| Azara (Don José Nicolas de), homme d'État espagnol (L'Espagne au XVIIIe siècle) et protecteur des lettres et des arts. Né à Barbunalès (Aragon) en 1731, il fit de bonnes études, mais montra surtout du goût pour les beaux-arts et débuta en 1765, dans la carrière diplomatique, comme un des agents du roi d'Espagne près la cour pontificale. Il eut une part considérable à toutes les négociations qui eurent lieu alors entre l'Espagne et la papauté, notamment à celles relatives à l'expulsion des Jésuites; c'est lui qui dirigea presque toutes choses sous le nom des ambassadeurs Florida-Blanca et Grimaldi et, quand celui-ci fut mort, il fut appelé à le remplacer. En même temps qu'il remplissait ces fonctions importantes avec une grande habileté, il se liait avec tout ce que Rome contenait alors d'hommes distingués : cardinaux, hommes de lettres, artistes, Bernis, Winckelmann, d'Agincourt, Visconti, Canova, Angelico Kaufmann et Raphael Mengs. Il était depuis longtemps l'ami intime de ce dernier, lui avait obtenu le maintien de la pension que loi faisait le roi d'Espagne; plus tard quand Raphael Mengs mourut, il fit imprimer une magnifique édition de son oeuvre et se montra comme un père pour la famille qu'avait laissée le grand artiste. Azara a formé de magnifiques collections de statues et de tableaux, et fit faire des fouilles sur plusieurs points de l'Italie, notamment à Tivoli dans la villa des Pisani. Il se montra en un mot protecteur éclairé des lettres et des arts, faisant obtenir des commandes ou rendant accessibles les bibliothèques et les musées. Il publia lui-même, outre les ouvrages de Mengs précédés d'une notice, Parme, 1780, 2 vol. in-4, une traduction du livre de Bowles sous le titre : Introduccion a la historia natural y a la geografia fisica de España, qui a obtenu trois éditions; la troisième est de Madrid, 1789, petit in-4, et une traduction très élégante du livre de Middleton sur la vie de Cicéron, Historia de la vida de Marco Tulio Ciceron, deux éditions, la première de Madrid, 1790, 4 vol. in-4; la deuxième de 1804, ibid., 4 vol. in-4, avec gravures d'après les statues antiques. Dans les temps troublés qui suivirent la Révolution de 1789, Nicolas de Azara dut consacrer tout son temps et ses efforts aux choses politiques; il se montra très dévoué à Pie VI, à qui il donna toujours d'utiles conseils. Il était auprès de lui quand l'attentat commis par les gardes pontificaux sur le général Duphot vint rendre très difficiles les rapports entre le Directoire et la cour de Rome. Ami de Berthier, qui vint avec une armée pour tirer vengeance de ce crime, il intercéda auprès de lui en faveur du pape, et, honoré de toute la confiance du général français, il alla porter ses conditions au pape; mais quelque temps après, il reçut ordre de quitter Rome; il y était demeuré plus de trente ans et avait réuni de superbes collections et un mobilier magnifique qu'il emporta avec lui. Il passa par Sienne où il assista aux derniers instants du pape, puis reçut à Florence sa nomination comme ambassadeur à Paris, mars 1798. C'était alors le poste le plus important et le plus difficile que pût occuper un diplomate espagnol. Nicolas de Azara, qui avait de nombreux amis en France et dont la réputation l'avait précédé à Paris, fut très bien reçu par le Directoire et fit, à l'occasion de sa réception, une harangue très élogieuse. Il put même renouer pour le compte du Portugal les négociations pour la paix, qui avaient été brusquement interrompues, mais les fausses démarches de cette cour et la fourberie du ministre Pinto le firent échouer dans son entreprise; d'ailleurs, après lui avoir donné des pouvoirs pour traiter, on les lui avait retirés. Le Directoire tenait Azara en telle estime qu'il demanda instamment à Charles IV de le prendre pour secrétaire d'État, espérant que sous sa. direction l'Espagne serait une plus sûre alliée de la France. Cette demande ne fut pas accueillie à la cour de Madrid. Quelque temps plus tard, les Directeurs demandèrent à Azara de vouloir bien rédiger la note, adressée aux puissances d'Europe pour leur dénoncer l'attentat commis par des hussards autrichiens sur la personne des plénipotentiaires français à Radstadt. Azara le fit, mais l'influence dont il jouissait en France le rendit suspect au ministre espagnol Urquijo, dont il était du reste l'ennemi personnel, et il fut rappelé. Les directeurs voulaient insister pour son maintien, mais il refusa leur intervention et, après avoir serré la main de son ami Bonaparte revenant d'Égypte, il quitta la France (1799). Il vécut la plupart du temps à Barcelone et à Barbunalès, puis fit un court voyage à Aranjuez où il fut très bien reçu par le roi et le prince de la Paix (Godoy). En 1801 il fut de nouveau appelé à l'ambassade de Paris. Le premier consul et les ministres se montrèrent très heureux de son retour et il prit une part active aux négociations du traité d'Amiens. Mais dès ce moment il éprouva de grandes difficultés à maintenir la paix entre son gouvernement et le premier consul. En 1803 la politique tortueuse de l'Espagne rendit cette tache très pénible et Azara demanda instamment d'être relevé de ses fonctions. Des intrigues de cour contribuèrent à amener cette solution et, le 19 novembre 1803, il fut remplacé. On lui garda son titre de conseiller d'État et les avantages et honneurs attachés à sa charge. Peu après il tomba malade; Bonaparte vint le voir à son lit de mort, car il ne survécut que quelques jours, 26 janvier 1804. Cette mort causa une profonde impression et à Paris et en Espagne, où Azara était très estimé pour ses manières, son esprit, sa bienveillance et sa libéralité. Il laissa au roi par son testament une magnifique collection de statues de marbre qui est aujourd'hui une des principales richesses du musée du Prado à Madrid; ses peintures, tableaux et livres, au nombre de plus de vingt mille, passèrent à son héritier, Azara marquis de Nibbiano. (E. Cat). | |