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Friedrich Eduard
Beneke est un des principaux philosophes
allemands du XIXe siècle, né
à Berlin le 17 février 1798, mort à Berlin
le 1er mars 1854. Au sortir du gymnase,
il prit part à la campagne de 1815, après quoi il étudia
la théologie
et la philosophie à Halle d'abord,
puis à Berlin. Il connut Fries et Schleiermacher,
étudia Garve, Platner, Kant, Jacobi,
se familiarisa avec la philosophie anglaise et écossaise
: autant d'influences dont sa propre doctrine
porte la trace. Il lut aussi Herbart avec passion,
mais seulement en 1821, alors qu'il avait déjà donné
sa note personnelle dans trois écrits, notamment dans Erfahrungsseelenlehre
als Grundlage alles Wissens (Berlin, 1820).
Herbart, d'ailleurs, semble avoir surtout
servi à lui faire prendre conscience
de sa propre pensée; car, loin d'admettre
la mathématique et la métaphysique
comme bases de la psychologie conjointement
avec l'expérience, Beneke réagit
vivement contre cette doctrine, s'attachant exclusivement
à l'expérience intérieure, dont il veut faire une
méthode scientifique de même valeur
pour la psychologie que l'expérience sensible pour les sciences
naturelles. Avec Herbart il professe que les « facultés de
l'âme » ne sont que des abstractions
réalisées, des noms sous lesquels on classe les phénomènes
psychologiques; mais il n'en prête pas moins une valeur réelle
à l'idée de faculté en général, et il
admet une diversité naturelle de pouvoirs psychiques. Sa tentative
personnelle est de ramener les faits de consciente
compliqués à un petit nombre de phénomènes
essentiels, de processus fondamentaux (Grundvorgänge,
Grundprocesse).
En 1822, étant privat-docent à
Berlin, à la suite de la publication de sa Physique des moeurs
« Grundleglengzur Physik (Naturlehre) der Sitten »,
il se vit retirer la Venia legendi, mesure qu'il attribua à
Hegel, lequel, en effet, était l'ami du
ministre, et n'aurait, dit-on, pu souffrir de voir s'implanter à
l'université de Berlin, à côté de sa propre
doctrine, une philosophie rivale inspirée de Schleiermacher
et de Fries. On alla jusqu'à empêcher
le gouvernement de la Saxe d'appeler Beneke comme professeur ordinaire.
C'est à Goettingen qu'il trouva asile. Il y enseigna de 1824 à
1827. Ayant enfin obtenu de revenir à Berlin comme docent, il y
fut après la mort de Hegel (1832), nommé professeur extraordinaire,
et dans cette même chaire. jusqu'à sa mort, déploya
une activité infatigable, jouissant d'une égale autorité
par son enseignement et par ses écrits.
Ces écrits sont, outre ceux qu'on
vient de nommer Erkenntnisslehre (Iéna, 1820), où
il affirme déjà contre Kant que les
prétendues formes a priori de la connaissance
proviennent de l'expérience aussi bien
que sa matière même; De veris philosophiae initiis
(Berlin, 1820), dissertation inaugurale, autre apologie de l'expérience
contre les tendances dialectiques et déductives,
apologie dans laquelle l'auteur soutient, contre Kant, que le sens intime
(qu'il ramène d'ailleurs à de simples associations) saisit
nos fonctions psychiques avec une pleine vérité,
et non pas seulement de la manière dont les sens
saisissent le monde extérieur; Neue Grundlegung zur Metaphyzik
(Berlin, 1822), petit écrit très estimé, où
il affirme que toute perception de nos activités
psychiques est la connaissance directe d'un être
en soi, et que de là seulement nous vient cette notion de l'être
en soi que nous étendons ensuite à nos semblables, aux animaux,
aux choses : position originale et nette prise entre l'idéalisme
subjectif et le réalisme peu philosophique
de sens commun, qui se figure que les sens
atteignent directement en dehors de nous des choses en soi; Schutzschrift
für meine Grundlegung zur Physik der Sitten (Leipzig, 1823); dans
cet écrit et dans celui dont il est la défense, Beneke, s'élevant
avec Jacobi contre le despotisme de l'impératif
catégorique de Kant, fonde la morale
sur le sentiment, et à la « liberté
transcendantale-» substitue un déterminisme
moral dans le goût de Herbart.
A quoi on ajoutera : Beiträge
zur [...] Bearbeitung der Seelenkrankheitskunde (Leipzig, 1824),
avec une lettre à Herbart sur la question de savoir "si la psychologie
doit être fondée métaphysiquement ou physiquement "
; Psychologische Skizzen (Göttingen, 1825-1827,2. vol.); Das
Verhältniss von Seele und Leib (ibid., 1826) : ouvrages où
toute sa psychologie est condensée; Traduction et exposé
critique du grand ouvrage de Bentham, Grundsätz
der Civil und Criminal Gesetzgebung (Berlin, 1830, 2 vol.); Kant
und die philosophische Aufgabe unserer Zeit (Berlin, 1832), écrit
pour le cinquantenaire de la Critique de la raison pure; Lehrbuch
der Logik als Kunstlehre des Denkens (Berlin, 1832, complété
par un deuxième volume en 1842); Lehrbuch der Psychologie als
Naturwissenschaft (Berlin, 1833; 2e édit. 1845, 3e 1861); c'est
le livre où sa doctrine psychologique revêt la forme la plus
systématique et la plus précise; Die Philosophie in ihren
Verhältniss zur Erfahrung, zur Speculation und zum Leben (Berlin;
1833); Erziehungs und Unterrichtslehre (Berlin, 1833-36, 2 vol.;
2° édit. 1842 ; 3°, 1864); ouvrage qui étendit grandement
et dans un cercle nouveau la réputation de l'auteur; c'est une application
minutieuse de sa psychologie à l'éducation, une des meilleures
tentatives qu'on ait faites jusque là pour fonder scientifiquement
.la pédagogie; Grundlinien des natürlichen Systems der praktischen
Philosophie (Berlin, 1837-40, 3 vol.); System der Metaphysik und
Religions philosophie (Berlin, 1840), où la religion est considérée
non dans son objet, mais comme fait psychique; Pragmatische Psychologie,
Oder Seeleniehre in der Anwendung auf das Leben (Berlin, 1850, 2 vol.);
Archiv für die pragmatische Psychologie (Berlin, 1851-53,
3 vol.). Sans compter des publications de moindre importance, comme Nos
Universités et leurs besoins (Berlin, 1836); la Réforme
et la Situation de nos écoles (Berlin, 1848) etc.
(H. Marion). |
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