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Campomanes

Pedro Rodriguez, comte de Campomanes est un littérateur, économiste et homme d'État, une des personnalités les plus éminentes qu'ait eues l'Espagne au XVIIIe siècle, né le 1er juillet 1723 à Santa Eulalia de Sorriba (Asturies), mort le 3 février 1802. Il fut instruit par un de ses oncles, chanoine de sa ville natale, et montra une intelligence précoce et une grande application; dès l'âge de dix ans et demi il traduisait Ovide en vers castillans. A onze ans il commença l'étude de la philosophie chez les dominicains de Santillane, mais montra peu de goût pour les subtilités dont était farci cet enseignement, et consacra tous ses loisirs à la littérature et à la science du droit; tout jeune il enseigna gratuitement les lettres à Cangas, puis à dix-neuf ans se fit recevoir avocat, étudia l'arabe sous Casiri, le grec sous Joseph Carbonde et se forma aux travaux d'érudition en fréquentant le bénédictin Martin Sarmiento. 

Au barreau de Madrid, malgré son jeune âge, il acquit très vite la notoriété et fut chargé d'affaires importantes, en même temps qu'il se faisait connaître du monde savant par des travaux estimables. Son livre intitulé Disertaciones historicas del orden y cavalleria de los Templarios, etc. (Madrid, 1747, in-4) le fit admettre le 29 mars 1748 à l'Académie d'histoire. En 1751 et 1754, avec D. Lorenzo Dieguez, il collationna les manuscrits de l'Escurial relatifs aux conciles d'Espagne (travail qui parut dans le t. Il des Memorias de la Academia). En 1752, il présenta à l'Académie le texte, la traduction et le commentaire d'une inscription arabe de Merida, en 1753 donna le plan d'une collection diplomatique, en 1755 lut une dissertation sur les lois et le gouvernement des Goths en Espagne, et en 1756 publia : Antiguedad maritima de la republica de Cartago, con el periplo de su general Hannon, traducido del griego é ilustrado (Madrid; in-4) (Périple de Hannon). Chargé en 1755 de la direction des postes, il fit des réformes importantes qui eurent pour, effet de rendre les communications plus rapides et plus faciles, et fut  l'inspirateur des ordonnances de 1762 sur cette matière. Il avait encore trouvé le loisir d'écrire deux livres remarquables par la science géographique sur des sujets touchant à son administration : Itinerario de las carreras de posta de dentro y fuera del reyno, etc. (Madrid, 1761, in-8), et Noticia geografica del reyno y caminos de Portugal (Madrid, 1762, in-8). 

Charles III, qui sentait combien l'Espagne avait besoin d'un réformateur (L'Espagne au XVIIIe siècle), avait été frappé du savoir, de l'éloquence et des talents d'administrateur de Campomànes; il l'éleva aux fonctions de fiscal du conseil de Castille ou ministre des finances, en 1763. Campomanes s'attaqua immédiatement aux abus qui ruinaient le pays. Par d'habiles mesures, il réduisit le nombre des moines, prohiba l'admission dans les ordres avant l'âge de vingt ans, défendit les quêtes, interdit les emplois d'administration et de justice aux moines, fit supprimer un grand nombre de couvents qui n'avaient pas de revenus suffisants et dont les religieux ne pouvaient vivre que de mendicité, fit augmenter le traitement insuffisant de beaucoup de curés, en même temps qu'il fit exiger d'eux plus d'instruction et de moralité. 
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Campomanes.
Campomanes.

C'est à son influence que sont dues les ordonnances royales sur  ces diverses matières des 11 septembre 1764, 27 octobre 1762, 26 septembre 1769, 29 septembre 1770, le 4 février 1772, 22 octobre 1772, 28 juillet et 6 septembre 1774, 24 juin 1784. Il s'efforça aussi d'arrêter l'accroissement démesuré des biens de mainmorte, et écrivit sur ce sujet un livre plein d'érudition dans lequel il démontre l'intervention constante de l'autorité en cette matière. Cet ouvrage : Tratado de la regalia de amortizacion (Madrid, 1765), fut réimprimé à Girone (1821, pet. in-4) et traduit en italien par ordre du Sénat de Venise (2 édit. de 1777, une de Venise, 2 vol. in-4, l'autre de Milan, 3 vol. in-8). En 1768, il publia avec D. Fernando Navarro, une autre étude de droit public ecclésiastique sous le titre de Juicio impartial, traduit en français par d'Hermilly, Jugement impartial sur les lettres de la cour de Rome, en forme de bref, tendantes à déroger à certains édits du duc de Parme et à lui disputer sous ce prétexte la souveraineté temporelle (Paris et Madrid, 1770, 2 vol. in-12). La même année il écrivait encore sur les difficultés avec l'église : Memorial ajustado sobre et contenido y espresiones de diferentes cartas del rey. obispo de Cuença, D. Isidro de Carbajal y Lancaster (Madrid, in-4). 

Mais c'est surtout à développer l'agriculture, le commerce et l'industrie que Campomanes appliqua tous ses soins et on peut dire qu'il est un de ceux qui contribuèrent le plus au relèvement de l'Espagne sous Charles III, par ses efforts en tant que ministre et par ses ouvrages. Citons principalement : Discurso sobre el fomento de la industrie popular, publié par ordre du roi et du conseil (Madrid, 1774, in-8), traduit en italien par Antonio Conca (Venise, 1787, in-8); Discurso sobre la educacion popular de los artesanos y su fomento (Madrid, 1775, in-8) avec appendice, par lui et d'autres (Madrid, 1775-1777, 4 vol. in-8). Ces études sur les causes de la décadence industrielle de l'Espagne et sur les remèdes à y apporter, eurent un grand succès, en dépit de quelques erreurs économiques, qui tiennent à l'époque, et le roi en fit envoyer des exemplaires aux évêques, gouverneurs des provinces, etc. 

A la théorie, Campomanes joignait les études pratiques; il consultait et écoutait volontiers les laboureurs et artisans. Chargé de présider la commission de la Mesta, il parcourut l'Estrémadure, l'Andalousie et les Castilles pour étudier sur place les maux causés par ce privilège, Il décida le roi à accorder des gratifications et des honneurs aux agriculteurs et industriels, lui fit signer de nombreux décrets de réformes, notamment un sur la libre circulation des grains, créa des chefs de quartiers (alcades de barrio), prit des mesures contre les vagabonds (10 septembre 1783), traça des programmes d'études pour les universités, programmes où il donne une large part à l'enseignement des sciences, mathématiques, physiques, naturelles et langues jusqu'alors très négligées, fit distribuer les livres des maisons de jésuites entre les bibliothèques du royaume et ouvrit au public celle du Colégio Imperial, plus tard bibliothèque de San Isidro. 

Parmi ses ouvrages; relatifs à l'état économique de l'Espagne et qui sont presque toujours des exposés motivés des mesures prises ou proposées par le ministre, nous citerons encore : Memorial ajustado del expediente de concordia que trata el Honrado Consejo de la Mesta. Con la deputacion general del reyno y provincia de Extremadura, ante et señor conde de Campomanes (Madrid, 1783, 2 vol. in-4); Memorial ajustado hecho de orden del Consejo sobre los daños, y decadencia que padece la agriculture, sus motivos y remédios para su establecimiento y fomento; y del que se le ha unido sobre establecimiento de une ley agraria y particulares que deberia comprehender, para facilitar el aumento de la agriculture y de la poblacion, etc. (Madrid, 1784, in-4). Une activité si féconde, l'élévation et la justesse des vues, le souci constant du bien public valurent à Campomanes de demeurer ministre des finances tant que vécut Charles III et même après la mort de celui-ci, en 1786, il devint président du conseil de Castille, charge dont il avait l'intérim depuis 1783, mais l'influence de Florida Blanca prévalant sur l'esprit de Charles IV, il se démit de cette fonction en 1791, fut nommé secrétaire d'État, et en 1798 reçut la grand-croix de l'ordre de Charles III. Il passa ses dernières années dans une retraite laborieuse. Élu directeur de l'Académie royale d'histoire en 1764, il avait été réélu vingt sept années de suite; il le fut encore une fois en 1798 et ne cessa jamais de prendre une part active aux travaux de la docte assemblée.

Ce savant, des oeuvres de qui nous n'avons mentionné ici qu'une faible partie, ce ministre fécond, intelligent et actif, exempt des préjugés de son temps, a été loué par presque tous ses contemporains pour ses talents, sa probité, sa bienfaisance. Cabarrus vantait son instruction et sa mémoire; Cavanilles, réclamant justice pour son pays contre les auteurs de l'article Espagne dans l'Encyclopédie, mettait en avant le nom de Campomanes : 

"Quelle louange, dit Cavanilles, n'est point au-dessous de celle qu'a méritée cet excellent citoyen; ce grand magistrat, ce savant si éclairé! Voyez-le, comme directeur de l'Académie de l'histoire, donner l'exemple, dans ses ouvrages, de bon goût et de la critique. Voyez l'homme d'État et le patriote instruire le peuple, encourager son industrie par les écrits les mieux pensés; démontrer aux uns leur intérêt dans les progrès de 'agriculture et des fabriques, prouver aux autres l'abus d'un genre de culture ou de commerc et leur apprendre à en substituer un autre plus utile. Considérez-le enfin comme magistrat, et lisez les ouvrages qui l'immortalisent."
Franklin l'avait fait recevoir parmi les membres de la société philosophique de Philadelphie et notre Académie des Inscriptions lui avait conféré le titre de correspondant. Son éloge fut prononcé en 1804 devant l'Académia de la historia par Gonzalez Arnao et imprimé dans les Memorias (1817). Quelques décennies plus tard on a publié des Cartas economicas, lettres posthumes, dont Campomanes doit être l'auteur, et qui sont précédées d'une biographie de l'illustre économiste par A. Rodriguez Villa (Madrid, 1878. in-18). (E. Cat).
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Dictionnaire biographique
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