| Pierre Belon est un naturaliste et voyageur né vers 1517 à la Soultière, près du Mans (Sarthe), mort en 1564 (La Renaissance). Grâce à la protection de René du Bellay, évêque du Mans, il pût de bonne heure se livrer à l'étude de l'histoire naturelle pour laquelle il avait, dès sa jeunesse, montré un irrésistible penchant. C'est à René du Bellay qu'il dut de pouvoir aller étudier la médecine à Paris et s'y faire recevoir docteur. Pourvu de ce grade, il alla, en 1540, étudier à Wittemberg et il y devint le disciple favori de Valérius Cordus, botaniste éminent, qui l'emmena avec lui dans un voyage d'étude à travers l'Allemagne. Belon puisa dans l'enseignement pratique de Valérius Cordus l'esprit de rigueur, de méthode et de comparaison dont il a su tirer un si grand profit pour ses recherches personnelles. On raconte qu'en rentrant en France, il fut arrêté à Thionville par les Espagnols et emprisonné comme suspect d'hérésie. Il dut sa liberté à un gentilhomme nommé Dehamme, grand admirateur de Ronsard, qui paya sa rançon eu égard aux relations amicales du poète vendômois et de Pierre Belon. De retour à Paris, Belon sut acquérir les faveurs de Guillaume Duprat, évêque de Clermont, du cardinal de Lorraine et du cardinal de Tournon. Ce dernier lui fit donner un logement à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés et lui fournit les moyens d'entreprendre le voyage qu'il projetait, depuis longtemps. Belon quitta la France au commencement de 1546 et visita successivement la Grèce, la Crète, Constantinople, Lemnos, la Thrace, la Macédoine; l'Asie Mineure, Chio, Samos, Rhodes, l'Égypte, la Palestine et la Syrie, Pendant ce voyage qui dura trois ans, il recueillit de nombreuses et intéressantes observations qu'il s'empressa, à son retour en France (1549), de mettre en ordre, de rédiger et de publier. Son premier ouvrage est l'Histoire naturelle des étranges poissons marins, avec leurs pourtraicts gravés en bois; plus, la vraie peinture et description du Dauphin et de plusieurs autres rares de son espèce (Paris, 1551; in-4). Il y donne pour la première fois la représentation d'un certain nombre de poissons (et de cétacés), parmi lesquels : l'Esturgeon, le Thon, le Malarmet, le Dauphin et aussi l'Hippopotame d'après une sculpture égyptienne (L'Art dans l'Égypte ancienne). On peut certainement considérer cet ouvrage comme le plus ancien livre d'anatomie comparée, Belon; en effet, y compare les parties intérieures du Marsouin et celles du Dauphin. Il y montre que l'anatomie du cerveau du Dauphin correspond parfaitement avec celle du cerveau de l'humain, et qu'il n'y « a point de différence dans la description de la matrice du Dauphin et celle de l'Oudre ou Orca ». De même, en donnant la figure de l'embryon du Marsouin, Belon émet la première idée de l'embryologie. En 1553 Belon publia plusieurs ouvrages d'une importance considérable par les faits qu'ils renferment et les idées qui en ont inspiré le plan. C'est d'abord les Observations de plusieurs singularitez et choses mémorables trouvées en Grèce, Judée, Égypte, Arabie et autres pays étranges, rédigées en trois livres (Paris, 1553, 1554, 1555, 1558; Anvers, Plantin, 1555, in-8; traduit en latin par Ch. de l'Ecluse, Anvers, 1559, in-8), dans lequel il donne de curieux détails ethnographiques sur les habitants de l'Égypte, des renseignements géographiques très exacts et les descriptions d'animaux et de plantes accompagnées de gravures sur bois. Il y figure pour la première fois, parmi les animaux : la Civette, l'lchneumon, le Caméléon, le Crocodile, le Sacre d'Égypte, l'ibis noir, etc.; et parmi les plantes : le Platane, l'Apios, le Cotylédon, le Séné d'Alexandrie, l'Acacia, etc. Vient ensuite un second ouvrage : Petri Bellonii Cenomani de aquatilibus duo, cum eiconibus ad vivam ipsorum effigiem quoad ejus fieri potuit; ad amplissimum cardinalem Castilioneum (Paris, Ch. Étienne, 1553, in-8 oblong; réimprimé à Zurich par Froschover en 1558 dans l'Historia animalium de Gessner). Belon donna en 1555 trois éditions ou rééditions successives en français de cet ouvrage, avec changements, sous les titres suivants 1° La Nature et diversités des poissons, avec leurs pourtraicts représentés au plus près du naturel (Paris, 1555, in-8); 2° De la Nature et, diversité des poissons traitant de leur nature et propriétés, avec leurs descriptions et naïfs pourtraicts, en sept livres (Paris, 1555, in,-fol.); 3° L'Histoire des poissons traitant de leur nature et propriétés, avec les pourtraicts d'iceux (Paris, 1555, in-4), en latin et en français. Dans ce traité sur les poissons, se trouvent réellement les bases de l'ichtyologie moderne. En appuyant sa classification sur l'anatomie des organes thoraciques et abdominaux de ces animaux, Belon ouvrait une nouvelle voie à l'étude du vivant. Beaucoup de ses observations ont été reconnues exactes par les recherches ultérieures. C'est, en outre, dans ce même travail que, longtemps avant Linné, Belon établissait le principe de la nomenclature binaire (L'histoire de la zoologie). L'ouvrage est enrichi de 110 figures d'espèces rares et les noms y sont indiqués en latin, grec, français, illyrien, grec moderne, arabe et turc. En cette même année 1553 il publia encore : 1° De Arboribus coniferis, resiniferis, aliisque sempiterna fronde virentibus, cum earumdem iconibus ad vivum expressis; item de melle cedrino, cedria, agarico, resinis et iis quae ex coniferis proficiscuntur (Paris, 1553, in-4, avec figures sur bois); 2° De admirabili operum antiquorum et rerum suspiciendarum Praestantia liber, quo de Aegyptiis pyramidibus, de obeliscis, de labyrinthis sepulchra libus, et de antiquorum sepulturis agitur, etc. (Paris, 1555, in-4, inséré dans le huitième vol. des Antiquités grecques de Gronovius), dans lequel il indique les substances employées par les anciens Égyptiens pour conserver les cadavres (Religion égyptienne). Enfin en 1555, Belon publia son Histoire de la nature des Oyseaux, avec leurs descriptions et naïfs pourtraicts, retirez du naturel, escrite en sept livres (Paris, 1555, in-fol.), ouvrage dans lequel il s'est surtout révélé comme un observateur sagace et un penseur profond. Dans le premier livre de ce traité, il pose les bases de la méthode comparative et ne craint pas de mettre en parallèle le squelette de l'humain et celui de l'oiseau. « L'on trouve, dit-il, quasi mêmes os en les ailes des oyseaux qu'ès bras des hommes ou ès jambes de devant des animaux à quatre pieds [...]. Tout ainsi qu'on dit la main estre le bout du bras, ainsi il y a six osselets qui font le bout de l'aile. » Le sens élevé de cette comparaison, l'immense portée qu'elle a acquise entre les mains des naturalistes modernes, l'audace de l'avoir exprimée dès le milieu du XVIe siècle, sont certainement pour Belon le titre le plus glorieux à l'admiration et à la reconnaissance de tous les savants. Deux cents ans avant Geoffroy-Saint-Hilaire, il pressentait l'unité de composition et montrait en quelque sorte combien était féconde cette idée dans l'étude comparée des êtres. Dans un dernier ouvrage intitulé : Remontrances sur le défaut du labour et culture des plantes, et de la reconnaissance d'icelles, contenant la manière d'affranchir les arbres sauvages (Paris, 1558, in-8, traduit en latin par Ch. de l'Ecluse, sous le titre : Neglecta stirpium cultura, etc., Anvers, Plantin, 1559, in-8, puis réuni aux Observations, avec le portrait de Belon, édition latine, Anvers, 1605, in-fol.); Belon invitait les médecins de Paris à fonder un jardin pour l'éducation des plantes. En 1556, sur la recommandation de ses protecteurs, Henri II lui fit délivrer une pension. Charles IX lui accorda un logement au château de Madrid au bois de Boulogne. Là Belon entreprit une traduction avec commentaire des oeuvres de Dioscoride et de Théophraste. Il n'eut pas le temps de terminer ce travail, il fut assassiné un soir, sur la route de Paris, à l'âge de quarante-sept ans environ. (P. M.). | |