| Gaultier de Coste, seigneur de La Calprenède est un romancier et poète dramatique français, né au château de Toulgou, près de Sarlat (Périgord), en 1609 ou 1610, mort en 1663. Après avoir fait ses études à Toulouse, il se rendit à Paris vers 1632 et entra en qualité de cadet au régiment des gardes. Son talent naturel de conteur lui valut la faveur des dames d'honneur de la reine et de la reine elle-même; il fut nommé en 1650 gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. Il mourut en 1663 des suites d'un accident, d'un coup de tête de cheval, d'après les uns, et, selon les autres, de l'explosion d'un fusil. Bien qu'il fût Périgourdin, c.-à-d. simplement voisin de la Gascogne, La Calprenède passa toujours pour un franc Gascon, et son caractère était bien propre en effet à asseoir le cliché tout en accréditant l'erreur. On connaît sa réponse à une critique de Richelieu, qui s'était permis de trouver sa versification un peu lâche : « Comment! lâche! Cadédis! il n'y a rien de lâche dans la maison de La Calprenède! » Dans l'épître dédicatoire de sa première tragédie, la Mort de Mithridate, il s'excuse, étant gentilhomme, de déroger en s'abaissant à écrire : « La profession que je fais, dit-il, ne me peut permettre, sans quelque honte, de me faire connaître par des vers, et tirer de quelque méchante rime une réputation que je dois espérer seulement d'une épée que j'ai l'honneur de porter. » Les exemples ne manquaient pourtant pas de gentilshommes qui devaient aux lettres toute leur renommée. Mais ils étaient sans doute de petite noblesse. Il est vrai que, plus tard, il parle de « l'erreur du siècle » qui rend ces « amusements presque honteux à ceux de sa profession » (préf. du Comte d'Essex). Le plus fier gentilhomme gascon n'est point insensible au succès, et ce lui de La Calprenède avait été réellement très grand. Il avait donné dix pièces de théâtre qui sont : la Mort de Mithridate, tragédie (1635); Bradamante, tragi-comédie (1636); Jeanne d'Angleterre (1636); Clarionte ou le Sacrifice sanglant, tragi-comédie (1637); le Comte d'Essex, tragédie (1638); la Mort des enfants d'Hérode ou la Suite de Mariamne, tragédie (1639); Edouard, tragi-comédie (1639); Phalante, tragédie (16441); Herménigilde, tragédie en prose (1643); Bélisaire, tragi-comédie (1659) (cette dernière n'a jamais été imprimée; les autres l'ont été séparément et les exemplaires en sont aujourd'hui presque introuvables). La Calprenède a laissé en outre un assez grand nombre de poésies légères disséminées dans divers recueils de l'époque, et surtout ses trois grands romans auxquels il a dû la meilleure part de sa réputation : Cassandre (1642-1650, 10 volumes); Cléopâtre (1647-1658, 12 volumes); Faramond (1661-1670, 12 volumes), mais les sept premiers volumes sont seuls de La Calprenède, qui mourut laissant l'ouvrage inachevé; les cinq derniers volumes sont de Pierre d'Ortigue de Vaumorière. Enfin, on lui attribue généralement les Nouvelles ou Divertissements de la princesse Alcidiane, qui semblent plutôt être de sa femme, Madeleine de Lyée, qu'il avait épousée, veuve pour la seconde fois, en 1648, et dont il se sépara, en 1659, en vertu d'un arrêt du parlement de Paris. Les romans de La Calprenède ont eu en leur temps, avons-nous dit, une vogue considérable. Les éditions en furent nombreuses au XVIIe siècle. II serait fastidieux de tenter une analyse de ces interminables récits, dont les intrigues compliquées ne sont pas faciles à débrouiller. Cassandre est l'histoire des amours du Scythe Oroondate pour la princesse Statira, fille de Darius, qui devient la captive, puis la femme d'Alexandre le Grand, et qui, à un moment donné, se déguise sous le nom de Cassandre, qui a fourni le titre du roman. Cléopâtre est la fille de la célèbre reine près de laquelle Antoine oublia son armée, et La Calprenède nous conte les amours de cette seconde Cléopâtre et de Juba, prince de Maurétanie. Faramond est le premier roi de la dynastie mérovingienne, transformé bien entendu en héros de roman et qui par là méritera de jouer un sot personnage dans le Dialogue de Boileau. Mais, dans tous ces romans, le sujet principal n'est que le lien on se rattachent, parfois assez faiblement, cent épisodes et aventures accessoires, dont les personnages ou leurs confidents font le récit, à l'imitation de l'Enéide. La fierté d'Artaban est restée proverbiale, et Artaban, qui s'appelle aussi Britomare, n'est qu'un personnage secondaire de Cléopâtre. Le fonds de ces romans est toujours à peu près identique. Les personnages ne sont plus des bergers comme dans l'Astrée, mais leurs noms seuls sont empruntés à l'Antiquité; les héros sont tous d'intrépides chevaliers, prêts à souffrir mille morts pour l'amour de leurs dames, et celles-ci mettent leur « gloire » à n'être pas touchées par ces sacrifices ou à ne l'être qu'à la dernière page du douzième volume. C'est l'amour suivant la formule de l'Hôtel de Rambouillet qui, en somme, avec plus de discours, continuait simplement la tradition des romans de chevalerie, et La Calprenède, grand coureur de ruelles, n'eut garde de négliger les dissertations galantes, qu'il fit interminables, et que Saint-Evremond jugeait être bien du temps perdu et « de l'esprit mal employé, quand on est ensemble ». La lecture de La Calprenède paraît aujourd'hui médiocrement divertissante. Son style n'a pas ce charme mièvre, cette grâce fluide et alanguie par où l'on peut encore prendre plaisir à lire l'Astrée. Ce n'est pas qu'il écrive si mal qu'on le croit généralement, sur la foi de Mme de Sévigné; son style n'est pas partout « maudit », et s'il parle phébus et n'évite ni l'incorrection ni l'obscurité, il manie pourtant avec une certaine aisance ses longues périodes. C'est sa prolixité et sa monotonie qui nous rendent La Calprenède difficile à lire. Il peut cependant fournir des renseignements intéressants sur l'esprit des Précieuses, qui fut celui de la société polie pendant toute la première moitié du XVIIe siècle. Il ne faut pas être injuste pour cette société ni pour les écrivains qui firent ses délices. La Calprenède et les autres romanciers de son temps ont contribué à préparer cet art supérieur qui devait rejeter le leur dans l'oubli. Ils auront donc toujours une place dans l'histoire littéraire du XVIIe siècle. (GE). | |