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Histoire d'Athènes dans l'Antiquité |
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L'histoire politique
d'Athènes dans l'Antiquité se confond presque au premier
abord avec celle des Grecs, ou du
moins de l'Hellade : la glorieuse cité
a jeté tant d'éclat sur son peuple qu'il semble difficile
de trouver des événements de l'histoire athénienne
qui n'aient pas leur place dans l'histoire générale de la
Grèce. Il y a cependant une histoire particulière d'Athènes.
C'est elle que l'on exposera ici. Cette histoire présente une remarquable
unité : d'un bout à l'autre le fond de la population est
resté le même. L'Attique est,
en effet, un pays relativement peu fertile et peu praticable, situé
en dehors de la route des invasions. Dans la plaine du Céphise,
la plaine centrale de l'Attique et la plus vaste, près du meilleur
port de la presqu'île, l'inexpugnable rocher de l'Acropole
fut de bonne heure le centre politique de cette région. Peu de temps
après le groupement des villages en douze villes, groupement auquel
se rattache le nom de Cécrops, Athènes
prit la prépondérance.
Les premiers siècles
d'Athènes.
Codrus aurait été le dernier des rois d'Athènes. Cette légende n'est guère soutenable, nous trouvons encore des rois à Athènes au VIIIe siècle; le dernier fut Alcméon, détrôné en 752 : on lui substitua son frère Charops, mais les familles des Eupatrides, c.-à-d. la noblesse dirigeante essentiellement formée par les grands propriétaires fonciers, substituèrent à la royauté l'archontat décennal; le roi fut absorbé dans sa famille : les Eupatrides élisaient, tous les dix ans, un descendant de Codrus, chargé d'exercer le pouvoir royal. La légende qui veut qu'ils aient annihilé l'autorité royale dès la mort de Codrus considère comme archontes à vie les rois qui suivirent celui-ci. Au milieu du VIIIe siècle s'établit donc à Athènes, comme dans les autres cités grecques, la domination des Eupatrides. Ils formaient la classe sociale prépondérante : au-dessous venaient les Géomores, petits propriétaires, fermiers, etc., puis les démiurges, ouvriers agricoles; enfin les esclaves, encore peu nombreux. La division régionale subsistait, on distinguait quatre tribus ou phyles : Géléontes dans la plaine d'Athènes, Hoplètes dans celle de Marathon; Argadiens dans celle d'Eleusis; AEgicores dans les cantons montagneux du Parnès, au cap Sunium; chaque tribu comprenait trois phratries, réunies par la communauté de culte, et chaque phratrie trente familles ou groupes de familles (gentes). Les chefs de ces 360 gentes devaient former une sorte de grand conseil : il est probable aussi que l'Aréopage exerçait, dès ce moment, de grands pouvoirs judiciaires. Les Eupatrides accrurent encore leur puissance en achevant de démanteler l'ancien pouvoir royal. En 712 ils déclaraient qu'on pourrait choisir l'archonte décennal dans n'importe quelle famille; en 683 l'archontat devint annuel et ses attributions furent réparties entre neuf personnes. Dracon
et Cylon.
Solon
et son oeuvre.
Le premier résultat des réformes de Solon fut la formation de nouveaux partis. Tandis que les Eupatrides et avec eux les Pédiéens suivaient Miltiade (de famille Philaïde) et l'intransigeant Lycurgue, les Alcméonides prenaient la direction des Paraliens; leur alliance avec les tyrans de Sicyone par le mariage de Mégaclès le jeune avec la fille de Clisthène augmentait considérablement leurs richesses et leurs moyens d'action. Ils étaient en relations avec la Lydie et avec Delphes. Les Diacriens démocrates se rallièrent à Pisistrate, jeune noble d'origine Nélide qui s'était signalé par ses victoires sur les Mégariens et la prise de Nisaea. Aux élections de 560 il eut la majorité au Sénat et se fit donner un garde et occupa l'Acropole. Miltiade s'en alla conquérir la Chersonèse de Thrace. Les Alcméonides et Lycurgue s'exilèrent; mais bientôt ils s'allièrent et Pisistrate dut s'éloigner à son tour. Il se rapprocha de Mégaclès et put rentrer (550), mais une rupture survint bientôt et provoqua une nouvelle expulsion du tyran. Au bout de dix ans, il reparut, aidé par les Thébains et le tyran de Naxos Lygdamis, et la victoire de Pallène lui rouvrit les portes d'Athènes. Les
Pisistratides. Clisthène.
Après sa mort (527) Hippias, son fils aîné, lui succéda, assisté de son frère, le doux Hipparque, qui s'occupait, de l'administration. Les Pisistratides virent la chute de Lygdamis (524) et de Polycrate (522), les alliés de leur père, mais ils paraissaient très forts, avec l'alliance de Sparte, l'ennemi acharné des tyrans. Ils commirent pourtant un crime inutile, l'assassinat de Cimon le Philaïde, père de Miltiade l'ancien et oncle du célèbre Miltiade (523). Une querelle avec la vieille famille de Géphyréens provoqua le complot d'Harmodius et d'Aristigiton et l'assassinat d'Hipparque. Hippias gouverna désormais si durement qu'il inspira à tous l'horreur de sa tyrannie. Les Alcméonides, par la part prise à la reconstruction du temple de Delphes (533-515), avaient acquis des titres à la reconnaissance de l'oracle. Lorsqu'en 513 leur chef Clisthène se fut établi au coeur de l'Attique, à Leipsydrion, la Pythie ordonna aux Spartiates de délivrer Athènes de son tyran. La première armée spartiate fut battue (511); le roi Cléomène en ramena une seconde, vainquit Hippias à Pallène et le bloqua dans l'Acropole. Il laissa aux Athéniens le droit d'en finir, après avoir eu soin de leur mettre sur les bras une querelle avec Thèbes (en les chargeant de protéger Platées). Le tyran se retira sur l'Hellespont avec ses trésors (510). La chute des Pisistratides remit en présence les partis qu'ils avaient comprimés, la noblesse dirigée par Isagoras, et les Alcméonides qui se mirent à la tête du mouvement démocratique. Clisthène accomplit dès l'année 509 de profondes réformes qui modifiaient la constitution de Solon et la rendaient nettement démocratique; aux quatre phyles ou tribus ethniques ou régionales, conservées par Solon, il substitua une division en dix tribus, simples unités administratives, divisées en cent dêmes ou cantons : le système des naucraries fut aussi remanié. Le Sénat de 500 membres fut élu par les tribus et toute la vie potitique s'exerça dans les nouveaux cadres. Pour la désignation aux magistratures le tirage au sort remplaça l'élection (il semble du moins que cette réforme remonte à l'époque de Clisthène). Le nombre des citoyens fut augmenté par des naturalisations de métèques (étrangers ou affranchis), qui paraissent avoir sensiblement agi sur le caractère de la population athénienne. Ces réformes étaient en cours d'exécution quand les Spartiates intervinrent à la demande des nobles : Clisthène dut s'exiler avec 700 familles de son parti (507); Cléomène occupa l'Acropole. Une insurrection l'en délogea bientôt et Clisthène put revenir. Mais les nobles de Thèbes (vaincus en 509 par les Athéniens protecteurs de Platées) et de Chalcis, d'accord avec les Spartiates, se préparèrent à détruire la démocratie athénienne. Néanmoins celle-ci refusa le concours humiliant des Perses : un traité de vassalité proposé par Artapherne, satrape de Sardes, fut rejeté. L'opposition de Corinthe rendit inefficace l'intervention des Péloponnésiens les Thébains furent vaincus et les nobles Hippobotes de Chalcis écrasés; 4000 colons athéniens s'établirent dans la plaine du Lélante. On acheva alors les réformes démocratiques surtout par l'extension des pouvoirs politiques et judiciaires de l'assemblée du peuple et l'institution de l'ostracisme. Clisthène, qui voulait peut-être s'appuyer sur les Perses, fut le premier frappé par l'ostracisme. Les événements qui venaient de se dérouler ont eu pour Athènes une très grande importance. Débarrassée de la tyrannie, elle a développé sa constitution dans le sens démocratique : l'élection des magistrats par le suffrage universel et leur responsabilité devant le peuple, la restriction de leur compétence et la courte durée de leur mandat, la consultation directe des citoyens sur toutes les grandes questions politiques, l'attribution du pouvoir judiciaire suprême à un jury largement recruté, caractérisent cette constitution. Il ne faut pas oublier qu'Athènes est encore un Etat agricole; sa démocratie est relativement conservatrice. Ce n'en était pas moins un grand succès que d'avoir résisté à Sparte, le champion attitré de l'aristocratie en Grèce, qui renonçait implicitement à étendre hors du Péloponnèse la confédération qu'elle présidait. Victorieuse à l'intérieur, la démocratie athénienne avait fait bonne figure à l'extérieur. La puissance d'Athènes allait grandir rapidement surtout à la suite de sa transformation en Etat maritime. Des Guerres médiques
à la Guerre du Péloponnèse.
Athènes s'était attiré la haine des Perses en rejetant les ogres d'Artapherne et en envoyant 20 galères au secours des insurgés ioniens (498). Après la chute de Milet (495), Mardonius s'avança contre la Grèce, mais ne dépassa pas le mont Athos (493). Deux ans après les hérauts du « grand roi » vinrent dans toutes les cités de l'Hellade demander « la terre et l'eau » : ils furent mis à mort à Athènes comme à Sparte (491). Egine, au contraire, les accueillit fort bien : heureusement Athènes put avoir recours à Sparte et Cléomène obligea les habitants d'Egine à donner comme otages les dix chefs du parti perse : il les remit aux Athéniens. Ceux-ci étaient trop faibles sur mer pour songer à arrêter la flotte perse qui amenait les 100,000 hommes de Datis et d'Artapherne (490). Hippias était à bord. Le danger était grand pour la vaillante cité, mais les hommes n'y manquaient pas; entre tous il faut signaler : l'énergique Xanthippe; Milltiade, politique habile, général éprouvé, au courant des choses de l'Orient; Aristide, un des caractères les plus droits de l'histoire; Thémistocle, jeune encore, plus fougueux mais plus subtil et plus génial. Quand les Perses, après avoir saccagé Naxos et Erétrie, débarquèrent à Marathon, aucun partisan des Pisistratides ne se leva en leur faveur. Ils essuyèrent une sanglante défaite et retrouvant à Phalère les vainqueurs de la veille, qu'un corps spartiate allait renforcer, ils remirent à la voile et retournèrent en Asie. La portée de la victoire de Marathon fut immense. Pour la première fois les Hellènes vainquaient les Perses en rase campagne, et les Athéniens avaient vaincu seuls. Autant que Sparte, Athènes devenait le centre de la résistance nationale. Miltiade, le vainqueur de Marathon, voulut tirer parti de cette victoire; il ne sut faire qu'une opération de piraterie en grand, terminée par un échec; accusé par Xanthippe, condamné à une amende trop forte pour qu'il pût la payer, il mourut en prison. Le peuple athénien oubliait vite. Tandis que le soulèvement de l'Egypte retardait la nouvelle invasion des Perses, Thémistocle fit prendre des mesures décisives. Il comprit qu'il fallait concentrer sur mer toutes les forces d'Athènes, une invasion n'étant possible que si les Asiatiques étaient maîtres de la mer. Alors qu'Athènes, Egine et Corinthe ne pouvaient guère mettre en ligne plus de 200 vaisseaux, il forma le plan d'en donner 200 à Athènes seule. En 487 il proposa au peuple de construire 20 trirèmes : au lieu de se partager les bénéfices de l'exploitation des mines d'argent du Laurium, les citoyens appliqueraient ces ressources aux constructions navales. Malgré l'opposition d'Aristide et du parti conservateur, il l'obtint. Les conservateurs, forts du souvenir de la défaite navale de Ladé et de la victoire de Marathon, s'appuyant sur les traditions et les habitudes athéniennes, soutenaient qu'il était dangereux d'abandonner la terre; en outre on allait bouleverser la situation économique et probablement l'équilibre politique, car si on faisait appel aux Thètes pour monter les nouveaux vaisseaux, il faudrait leur donner des droits politiques. Thémistocle l'emporta cependant et, en 483, l'ostracisme frappa Aristide. Thémistocle put alors compléter l'organisation du service naval : il institua la triérarchie , qui fit peser sur les riches les frais de l'équipement des navires; il fit adopter comme port le Pirée (482), au lieu de la rade ouverte de Phalère; enfin la flotte se formait en combattant les marins éprouvés d'Egine. Les travaux du port du Pirée et la construction de la flotte n'étaient pas encore achevés quand eut lieu la seconde invasion des Perses. On sait quelle part Athènes prit à la défense nationale. Sur les 280 navires qui arrêtèrent la flotte asiatique au promontoire d'Artemisium, 147 étaient athéniens; le deuxième jour du combat il en arriva 53 autres. Après la défaite des Thermopyles et la retraite de la flotte sur le golfe Saronique, il fallut évacuer la ville d'Athènes. L'oracle de Delphes avait recommandé les « murailles de bois », la flotte, qui sauva en effet la cité. Sauf quelques centaines de vieillards qui se firent tuer sur l'Acropole, les non-combattants se retirèrent à Salamine, à Egine, à Trézène; avant de partir, on avait rappelé les exilés. Les Athéniens fournirent plus de la moitié (200 sur 380) des navires qui détruisirent la flotte du grand roi à Salamine (20 septembre 480). Ce ne fut pas la fin de leurs épreuves. En se retirant avec le gros de ses forces, Xerxès avait laissé en Thessalie Mardonius à la tête de 300.000 hommes. Quand il reprit l'offensive, Mardonius fit offrir aux Athéniens, qui venaient de se réinstaller chez eux, une alliance qui laissait leur liberté intacte. Aristote formula leur réponse : « Tant que le soleil ne changera pas son cours, les Athéniens ne traiteront pas avec Xerxès; confiants dans le secours de leurs dieux et de leurs héros dont il n'a pas craint de détruire les temples. »8000 hoplites athéniens, près du quart de l'armée grecque, combattirent à Platées (septembre 479). Le jour même de cette victoire décisive, la flotte athénienne, commandée par Xanthippe, eut la plus grande part à la victoire de Mycale. Ils en profitèrent pour réoccuper la Chersonèse de Thrace (après le long siège de Sestos) et les îles de Lemnos et d'Imbros. Hégémonie
d'Athènes.
Sparte était encore la puissance directrice elle avait eu ce rôle pendant la guerre et, de plus, les partis aristocratiques qui gouvernaient les diverses cités étaient ses alliés naturels. Elle ne garda pas longtemps cette prépondérance. Thémistocle avait décidé les Athéniens à continuer de construire vingt trirèmes par an (477). Aristide fit accorder à la 4e classe, celle des Thètes, les mêmes droits politiques qu'aux trois autres. Ce n'était pas trop de tous les citoyens pour soutenir la nouvelle fortune d'Athènes. Maltraités par le roi de Sparte, Pausanias, les Ioniens présents à Byzance, dans l'armée grecque, se mirent sous les ordres des amiraux athéniens. Un nouvel amiral envoyé de Sparte dut s'incliner devant le fait accompli. Les Spartiates laissèrent aux Athéniens l'hégémonie sur la Grèce maritime (476). Cela était très grave : on constatait le dualisme; Sparte, maîtresse sur terre, abandonnait la mer à Athènes. A vrai dire, la question ne fut pas aussi clairement posée : on laissa seulement aux Athéniens la direction de la guerre maritime; cela impliquait l'hégémonie sur les Grecs des îles et de la côte asiatique, délivrés par les victoires navales remportées sur les Perses. La
confédération de Délos.
Cimon.
Tandis que la puissance athénienne grandissait à l'extérieur, à l'intérieur une nouvelle génération apportait de nouveaux désirs. Elle avait pour chefs Ephialte, démagogue énergique, d'une haute situation et d'un caractère très estimé, et Périclès, le fils de Xanthippe. Vers 465 on décida de prélever sur les excédents du trésor et de donner aux citoyens pauvres les deux oboles exigées à l'entrée du théâtre. La plèbe fut gagnée par cette mesure. En même temps la rivalité avec Sparte provoqua la chute du parti conservateur. Menacée par la Messénie (3e guerre de Messénie) et le soulèvement des Hilotes, Sparte demanda des secours à Athènes; dès leur arrivée elle les renvoya (462). L'injure fut vivement ressentie et les Athéniens traitèrent avec Argos, l'ennemie séculaire de Sparte, Mégare et les Thessaliens. Ils s'en prirent chez eux au parti conservateur, et l'Aréopage, centre de l'aristocratie, fut dépouillé de son pouvoir politique et de son droit de censure. Cimon combattait alors l'Egypte insurgée contre le « grand roi » (461). A son retour, il reprit la lutte et l'ostracisme le frappa (460). Les démocrates achevèrent la réorganisation judiciaire : les magistrats, l'Aréopage (sauf pour l'homicide), perdirent presque tous leurs pouvoirs judiciaires, qui furent transférés à des jurys. L'Héliée fut complètement organisée; cela complétait l'exercice direct de la souveraineté nationale. Il faut noter que ce peuple souverain avait au-dessous de lui des esclaves; la classe ouvrière proprement dite n'existait guère. Pendant que la guerre de Messénie paralysait les Spartiates, les Athéniens commençaient les Longs Murs pour relier la cité à son port, Athènes au Pirée; ils transportaient à Athènes le trésor fédéral déposé d'abord à Délos. La guerre éclata avec les puissances maritimes doriennes, Corinthe, Egine, Epidaure (459). La flotte péloponnésienne fut battue à Kehryphalaia, puis à Egine, et l'île bloquée. Bien plus, les Athéniens coupèrent la retraite à une armée spartiate qui revenait de Doride (457). Les Spartiates s'allièrent à Thèbes et cherchèrent à provoquer un soulèvement oligarchique à Athènes (457); ils défirent les Athéniens à Tanagra (décembre 457). Ceux-ci reprirent bientôt le dessus et, deux mois après, ils détruisirent l'armée thébaine à OEnophyta (456). La démocratie fut établie dans les villes de Béotie, de Phocide et de Locride peu après Egine fut prise et ses murs rasés; les Eginètes furent réduits à la condition des tributaires comme les Thasiens et les Naxiens; enfin l'amiral athénien Tolmidas saccages le port laconien de Gythion, gagna Zacynthe et Céphallénie, occupa Naupacte qui commande le golfe de Corinthe; les Longs Murs venaient d'être achevés. Cette série de succès porta à son apogée la puissance d'Athènes; maîtresse de la mer Egée, elle venait de se subordonner la Grèce centrale et menaçait le Péloponnèse. Un revirement se produisit bientôt; la capitulation d'Ithome laissa les Spartiates libres, au moment où la flotte et l'armée athénienne d'Egypte étaient exterminées (455). Cimon fut rappelé (454) et une trêve de cinq ans conclue avec Sparte (451). Cimon reprit la guerre contre les Perses, les vainquit à Chypre (bataille navale de Salamine, 449). Ces victoires furent suivies d'une trêve de fait qui dura 37 ans; probablement un compromis intervint, excluant les Perses de la mer Egée, depuis Phasélis au Sud, jusqu'aux roches Cyanées (ouverture du Bosphore) au Nord, et affranchissant les cités grecques de la côte, dont les troupes barbares ne devaient pas approcher à plus de trois jours de marche, Athènes avait glorieusement accompli la tâche qu'elle avait assumée de combattre les Perses. Elle fut moins heureuse vis-à-vis des Hellènes. En 447, les exilés du parti aristocratique rentrèrent en Béotie, vainquirent les Athéniens à Coronée et les obligèrent à évacuer les places qu'ils occupaient. La Grèce centrale était perdue; égare et l'Eubée se soulevèrent; les Spartiates envahirent l'Attique (446). Périclès gagna du temps par des négociations et, après la retraite des Spartiates, reconquit l'Eubée : Histiée et Erétrie furent détruites et remplacées par des colonies athéniennes, des Clérouquies (Clérouchies); celle de Chalcis fut renforcée. Avec Sparte on conclut une trêve de 30 ans (445). De ses conquêtes de 456 Athènes conserva seulement la domination d'Egine, l'alliance de Platées et d'Argos. La Grèce fut officiellement divisée en deux confédérations ou symmaquies; Athènes restait un Etat maritime, Sparte conservait la terre. Mais la haine des Péloponnésiens et des Béotiens ne pardonna pas aux Athéniens leur prépondérance momentanée sur terre et la ruine d'Egine; les aristocraties, qui toutes avaient été menacées, du cap Ténare aux Thermopyles, ne pouvaient s'entendre avec la démocratie athénienne, la lutte était seulement ajournée. Précisément alors le parti conservateur fut battu à Athènes, son chef Thucydide, fils de Mélésias, banni par l'ostracisme (444 ou 442); Périclès dirigeait le gouvernement et faisait d'Athènes le centre intellectuel de la Grèce. L'époque
de Périclès.
On trouvera dans la page
d'aperçu le détail des embellissements faits à
Athènes par Périclès; nous rappellerons, en outre,
la reconstruction des sanctuaires d'Eleusis,
du temple de Némésis à Rhamnonte, d'Athéna
au cap Sunium. Toutes ces constructions coûtaient fort cher, mais
les dépenses ne dépassaient pas les revenus d'Athènes;
ces revenus s'élevaient à 1000 talents environ, dont 600
de revenu fédéral; malgré les dépenses faites,
le trésor fédéral, déposé au Parthénon,
contenait encore 9700 talents en 438, 6000 en 429. Depuis 445, Périclès
appliquait les revenus fédéraux aux constructions faites
à Athènes; celle-ci remplissait si largement son devoir de
protection vis-à-vis de ses alliés qu'on ne pouvait guère
lui reprocher d'employer à son profit l'argent versé par
eux. Mais elle avait été plus loin et s'était attaquée
à cette autonomie, dont les cités grecques étaient
si jalouses; elle avait privé la plupart des petites cités
de leur juridiction suprême : les grandes affaires (criminelles en
particulier) devaient être jugées par les tribunaux athéniens.
Carte de la Grèce au temps de Périclès. Quoique le peuple fût partout, à peu près, favorable aux Athéniens, c'était une politique dangereuse, En 440, Samos ayant refusé de se soumettre à l'arbitrage, une longue guerre s'ensuivit. Samos succomba et l'on y établit la démocratie (439). Mais ce soulèvement était un fâcheux symptôme. Sur la côte septentrionale de la mer Egée, la fondation d'Amphipolis venait de fortifier la puissance athénienne; les clérouquies d'Eubée, de Scyros, de Lemnos, d'lmbros, de la Chersonèse de Thrace, de Naxos, etc., lui servaient de point d'appui. La confédération qu'elle dominait comprenait 247 Etats, groupés en cinq cercles : Carien (68 cités), Ionien (38), Hellespontique (44), Thrace et Macédonien (61), Insulaire (28). Les forces proprement dites d'Athènes comprenaient 300 trirèmes, 1200 cavaliers, 1600 archers et 13,000 hoplites, comme combattants de première ligne. On évalue la population de la ville à 180,000 habitants, celle de l'Attique au triple. Le nombre des citoyens était d'au moins 21,000. Le gouvernement était complètement démocratique: on peut le citer comme un type. Déjà s'exerçait pourtant l'action dissolvante des sophistes et des hétairies, foyers d'opposition et d'intrigues oligarchiques, favorisés par la verve des poètes comiques. Les sophistes détruisaient les vieilles croyances, y compris le patriotisme; les hétairies faisaient bon marché de la patrie au prix de la satisfaction de leurs passions et de leur ambition. Les divisions intérieures d'Athènes allaient singulièrement l'affaiblir dans la grande crise qui s'apprêtait et où elle se trouva aux prises avec toutes les aristocraties, groupant les Etats de la Grèce continentale sous la direction de Sparte. Le parti radical, coalisé avec les oligarques, s'attaqua à Périclès après avoir accusé ses amis, Anaxagore, Phidias, Aspasie, on s'en prit à lui-même. La guerre du Péloponnèse fit diversion. La Guerre du Péloponnèse.
La
fin de Périclès.
Les Péloponnésiens comptaient sur l'énorme supériorité numérique de leur armée de terre pour écraser les Athéniens en bataille rangée et les faire plier ou donner à leurs alliés mécontents l'audace de s'insurger. Les Athéniens, conseillés par Périclès, bravèrent leurs ennemis derrière leurs remparts, profitant de leur marine pour les harceler et comptant que leurs ressources financières, bien plus grandes que celles des Péloponnésiens, leur permettraient d'attendre l'épuisement de leurs ennemis (430); malgré des calamités imprévues, la peste (de typhus, plutôt) qui ravagea la ville et emporta Périclès (429), ce plan assura l'avantage à Athènes. Appuyée sur les îles Ioniennes (Zacynthe, Céphallenie,Corcyre), sur les Acarnanes et sur Naupacte, elle prenait à revers ses adversaires dont les grosses armées ne pouvaient que ravager l'Attique, ravages dont la flotte athénienne tirait des représailles sur les côtes du Péloponnèse. Cléon.
Athènes avait résisté aux Péloponnésiens; elle sortait grandie de cette épreuve, mais ses divisions intérieures l'affaiblirent et la conduisirent à une catastrophe au moment où elle semblait à la veille d'acquérir l'hégémonie en Grèce. Cléon avait été remplacé à la tête du parti radical par Hyperbolos, tandis que les conservateurs pacifiques et bien disposés pour Sparte se ralliaient autour de Nicias; la personnalité dominante de cette époque est Alcibiade), qui devint bientôt le chef du parti populaire. On trouvera dans sa biographie le détail des intrigues nouées par lui dans le Péloponnèse pour priver Sparte de ses alliés. La victoire des Spartiates à Mantinée (418) les mit à néant. On y répondit par le massacre des Doriens de Mélos (416). Athènes avait acquis l'alliance de Patras et d'Argos (gouvernée par la démocratie). Elle s'engagea alors dans la funeste expédition de Sicile (415). Alcibiade
et l'expédition de Sicile.
En même temps les oligarchies des cités ioniennes de la côte d'Asie négociaient avec Sparte. Alcibiade conduisit les Spartiates à Chios, qui fit détection; bien plus il s'entendit avec le satrape perse de Lydie, Tissapherne; Lesbos, à son tour, passa à l'alliance spartiate; en revanche, l'aristocratie de Samos fut massacrée ou expulsée. Athènes semblait perdue. Abandonnée par ses alliés, menacée par la coalition des Siciliens, des Péloponnésiens et des Perses, avec une garnison spartiate sur son territoire, elle n'en résista pas moins dix ans encore. L'honneur en revient au parti démocratique. Il eut aussi à se défendre contre l'ennemi intérieur. En 411 le parti oligarchique tenta une révolution; après s'être débarrassé par la corruption ou l'assassinat d'une partie des démagogues, il profita de l'éloignement de l'armée, où servaient un grand nombre de citoyens, pour faire voter une nouvelle constitution le pouvoir fut confié à un conseil de 400 personnes; 5000 bourgeois aisés conservèrent seuls les droits politiques. L'armée de Samos refusa de reconnaître le nouveau gouvernement, qui, fut bientôt renversé. Son chef Antiphon fut mis à mort : le seul résultat fut la perte de Thasos et de l'Eubée. On rappela Alcibiade, qui reconquit la région de l'Hellespont et du Bosphore (409). Mais le Spartiate Lysandre, ayant obtenu l'alliance complète de Cyrus le jeune, vice-roi perse de l'Asie Mineure (408), se trouva disposer contre Athènes de ressources inépuisables : la disproportion des forces était trop grande. Alcibiade fut banni après un échec, les généraux athéniens vainqueurs aux îles Arginuses (406) furent mis à mort pour n'avoir pas recueilli les cadavres de leurs marins tués dans l'action, la dernière flotte athénienne fut détruite Aegos-Potamos (405) et Athènes dut capituler (404). Prise
d'Athènes.
Un gouvernement aristocratique, soutenu par une garnison lacédémonienne installée dans l'Acropole, fut imposé aux Athéniens; il était composé de trente membres obéissant à l'inspiration de Théramène et de Critias. Ce dernier se mit à la tête d'une réaction terroriste, fit périr même son collègue Théramène et rendit si odieux les « trente tyrans », que Thèbes, la vieille ennemie d'Athènes, recueillit les exilés. Ils partirent sous la conduite de Thrasybule et Anytus, occupèrent Phylé près du Parnès, puis le Pirée et Munychie; Critias périt en combattant; malgré Lysandre, mais d'accord avec le roi de Sparte Pausanias, on proclama une amnistie générale et la constitution démocratique fut rétablie à Athènes (403); elle eut toutefois un caractère démocratique moins accentué : on rendit à l'Aréopage une partie de ses anciens pouvoirs la solde payée aux citoyens pour venir à l'Héliée et à l'assemblée, ekklesia, fut supprimée. Il faut seulement regretter que la réaction démocratique ait atteint Socrate, qui fut victime de la haine d'Anytus (399) (Apologie de Socrate, de Platon). De la Guerre du
Péloponnèse à l'invasion macédonienne.
La tyrannie de Sparte et de ses protégés oligarchiques avait d'ailleurs exaspéré une foule de cités qui regrettaient la domination athénienne. Les Athéniens s'allièrent à Thèbes, Corinthe, Argos et aux Etats de la Grèce centrale, et prirent part à la guerre qui éclata en 395. Soutenu par les Perses, leur amiral Conon vainquit la flotte lacédémonienne à Cnide (394). Les Longs Murs et les fortifications du Pirée furent relevés, une nouvelle flotte de guerre construite, une alliance conclue avec Evagoras, roi de Salamine, dans l'île de Chypre. Les Spartiates s'entendirent avec les Perses, et conclurent le traité d'Antalcidas (387). Athènes l'accepta; Thèbes et Corinthe plièrent; la résistance d'Olynthe et de Phlionte fut brisée (379). La puissance de Sparte était à son apogée. On sait comment elle sombra. La citadelle de Thèbes avait été occupée par trahison; les démocrates exilés, partis d'Athènes, la délivrèrent (379); un coup de main essayé par un général spartiate sur le Pirée décida les Athéniens à rentrer en lice. On fit de grands sacrifices, et une nouvelle organisation financière fournit les ressources nécessaires pour équiper une flotte de 200 trirèmes. On établit un impôt progressif sur le revenu; au-dessus de 100 mines, on était taxé au cinquième de son revenu; les citoyens qui avaient un revenu de moins de 25 mines étaient groupés en symmories, et fournissaient en bloc une certaine somme. Le succès répondit à ces efforts dirigés par des politiques comme Callistrate et des généraux comme Chabrias et Timothée. Une nouvelle confédération maritime fut constituée; Athènes s'interdit d'envoyer des colons hors de son territoire; un conseil fédéral siégeant à Athènes aurait part à la direction des affaires. Rhodes, Chios, Lesbos, Byzance accédèrent à cette nouvelle ligue (377). Chabrias vainquit la flotte lacédémonienne à Naxos (376); ce coup fut décisif pour la puissance navale de Sparte-: Athènes avait reconquis l'empire de la mer. La côte septentrionale de la mer Egée, puis les îles Ioniennes (375), accédèrent à la ligue et une dernière flotte spartiate fut détruite sur les côtes d'Acarnanie par Timothée. Sparte se décida à traiter; elle reconnut à Athènes la présidence de la nouvelle confédération maritime (334). La paix ne fut pas observée; Iphicrate vint croiser dans la mer Ionienne, débloquer Corcyre et battre une escadre syracusaine. En 371 fut conclue une paix générale, assurant à chaque Etat son autonomie et confirmant la restauration de la puissance athénienne. Athènes
au temps de la suprématie de Thèbes.
Athènes était bien déchue de son antique renom; la confédération qu'elle avait réformée, elle ne put la maintenir; Corcyre s'en détacha, puis, par suite des intrigues de Mausole, les grandes îles asiatiques, Chios, Cos, Rhodes, Mitylène, et, avec Byzance, les cités voisines (357). La guerre sociale fut peu brillante par suite de l'imprudence de Charès. Le parti de la paix profita de la lassitude du peuple pour abandonner la lutte. Les oligarchies appuyées par des garnisons perses purent gouverner tes anciens alliés d'Athènes; la ligue, avant 357, comprenait encore 70 cités; elle avait un revenu de 350 talents; ce revenu tomba à 45 ou à 60 talents. On voulut en rendre les généraux responsables : Iphicrate, Mnesthée, Timothée furent accusés, ce dernier exilé (354). Eubule, chef du parti de la paix, administrateur du trésor public, eut désormais une influence prépondérante. L'état politique et social d'Athènes avait bien changé depuis Clisthène; la plupart des citoyens étaient tombés dans le prolétariat; l'état de guerre permanent, les invasions répétées de l'Attique, les énormes pertes d'hommes et d'argent subies depuis cinquante ans, avaient usé la classe des petits propriétaires; le développement de la richesse mobilière avait concentré la fortune aux mains d'un petit nombre de capitalistes seuls en état de résister aux crises. Ces capitalistes étaient de moins en moins disposés à risquer leur fortune en des guerres improductives dont tous les frais tombaient sur eux; ils résistaient d'autre part aux efforts des pauvres qui voulaient leur faire porter tout le poids des dépenses publiques. L'élément le plus intelligent, les disciples des philosophes, s'abstrayaient des mesquines querelles de la cité; l'arrivée des hommes d'affaires à la direction politique, autrefois exercée dans les divers partis par des hommes de vieille famille (généralement désintéressés), multipliait les procès de concussion, malheureusement justifiés par les faits. Un conflit était inévitable
entre la démocratie et les capitalistes
uniquement soucieux des intérêts matériels; il eut
pour résultat la ruine totale de la démocratie et de la liberté
d'Athènes. Au moment où nous sommes, le gouvernement était
aux mains des riches dont Eubule appliquait le programme. Il se contenta
de rétablir les finances de la cité, évitant avec
soin toute complication extérieure. Il ne les prévit même
pas, car, au lieu d'amasser un trésor de guerre, il appliqua les
excédents de revenus aux fêtes publiques (payées par
une caisse spéciale, le théoricon); c'était un moyen
de gagner la faveur du peuple.
Philippe
et démosthène.
Cette fois les patriotes l'emportèrent à Athènes. A côté de Démosthène, il y faut signaler l'intègre Lycurgue, financier hors ligne, Hypéride, brillant orateur, Charès, médiocre général, malheureusement. D'un côté opposé, le vieil Isocrate, imbu d'idées panhelléniques, Eschine, orateur presque égal à Démosthène, Démade, influent mais peu considéré; Phocion, bon général, bon administrateur, d'une vertu légendaire, se tenait à l'écart du parti patriote. On trouvera dans l'histoire de Philippe le récit de la lutte poursuivie sur le terrain diplomatique pendant les cinq années qui suivirent. Dans le Péloponnèse, dans la Grèce centrale, les oligarchies bien disposées pour Philippe furent tenues en échec. Quand le roi de Macédoine attaqua Byzance, une querelle avec le général athénien Diopithe qui commandait en Chersonèse rendit la guerre inévitable (344). L'Eubée était reconquise; Mégare, Corinthe, l'Achaïe, l'Acarnanie, Ambracie, Leucade, Corcyre s'allièrent aux Athéniens (340). Byzance fut secourue et Philippe repoussé (339). Démosthène fit voter une réforme de la triérarchie augmentant les charges des riches et les ressources de l'État, tous les revenus disponibles furent transférés de la caisse des fêtes au trésor de guerre. L'année suivante, une troisième guerre sacrée amenée par la maladresse, peut-être calculée, d'Eschine, provoqua une intervention de Philippe qui occupa Elatée, au coeur de la Grèce centrale. L'émoi fut grand à Athènes; on leva l'armée; Démosthène se rendit à Thèbes dont il obtint l'alliance. Le 2 août 338 fut livrée et perdue la bataille décisive de Chéronée. Il fallut traiter; Philippe qui reculait devant le siège d'Athènes consentit des conditions assez douces. Athènes entrait dans son alliance, c.-à-d. dans la confédération qu'il allait organiser; elle partageait avec lui la police de la mer, conservait les îles de Salamine, Délos, Lemnos, Imbros et Samos. Elle abandonnait toutes ses autres possessions (Eubée, Chersonèse, etc.) et la confédération insulaire qu'elle dirigeait était dissoute; elle eut le tort d'accepter le territoire d'Oropos enlevé aux Thébains. La « paix de Démade » fut acceptée malgré l'opposition de Phocion. Le peuple athénien sauva du moins sa dignité: Démosthène fut chargé de prononcer l'oraison funèbre des morts de Chéronée. Plusieurs efforts devaient encore être tentés pour secouer le joug macédonien jusqu'au jour qui vit à la fois la ruine de la démocratie athénienne et la déchéance sans retour de la puissance politique d'Athènes. Athènes
à l'époque hellénistique.
Dans la période de troubles qui suivit, une politique avisée et un judicieux emploi des ressources de l'Etat lui eussent certainement permis de reconquérir son autonomie pleine et entière, Mais les patriotes exaltés, à leur tête Hypéride et le général Léosthènes, firent voter la guerre; Aristote qui s'était fixé à Athènes dut s'éloigner. A la tête d'une armée formée surtout de mercenaires, Léosthènes vainquit Antipater et renferma dans Lamia. Le soulèvement devint généraI; Démosthène fut rappelé, mais Léosthène périt dans une escarmouche; son successeur Antiphus vainquit Léonnat à Méliteia, mais il essuya un échec à Crannon et son armée formée de contingents d'origine diverse tomba en dissolution. Athènes se soumit, on lui enleva Oropos et Samos. Tous les citoyens dont la fortune était inférieure à 2000 drachmes furent privés de leurs droits politiques; sur 21,000, 9000 seulement les conservèrent; une garnison macédonienne occupa Munychie; Hypéride fut tué, Démosthène s'empoisonna (322). Phocion et Démade furent les chefs du nouveau gouvernement. Démade tomba victime des soupçons d'Antipater (320). Une réaction démocratique eut lieu en 319 à l'appel de Polysperchon qui, pour se défendre contre Cassandre, s'appuyait sur la démocratie; Phocion fut mis à mort (318). Cassandre ayant repris le dessus, on retira de nouveau les droits politiques à quiconque ne possédait pas 1000 marcs. Démétrius de Phalère gouverna la ville pour les Macédoniens. A la suite des événements de 322, la majorité des citoyens athéniens privés des jetons de présence (à l'Héliée ou à l'Assemblée) et de l'indemnité de theâtre qui les faisait vivre avaient été déportés sur les côtes de Thrace. Diodore évalue à 22,000 le nombre de ceux dont on se débarrassa ainsi. La démocratie athénienne périt avec, eux. Le rôle politique d'Athènes était fini : Les derniers grands défenseurs de la Cité étaient morts; la majorité de ses citoyens avaient disparu; le temps sont venus de la domination étrangère; l'indépendance de la Cité subsistera nominalement quatre siècles encore, mais elle ne doit plus son importance qu'aux souvenirs rappelés par le nom d'Athènes, et aux chefs-d'oeuvre qui lui sont restés de la grande époque de Phidias et de Périclès. La prospérité matérielle survécut à la puissance politique et militaire; sous l'administration d'ailleurs habile de Démétrius de Phalère, les revenus de l'Etat atteignaient 1200 talents, les Athéniens possédaient 400,000 esclaves. Déjà commençait la transformation d'Athènes en cité universitaire; Théophraste, l'élève d'Aristote, groupait près de 2000 élèves autour de l'école péripatéticienne, installée an Lycée en face de l'Académie platonicienne. La comédie de caractère se développait avec Philémon et Ménandre, la peinture n'était pas moins brillante. La vie athénienne semblait l'idéal de la vie grecque, facile et élégante, unissant le charme de la controverse oratoire ou philosophique à la contemplation des oeuvres d'art. C'est à Athènes que de plus en plus on vint compléter son éducation et, à mesure que se répandait l'influence hellénique, les élèves y vinrent de plus loin et en plus grande foule. Quant aux traditions des libres démocrates qui mettaient à mort les ambassadeurs de Xerxès et ne supportaient pas huit mois le joug des Trente tyrans, il n'en était plus question. On n'éleva pas à Démétrius de Phalère moins de 360 statues; quand Démétrius, fils d'Antigone, vint le renverser (307), on le salua roi et dieu, on dédia un culte aux deux courtisanes qui l'accompagnaient; on le logea au Parthénon. Les Athéniens restèrent fidèles jusqu'à la bataille d'lpsus (301). Il reprit la ville (295) à Lacharès qui y exerçait la tyrannie depuis deux ans et mit garnison dans le port,, puis dans la ville (292). Une nouvelle révolte chassa ces garnisons (288). Athènes recouvra son indépendance et se mit sous la protection de Ptolémée à qui elle accorda les honneurs successivement rendus aux deux Démétrius. Ptolémée y fonda un collège avec une bibliothèque, le Ptolemaeon (295). Ptolémée II fit d'Athènes son point d'appui dans la lutte contre le roi de Macédoine, Antigone. Le général athénien Chremonides s'y distingua. Le résultat fut mauvais : en 262, Athènes fut prise, après un long blocus et de grands ravages, par Antigone qui mit garnison dans la ville (sur le Museion), dans les ports, à Salamine, au cap Sunium. Les derniers vestiges de l'autonomie politique étaient effacés. On peut considérer comme un dédommagement la splendeur des études philosophiques. A côté des académiciens et des péripatéticiens Zénon et Epicure venaient de fonder à Athènes les écoles stoïcienne (vers 308) et épicurienne. En 229, Aratus, ayant corrompu le commandant macédonien, délivra l'Attique des garnisons étrangères : deux frères, Eurykleidès et Mikion, y exercent alors l'influence directrice. La vieille institution nationale de l'éphébie fut transformée et l'on commença à admettre dans les deux gymnases d'Athènes des étrangers. Aussi, la république se désintéressa des querelles des Etats grecs. Elle resta en dehors de la ligue achéenne et, plus tard, de la confédération macédonienne. Athènes
sous la domination romaine et byzantine.
Athènes prit rang parmi les villes fédérées sur un pied d'égalité nominale avec Rome. Elle n'en subit pas moins les exactions des consuls, des préteurs et de leurs lieutenants qui pillaient ses temples. Quoiqu'ils eussent moins souffert que bien d'autres, elle prit parti pour Mithridate, poussée par le philosophe Aristion (87). Sylla dut faire le siège d'Athènes. Il commença par l'isoler du Pirée, en perçant les Longs Murs; la ville fut prise d'assaut et mise à sac : le carnage fut horrible (86). Le Pirée fut détruit pour des siècles; Athènes se, releva pourtant et resta un centre intellectuel apprécié. Pendant les guerres civiles, les Romains de toutes les factions la respectèrent; César et Pompée affirmèrent sa neutralité : Antoine lui donna plusieurs îles, dont Egine, et y célébra des fêtes superbes (36). Ses écoles, où vinrent étudier bien des jeunes Romains, Pomponius, Atticus Cicéron, Brutus, subissaient la concurrence de celles de Rhodes, d'Ephèse, de Pergame. Vespasien lui enleva son ombre de liberté en la mettant sous l'autorité des proconsuls romains. En revanche, Hadrien fut, à un degré inconnu jusqu'à lui, le bienfaiteur d'Athènes : il y vécut en riche citoyen, remplit sérieusement les magistratures athéniennes, construisit une ville entière à côté de l'ancienne; ces hommages et ceux d'Hérode Atticus rendirent aux écoles d'Athènes leur ancienne vogue. C'était un sérieux avantage, car jamais la rhétorique n'a joué dans le monde un plus grand rôle qu'au IIe siècle de notre ère. Au IIIe siècle, malheureusement, la scène changea; les Barbares, profitant de la décadence de l'Empire, poussèrent leurs incursions jusqu'en Grèce: les Athéniens durent s'armer de nouveau; en 253 ou 258 les Goths, en 267, les Hérules pillèrent l'Attique. L'historien Dexippos fit payer cher aux Goths la surprise d'Athènes. En 396 l'invasion d'Alaric consomma la ruine de la Grèce et d'Athènes. Les progrès du christianisme, peu sympathique aux grands souvenirs païens d'Athènes, rendirent ces désastres irréparables; en 529, Justinien ferma les écoles d'Athènes, où Julien avait étudié, « et dès lors Athènes ne fut plus guère qu'un nom, un souvenir rendu vivant et palpable par de magnifiques monuments ». Les chrétiens y établirent un évêché, qui devint archevêché en 857; en 1145, les Normands de Sicile la saccagèrent. Vint ensuite le duché d'Athènes, mais la vie de l'Athènes antique s'arrête en 529, à la fermeture de ses écoles. Elle embrasse une période d'au moins quinze siècles, depuis le jour où elle devint la capitale de l'Attique; seule, elle accomplit régulièrement son évolution démocratique. Devenue une importante puissance maritime, elle joue un rôle décisif dans la lutte contre les Perses. Après ce, grand effort, elle devient le centre d'une vaste confédération, arrive à son apogée de puissance politique, de prospérité matérielle, de perfection esthétique et de développement intellectuel. Sa démocratie s'use dans une lutte terrible contre Sparte et l'oligarchie, puis succombe sous les coups de la Macédoine. L'histoire politique d'Athènes finit avec la déportation en masse de la majorité de ses citoyens. Elle continue sa vie intellectuelle, soutenue par d'immortels souvenirs et par l'admiration universelle, jusqu'à l'avènement d'une nouvelle religion et d'un autre idéal. (A.-M. Berthelot). |
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