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Barbey d'Aurevilly

Jules Amédée Barbey d'Aurevilly est un écrivain français, né à Saint-Sauveur-le-Vicomte (Manche), le 2 novembre 1808, et mort à Paris le  23 avril 1889. Bien qu'il ait dédié à Casimir Delavigne, sous le seul nom de Jules Barbey, lorsqu'il avait dix-sept ans à peine, une première élégie : Aux héros des Thermopyles (1825), et qu'il ait donné depuis, dans l'unique numéro d'une Revue de Caen (1832), une nouvelle non réimprimée, Léa, les véritables débuts de Barbey d'Aurevilly datent de 1841 et de son premier roman, l'Amour impossible; en même temps il collaborait au Journal des Débats sur la recommandation de Chateaubriand et à un journal ministériel, le Nouvelliste. Deux autres publications faites à petit nombre et par les soins d'un ami, Trébutien, la Bague d'Annibal (1843), sorte de poème en prose, renfermant de nombreuses allusions autobiographiques, et Du Dandysme et de G. Brummell (1845), biographie d'un fat célèbre, avaient attiré l'attention d'un petit nombre de lettrés, lorsqu'il mit au jour un nouveau roman Une Vieille Maîtresse (1851, 3 volumes), dont quelques passages, atténués dans les éditions subséquentes, provoquèrent de vives accusations d'immoralité et qui fut suivi d'une série d'études philosophiques : les Prophètes du passé (1851), où l'auteur se plaçait au premier rang des champions du catholicisme militant.

A la même époque, il était chargé au Pays de la critique littéraire. En 1854, il publia l'Ensorcelée (2 volumes), épisode de la chouannerie normande, son chef-d'oeuvre et l'un des plus beaux romans du XIXe siècle, auquel il a donné pour pendant, quelques années plus tard, un autre épisode emprunté aux mêmes luttes : le Chevalier Destouches (1864). Un Prêtre marié (1864, 2 volumes), Une histoire sans nom (1882), Ce qui ne meurt pas (1884), ont attesté, quoiqu'à des degrés moindres, sa rare puissance d'écrivain. Un recueil de nouvelles, les Diaboliques (1874), n'échappa aux poursuites que grâce à une suppression opérée par l'éditeur lui-même; mais ces nouvelles ont reparu  en 1883 sous le même titre et sans encombre, une plaquette sans titre (Caen, 1854), renfermant douze pièces de vers, Memorandum (Caen, 1856), journal d'un séjour dans cette ville, Deux Rythmes oubliés (Caen, 1858), et le Pacha, (Caen, 1869), fragments d'un volume de poèmes en prose qui n'a pas paru, ont dû de voir le jour à l'amitié de Trébutien et complètent l'oeuvre personnelle de Barbey d'Aurevilly. 
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La lande de Lessay

« Qui ne sait le charme des landes?... II n'y a peut-être que les paysages maritimes, la mer et ses grèves, qui aient un caractère aussi expressif et qui vous émeuvent davantage. Elles sont comme les lambeaux, laissés sur le sol, d'une poésie primitive et sauvage que la main et la herse de l'homme ont déchirée. Haillons sacrés qui disparaîtront au premier jour sous le souffle de l'industrialisme moderne, car notre époque, grossièrement matérialiste et utilitaire, a pour prétention de faire disparaître toute espèce de friche et de broussailles aussi bien du globe que de l'âme humaine. Asservie aux idées de rapport, la société, cette vieille ménagère qui n'a plus de jeune que ses besoins et qui radote de ses lumières, ne comprend pas plus les divines ignorances de l'esprit, cette poésie de l'âme, qu'elle veut échanger contre de malheureuses connaissances toujours incomplètes, qu'elle n'admet la poésie des yeux, cachée et visible sous l'apparente inutilité des choses...

C'était cette double poésie de l'inculture du sol et de l'ignorance de ceux qui la hantaient qu'on retrouvait encore, il y a quelques années, dans la sauvage et fameuse lande de Lessay. Ceux qui sont passés alors pourraient l'attester. Placé entre la Haie-du-Puits et Coutances, ce désert normand, où l'on ne rencontrait ni arbres, ni maisons, ni haies, ni traces d'hommes ou de bêtes que celles du passant et du troupeau du matin dans la poussière, s'il faisait sec, ou dans l'argile détrempée du sentier, s'il avait plu, déployait une grandeur de solitude et de tristesse désolée qu'il n'était pas facile d'oublier. La lande, disait-on, avait sept lieues de tour. Ce qui est certain, c'est que pour la traverser, en droite ligne, il fallait à un homme à cheval, et, bien monté, plus d'une couple d'heures. Dans l'opinion de tout le pays, c'était un passage redoutable. Quand, de Saint-Tonnerre-le-Vicomte, cette bourgade jolie comme un village d'Écosse et qui a vu Du Guesclin défendre son donjon contre les Anglais, ou du littoral de la presqu'île, on avait affaire à Coutances et que, pour arriver plus vite, on voulait prendre la traverse, car la route départementale et les voitures publiques n'étaient pas de ce côté, on s'associait plusieurs pour passer la terrible lande; et c'était si bien un usage, qu'on citait longtemps comme des téméraires, dans les paroisses, les hommes, en très petit nombre, il est vrai, qui avaient passé seuls à Lessay de nuit ou de jour. »
 

(J. Barbey d'Aurevilly, L'Ensorcelée).

La plupart des articles de critique fournis au Pays, au Réveil (1858), au Constitutionnel, au Nain jaune, etc., ont été rassemblés dans les OEuvres et les hommes (1861-1865, 4 volumes); les Misérables de M. Victor Hugo (1862); les Quarante Médaillons de l'Académie française (1863); les Bas-Bleus (1877); Goethe et Diderot (1880); les Critiques ou les Juges jugés (1885); Sensations d'art (1886); les Philosophes et les Écrivains religieux (1887). Les Vieilles Actrices, le Musée des Antiques (1884) et les Ridicules du Temps (1884), sont la réunion des portraits satiriques et d'études de moeurs dont la Veilleuse et le Nain jaune avaient eu la primeur.

Il n'y a aucune exagération à dire que Barbey d'Aurevilly tient une place à part dans la littérature de son temps. Il est de la famille de ces écrivains puissants et solitaires qui provoquent l'admiration ou l'antipathie, mais qui ne fondent pas d'école parce qu'en pareil cas tout imitateur est forcément un parodiste. Critique ou romancier, il a toujours subordonné à des convictions un peu tapageuses ses jugements souvent amers ou cruels, toujours originaux ou brillants et ses inspirations personnelles les plus hardies. Ces convictions lui ont également permis de braver, selon ses propres expressions, «-les viles décences » dont a parlé Rousseau et que « le catholicisme ne connaît pas-», car ces audaces ont pour but de « terroriser le vice »; mais ce serait se méprendre que de le confondre avec la tourbe des pornographes en vogue à l'époque. 

La part faite à quelques écarts d'imagination, Barbey d'Aurevilly est, avant tout, comme l'a dit Paul Bourget, un esprit martial et il n'a jamais été plus maître de son talent que lorsqu'il a rait revivre en d'admirables pages les superstitions de la vieille lande normande (l'Ensorcelée), ou les exploits invraisemblables d'un aventurier royaliste (le Chevalier Destouches).  (Maurice Tourneux).

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