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Les Breughel
ou Brueghel sont une célèbre famille de peintres
flamands (XVIe et XVIIe
siècles). Pour se rendre compte de l'importance des Breughel dans l'histoire
de l'école flamande et pour caractériser le style de chacun d'eux, il
est indispensable de classer dans l'ordre chronologique les membres de
cette nombreuse dynastie.
Pierre
Breughel.
Pierre (Pieter) Breughel ou Breughel le
Vieux, le chef de la maison, né vers 1525, près de Breda,
au petit village de Breughel dont il a pris le nom. Il signe d'ordinaire
Bruegel. C'était là l'ancienne orthographe qui, à une époque
relativement récente, a été modifiée. Pierre Breughel est mort à Bruxelles
en 1569. II se forma à Anvers chez Pierre
Coucke d'Alost, peintre de Charles-Quint,
et ensuite chez le graveur Jérôme Cock; mais l'artiste qui exerça sur
lui le plus d'influence, c'est un maître qu'il n'a pas connu, le fantasque
Jérôme van Aken ou Jérôme Bosch, qui était
mort en 1518. Pierre Breughel est à bien des égards le disciple posthume
de l'auteur des diableries et des scènes infernales à intentions comiques.
Comme la plupart des peintres de son temps, Pierre visita l'Italie
: il y fit même un assez long séjour; ses oeuvres y furent estimées,
et Vasari le nomme deux fois dans son chapitre
Di Diversi artefici fiamminghi, mais l'originalité de son talent
ne fut pas entamée par la mode régnante; alors que tous les compatriotes
de Pierre Breughel subirent plus ou moins les influences de l'italianisme,
il resta un pur rustique, un réaliste résolu
et, par-dessus tout, un moqueur. Il l'a même été à ce point que, dans
les scènes évangéliques ou religieuses qu'il a peintes, il a quelquefois
introduit un élément de fantaisie caricaturale.
Revenu en Flandre,
il s'établit à Anvers. En 1551, il fut reçu maître dans la corporation
des peintres de cette ville où il paraît avoir demeuré jusqu'en 1563.
Pendant son séjour à Anvers, il peignit en assez grand nombre des scènes
de la vie populaire : il n'étudia pas seulement le spectacle des rues,
les marchés, les tavernes, il faisait volontiers des excursions dans la
campagne, et il a représenté, avec autant d'esprit que d'exactitude,
les villageois occupés à leurs travaux rustiques ou se livrant à leurs
gaietés champêtres. II a été vraiment le peintre des kermesses
flamandes, et c'est à cause de ces peintures qu'il a été surnommé Breughel
des Paysans. Il peignait à la détrempe
ou à l'huile, et il multipliait les
dessins, presque toujours inspirés par une fantaisie drolatique, qui font
de lui un contemporain de Rabelais et un prédécesseur
de Callot. Son imagination, constamment renouvelée,
ne lui permettait pas d'ailleurs de se renfermer dans les limites d'un
genre spécial.
On voit au musée de Vienne,
où sont ses plus belles oeuvres, quelles étaient ses ambitions. Sans
parler du Festin de noces, de la Danse de paysans, du Massacre
des innocents, qui ne portent pas de date, ce musée privilégié possède
la Dispute du carnaval et du carême (1559) les Jeux d'enfants
(1560); la Tour de Babel (1563); le Portement de croix (1564);
la Conversion de saint Paul (1567). Il y a là des créations typiques.
Le musée de Dresde montre aussi une belle
peinture, la Rixe des Paysans, analogue à celle que Rubens
n'a pas dédaigné de copier et qu'il a fait graver par Vorsterman, Le
grand artiste d'Anvers était d'ailleurs un
admirateur passionné du vieux Breughel. Il avait réuni dans sa collection
particulière plusieurs oeuvres de sa main.
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Festin
de noces au village, par Pieter Breughel l'Ancien (1658, Vienne).
Vers 1563, Pierre Breughel, qui avait épousé
la fille de son ancien maître, Pierre Coucke, vint se fixer à Bruxelles.
C'est là que naquirent ses enfants, c'est là qu'il mourut, jeune encore
par l'activité de l'esprit et de la main. Au moment de sa mort, il avait
conservé toute l'énergie de son talent. Nous le savons par une de ses
dernières peintures qui est de 1568, les Aveugles, du musée de
Naples. Ce tableau, exécuté à la détrempe,
et dont la signification symbolique n'a pas besoin d'être précisée,
représente deux aveugles qui, conduits par un confrère, tombent dans
un précipice. C'est un des chefs-d'oeuvre du maître. On connaît aussi
un petit tableau de la même date. C'est une sorte de cour des miracles,
une réunion de pauvres diables éclopés qui
mendient en chantant. Les petites têtes ont le plus grand caractère et
le paysage sur lequel s'enlève le groupe
de ces misérables est traité avec la conscience d'un miniaturiste.
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Le
Dénombrement de Bethléem, par Pieter Breughel l'Ancien. (1559,
Bruxelles)
Le vieux Breughel a d'ailleurs toujours
gardé quelque chose des méthodes du XVe siècle.
Ce respect de la tradition est particulièrement sensible dans son coloris.
Comme les anciens enlumineurs, Breughel conserve au ton local toute son
intensité : il aime les beaux rouges, les jaunes exaltés, les bruns puissants
et savoureux; ces couleurs vives, il ne les fond pas les unes dans les
autres à la manière des harmonistes de profession; il les échantillonne
avec une hardiesse volontaire; sa peinture
frappe l'oeil par la franchise de l'accent. Elle le retient par ses qualités
d'ordre intellectuel, une profonde étude de la vie en mouvement, une admirable
notion du geste et de la mimique, un merveilleux sentiment du type. Pierre
Breughel, témoin irrécusable et parfois rieur de la vérité quotidienne,
est le créateur de l'école qui, éliminant tout idéal, va se consacrer
à la représentation de la vie campagnarde et populaire. II annonce Brauwer
et tous les peintres de la comédie humaine. Indépendamment de la joie
qu'elle donne au regard, son oeuvre a une valeur historique.
Pierre
Breughel le Jeune.
Pierre (Pieter) Breughel le Jeune, fils
aîné du vieux Breughel, né à Bruxelles
en 1564, mort à Anvers en 1637 ou 1638. Comme
son père, mais d'une main moins sûre, il a peint des Diableries, des
chutes de mauvais anges, des tentations de saint
Antoine, des incendies dévorant des villages dans la nuit. II a dû au
caractère de ces inventions d'être surnommé Breughel d'Enfer.
A la mort du vieux Breughel, il avait à peine cinq ans, et il ne put être
son élève. Il se forma sous la discipline de Gilles van Conincxloo. Fixé
plus tard à Anvers, il fut reçu franc-maître de la gilde en 1585. Bien
qu'il ait eu du talent, il n'a jamais montré l'esprit original d'un inventeur.
ll a beaucoup copié ou imité les oeuvres de son père, telles que le
Massacre des Innocents et le Portement de Croix, dont on
connaît deux reproductions, l'une à Berlin
(1606), l'autre à Anvers (1607). Parmi ses oeuvres personnelles, on peut
citer au musée de Dresde un Enfer
(1596) et une Tentation de saint Antoine (1604).
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L'Adoration
des Mages, par Pieter Breughel le Jeune.
(Seconde
moitié du XVIe s., musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg).
Il a fait aussi beaucoup de paysanneries
où se retrouvent le style de son père et quelquefois ses colorations
puissantes. Bien que Pierre Breughel le Jeune n'ait pas le mérite d'avoir
créé le genre rustique, il s'y est montré fort habile. Il a laissé
un fils qui a porté le même prénom que lui et qui passe pour un excellent
portraitiste. Il était d'ailleurs à Anvers un maître écouté : plusieurs
élèves glorieux sont sortis de son école, entre autres la grand animalier
Frans Snyders, qui devait devenir l'ami et le
collaborateur de Rubens.
Breughel
de Velours.
Jean (Jan) Breughel, surnommé Breughel
de Velours, second fils du vieux Breughel, né à Bruxelles
en 1568, mort à Anvers le 13 janvier 1625.
Il fut l'élève de sa grand-mère, Marie de Bessemers, veuve de Pierre
Coucke. Elle peignait à la détrempe et
elle a pu enseigner à son petit-fils les délicatesses du miniaturiste.
Comme peintre à l'huile, Jean Breughel
eut pour maître Pierre Goekindt, qui était à la fois artiste et amateur
d'oeuvres d'art.
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Bouquet
de fleurs, par Jan Breughel l'Ancien (ca. 1603).
Pendant sa jeunesse, Breughel de Velours
fit un long voyage en Italie. Nous
savons, par une inscription que Mariette a relevée
sur un dessin, qu'il était à Rome
en 1593. II s'arrêta longtemps à Milan
où il fut accueilli avec la plus aimable bienveillance par le cardinal
Frédéric Borromée; le peintre et le prélat conservèrent de précieuses
relations. Cette liaison avec les Borromée explique la présence à la
bibliothèque Ambrosienne
de divers tableaux dont quelques-uns appartiennent à la première manière
de Jean Breughel. Une de ces peintures, le Christ dans la barque,
est de 1595. A son retour, il se fixa à Anvers;
en 1597, il fut reçu membre de la corporation des peintres, et en 1602
il devint doyen de la compagnie. Un peu plus tard, il était attaché au
service des archiducs, et il fut à ce titre exempté des droits de guet
et de garde, de même que des accises, que supportaient tous les bourgeois
d'Anvers (1610); il s'était d'ailleurs acquis dans le pays une situation
considérable; il eut pour amis et pour collaborateurs les artistes les
plus illustres. Rubens, qui a souvent travaillé
avec lui, fut le tuteur des enfants mineurs qu'il laissa à sa mort. Breughel
de Velours s'est essayé dans des genres très différents; mais il est
essentiellement paysagiste, et c'est par là qu'il a marqué dans l'histoire.
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Le
Paradis, par Jan Breughel l'Ancien (ca. 1620).
Plus jeune que Paul
Bril et que Tobie Verhaeght, il les continue dans l'idéal qu'ils avaient
mis à la mode; il a comme eux le culte des horizons bleuissants, mais
il dépasse ses prédécesseurs par l'habileté technique. Héritier des
anciens miniaturistes, il détaille le paysage
avec une patience sans égale; il est fin et précis sans tomber dans la
sécheresse calligraphique. II a été
de plus étrangement laborieux. Ses oeuvres innombrables sont répandues
dans tous les musées. Breughel a plus de cinquante tableaux à Madrid;
il en a plus de quarante à Munich; Dresde
en possède trente-trois. L'habile maître se retrouve à Pétersbourg,
à Milan, à Paris;
il est partout. La Bataille d'Arbelles, qu'on peut voir au Louvre,
est dans son oeuvre un tableau exceptionnel. Ses paysages d'une tonalité
bleuâtre servent de décor aux figures qui y ont été peintes par van
Balen, par Rottenhammer, par Rubens lui-même.
Pour bien connaître Breughel de Velours, il suffit d'avoir vu un exemplaire
d'un motif qu'il a traité plusieurs fois : Adam et Eve dans le paradis
terrestre. Le patient artiste dessine avec un soin merveilleux les
animaux épars sur le gazon les oiseaux perchés sur les branches, les
feuilles des arbres, les fleurettes et les brins d'herbe. Dans l'art de
la Flandre, Jean Breughel représente
l'infatigable conscience. Il a exercé sur son temps une action considérable
et il a enfanté toute une école. Bien que la mode ait depuis lors beaucoup
changé, il est juste de voir dans Breughel de Velours un des représentants
les plus fidèles de l'idéal flamand au début da XVIIe
siècle.
Jean
Breughel le Jeune.
De son premier mariage avec la fille de
Gérard de Jode, Breughel de Velours eut un fils qui fut peintre et qui,
en raison de la similitude du prénom, a longtemps été confondu avec
son père. Jean (Jan) Breughel le Jeune, né à Anvers
en 1601, est mort en 1678. Pendant la période d'apprentissage, il fit
le voyage d'Italie et s'arrêta
quelque temps à Milan où Breughel
de Velours avait laissé de si bons souvenirs. Revenu à Anvers et marié
avec la fille d'Abraham Janssens, il fut en 1630-1631 doyen de la corporation
des peintres. Comme son père, il peignit, en petit format, des fleurs,
des animaux, et surtout des paysages
dans lesquels d'illustres collaborateurs ne refusèrent pas d'introduire
des figurines. C'est surtout comme paysagiste que son talent peut être
étudié à Dresde, où se trouvent trois
tableaux de lui, datés de 1641 et de 1642. A Munich,
on lui attribue une petite Adoration des Mages peinte sur cuivre.
Le second Jean Breughel est un fidèle imitateur de son père, mais un
imitateur affaibli et déjà décoloré.
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Allégorie
de la peinture, par Jan Breughel le Jeune
(ca. 1620).
Ambroise
Breughel.
De son second mariage avec Catherine van
Marienburg, Breughel de Velours eut un autre fils, nommé Ambroise (Ambrosius),
né à Anvers en 1617 et mort le 9 février
1675. Trop jeune pour pouvoir être l'élève de son père, Ambroise dut
se borner à étudier ses oeuvres et il appliqua ses patientes méthodes
à la peinture des fleurs. En 1645, il fut
reçu maître dans la corporation des peintres, et, ainsi qu'on l'a remarqué,
cette affiliation tardive donne lieu de supposer qu'il avait fait un long
voyage hors des Flandres. Il fut
deux fois doyen de la gilde. Ambroise Breughel, qui manque au Louvre,
est un fleuriste de beaucoup de talent. Il avait hérité de la vertu paternelle,
c.-à -d. de la conscience graphique. Ses fleurs sont admirablement dessinées,
et elles ont aussi une grande fraîcheur de coloration. Ses oeuvres se
rencontrent plus fréquemment chez les amateurs que dans les musées.
Abraham
Breughel.
Abraham Breughel, peintre de fruits et
de fleurs, fils de Jean Breughel le Jeune et neveu d'Ambroise, né en 1631.
Il fut de bonne heure perdu pour la Flandre; il alla vivre en Italie
et Lanzi assure qu'il mourut à Naples
vers 1690. C'est lui qu'on avait surnommé Il Napolitano. On lui
attribue à la pinacothèque de Turin deux
bons tableaux
où se groupent des fleurs et des fruits.
L'une de ces peintures est datée de 1671. L'exécution en est encore savoureuse
et flamande. (Paul Mantz).
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Nature
morte avec pastèque, par Abraham Breughel
(ca.
1670, musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg).
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Sylvie
Girardet, Brueghel, RMN (document jeunesse), 2008. - Peintre
et dessinateur flamand du XVIe
siècle, il est célèbre pour ses paysages, ses tableaux religieux, ses
allégories et ses représentations de la vie paysanne. Il peint des scènes
idéalisées de la vie quotidienne, fruits d'une observation minutieuse.
A l'aide de Pictor et grâce aux jeux proposés, l'enfant apprend à regarder
les tableaux de Breughel.
Oeuvres
choisies de Brueghel le Vieux : Le Peintre et le connaisseur, Bruegel
le Vieux, Adoration des mages, La Tour de Babel, Les
deux singes, La Chute des anges rebelles, Jeux d'enfants,
Les Proverbes flamands, La Chute d'Icare, La Fenaison,
Le Trébuchet, Tête de paysanne, Le Repas de noce;
de Brueghel d'enfer : La Danse de noce; de Brueghel de Velours,
La Danse de noce. (couv.). |
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