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Aristophane est un auteur comique d'Athènes, le plus illustre représentant du genre connu sous le nom de Comédie Ancienne. Sa vie est pour nous fort obscure. On s'accorde en général à placer sa naissance entre la 82e et la 84e Olympiade, c. -à-d. entre les années 452 et 444 avant l'ère commune. Il fut ainsi le contemporain de Socrate, de Démosthène et d'Euripide. Où était-il né? On l'ignore. Parmi ses biographes, les uns prétendent qu'il était Egyptien, les autres, qu'il était né dans l'île de Rhodes, à Lindos ou à Camiros; d'autres rapportent qu'il était originaire d'Egine; d'autres enfin font de lui un Athénien du bourg de Cydathénaon, dème de la tribu Pandionide. Selon toute vraisemblance, il était d'origine étrangère. Son père s'appelait Philippe : sans doute, étranger, il était venu de bonne heure s'établir à Athènes et y avait obtenu le droit de cité. Nous ne savons que très peu de choses sur la vie d'Aristophane, et rien de sa jeunesse, de son éducation, de ses études. Nous savons seulement qu'il se maria et qu'il eut trois fils, Philippe, Araros et Nicostratos (appelé Philétaeros par Suidas). Tous trois écrivirent, sans grand succès, à ce qu'il semble, pour le théâtre. Sur la fortune du poète, sur l'aisance dont il pouvait jouir, nous ne sommes pas mieux renseignés. Quelques vers de la parabase des Acharniens paraissent faire allusion à un domaine qu'il aurait possédé dans l'île d'Egine. D'après deux vers d'une comédie dont le titre nous est inconnu, ses biographes supposent qu'il avait pour sa femme et pour ses deux fils Philippe et Ararôs des sentiments assez tièdes. Rien ne justifie cette hypothèse. Il semble, au contraire, qu'Aristophane se soit toujours montré pour ses enfants d'une paternelle sollicitude. Vers la fin de sa vie, on le voit présenter au public, comme son élève et son successeur, son fils Ararôs: c'est sous le nom d'Ararôs qu'il fit jouer les deux dernières pièces, aujourd'hui perdues, qu'il paraît avoir composées, l'Aeolosicon et le Cocalos. Platon, dans son Banquet, a tracé d'Aristophane un portrait demeuré célèbre. Il le représente comme un convive aimable, comme un causeur plein de verve et d'esprit. Nous ne savons rien de l'extérieur du poète, si ce n'est que, jeune encore, il était chauve : lui-même le laisse entendre dans un passage de la Paix. C'est cette particularité qui a conduit Welcker à reconnaître l'image d'Aristophane dans un buste en marbre provenant des environs de Tuscalum, et que nous reproduisons ci-dessous : Buste supposé d'Aristophane. Les pièces d'Aristophane. Les Banqueteurs. Les Babyloniens. Cléon ressentit vivement l'offense et, sous prétexte que les Babyloniens, où les institutions démocratiques d'Athènes n'étaient pas ménagées, constituaient un véritable délit politique, il porta devant la conseil des Cinq-Cents contre Callistratos, l'auteur nominal de la pièce, une accusation de haute trahison; puis, atteignant Aristophane derrière son ami, il lui intenta une graphè xenias. On appelait ainsi l'action criminelle dirigée contre l'étranger qui se faisait passer pour citoyen. Nous ignorons l'issue de ce procès. Il semble toutefois qu'Aristophane en sortit sans dommage, car nous le voyons de nouveau, l'année d'après, attaquer ouvertement, dans ses Acharniens, le terrible Cléon et rire de ses fureurs. Les Acharniens. Les Chevaliers. Voici les autres pièces d'Aristophane qui sont venues jusqu'à nous. Les Nuées. Les Guêpes. La Paix. Lysistrata. Les Oiseaux. Les Femmes aux Thesmophories et les Grenouilles. Dans la première, le poète représente les femmes athéniennes, célébrant la fête des Thesmophories en l'honneur de Déméter et de sa fille Perséphone. Elles profitent de ce que toutes se trouvent réunies, selon l'usage, dans le Thesmophorion pour délibérer sur le châtiment qu'il convient d'infliger à Euripide, en récompense des calomnies qu'il a répandues contre elles. Euripide, averti, fait déguiser en femme son beau-père Mnésiloque et le charge d'aller plaider sa cause au Thesmophorion. Mais Mnésiloque est découvert et gardé à vue. Euripide essaie de le délivrer et y parvient, non sans mal. Toutes ces scènes, fort habilement conduites, sont pour Aristophane autant d'occasions d'attaquer la poésie du grand tragique et de jeter le ridicule sur les innovations qui distinguaient son théâtre. Les critiques sont plus vives encore dans les Grenouilles. Dionysos, le dieu qui préside aux représentations dramatiques, las des mauvaises pièces qu'on joue en son honneur, a formé le projet de descendre aux enfers, pour en ramener son poète favori, Euripide, mort depuis peu. Il trouve Euripide en querelle avec Eschyle, à qui il dispute la préséance. Hadès, pour mettre un terme au débat, institue entre les deux rivaux un concours dont il fait juge Dionysos. Chacun des concurrents, vantant sa poésie, critique vivement celle de son adversaire. Dionysos prend parti tantôt pour l'un, tantôt pour l'autre, jusqu'au moment où, se prononçant enfin, il déclare Eschyle vainqueur et le ramène sur la terre. L'Assemblée des femmes et le Plutus. La première de ces deux pièces est une satire de certaines utopies qui avaient cours alors et dont on retrouve quelques-unes sérieusement exposées dans le République de Platon (particulièrement dans le livre V). Le poète porte à la scène la grave question de la communauté des biens, dont il tire les effets les plus comiques et les plus inattendus. Quant au Plutus, c'est une sorte d'allégorie relative à l'injuste répartition des richesses, un drame tout philosophique. La pièce est surtout remarquable en ce qu'elle offre comme une transition entre la comédie ancienne et la comédie moyenne : il s'y rencontre beaucoup moins de personnalités, la parabase a disparu et le choeur ne joue qu'un rôle secondaire. Aristophane veut prouver que l'égalité des richesses n'est qu'une utopie. Chrémyle, citoyen d'Athènes, homme de bien, mais pauvre, rencontre un aveugle qu'il recueille chez lui : c'est Plutus (Ploutôs), le dieu des richesses. Chacun souhaite sa guérison; on le conduit dans le temple d'Asclépios, où il recouvre la vue; désormais les honnêtes gens seront seuls enrichis. Ici, la verve d'Aristophane trouve à s'exercer sur la cupidité de ses concitoyens. La Pauvreté réclame contre la guérison de Plutus, et prouve dans un ingénieux plaidoyer que les hommes lui doivent tous les biens; car, si chacun était riche, qui donc travaillerait pour les besoins de tous? Mais cette importune est éconduite, et l'on se consacre à l'envi au culte du dieu de l'or. Les autres oeuvres d'Aristophane. Caractère de l'oeuvre d'Aristophane. Il en résulte qu'Aristophane est pour nous d'une lecture peu facile : il faut, pour le comprendre, recourir aux nombreuses scholies que des grammairiens très postérieurs, parfois mal renseignés, ont ajoutées à ses comédies; il faut aller demander aux écrivains du temps la clé de certaines allusions qui resteraient pour nous inintelligibles sans leur secours; il faut surtout se faire l'esprit antique, se transporter en imagination parmi les Athéniens de la fin du Ve siècle qui composaient l'auditoire du poète, assister à leurs luttes intestines et à leurs guerres, s'animer au spectacle de leurs passions, partager leurs engouements et leurs haines. A cette condition seulement on comprend Aristophane et, bien qu'alors même plus d'un passage demeure obscur, il semble, à lire ces drames, fidèles images de la vie des contemporains de Périclès et de Cléon, de Nicias et d'Alcibiade, qu'on ait sous les yeux une sorte de gazette d'Athènes toute remplie des préoccupations du jour, des polémiques ardentes et des ressentiments emportés du moment. Cette variété fait honneur à Aristophane; elle prouve la souplesse de son talent. Mais si l'on veut avoir de sa singularité une idée vraie, si l'on est curieux de se rendre compte de ce que fut entre ses mains ce puissant instrument de la comédie satirique qui fit la gloire du théâtre athénien dans les dernières années du Ve siècle, c'est aux Chevaliers qu'il faut aller tout droit; dans nulle autre pièce on ne trouvera cette hardiesse, cette bravoure, cette verve mordante et passionnée, cette éloquence qui sont les qualités maîtresses de la Comédie Ancienne et qu'Aristophane possédait au plus haut degré. ll serait beaucoup trop long d'exposer ici dans le détail les sentiments d'Aristophane sur tous les usages, sur toutes les institutions dont il se raille. Qu'il suffise de dire que partout, en littérature comme en politique, en législation comme en morale, il se montre un partisan résolu du passé. S'il attaque les démagogues, c'est qu'il est, avec les chevaliers, pour l'ancien état de choses et blâme les excès de la démocratie nouvelle; s'il bafoue Socrate, c'est que, l'assimilant aux sophistes, il réprouve la morale mise à la mode par leur enseignement et tient pour l'antique sagesse qui a fait jadis la grandeur d'Athènes; s'il critique Euripide, c'est qu'en admirateur convaincu de l'ancienne tragédie, il repousse les nouveautés à l'aide desquelles Euripide a tenté de la rajeunir; s'il jette le ridicule sur les rêveries des utopistes qui prêchent le communisme et le bonheur universel, c'est que, respectueux de la tradition, il ne veut pas qu'on ébranle les antiques fondements sur lesquels repose la société. C'est ce qui a fait dire de lui qu'il fut en tout un conservateur. Gardons-nous de voir, pourtant, dans cette tendance la preuve d'une doctrine mûrement réfléchie. Aristophane fut un conservateur, c.-à-d. un opposant, parce qu'il était de l'essence de la Comédie Ancienne de faire de l'opposition à tout; il obéit à la loi du genre et se fit satirique par métier. Il est probable qu'à ce jeu il finit par prendre les sentiments qu'une nécessité purement littéraire lui avait primitivement imposés; il critiqua ses contemporains avec sincérité; il flagella son temps de bonne foi. Mais il ne faut pas faire de lui un réformateur à l'humeur chagrine qui trouva dans le théâtre l'occasion cherchée de produire à la lumière ses idées et ses théories. Ce qu'il fut avant tout, c'est un poète comique. Voilà ce qu'on ne doit jamais oublier. Le style d'Aristophane est une merveille. Les Anciens en faisaient grand cas : on n'avait rien vu jusque-là d'aussi souple ni d'aussi varié. Avec sa vivacité et sa grâce, sa noblesse et sa familiarité, sa science profonde de la langue et des divers dialectes parlés en Grèce, Aristophane passait pour un maître sans rival, auquel Platon seul, dans ses meilleurs ouvrages, pouvait être comparé. Un beau distique, attribué précisément à Platon, résume sous une forme charmante toutes les qualités du grand poète : « Les Grâces, cherchant un sanctuaire impérissable, trouvèrent l'âme d'Aristophane. »On retrouve en effet dans ses pièces l'élégance du style et l'urbanité attique dans toute leur pureté, une grande aptitude à saisir les ridicules, et une peinture si fidèle des moeurs et du gouverneur d'Athènes, que Platon ne trouva rien de mieux que les comédies d'Aristophane pour en donner une idée juste à Denys le Tyran. (Paul Girard).
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Aristophane de Byzance, né vers 260 av. J.-C, est un grammairien d'Alexandrie, disciple et continuateur de Zénodote, de Callimaque et d'Eratosthène, maître lui-même d'Aristarque. Dans un âge déjà avancé, sous le règne de Ptolémée Evergète II, il succéda à Apollonius de Rhodes comme préposé à la bibliothèque d'Alexandrie (Les Ecoles d'Alexandrie); il aurait rempli cette charge jusqu'à la fin de sa vie, si une tentative de quitter Alexandrie pour la cour de Pergame ne l'avait fait tomber en disgrâce et jeter en prison. Il mourut en 181, sous Ptolémée Epiphane. Aristophane fut le véritable fondateur des études grammaticales et de la critique des textes, d'après une méthode sûre et des principes rigoureux. Son oeuvre était considérable : la critique d'Homèreen formait la partie la plus éminente, celle du moins dont les résultats sont surtout arrivés jusqu'à nous. Il prit pour base de son travail la récension de Zénodote; aux signes en usage chez ce dernier, c.-à-d. à l'obel et à la diplé, il ajouta le ceraunion, sorte d'accolade qui indiquait l'atéthèse de plusieurs vers consécutifs, le sigma et l'antisigma et enfin l'astérisque, qui désignait les vers dont il lui semblait impossible d'établir le sens. D'accord avec Zénodote sur un grand nombre de passages réputés apocryphes, il en rétablit quelques-uns, mais en retrancha d'autres, quelquefois sans motif suffisant, le plus souvent par des considérations grammaticales et linguistiques, plus rarement en vertu de raisons subjectives. Il introduisit dans son édition l'emploi des signes prosodiques; quelques-uns lui en attribuent même l'invention. Il s'occupa également du commentaire; il n'est pas douteux qu'un grand nombre de remarques qui se rencontrent sans nom d'auteur dans les scholies, et qui ont été recueillies par Eustathe, sont son ouvrage. Il ne se borna pas à la critique d'Homère, mais étendit ses recherches, avec un soin proverbial (Varron emploie l'expression de lampe d'Aristophane : lucerna Aristophanis), sur un très grand nombre de poètes. Il est cité comme ayant partagé les dialogues de Platon en trilogies. Hésiode, Alcée, Anacréon, Pindare, Sophocle, Euripide, Aristophane et Ménandre, lui sont redevables et pour la constitution du texte, et pour le commentaire littéraire historique et grammatical. Un certain nombre d'arguments en prose et de didascalies figurant en tête des tragiques et des comiques grecs doivent aussi lui être attribués. Son ouvrage le plus étendu, formé de monographies séparées, mais désigné dans son ensemble par le terme général de Lexique, traitait de la signification des mots, expliquait les formes rares, déterminait les synonymes. C'était un trésor d'une valeur considérable, que les grammairiens des âges suivants ont mis largement à contribution. Aussi est-il difficile aujourd'hui de restituer à Aristophane ce qui lui a été dérobé et les fragments authentiques de son oeuvre, vraiment colossale, sont assez rares. (J.-A. Hild). |
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