient au roseau et à l'abeille; le roseau symbolise le Sud, l'abeille le Nord, et le tout exprimant donc que le roi est le symbole de l'unité du pays ) ou bien de Nebti (= celui qui appartient au deux déesses, avec une signification analogue). Le roi était aussi appelé se Râ, fils du Soleil, ou encore le dieu bon et la Grande Demeure (= Per-aâ). Cette dernière dénomination, devenue pharo dans la transcription grecque de la Bible a donné naissance au terme de pharaon par lequel on désigne habituellement, dans les langues modernes, les rois d'Égypte. 

Sous l'Ancien Empire et pendant une partie du Moyen Empire, les rois se bâtissaient, de préférence à toute autre résidence, une ville qui leur fût propre, à proximité du tombeau qu'ils se faisaient édifier sur les limites du désert. Cette cité éphémère, hâtivement construite en matériaux légers, groupait autour du palais royal le logis des courtisans et des fonctionnaires de l'administration centrale. La famille du roi se composait de la reine - seule épouse légitime et participant à la dignité royale -, da la troupe des concubines du harem et des enfants du roi. A la Cour se pressaient les parents, les amis et une foule de chambellans. 

L'administration royale avait à sa tête le vizir, substitut du roi et gouverneur de la ville royale : au-dessous de lui, deux chanceliers, l'un pour le Midi et l'autre pour le Nord, centralisaient les différents services qui, de la capitale, se ramifiaient jusque dans les bourgades les plus perdues au fond de la province. Les bureaux, dans un pays où la monnaie fut toujours inconnue, où tout s'évaluait et s'échangeait en nature, étaient doublés de magasins : on y entreposait les denrées que l'administration royale percevait comme impôts ou tenait en réserve pour le traitement de ses salariés. Une armée de scribes et de manoeuvres, savamment hiérarchisés, assurait le service des bureaux et des magasins.

La doctrine traditionnelle voulait que le roi fût avant tout ici-bas le gardien de la justice, sur laquelle était fondé le monde, et les fonctionnaires n'étaient que ses délégués dans l'accomplissement de cette mission. « Faire chaque jour la justice qu'aime le roi-», tel est le programme que, sur leurs stèles funéraires, les fonctionnaires, à la fois administrateurs et juges, se vantent d'avoir rempli. Il est vraisemblable que la « volonté-» du roi s'exprimait, dès l'Ancien Empire, par des instructions écrites, dont rien pourtant n'a été retrouvé jusqu'à présent. Le Nouvel Empire a conservé, dans ce genre, des « Instructions au vizir », envoyées par le roi à son dignitaire lors de l'entrée en charge. Ce sont les dispositions de pareils documents, émanés du souverain, et sans cesse renouvelés par lui, que vise très vraisemblablement le mot « loi », qui apparaît à cette époque; l'Égypte n'a jamais connu de constitution délimitant et assurant définitivement, au-dessus de la volonté royale, la condition des institutions et des individus.

Le Pharaon

Le terme de pharaon, n'est appliqué en propre aux souverains d'Égypte qu'à partir de la XXIIIe dynastie (Nouvel Empire, vers 1400 av. J. C.), mais existe cependant dès l'Ancien Empire et est attesté à partir de la Ve dynastie. Le mot égyptien est en fait Per-aâ (d'où les transcriptions Per-ô en hébreu et Pharao en grec). Il signifie, on l'a dit, « Grande demeure », et désigne initialement le palais du roi. Il désigne ensuite par métonymie ceux qu'il abrite. Le pharaon, c'est donc au départ le cercle de personnes qui entourent immédiatement le souverain - la  cour, si l'on veut -, et l'emploi du mot est assez similaire celui que l'on fait par exemple aujourd'hui d'Élysée ou de Vatican, pour signifier un personnel décisionnaire bien délimité, et en dernière instance le président ou le pape eux-mêmes. 

Que ce soit au temps où il était Nebti, ou à celui où il sera proprement Pharaon, le souverain est vénéré comme un dieu, comme un Soleil se levant sur l'Égypte, un Horus. Il est appelé le maître de la double terre qu'il illumine de son double rayonnement méridional et septentrional. Cet être surhumain était l'intermédiaire obligé entre les dieux, ses frères, et les humains qui le chargeaient de faire parvenir leurs prières à destination et qui ne l'abordaient que la face contre terre, « flairant le sol ». 

En réalité, ce dieu terrestre, ainsi que l'a fait remarquer Erman (Aegypten, p. 84 et suiv.), était loin d'être indépendant. Même à l'époque où il était à lui seul le Pharaon, il n'absorbait pas complètement tous les pouvoirs de la Grande demeure. Près de lui se tenaient les anciens conseillers de son père auxquels obéissait l'armée des scribes et des fonctionnaires; près de lui se tenaient les généraux avec leurs troupes dociles, les prêtres qui exerçaient un pouvoir sans limites sur les masses. Dans les petites villes habitaient de riches familles de nobles qui avaient sur la population une action plus directe que le monarque habitant une capitale éloignée. Ce dernier ne voulait se mettre à dos aucune de ces puissances; il lui fallait ménager la susceptibilité des ministres, ouvrir la voie à l'ambition des seigneurs terriens, veiller à ce que ses fonctionnaires n'empiétassent pas sur les nobles et surtout se mettre bien avec le clergé; puis enfin donner ses soins à un vaste empire. 

Chaque minute de sa vie était épiée par ses pires ennemis, ses parents. L'exercice de la royauté n'était pas une sinécure. L'existence du souverain était absorbée non seulement par ses devoirs religieux (et l'on sait combien étaient compliquées les cérémonies du culte), mais par les multiples soucis de l'administration du pays : il avait à lire d'innombrables requêtes et rapports de fonctionnaires, et à rendre des décrets sur toutes sortes de questions dont la solution dépendait de lui seul. Aussi la Grande maison, Per-aâ, qu'il habitait était comme le coeur de l'Égypte en même temps que la résidence d'un dieu, son horizon, ainsi que disent les textes. 

Le cartouche royal.
Le principal emblème de la royauté était un cartouche, sorte de limbe dans lequel on inscrivait le nom royal. Dès la Ve dynastie, les rois firent précéder leur nom de famille d'un nom d'intronisation. L'ensemble de ces noms, joints à une devise inscrite sur une sorte de pavois, constitue ce que les égyptologues appellent le protocole. Le protocole royal s'écrivait intégralement de cette manière : 

1° le pavois portant la devise et surmonté de l'épervier d'Horus;

 2° une phrase exaltant les vertus ou la puissance du souverain et commençant par l'expression maître du vautour et de l'uraeus (autrement dit de la Haute et de la Basse-Egypte)

3° le titre de souten khab, suivi du premier cartouche (nom d'intronisation);

4° le titre de fils du Soleil, suivi du deuxième cartouche (nom de famille); 

5° l'épithète divine par excellence : vivificateur éternel

Le protocole ne pouvait manquer d'exercer la sagacité des égyptologues. Ils se sont appliqués à démontrer que ces titres avaient une signification qui dépassait la portée d'une simple hyperbole et l'ont cherchée dans la conception qu'on se faisait en Égypte des rapports du roi avec les dieux (Religion égyptienne). C'est ainsi que Maspéro, reprenant et développant la distinction établie par Erman entre les titres solaires et les titres d'Horus ou d'épervier et appliquant les uns à la personne même du roi, et les autres à son double a pu poser l'équation suivante :
1° l'épervier sur le pavois représentant l'âme du Soleil sur la tombe = nom du double royal survivant dans l'autre monde, c.-à-d. du pharaon complètement divinisé;

2° l'épervier sur le collier d'or = nom du double royal, émanation directe de la divinité, incarné dans la personne royale dès sa naissance;

3° le premier cartouche précédé du titre de souten khab = nom que prenait le roi en montant sur le trône, c.-à-d. en recevant l'investiture du dieu;

4° le deuxième cartouche précédé du titre de fils du Soleil = nom de famille du roi, le seul qu'il aurait porté, moins le cartouche et le titre, s'il n'était pas arrivé au trône.

De sorte que, si l'on retourne la progression, on a dans l'ordre même où se présentent les noms royaux le cursus honorum résumé d'un pharaon depuis sa naissance jusqu'à sa plus complète divination. 

Il s'en faut que les pharaons aient toujours pu transmettre intacte à leurs successeurs la double royauté fondée sur le droit divin. La fin de chaque dynastie et souvent toute la durée d'une dynastie étaient marquées par la rupture du lien de vassalité des États les plus éloignés du pouvoir central. Les chefs héréditaires (hiquo ou ropatou) de ces principautés révoltées usurpaient alors le cartouche. Quand ils étaient assez puissants pour soumettre les autres principautés, ils devenaient les véritables rois de l'Égypte, prenaient le titre de souten et érigeaient leur ville en capitale du royaume. 

Les fonctionnaires

Les biens de la double couronne prirent une telle extension, qu'on ne pouvait les administrer sans un véritable peuple de fonctionnaires, les uns purement locaux sous les ordres du préfet, les autres rattachés au pouvoir central et chargés de l'inspection et du contrôle. Ces nombreux fonctionnaires formaient avec le sacerdoce et les chefs militaires une vaste caste, celle des scribes. Elle comportait une importante hiérarchie; car il y avait loin du scribe modeste qui enregistrait les résultats d'une pesée ou le fret d'une barque au grand scribe de la double Maison blanche; qui était, en quelque sorte, le ministre des finances. Elle absorbait ainsi tout l'élément cultivé de la société égyptienne; au delà de son degré le plus humble, commençaient les corporations ouvrières, elles-mêmes dotées d'une organisation hiérarchique. Le Fellah des villes et des champs occupe le dernier degré de l'échelle. C'est lui qui, sous le bâton du contremaître, élève les digues, traîne les fardeaux et travaille humblement à la prospérité et à la gloire de son souverain. Pendant longtemps c'est lui qui, refoulant les Nubiens, les Libyens et les Asiatiques, a élargi les limites de la double terre. Plus tard, les pharaons employèrent des mercenaires qui finirent par constituer en Égypte cette caste des guerriers dont parlent les historiens grecs.

Au temps de leur plus grande puissance, les rois d'Égypte substituèrent aux princes héréditaires de véritables fonctionnaires (mer nout djât) ou, pour reprendre la terminologie grecque, nomarques, choisis tantôt parmi les courtisans, tantôt parmi les vieilles familles féodales. Ces préfets avaient les pouvoirs les plus étendus : ils étaient les chefs civils et militaires de leurs circonscriptions; ils levaient les impôts pour le compte du roi et dirigeaient, à sa réquisition, les opérations du recrutement, de l'armement et de l'instruction des troupes. Celles-ci étaient commandées, en temps de guerre, par un état-major composé d'officiers des archers et d'officiers des chars, placés directement sous les ordres du roi. Ces officiers étaient en temps de paix pourvus de fonctions civiles et religieuses. Ils pouvaient recevoir, après une heureuse campagne, des dotations en terres, des biens de toute sorte et la décoration du collier de la vaillance. L'impôt était prélevé en nature et d'après une estimation de la richesse foncière établie par les scribes du cadastre. Il était emmagasiné dans de vastes greniers auxquels étaient préposés des fonctionnaires spéciaux. Le bétail provenant de la dîme était dirigé sur les pâturages du roi. 

Impôt des blés (Thèbes).

Dans une monarchie aussi absolue, le choix et l'avancement des fonctionnaires dépendaient uniquement de la faveur royale : le plus humble pouvait accéder aux fonctions les plus hautes. En fait, cette monarchie aima toujours confier au fils, initié dès l'enfance à ses devoirs, la charge du père : elle voyait là un élément de stabilité pour l'État. Mais ce qui fut toujours un fait ne devint jamais un droit : à toutes les époques de l'histoire, les stèles funéraires des particuliers commémorent des fortunes étonnantes, dues au seul mérite sanctionné par la faveur royale. Si, dans le gouvernement des nomes, ou circonscriptions administratives, dont le nombre varia autour de quarante-deux, des familles s'installèrent qui se transmirent héréditairement les charges de père en fils, ce fut toujours en vertu d'une collation expressément renouvelée, pour chacun des cas, par Pharaon : il n'y eut de féodalité véritable en Égypte qu'aux époques troublées, où, par carence du pouvoir central, les dynastes locaux crurent pouvoir s'arroger quelques débris des prérogatives royales. La monarchie renaissante abolit toujours cette féodalité contraire à la notion fondamentale de l'État.

Le droit

Le droit égyptien nous est connu principalement par toute une série de contrats remontant jusqu'au règne de Bocchoris (Basse Époque) ce roi que Diodore de Sicile nous désigne comme l'auteur du code égyptien des contrats. C'est un droit d'une physionomie toute particulière, qui, par beaucoup de points, se rapproche infiniment plus de nos droits modernes que la plupart des autres droits de l'Antiquité, même très postérieurs en date. Il serait impossible d'en donner en quelques lignes une idée complète. Bornons-nous à dire seulement que la situation des femmes y était relativement avantageuse; que le père, au lieu d'être un despote, comme le pater familias romain, n'y avait que les pouvoirs restreints d'un tuteur agissant dans l'intérêt de tous; que de son côté le mari n'avait nul pouvoir sur son épouse; que l'esclave même y possédait encore - dans une certaine limite - une personnalité civile, des liens de famille et un recours possible contre les abus trop criants du pouvoir du maître.

Les contrats étaient entourés de toutes les garanties possibles d'authenticité. Pour les rendre encore plus limpides, on leur donnait toujours la forme unilatérale d'une sorte de discours où l'on faisait parler celui ou ceux qui s'obligeaient ou abandonnaient quelque droit ou se dessaisissaient de quelque bien en faveur d'une autre personne. Cette forme unilatérale était obtenue, dans certains contrats pour le fond synallagmatiques, par des procédés juridiques bien calculés et devenus les règles d'un droit très savant. Quand il s'agissait par exemple de vendre un bien immobilier, il était de principe que le prix convenu fût toujours censé payé d'avance, de telle sorte que l'acheteur n'avait aucune obligation à ce titre envers le vendeur, et que celui-ci seul, dans l'acte où il cédait ainsi son bien, avait à fournir en même temps à l'acheteur toutes les garanties que la loi exigeait d'une façon formelle. S'il arrivait que l'acheteur, dans la réalité des choses, n'eût pas eu en mains l'argent nécessaire pour payer d'abord le prix de la vente, le vendeur qui lui faisait crédit était censé lui prêter la somme et on faisait intervenir à cette occasion un acte de créance absolument distinct de l'acte de vente, mais qui pouvait comporter sur le bien dont il s'agissait soit une hypothèque, soit même, pour tenir lieu de notre privilège actuel du vendeur, une vente conditionnelle à terme, en sens contraire, pour le cas et la somme due ne serait pas payée à l'échéance.

Dans ces contrats, dressés par un notaire, pourvus de la signature de témoins très nombreux, enregistrés de diverses manières suivant les époques et qui, en dernier lieu - outre les enregistrements relatifs au paiement des droits de mutation, outre les indications prises sur les registres du cadastre tenus par les komogrammates - devaient, sous peine de nullité, être reproduits en entier sur les registres de transcription au graphion (on dirait aujourd'hui au greffe), on arrivait, par des moyens non moins juridiquement habiles et sous des formes beaucoup plus simples, à réaliser des opérations non moins compliquées que celles qui se font dans nos contrats notariaux d'aujourd'hui. 

Nous ne parlons en ce moment que de la période dite classique du droit égyptien. Mais dans les périodes qui se succédèrent depuis Bocchoris jusqu'à la constitution définitive de ce droit classique sous les dernières dynasties nationales, le droit égyptien, malgré les changements qu'y avaient apportés d'abord les rois nubiens, puis Amasis (Basse Époque), etc., avait toujours conservé l'aspect si remarquablement original et si élevé de principes que dès la rédaction de son code Bocchoris lui avait donné. Aussi était-il très admiré par les Anciens, qui avaient imaginé (à tort) que les plus grands législateurs grecs étaient allés chercher d'abord leurs inspirations en Égypte.

Sa supériorité réelle, incontestable, le fit conserver sous toute une série de dominations étrangères. Le papyrus grec Ier de Turin nous le montre constituant encore la loi du pays sous les Lagides, moins de cent vingt ans avant notre ère. Les contrats démotiques de l'époque romaine nous le font voir en vigueur encore sous les césars, et on en retrouve certains principes fondamentaux, certaines applications traditionnelles passées en coutumes, non seulement jusque dans les contrats grecs ou coptes de l'époque byzantine, mais jusque dans les contrats coptes ou arabes de l'époque musulmane. (E. Revillout).

La société

On a longtemps répété, d'après les auteurs grecs, que la société égyptienne était divisée en castes, dont les principales étaient celles des prêtres, des guerriers et des laboureurs.

Si cette formule définit une situation de fait, elle est loin d'exprimer un état de droit. Les documents hiéroglyphiques de toutes les époques prouvent, au contraire, que tout homme libre, s'il s'en sentait capable, pouvait en théorie aspirer à n'importe quelle carrière mais la coutume générale, inspirée à la fois par les habitudes sociales et, on l'a vu, par une doctrine de gouvernement, voulait que le fils fût normalement placé dans la situation de son père.

La distinction sociale fondamentale qui régnait en Égypte, comme dans tout le monde antique, était celle de l'homme libre et de l'esclave. L'homme libre dépendait, dans la plupart des cas, de toute une hiérarchie de seigneurs, et il était bon pour sa sécurité qu'il en fût ainsi, l'Égypte ayant toujours conçu un maître comme un protecteur, mais il pouvait avoir recours à une juridiction pour faire valoir ses droits. L'esclave, lui, était la chose de son propriétaire. Des razzias en pays étrangers, Nubie ou Syrie, ou des circonstances adverses qui forçaient des Égyptiens d'origine à aliéner leur liberté, alimentaient le marché d'esclaves des deux sexes; ces malheureux n'avaient aucun statut juridique, ils ne pouvaient compter que sur l'humanité de leur maître, d'ailleurs très réelle. Ce fut seulement au début de la XVIIIe dynastie que la doctrine des « Confessions négatives » étendit jusqu'à eux le bénéfice des devoirs de justice morale.

En fait, la monogamie était pratiquée en Égypte, non par soumission à une prescription de la loi ou de la religion, mais uniquement parce qu'il était difficile à un homme peu fortuné de nourrir plusieurs femmes : le roi et les grands seigneurs ne se faisaient pas faute d'entretenir des harems. Sans doute aussi, chez ce peuple ouvert aux sentiments délicats, une notion plus affinée de l'amour et une conscience des droits de la femme plus développée que chez les autres peuples orientaux poussaient invinciblement vers la monogamie.

La femme était mariée jeune, dès l'âge nubile, vers treize ou quatorze ans; elle était considérée comme contractant d'égal à égal avec l'homme et devenait réellement, suivant l'expression égyptienne, sa « maîtresse de maison ». Le mariage n'avait pas de caractère religieux il était précédé d'une sorte d'union à l'essai, qui durait un an et dont le but était d'éprouver la fécondité de la femme. Si, à l'expiration de ce délai, le contrat de mariage était dûment établi, il était normalement irrévocable et le mari ne pouvait, sans être frappé d'une amende déterminée à l'avance dans le contrat, répudier son épouse.

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