|
Remy
Belleau est un poète
de la Pléiade, né à Nogent-le-Rotrou
vers 1527, mort dans les premiers jours de mars 1577. Les détails
manquent sur la vie de ce poète. L'abbé de Mureaux, Chretophle
de Choiseul, lui
procura les ressources nécessaires pour qu'il put rester à
Paris. Ronsard le mit en rapports avec le cardinal
de Lorraine. Belleau fut protégé particulièrement
par le frère du cardinal René, marquis d'Elbeuf, général
des galères, qu'il suivit en Italie lors de l'expédition
de 1557 et qui le nomma professeur et gouverneur de son fils Charles de
Lorraine, par la suites duc d'Elbeuf et grand écuyer de France.
Il vécut tantôt au château
de Joinville, tantôt à l'hôtel de Guise à Paris
et fut longtemps malade. On l'enterra dans le choeur de l'église
des Vieux-Augustins. Ronsard, Baïf, Desportes
et Amadis Jamin portèrent son cercueil sur leurs épaules.
-
Avril
« Avril, l'honneur
et des bois
Et des mois,
Avril, la doulce
esperance
Des fruicts qui
sous le coton
Du bouton,
Nourrissent leur
jeune enfance...
Avril, c'est ta douce
main
Qui du sein
De la nature, desserre
Une moisson de senteurs
Et de fleurs,
Embasmant l'air
et la terre...
Avril, la grace et
le ris
De Cypris [ = Vénus],
Le flair et la douce
haleine;
Avril, le parfum
des dieux
Qui des cieux
Sentent l'odeur
de la plaine.
C'est toy, courtois
et gentil,
Qui d'exil
Retires ces passageres,
Ces arondelles [=
hirondelles] qui vont,
Et qui sont
Du printemps les
messageres.
L'aubespine et l'aiglantin
Et le thyn,
L"oeillet, le lis
et les roses,
En ceste belle saison,
A foison
Monstrent leurs
robes escloses...
May vantera ses fraischeurs,
Ses fruicts meurs
[ = mûrs]
Et sa feconde rosee,
La manne et le sucre
doux,
Le miel roux
Dont sa grace est
arrosee.
Mais moy je donne
ma voix
A ce mois
Qui prend le surnom
de celle [Vénus]
Qui de l'escumeuse
mer
Veit germer
Sa naissance maternelle.
»
(R.
Belleau, extrait de La Bergerie).
|
Belleau a eu, de
son vivant, une grande réputation. Les témoignages contemporains
abondent. Ronsard l'appelle un "excellent poète français"
et "le peintre de la nature". L'Estoile le nomme "un des doctes
et gentils poètes de nostre temps". Ses poésies ont beaucoup
de grâce et de vivacité; il n'est pas obscur et alambiqué
comme la plupart des membres de la pléiade; son style est très
brillant. Un certain nombre de pièces, les chansons notamment, sont
assez licencieuses dans le goût du siècle. L'Estoile cite
même un poème intitulé : Jean qui ne peult,
qu'il qualifie de "vilain et lassif et mal sonnant aux aureilles chrestiennes"...
Remy Belleau a écrit
: la Bergerie, divisée en une première et une seconde
journée (Paris, 1572, in-8); diverses pièces de circonstance
publiées de 1559 à 1561; les Amours et nouveaus échanges
de pierres précieuses, vertus et proprietez d'icelles (Paris,
1576, in-4); la Reconnue, comédie (Paris, 1577, in-8); une
pièce en style macaronique Dictamen metrificum de bello huguenotico
et reistrorum piglamine ad sodales (Paris, s. d., in-4); une traduction
en vers des Odes
d'Anacréon
(Paris, 1556, in-8); une traduction en vers de l'Ecclésiaste,
du Cantique des cantiques
(publiée en 1576 avec les pierres précieuses); une traduction
en vers des Phénomènes
d'Aratus.
-
La pierre
aqueuse
« C'estoit
une belle brune
Filant au clair
de la lune
Qui laissa choir
son fuzeau
Sur le bord d'une
fontaine
Mais courant après
sa laine,
Plonge la teste
dans l'eau,
Et se noya, la pauvrette!
Car a sa voix trop
foiblette
Nul son desastre
sentit ;
Puis assez loin
ses compagnes
Parmi les verdes
campagnes
Gardoyent leur troupeau
petit.
Ha! vous, nymphes
fontanieres,
Trop ingrates et
trop fieres
Qui ne vinstes au
secours
De ceste jeune bergere
Qui faisant la mesnagere
Noya le fil de ses
jours.
Mais en souvenance
bonne
De la bergere mignonne,
Esmeus de pitié,
les Dieux
En ces pierres blanchissantes
De larmes tousjours
coulantes
Changent l'esmail
de ses yeux. »
(R.
Belleau, extrait des Pierres précieuses).
|
Voici les principales
éditions anciennes qu'on a données des oeuvres de Belleau
: les Oeuvres poétiques (Paris, 1578, 2 vol. in-12; Lyon,
1592, 2 vol. in-12; Rouen, 1604, 2 vol. in-12); Oeuvres complètes,
publ. par A. Gouverneur (Paris, 1867, 3 vol. in-12) ; Oeuvres poétiques,
publ. par Ch. Marty-Laveaux (Paris, 1879, 2 vol. in-8) dans la collection
de la Pléiade françoise. (R. S.). |
|