| James Bruce est un voyageur né au manoir de Kinnaird, comté de Stirling (Écosse), le 14 décembre 1730, mort le 27 avril 1794. Il appartenait à une famille noble et ancienne et descendait même par les femmes des anciens rois d'Écosse. Il fut élevé à Harrow et destiné d'abord par sa famille au barreau, mais il préférait les exercices de la chasse et l'étude des beaux-arts. Son mariage avec la fille d'un négociant de Londres l'entraîna à se livrer au commerce; mais, ayant eu le malheur de perdre sa femme l'année même de son mariage, il chercha dans les voyages une diversion à son chagrin. Il visita d'abord l'Espagne et le Portugal. A Madrid, il voulut publier des manuscrits arabes de l'Escurial, mais le gouvernement espagnol s'y opposa. James Bruce revint à Londres en 1758. Il fit proposer au gouvernement anglais un plan d'expédition contre le Ferrol, en Espagne, mais ce plan ne fut pas agréé. Il allait se retirer en Écosse, dans ses terres, lorsque lord Halifax le poussa à entreprendre un voyage d'exploration aux sources du Nil et, pour lui en faciliter les moyens, le fit nommer consul à Alger en 1763. Après avoir étudié l'arabe et d'autres langues orientales, James Bruce commença à visiter le nord de l'Afrique. En 1765, il partit de Tunis et passa successivement à Tebessa, Constantine et Lambèse; de là, il se dirigea vers l'Est par le versant nord des monts Aurès, toucha de nouveau à Tebessa, descendit jusqu'à Tozer et Gabès, puis revint à Tunis par Sousse en longeant la côte. En 1766, Bruce reprit le même chemin jusqu'à Gabès, et poussa jusqu'à Tripoli où il s'embarqua pour la Cyrénaïque. Il visita ensuite la Crète, Rhodes, Chypre, la Syrie et la Palestine, et rapporta de Palmyre et de Baalbek de nombreux dessins qui furent déposés dans la bibliothèque royale de Kew. Ces premiers voyages, brièvement racontés par James Bruce lui-même dans l'introduction de son Voyage en Nubie et en Abyssinie, nous sont plus complètement connus par un ouvrage du colonel R.-L. Playfair : Travels in the footsteps of Bruce in Algeria and Tunis (Londres, 1877, in-4). Consul général d'Angleterre à Alger comme l'avait été Bruce, le colonel Playfair a parcouru le même itinéraire et, guidé par les manuscrits de Bruce que lui communiqua lady Thurlow, une de ses descendantes, il put reconstituer les voyages de son devancier. Ce fut en 1768 que James Bruce commença son principal voyage; il s'embarqua à Sidon (Saïda), le 15 juin, pour Alexandrie, et le 12 décembre, il partit du Caire sur le Nil qu'il remonta jusqu'à Syène (Assouan). Il se rendit par le désert jusqu'à Kosséir, sur la mer Rouge, la traversa et atteignit Djeddah en mai 1769. Après avoir parcouru quelque temps l'Arabie, il arriva le 19 septembre à Massaouah où les mauvaises dispositions du Naïb lui firent courir de grands dangers. Enfin, après avoir visité les ruines d'Axoum, il pénétra à Gondar, capitale de l'Abyssinie (15 février 1770). Bruce gagna les faveurs de la reine en guérissant plusieurs malades de son palais. Néanmoins, pour trouver plus de sécurité dans ce pays, il dut accepter du roi la place de commandant de la cavalerie noire; il fut nommé plus tard gouverneur du district de Ras et Feel. James Bruce eut à surmonter des obstacles de toutes sortes pour arriver à l'exécution de ses projets. Il dut prendre part avec le roi, à des expéditions contre des rebelles. A la fin, il obtint du roi le don du village de Guich et du terrain où se trouvaient, disait-on, les sources du Nil, et, avec l'appui d'un rebelle qui venait de se soumettre, il parvint au but de son voyage. Malheureusement, comme les missionnaires portugais Paéz et Lobo, comme le médecin français Poncet, il ne connut que le Nil d'Abyssinie, le Bah-rel-Azrek ou Abaï, appelé aussi Nil Bleu qui avait déjà été décrit par ses devanciers; il contesta cependant la sincérité de leurs descriptions et crut avoir découvert les véritables sources du Nil, donnant ainsi au plus court de ses deux bras une importance qu'il n'avait pas, puisqu'on devait reconnaître plus tard que le véritable Nil est le Nil Blanc ou Bahr-el-Abiad. De retour à Gondar, James Bruce dut encore prendre part, en sa qualité de commandant de la cavalerie, à des guerres contre les rebelles, mais sa santé s'affaiblissait. Le roi ne lui permit de partir qu'en lui faisant jurer de revenir; Bruce se tint pour dégagé de son serment par la mort du souverain. Il laissa l'Abyssinie au commencement de janvier 1772 et revint par Sennaar, où il faillit être victime de la perfidie du roi nubien. Ayant pu s'échapper, il gagna Chendi, sur le Nil; mais, pour traverser le désert de Nubie jusqu'à Syène, il eut à souffrir du manque de vivres et il fut retardé par la violence du simoun qui lui lit perdre ses chameaux et ses bagages. De Syène, il alla au Caire et enfin arriva en Europe. Il séjourna en France et en Italie, se lia avec Buffon et donna au Jardin du Roi, à Paris, des plantes rapportées d'Abyssinie et à la Bibliothèque royale un manuscrit des Prophéties d'Énoch. James Bruce revint en Angleterre en juin 1774, et peu après en Écosse. Sa famille le croyait mort et il dut remettre de l'ordre dans ses affaires. En 1776, il se remaria, mais devint veuf de nouveau en 1784; il avait eu trois enfants de ce mariage. Ce fut alors qu'il rédigea, d'après ses notes, la relation de ses principaux voyages. Quelques années après la première publication de ses voyages, ses amis l'engagèrent à en préparer une seconde édition, mais il mourut, avant de pouvoir la donner, des suites d'une chute qu'il fit dans son escalier. L'importance des explorations de James Bruce a été longtemps méconnue, et l'on a même douté de leur entière véracité, tant certaines des aventures qu'il raconte ont paru extraordinaires. Mais plusieurs voyageurs - Combes et Tamisier, Léon Delaborde (Revue française, 1838, VII, 424) - ont confirmé par la suite l'exactitude de ses récits. Malgré quelque inexpérience scientifique, les relations de Bruce ont contribué à faire mieux connaître la géographie et l'histoire naturelle d'un pays encore peu exploré (L'exploration de l'Afrique). (G. Regelsperger).
| En bibliothèque - L'ouvrage laissé par Bruce est intitulé Travels to discover the sources of the Nile, in the years 1768, 69, 70, 71 and 72 (Edimbourg, 1788, 5 vol. in-4). Une deuxième édition, plus complète et précédée de la vie de l'auteur par Salt, a été publiée par A. Murray (Londres, 1805, 7 vol. in-8 et atlas in-4; autres éditions : Édimbourg, 1813 et 1860). Une traduction française en a été faite par J. Castera : Voyage en Nubie et en Abyssinie entrepris pour découvrir les sources du Nil pendant les années 1768, 1769, 1770, 1771, 1772 et 1773 (Paris, 1790-1791, 5 vol. in-4 et 1 vol. cartes et fig., ou 10 vol. in-8). En outre, il en a été fait des traductions allemandes, ainsi que des abrégés en anglais, en français et en allemand. | | |