| Archiloque, Archilochus, est un poète lyrique grec. Né dans l'île de Paros, vers la 17e Olympiade (742 av. J.-C.), il appartenait à une noble famille. Son père s'appelait Télésiclès : il fut du nombre des Pariens qui quittèrent momentanément leur île pour aller coloniser Thasos; sa mère portait le nom d'Enipo: elle avait été esclave. Archiloque suivit son père à Thasos; il prit part aux luttes que soutinrent ses compatriotes contre les belliqueuses tribus de la Thrace. Après maint combat, il revint mécontent et pauvre à Paros. C'est alors que nous le voyons s'éprendre d'une vive passion pour Néoboulé. Il allait l'épouser, quand Lycambès, le père de la jeune fille, reprit sa parole. La fureur d'Archiloque éclata en amers sarcasmes; il poursuivit de ses vers vengeurs Lycambès et sa fille qui, dans leur désespoir, se pendirent. Après cette tragique aventure, nous trouvons le poète mercenaire dans l'île d'Eubée, où les deux grandes cités de Chalcis et d'Erétrie se font une interminable guerre. C'est dans cette guerre qu'il est tué par un Naxien du nom de Calondas (vers la 29e Olympiade, 664 av. Archiloque nous apparaît comme une des plus grandes figures du lyrisme grec. Sa poésie, dont par malheur nous n'avons que des fragments, est singulièrement vivante et personnelle. C'est lui qui fut le fondateur de l'ïambe, mais ses vers n'étaient pas exclusivement ïambiques. Comme son prédécesseur Callinus d'Ephèse, il fit aussi des élégies, mais plus personnelles, moins épiques que celles de Callinus. Dans un curieux fragment, il se peint ainsi lui-même (fragm. 1 des fragm. d'Archiloque dans Bergk) : Je suis le serviteur d'Enyalios, et je connais l'aimable don des Muses. Son ardeur guerrière apparaît dans plus d'un morceau :
Je mange, dit-il, avec ma lance; avec ma lance, je goûte au vin de Thrace et bois couché avec ma lance (fragm. 3). Ailleurs, il s'écrie, dans un accès de gaieté toute militaire (fragm. 5) : Allons, prends ton bidon et va parmi les rangs de rames du navire rapide; tire à boire des amphores profondes; apporte le vin rouge récemment extrait de la grappe, car on ne peut faire sentinelle sans se rafraîchir. On sait ce qui lui advint dans une des nombreuses batailles auxquelles il assista : pressé par les ennemis, il s'enfuit en jetant son bouclier. Il fait allusion à cette mésaventure avec une légèreté qui ne laisse pas de surprendre chez un ancien (fragm. 6) : Quelque Saïen (peuple de Thrace) se pavane avec mon bouclier, que, bien malgré moi, j'ai laissé dans les buissons : arme irréprochable! Ce n'est pas sa faute; j'ai par là échappé à la mort. Adieu, mon bouclier! J'en trouverai un autre qui te vaudra. Quelques fragments nous éclairent sur les sentiments d'Archiloque à l'égard de Néoboulé. La description suivante semble bien se rapporter à la jeune fille (fragm. 29) : Elle marchait tenant un rameau de myrte et une belle rose, et sa chevelure ombrageait ses épaules et son dos. Ailleurs (fragm. 30), il chante les « cheveux parfumés » de sa gracieuse fiancée et «-sa poitrine capable d'inspirer de l'amour même à un vieillard ». Ces naïfs témoignages d'une admiration passionnée font comprendre la douleur que ressentit Archiloque le jour où Lycambès lui retira sa fille. Cette âme ardente et vindicative ne songea plus dès lors qu'à la vengeance. Je ne sais, dit-il quelque part (fragm. 65), qu'un grand principe : rendre le mal à ceux qui me le font. A côté de ces colères, on trouve chez Archiloque une certaine mélancolie. Il est profondément pénétré de la toute-puissance des dieux et courbe la tête avec résignation, mais non sans tristesse, sous les coups imprévus dont ils frappent les mortels. Tout, dit-il, dépend des dieux souvent, dans le malheur, ils relèvent les humains couchés sur la terre noire : souvent aussi, ils les précipitent, au cours de leur prospérité, et les renversent sur le dos; bien des malheurs arrivent, et, par suite des nécessités de la vie, un esprit fougueux erre au hasard (fragm. 56). On voit par ces citations quelle variété de tons se rencontre dans les fragments d'Archiloque. C'était un grand poète et un grand esprit. Par la souplesse de son talent, par sa passion et jusque par sa mort tragique, il reste une des figures les plus originales et les plus attachantes de l'Antiquité. (Paul Girard). | |