| M. Aurelius Antoninus Caracalla ou Caracallus est un empereur romain qui a régné de 211 à 217. Le sobriquet de Caracalla sous lequel il est resté connu est d'origine gauloise; il désignait une grande tunique à capuchon, analogue à la robe du moine; ce vêtement fut mis à la mode à Rome par cet empereur, qui lui dut son surnom. Fils de Septime Sévère et de Julia Domna, il naquit en Gaule, à Lyon, le 4 avril 188, sous le règne de Commode, dont il devait rappeler un jour les folies et les cruautés; il fut d'abord appelé Bassianus, d'après le surnom de son grand-père maternel. A huit ans, en 196, il reçut de son père, alors en guerre contre un compétiteur Albinus, les titres de césar et de prince de la jeunesse, ainsi que les noms de M. Aurelius Antoninus, comme s'il eût appartenu à l'illustre famille d'Antonin et de Marc-Aurèle; Septime Sévère voulait donner par là quelque popularité à son futur héritier. L'enfance de Caracalla donna, paraît-il, les plus belles espérances; il ne pouvait supporter le spectacle de malheureux livrés aux bêtes : l'histoire raconte à peu près les mêmes traits de Caligula et de Néron. Cependant sa véritable nature se laissait voir dans sa jalousie et sa haine pour son frère cadet Géta. Il suivit son père dans ses nombreuses campagnes; revêtu depuis 198 de la puissance tribunicienne et du titre d'Auguste qui en faisaient comme l'associé de Septime-Sévère, on le trouve tour à tour dans la guerre contre les Parthes (199-201), en Syrie, en Egypte, à Rome (203), où un arc de triomphe (encore debout) fut élevé au Forum cette même année pour rappeler les campagnes de l'empereur et de ses deux fils (Caracalla fit marteler plus tard sur ce monument le nom de son frère Géta). Caracalla accompagne ensuite en 210 son père en Bretagne et il assiste à ses derniers moments à Eboracum (York), en 211. - Buste de Caracalla, Musée de Naples. Devenu ainsi maître du monde occidental à vingt-trois ans, il voulut faire écarter du trône son frère Géta qui avait été associé à l'Empire en 209 ; mais devant l'opposition des légions, il dut renoncer à ce projet : Rome eut deux empereurs à la fois. Elle ne les eut pas longtemps. Caracalla, de retour dans la capitale où il avait rapporté les cendres de son père, se défit de Géta par un assassinat précédé d'un guet-apens. Il l'attira chez lui sous prétexte d'une réconciliation et il le tua dans les bras de leur mère qui fut elle-même blessée (février 212). Les prétoriens parlèrent d'abord de venger ce crime; mais de larges distributions les firent bien vite changer d'avis. Géta fut déclaré ennemi public, et tous ceux qui avaient été ses amis ou qui témoignèrent quelque regret de sa mort périrent en foule. Dion Cassius parle de vingt mille personnes mises à mort; la plus illustre de ces victimes est le grand jurisconsulte Papinien, préfet du prétoire, qui refusa, dit-on, de se déshonorer en composant l'apologie du fratricide. Tels furent les débuts de ce prince « qui, selon le mot de Dion Cassius, n'aima jamais personne »; pendant six ans, Rome vit reparaître les plus mauvais jours de ses pires tyrans; ce fut une telle succession d'orgies, de débauches, de violences de tout genre, qu'on peut se demander si Caracalla, qui a été plusieurs fois malade, n'est pas devenu fou en sentant entre ses mains la toute-puissance impériale; ses bustes se reconnaissent entre tous par leur expression farouche. - Cependant, il faut dire à son éloge qu'il a beaucoup voyagé; presque tout son règne s'est passé dans les provinces. En 212, il visite la Gaule; mais la brutalité de son gouvernement le rendit odieux à ses compatriotes. A la fin de 213, après quelques mois passés à Rome, il se porta à la frontière du Rhin menacée par les Alamans et il les vainquit sur les bords du Main. Il parcourt ensuite la Dacie et la Thrace; il passe à Nicomédie en Asie Mineure, à Antioche en Syrie : de cette dernière ville il rétablit l'ordre à la frontière parthique, et réunit à l'Empire le royaume arménien de l'Osrhoène. Il arrive en Egypte à la fin de 215; pour se venger des habitants d'Alexandrie qui lui avaient . décoché quelques épigrammes mordantes, il abandonne la grande ville pendant quelques jours à toutes les fureurs de la soldatesque : ce fut un épouvantable massacre, l'empereur l'annonça officiellement au Sénat par un message. De l'Egypte il retourne à Antioche en 216; sous le prétexte que le roi des Parthes a refusé de lui donner sa fille en mariage, il franchit l'Euphrate, ravage la Médie, prend Arbelles; il passe l'hiver à Edesse, capitale de l'Osrhoène, puis il recommence la guerre contre les Parthes. Au cours de cette expédition, comme il se rendait à Carrhes pour y visiter le temple célèbre du dieu Lunus, il fut assassiné par un obscur soldat, que le préfet du prétoire Macrin avait payé pour ce meurtre (8 avril 217). Il avait juste vingt-neuf ans. Macrin lui-même, son successeur, fut obligé pour se concilier les soldats de le faire mettre par le Sénat au rang des empereurs divinisés; le nouveau divus reçut l'épithète de magnus, sans doute en souvenir d'Alexandre le Grand, l'un de ses héros favoris. - Monnaie de Caracalla en bronze. Caracalla a mis sa signature à un édit célèbre, le plus important peut-être au point de vue politique de la législation romaine, celui qui conférait le droit de cité à tous les habitants de l'Empire (Digeste, I, v, 17); ce jour-là l'ancienne constitution du monde romain disparaissait: il n'y avait plus de distinction politique entre le vainqueur et les anciens vaincus. Il est juste d'ajouter que cette grande mesure a été prise non par libéralisme politique, mais dans un intérêt fiscal, pour soumettre tous les provinciaux à l'impôt du « vingtième des héritages » et de reconnaître aussi que les empereurs précédents avaient déjà très largement octroyé le jus civitatis. A ce règne appartient l'un des plus grandioses monuments de Rome, les Thermae Antoninianae; ces thermes d'une somptuosité merveilleuse, avec leurs parements de marbres et de mosaïques, furent construits sur les bords de la voie Appienne, dans la plaine à l'est de l'Aventin; de leurs ruines gigantesques, aujourd'hui en grande partie déblayées (terme Antonine ou di Caracalla), sont sortis quelques-uns de nos plus célèbres antiques, l'Hercule, le Taureau et la Flore Farnèse. Grand propagateur du culte des divinités égyptiennes, surtout d'Isis, Caracalla ne semble pas avoir sévi contre les chrétiens avec une rigueur particulière; la persécution qui sous le règne de son père avait si cruellement frappé l'église d'Afrique fit alors beaucoup moins de victimes. Il n'eut pas d'enfant de son mariage avec Fulvia Plautilla, qu'il rompit au bout d'un an. On l'accusa d'avoir eu un commerce incestueux avec sa mère Julia Domna; de là le surnom de Jocaste que les Alexandrins avaient donné à celle-ci. Il fut consul quatre fois, en 202, 205, 208, 213. (G. L.-G.). | |