| On désigne ordinairement sous le nom de Commune de Paris de 1871 la période de l'histoire de Paris qui s'étend du 18 mars 1871 au 28 mai de la même année. On la nomme aussi l'Insurrection du 18 mars. Ces appellations qui suffisent dans la langue courante ont besoin d'être précisées lorsqu'on veut donner un aperçu exact des événements qui se sont accomplis à Paris pendant cette période de soixante-douze jours. - Proclamation de la Commune, à l'Hôtel-de-Ville de Paris (26 mars 1871). Si l'on n'avait à envisager que le fait insurrectionnel, que la lutte à main armée, on pourrait se contenter de la dénomination Insurrection du 18 mars et elle s'appliquerait à la période tout entière, depuis les coups de fusils échangés à Montmartre le 18 mars au matin, jusqu'à la prise de la dernière barricade à Belleville, dans l'après-midi du 28 mai, et cela serait assez pour distinguer la plus formidable insurrection qui ait éclaté à Paris depuis sa fondation. Mais à côté du fait de résistance au gouvernement établi, il y a des actes politiques et des actes administratifs dont il est impossible de ne pas tenir compte, et dans ce cas le nom Commune de Paris convient mieux, parce qu'il implique l'existence d'un gouvernement communaliste. Cette révolution d'où sortit la Commune eut pour cause lointaine et prédisposante la propagande collectiviste de "l'Internationale" après le congrès de Lausanne en 1866, et pour causes immédiates les souffrances physiques et morales du siège de Paris, et surtout l'imminence du désarmement de la garde nationale. La crainte, d'ailleurs assez justifiée, d'une restauration royaliste par l'Assemblée de Bordeaux servit de prétexte aux gardes nationaux pour refuser de déposer les armes. Un grand nombre de bataillons se constituèrent en Fédération républicaine de la garde nationale, sous la direction d'un Comité central. - Une batterie de la Commune en position dans Paris. La plupart des membres de ce Comité central n'ont été que de idéologues fumeux, des esprits superficiels barbouillés de socialisme' marxiste, des jacobins attardés qui se réclamaient de la Montagne. des aventuriers sans capacités ni scrupules, héros de réunions publiques, de clubs, de brasseries, de petites feuilles, qui ne songeaient qu'à jouir du moment et des circonstances. Il y en eut, par contre, d'honnêtes, de sincères, de compétents, de laborieux. Mais nul programme arrêté, ou, pour tout programme, «-l'autonomie absolue de la Commune étendue à toutes les localités de la France ». Partout. les rivalités, la jalousie, le soupçon, l'intrigue; chez presque tous les « délégués-», une orgie de titres, d'uniformes, de galons et de parades; puis, avec la défaite, une rage de vengeance. - Le Comité central Dès qu'éclata dans Paris la nouvelle de la capitulation du 28 janvier 1871, la plus vive préoccupation des gardes nationaux fut de garder leurs armes et surtout leurs canons, sous le prétexte de défendre la République, menacée par les monarchistes de l'assemblée de Bordeaux. Dans ce but, quelques individus émirent l'idée de relier entre eux tous les bataillons de la garde nationale. Cette idée fut mise à exécution, le 15 février, dans une réunion des délégués de plusieurs bataillons et, le 24, fut créé un Comité central, chargé de constituer la "fédération républicaine de la garde nationale". Il était composé de deux délégués par arrondissement, élus par le conseil de légion, et d'un chef de bataillon par légion, élu par ses collègues. Il exerça d'abord son action par l'organisation de manifestations tumultueuses des "fédérés" autour de la colonne de Juillet, place de la Bastille. Mais son premier acte officiel fut la proclamation qu'il fit afficher dans Paris le 1er mars, jour de l'entrée des Prussiens aux Champs-Elysées, proclamation par laquelle il installait audacieusement son pouvoir à côté du gouvernement régulier. Ses principaux membres étaient alors Arnould, Bergeret, Chauvière, Varlin. Après la journée du 18 mars, dont il fut l'instigateur, le Comité central se substitua dans Paris au gouvernement de Thiers, retiré à Versailles. Dans la nuit du 18 au 19 mars, il s'installa à l'Hôtel de Ville, fit occuper toutes les administrations, fixa au 22, puis au 28, la date des élections municipales. Celles-ci lui ayant été défavorables, il déposa ses pouvoirs entre les mains des membres de la Commune. En réalité, il ne cessa d'exercer sur elle une pression occulte, et reparut officiellement, lors de l'entrée des troupes de Versailles, pour diriger la suprême résistance de l'insurrection. | Les périodes de la Commune de Paris. Le gouvernement communaliste n'eut pas d'action complète sur la ville de Paris, ni à partir du 18 mars 1871, ni jusqu'au 28 mai. Il n'entre en fonctions que le 28 mars, le lendemain de la proclamation, sur la place de l'Hôtel-de-Ville, du résultat des élections du 26 mars. Le 24 mai les troupes du maréchal Mac-Mahon pénètrent dans Paris, et à partir de ce moment l'autorité de la Commune de Paris commence à disparaître. De là trois périodes : Du 18 mars au 28 mars. La journée du 18 mars 1871 inaugura la guerre civile : Thiers, chef du pouvoir exécutif, se retira, avec l'armée régulière, sur Versailles, où siège l'Assemblée nationale revenue de Bordeaux, après le vote de la paix. A Paris, les pouvoirs publics sont exercés simultanément par le Comité central de la garde nationale qui s'est installé à l'Hôtel de ville, et par les municipalités élues en novembre 1870, qui ont reçu délégation spéciale du gouvernement de Thiers Du 28 mars au 21 mai. Pendant la deuxième période, les pouvoirs civils, politiques, militaires, administratifs sont entre les mains de la Commune. Le Comité centrral fit procéder à des élections pour constituer un conseil communal de Paris. Elles eurent lieu le 26 mars et le 16 avril. Les membres de la Commune furent au nombre de soixante-quinze. Des "délégués" furent chargés du pouvoir exécutif. Voici quels furent les principaux actes de la Commune : -29 mars. Abolition de la conscription. - 5 avril. Suppression du budget des cultes; décret sur les otages, suivi de l'arrestation de l'archevêque de Paris, Mgr Darboy, de Deguerry, curé de la Madeleine, du premier président Bonjean et de plus de six cents prêtres, gendarmes, etc. - 7 avril. Enrôlement forcé dans les compagnies de guerre de tout citoyen de dix-neuf à quarante ans. - 12 avril. Décret relatif à la démolition de la colonne Vendôme (exécuté le 16 mai). - 27 avril. Nomination de Raoul Rigault comme procureur de la Commune, avec Dacosta comme substitut. - 1er mai. Création d'un Comité de salut public. - 10 mai. Décret ordonnant la destruction de la maison de Thiers. (Ajoutons que la plupart des journaux furent supprimés successivement). Du 21 mai au 28 mai. Le pouvoir est remis à l'autorité militaire, au fur et à mesure que les troupes s'emparent des arrondissements. Il reste aux mains des représentants de la Commune dans les quartiers où la résistance se maintient. La riposte des Versaillais. Le gouvernement de Versailles, préoccupé de rentrer dans Paris constitue une armée de cent mille hommes aux ordres de Mac-Mahon. Il y avait près de deux cent mille fédérés qui furent successivement commandés par les généraux Cluseret, Duval, Eudes, Bergeret, Dombrowski. Les fédérés prirent l'offensive, le 2 avril, à Courbevoie, puis, le 3, à Chatou et Rueil, et le 4, à Châtillon; mais ils furent repoussés. Alors, l'armée de Versailles se porta à son tour en avant, et le second siège de Paris commença. Le 20 mai, les batteries de brèche écrasèrent l'enceinte de leurs feux. Le dimanche 21 mai, à trois heures après midi, un piqueur des ponts et chaussées, Ducatel, monta sur la porte de Saint-Cloud, et prévint les gardes de tranchée que le quartier du Point-du-Jour était vide d'insurgés. Deux compagnies du 37e de ligne pénétrèrent aussitôt dans la place : le soir, l'armée occupait presque tout le XVIe arrondissement. La Commune tint encore une séance le 22 mai, puis céda le pouvoir au Comité central, et la guerre des rues commença. Elle dura toute une semaine, cette rouge "Semaine de mai ", dont chaque jour est resté marqué en traits de sang et de flamme. Les Versaillais purent prendre à revers toutes les barricades des Communards. Mais, en se retirant, ceux-ci mettaient le feu aux monuments, après les avoir aspergés de pétrole. Ainsi flambèrent, le 23, les Tuileries, la Cour des comptes; le 24, les Finances, le Palais-Royal, l'Hôtel de Ville; le 25, les docks de la Villette et le Grenier d'abondance. Après les incendies, vinrent : 24 mai, premier massacre des otages à la Roquette (Darboy, Deguuerry, Bonjean, etc.); 25 mai, massacre des dominicains d'Arcueil; 26 mai, second massacre d'otages à la Roquette et rite Haxo, à Belleville. - Les incendies dans Paris en mai 1871. Enfin, le 28 mai, la guerre civile était terminée. Il y eu 45 000 arrestations. Près de 11.000 prisonniers fédérés passèrent en conseil de guerre. Certains furent fusillés, d'autres, à l'intar de Louise Michel, furent pour la plupart déportés à la Nouvelle-Calédonie, d'où les ramenèrent les deux amnisties du 17 janvier 1879 et du 14 juillet 1880. (NLI/ Louis Lucipia).
| Laure Godineau, La commune de Paris par ceux qui l'ont vécue, Parigramme, 2010. 2840966212 Soixante-douze jours, c'est le temps pendant lequel Paris fut aux mains des « communards », l'armée versaillaise reprenant la ville dans la dernière semaine de mai. Ce livre revient sur le contexte de l'insurrection, les acteurs, les projets, le fonctionnement concret et les dysfonctionnements de la Commune. Il s'attarde surtout sur ce que pouvait être la vie des Parisiens pendant ces quelques mois... À côté des principaux protagonistes, des hommes moins connus laissèrent des traces écrites et revinrent sur leur expérience. Que sait-on des Parisiens circonspects, spectateurs plutôt qu'acteurs, des Parisiens aussi qui furent accablés par la répression sanglante à laquelle ils assistèrent durant ces journées ? En laissant ces voix qui nous viennent du passé faire revivre le Paris de la Commune dans toute sa complexité, cet ouvrage, abondamment illustré, a pour ambition de voir chacun de ses lecteurs se réapproprier cet instant si particulier de l'histoire. (couv.). Jean Baronnet, Regard d'un Parisien sur la Commune, Gallimard, 2006. P.-O. Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871, La découverte, 2005. | | |