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Louis François Cauchy est un administrateur français, né à Rouen en 1760, mort à Paris en 1818. D'abord avocat au parlement normand, il devint en 1785 secrétaire général du lieutenant de police, en 1800 secrétaire général du Sénat, en 1844 garde des registres et archives de la Pairie. Il a laissé une dizaine de poésies françaises et latines dans lesquelles il célèbre tour à tour, avec un égal enthousiasme, les différents régimes au pouvoir. (L. S.). | ||
Augustin Louis (baron) Cauchy
est un mathématicien, fils du précédent,
né à Paris, le 21 août
1789, et mort à Sceaux (Hauts-de-Seine) le 23 mai 1857. Son père,
latiniste passionné et catholique fervent, fut son premier maître
et ne lui laissa guère de loisirs entre l'explication des auteurs
et la pratique des devoirs religieux. A treize ans, il fut envoyé
à l'Ecole centrale du Panthéon, où il acheva brillamment
des études exclusivement littéraires. A quinze ans, il remporta
le grand prix d'humanités institué par l'Empereur,
et, l'année suivante, après dix mois seulement de préparation
scientifique, fut reçu le second à l'Ecole polytechnique,
où il se signala tout de suite par une habile solution de la question
du cercle tangent à trois cercles donnés (Corresp. de
l'Ec. pol., I, 193). Sorti le premier en 1807, il alla continuer à
l'Ecole des ponts et chaussées la série de ses succès,
fut employé en 1808 aux travaux du canal
de l'Ourcq, envoyé en 1810 à Cherbourg
comme ingénieur et mis en congé en 1813 pour raisons de santé.
- Augustin Cauchy (1789-1857). De retour à Paris, il renonça à la vie active des chantiers pour se consacrer tout entier à l'enseignement des mathématiques et poursuivre plus librement ses recherches théoriques. Il n'avait alors que vingt-quatre ans, mais sa réputation de savant était déjà faite et il devait bientôt étonner les plus grands géomètres de l'Europe par une suite de brillantes découvertes. Dès 1811, il avait trouvé une solution, aussi simple qu'originale, d'un théorème, proposé par Poinsot et généralisant celui d'Euler, sur le nombre des sommets, des faces et des arêtes d'un polyèdre (Bull. de la Soc. philom., III, 66 et Journal de l'Ecole polyt., IX, 68 et 87); en 1812, il avait publié son mémoire sur le calcul des fonctions symétriques et sur le nombre de valeurs qu'une fonction peut acquérir lorsqu'on y permute de toutes les manières possibles les quantités qu'elle renferme (Journ. de l'Ec. polyt., X, p. 1); au commencement de 1813, il avait donné sa méthode pour la détermination a priori du nombre des racines réelles positives et négatives d'une équation de degré quelconque (Journ. de l'Ec. polyt., X, 457). En 1814, il fit paraître son beau travail sur les intégrales définies (Bull. de la Soc. philom., 1814, p. 185); puis il aborda hardiment le fameux théorème de Fermat sur les nombres polygones et, plus heureux qu'Euler, Lagrange, Legendre, Gauss et tant d'autres, parvint à le démontrer (Bull. de la Soc. philom., 1815, p. 196). En 1815, l'institut mit au concours la question suivante : Etablir la théorie de la propagation des ondes à la surface d'un fluide pesant d'une profondeur indéfinie; Cauchy remporta le grand prix (1816) avec un mémoire, véritable traité de mécanique, qui devait servir de base à toute une nouvelle théorie de l'équilibre des corps (Sav. étrang., t. 1). Peu de temps après, il bénéficia assez inconsidérément d'une mesure aussi anormale que fâcheuse. L'un des premiers soins de la Restauration avait été de réorganiser l'Institut, afin de sacrifier aux rancunes politiques deux savants illustres, Monge et Carnot : une simple ordonnance royale (21 mars 1816) les raya de la liste des académiciens et les remplaça par Breguet et Cauchy. De 1816 à 1830, il fit simultanément
un cours de mécanique à l'Ecole polytechnique, un cours d'algèbre
supérieure à la Faculté des sciences, un cours de
physique mathématique au Collège
de France, et signala ce triple professorat par une importante réforme
: aux méthodes d'analyse simples,
mais peu précises, de Lagrange, qui avait tout ramené à
la forme ordinaire des calculs algébriques sans considération
d'infini ni de limites, il substitua des méthodes
plus rigoureuses et encore suivies de nos jours dans leurs lignes principales;
elles se trouvent exposées dans trois ouvrages écrits pour
ses élèves : le Traité de calcul différentiel
et intégral, le Cours d'analyse de l'Ecole polytechnique,
et les Leçons sur les applications du calcul infinitésimal
à la géométrie. En 1826, il donna les premières
livraisons
Survint la révolution de Juillet. Sa foi religieuse l'empêcha de prêter au nouveau gouvernement un serment de fidélité déjà prêté au régime déchu; il préféra abandonner toutes ses situations universitaires. Bien plus, il ne voulut pas rester en France pendant que « son roi » était en exil, et, malgré les prières de ses parents et de sa femme, partit seul pour Fribourg et de là se rendit à Turin (1831), où le roi de Sardaigne, Charles-Albert, venait de créer pour lui une chaire de « physique sublime ». Il y resta deux années pendant lesquelles il écrivit ses Résumés analytiques et son Mémoire sur la mécanique céleste et sur un nouveau calcul appelé calcul des limites (Nouv. exerc., t. ll, p. 41). En 1833, Charles X l'appela près de lui pour diriger l'éducation scientifique du duc de Bordeaux (le comte de Chambord); il accepta avec empressement et, durant les cinq années qui suivirent, résida tantôt à Taplitz, Kirchberg ou Goritz, tantôt à Prague. L'Académie de cette dernière ville l'accueillit parmi ses membres et publia ses célèbres mémoires sur la dispersion de la lumière. Lorsque l'éducation du prince fut terminée (1838), il quitta Charles X, qui l'avait fait baron, et rentra en France, où, malgré ses craintes exagérées, le calme n'avait cessé de régner. Il reprit sa place à l'Institut, dont les membres n'étaient pas astreints au serment, enseigna les mathématiques dans divers établissements dirigés par le clergé, et occupa ses loisirs à rédiger pour les recueils de l'Académie des sciences et pour quelques autres publications un nombre prodigieux de mémoires, notes, rapports, sur les questions les plus diverses et les plus élevées des mathématiques pures et appliquées. En 1839, ses collègues le proposèrent pour une place vacante au Collège de France. Mais il fallait prêter serment! La même année, les membres du Bureau des longitudes, qui se recrutent eux-mêmes, le choisirent à l'unanimité pour succéder à Prony; il remplit effectivement les fonctions de sa nouvelle charge pendant quatre ans, au bout desquels le gouvernement annula l'élection et la fit recommencer. La République de 1848 se montra plus tolérante : elle le nomma professeur d'astronomie mathématique à la faculté des sciences. Mais le second Empire rétablit le serment politique et Cauchy dut de nouveau quitter sa chaire, qui lui fut enfin rendue sans condition en 1854, en vertu d'un privilège. spécial déjà accordé à François Arago. Il mourut trois ans après. Il était membre ou correspondant
de nombreuses académies étrangères : Société
royale de Londres (1832), académies
des sciences de Berlin, Saint-Pétersbourg,
Boston, Stockholm,
Modène, Naples,
Palerme, sociétés royales d'Edimbourg,
Copenhague, Goettingen,
etc.
Cauchy en 1856. Peu de savants ont été plus vivement et plus diversement critiqués; peu surtout l'ont été avec plus de partialité. Amis et adversaires politiques l'ont tour à tour comblé d'éloges et accablé de reproches, et parmi ses panégyristes et ses détracteurs, bien peu ont résisté complètement à l'influence de leurs préférences religieuses. L'acceptation de la succession académique de Carnot, dans les conditions que nous avons relatées, avait déjà indisposé beaucoup d'esprits. L'appui incessant qu'il prêta aux jésuites, en défendant énergiquement leurs prétentions et en leur formant des professeurs, les deux opuscules qu'il publia en leur faveur : Considérations sur les ordres religieux (Paris, 1843, in-8) et Réflexions sur le liberté de l'enseignement (Paris, 1844, in-8), sa participation active à la fondation des oeuvres de saint François-Régis et des Ecoles d'Orient, ses fonctions à l'Institut catholique, où il dirigeait le comité des sciences, achevèrent de le rendre impopulaire; on le considéra comme un clérical fanatique et intolérant. Les attaques passionnées contre l'homme n'épargnèrent malheureusement pas les travaux du savant. Elles l'ont poursuivi même après sa mort, d'implacables adversaires niant l'utilité de son oeuvre, ont insinué même qu'elle a plutôt été nuisible aux progrès de la science. Cauchy, comme tous les grands esprits, a certainement eu ses défauts. On lui reproche, non sans raison, d'avoir trop cédé aux entraînements de son esprit inventif et, dans sa précipitation à faire de nouvelles recherches, de n'avoir pas toujours suffisamment mûri ses travaux; on peut également déplorer qu'il ait fait de la science un peu à bâtons rompus et dispersé ainsi ses découvertes dans une multitude de mémoires, sans liens ni ordre, où il n'est pas toujours facile d'aller les chercher; enfin, ses singuliers procédés de calcul et de notation rendent souvent très pénible la lecture de ses écrits. Mais ce ne sont là, hormis le premier, que des griefs d'importance secondaire et l'influence exercée sur l'avenir des mathématiques par l'illustre analyste n'en reste pas moins immense. La rapidité même avec laquelle il traitait les questions les plus complexes, pour passer sans transition à d'autres recherches de nature souvent toute différente, aura eu, à côté d'inconvénients immédiats, d'heureuses conséquences. Elle lui aura permis d'étendre le périmètre de ses investigations au delà des bornes d'une seule intelligence; elle lui aura fait découvrir un nombre presque inconcevable de points de vue nouveaux, qu'il ne s'est peut-être pas toujours appliqué à décrire minutieusement, mais qu'il a suffisamment signalés aux études de la postérité. Déjà le Norvégien Abel, mort en 1829, proclamait qu'il lui était redevable de tout son savoir. D'illustres mathématiciens de la fin du XIXe siècle se sont à leur tour fréquemment aidés de ses travaux, et, à cette époque déjà, peu de mathématiciens, français ou étrangers, auraient pu se vanter de n'avoir jamais puisé dans ses écrits; disciples plus ou moins avoués de Cauchy, ils lui ont presque tous emprunté des principes ou des idées, et parmi les thèses et mémoires de haute analyse publiés pendant la seconde moitié du siècle, il en est peu qui ne contiennent quelque application de ses méthodes. Maint auteur n'a fait du reste que transcrire en un langage plus commun ses singulières notations, mainte théorie soi-disant nouvelle n'est en réalité qu'une théorie renouvelée du maître. L'oeuvre de Cauchy.
En analyse, il réforme les méthodes jusque-là suivies dans l'enseignement, présente le premier, d'une manière rigoureuse, les principes fondamentaux du calcul différentiel, rattache les expressions imaginaires à la théorie des équivalences algébriques, essaye d'en donner une interprétation géométrique, et indique de nouvelles formules, fondées sur le calcul des différences finies, pour résoudre le problème de l'interpolation; ses travaux sur les intégrales définies marquent le point de départ de nombreuses recherches sur la théorie des fonctions doublement périodiques, et il fonde de toutes pièces le calcul des résidus dont le germe se trouve dans un mémoire d'Euler intitulé : Nova methodus fractiones quascumque rationales in fractiones simplices resolvendi (Actes de l'Acad. de Saint-Pétersb., ann. 1780); il pose les principes de la théorie dite des substitutions, donne une base solide à la théorie des séries et étudie leurs lois de convergence, fait réaliser des progrès essentiels à la théorie des équations, trouve une règle, applicable dans tous les cas, pour la détermination du nombre des racines, soit réelles, soit imaginaires, comprises entre des limites données, démontre l'avantage qu'on peut retirer des symboles imaginaires pour l'analyse des fonctions inverses et périodiques, établit d'une façon rigoureuse l'existence des intégrales des équations différentielles ordinaires et des équations dérivées partielles à un nombre quelconque d'inconnues et donne avant Jacobi une méthode générale pour intégrer les équations aux dérivées partielles de premier ordre, et les équations linéaires à coefficients constants. En mécanique, il substitue au principe
de la continuité de la matière la notion de la continuité
des déplacements géométriques, vérifie les
lois de Fresnel relativement au phénomène
de la double réfraction, établit les lois suivant lesquelles
un mouvement simple est modifié en passant d'un milieu dans un autre
et refait une théorie de l'équilibre et du mouvement des
tiges et des plaques élastiques.
En astronomie, il s'attache surtout à perfectionner les méthodes et à trouver des formules propres à simplifier les calculs; il est conduit, par la suite, à une théorie toute nouvelle pour la détermination des mouvements planétaires, et, le 4 mai 1857, quelques jours avant sa mort, il fit encore à l'Institut un mémoire sur l'emploi d'un nouvel artifice de calcul astronomique, le coefficient régulateur. MÉTHODES
D'APPROXIMATION DE CAUCHY
Jusque vers le milieu du XIXe siècle, les géomètres ont employé les séries sans rechercher si elles étaient convergentes ou divergentes, et par suite sans voir s'ils avaient le droit d'en faire usage. Il en résultait que les démonstrations étaient insuffisantes. De plus, la détermination des coefficients numériques relatifs à chaque perturbation était longue.Cauchy n'a écrit, nous l'avons dit, que peu d'ouvrages de longue haleine. Les résultats de ses recherches sont presque tous consignés dans ses mémoires et notes; au nombre de 789, ils ont été insérés dans la Correspondance et le Journal de l'Ecole polytechnique, le Journal des Mines, les Annales de mathématiques de Gergonne, le Bulletin des sciences de Ferussac, le Bulletin de la Société philomathique, le Journal de mathématiques de Liouville et les différents recueils de l'Académie des sciences; ces derniers seuls en contiennent plus de 500 pour les années 1839 à 1857 : le budget de la savante compagnie faillit ne pouvoir suffire à leur impression. Nous avons signalé, au cours de cet article, les plus connus parmi tous ces mémoires; on trouvera la liste des autres, soit complète, soit partielle, dans Valson, dans Poggendorff et dans le catalogue de la Société royale de Londres. Quant à ses ouvrages publiés à part, en voici les titres : Cours d'analyse de l'École polytechnique (Paris, 1821, in-8 ; trad. allem. par Hupler, Koenigsberg, 1828); Résumé des leçons données à l'Ecole polytechnique sur le calcul infinitésimal (Paris, 1823, in-4); Mémoire sur les intégrales définies prises entre des limites imaginaires (Paris, 1825, in-4); Leçons sur les applications du calcul infinitésimal à la géométrie (Paris, 1826-1828, 2 vol. in-4 ; trad. allem. par Schnuse, Brunswick, 1840); Anciens exercices de mathématiques (Paris, 1826-1830, 51 livr. in-4); Leçons sur le calcul différentiel (Paris, 1829, in-4; trad. allem. par Schnuse, Brunswick, 1836); Mémoire sur la résolution des équations numériques et sur la théorie de l'élimination (Paris, 1829, in-4); Mémoire sur la théorie de la lumière (Paris, 1830, in-4); Résumés analytiques (Turin, 1833, 5 livr. in-4); Nouveaux exercices de mathématiques (Prague, 1835-1836, 8 cah., in-4, rare); Nouveaux exercices d'analyse et de physique mathématique (Paris, 1840, 4 vol. in-4, rare);Memoria dei metodi analitici (Rome, 1843, in-8). Il a écrit en outre, en 1834, un
petit poème : Charles V en Espagne, et communiqué
à l'Académie des inscriptions et belles lettres un Mémoire
sur la prosodie des langues orientales, et en particulier sur la prosodie
biblique.
Cauchy a eu deux frères : 1° Alexandre-Laurent, né à Paris en 1792, mort à Paris en 1857, qui s'appliqua d'abord aux mathématiques, puis fit son droit, et devint président de chambre à la cour d'appel en 1847, conseiller à la cour de cassation en 1849; 2° Eugène (ci-dessous). (L. Sagnet). |
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Eugène-François
Cauchy, frère du précédent, est un publiciste
et jurisconsulte français, membre de l'institut, né à
Paris le 16 octobre 1802, mort le 2 avril 1877.
Fils du secrétaire-archiviste de la Chambre des Pairs, Cauchy hérita,
après 1830, des fonctions paternelles qu'il exerça en même
temps que celles d'auditeur puis de maître des requêtes au
Conseil d'Etat, jusqu'à la Révolution
de 1848.
Diverses publications attirèrent bientôt sur lui l'attention du monde savant, notamment celle d'un important mémoire sur « les origines, les variations et les progrès du droit maritime international ainsi que de ses rapports avec l'état de civilisation des différents peuples ». Au sujet de ce beau travail, couronné par l'Académie en 1860, Renouard, rapporteur, s'exprimait ainsi : « L'auteur a fait preuve de philosophie dans l'esprit, de justesse dans le sens, d'élévation dans les sentiments, et de vastes connaissances de droit et d'histoire...»Ce succès désignait Cauchy aux suffrages de l'Académie des sciences morales et politiques. Il y fut élu le 23 juin 1866 en remplacement de Béranger. En dehors de son principal ouvrage : le Droit maritime international (1863, 2 vol. in-8) qui n'est que la reproduction sous une autre forme du mémoire précité, on doit à Cauchy : Du Duel considéré dans ses origines et dans l'état actuel des moeurs (1846, 2 vol. in-8); De la Propriété communale et de la mise en culture des communaux (1848); Etudes sur Domat (1852); plusieurs mémoires lus, depuis 1866 à l'institut; Observations sur Lucrèce (1869, in-8); Augustin Cochin (1872), etc. Il a a surtout laissé le souvenir d'un représentant érudit et consciencieux de l'histoire du droit maritime, longtemps négligée en France. (C. Cheuvreux). |
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