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Alain de Lille
(Alanus de Insulis), théologien, philosophe, poète
et historien du XIIe siècle, surnommé
par ses contemporains Doctor universalis. Il est né à
Lille entre 1114 et 1128 et il mourut à
Cîteaux
le 16 juillet 1202, selon la date donnée par Alberic de Trois-Fontaines
et la Grande Chronique Belgique, et selon l'obituaire de Cîteaux
, on peut placer sa mort entre le 14 avril 1202 et le 5 avril 1203. La
vie de maître Alain est peu connue; il a été souvent
confondu avec d'autres personnages du temps, notamment avec un Alain, évêque
d'Auxerre, né comme lui, ou élevé
à Lille. Il est donc assez difficile de tracer sa biographie.
Si l'on en croit Henri de Gand, écrivain
du XIIIe siècle, Alain aurait dirigé
les écoles de Paris. Il aurait enseigné les sept arts libéraux
(Trivium
et Quadrivium), les lois et les décrets.
Il aurait eu la hardiesse de tenter l'explication
du mystère
de la Sainte Trinité
et, pris de remords, se serait retiré à l'abbaye de Cîteaux.
D'autre part, dom Brial, dans l'Histoire littéraire
de la France, croit pouvoir identifier Alain de Lille avec un maître
Alain dont parle Gervais, moine de
Canterbury, qui écrivait au XIIe
siècle. Suivant cette version, Alain aurait embrassé
la règle de saint Benoît, serait
devenu prieur du monastère de Canterbury,
le 6 août 1479 et, après des démélés
avec le roi d'Angleterre, aurait été nommé abbé
de Tewksbury, dans le comté de Glocester. Puis, il serait revenu
en France et aurait terminé ses jours à Cîteaux. Il
est certain en effet qu'il fut enterré dans le cloître
de cette abbaye.
Dom Martène a laissé une
description de son tombeau et relevé l'inscription suivante qui
semble confirmer le dire d'Henri de Gand :
Alanum brevis
hora, brevi tumulo sepelivit
Qui duo, qui septem,
qui totum scibile scivit,
Scire suum moriens
dare vel retinere nequivit.
Les poésies d'Alain de Lille sont parmi
ses meilleures oeuvres : les vers en sont brillants, élégants,
d'une bonne latinité. Elles ne manquent ni d'esprit ni d'agrément.
Ses traités de polémique ont la rigueur logique, caractéristique
de l'École. Quant à la philosophie
d'Alain, elle est développée principalement dans l'Anti-Claudianus
et le De planctu Naturae.
"La recherche
actuelle a montré l’importance d’Alain de Lille dans l’importance
accordée à la raison naturelle : parent avec Richard
de St Victor, ami de T. Becket, héritier
de la théologie porrétaine et de l’Ecole
de Chartres, il est un véritable “carrefour”
qui a su en demeurant dans l’orthodoxie donner à la scolastique
un compendium de ces sources capitales dans les Règles de Théologie
dont les innovations langagières permettent de mesurer l’importance.
Il est l’auteur d’un
“sermon sur la sphère intelligible” qui sera l’une des bases de
la conception cosmologique jusqu’à Nicolas de
Cues qui permettant de comprendre cette sphère comme Dieu,
ou mieux comme le cosmos prolongera l’effort d’Alain de Lille vers une
rationalité systématique. Alain de Lille sur cette seule
question, énoncée de façon synthétique en Reg
Th 17 extrait le meilleur du Liber de Causis et de Boèce,
et donc du néoplatonisme, tout en
conservant l’héritage augustinien si
présent dans la théologie victorine. (Jean
Devriendt, Université P. Verlaine, Metz) "
Quelques idées d'Alain de Lille méritent
d'être soulignées, car, à l'époque où
elles se produisent, elles témoignent d'un grand progrès
vers la liberté de pensée. Ainsi
Alain enseigne que la Raison sous le contrôle
de la Prudence peut, uniquement à l'aide des sens,
découvrir toutes les vérités
d'ordre physique. En ce qui concerne les vérités religieuses,
la raison ne doit prendre d'autre guide que la foi;
cependant il n'est pas interdit de leur chercher une explication-rationnelle;
elles se peuvent démontrer d'une façon géométrique,
comme des théorèmes qui se succèdent
et qui sont enchaînés si rigoureusement les uns aux autres
que prouver la vérité de l'un quelconque c'est prouver la
vérité de la série tout entière. Cette méthode
que Spinoza devait appliquer à son système
philosophique a été employée par Alain, sur une échelle
infiniment moins vaste, dans son traité De arte fidei. (R.
S., merci à J. Devriendt pour ses remarques).
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En
bibliothèque. - De nombreux
détails sont donnés dans les études de Françoise
Hudry. Son excellente traduction des Règles de Théologie
: suivi de, Sermon sur la sphère intelligible a été
publiée aux éd. du Cerf en 1995, précédée
d’une introduction à sa vie et sa pensée; une brève
bibliographie s’y ajoute.
Jean-Luc
Solère, Anca Vasiliu et Alain Galonnier (éditeurs), Alain
de Lille, le docteur universel : philosophie, théologie et
littérature au XIIe siècle : actes du XIe Colloque
international de la Société Internationale pour l'Étude
de la Philosophie médiévale, Paris, 23-25 octobre 2003.
Alain
Lernould, Physique et théologie : lecture du "Timée"
de Platon par Proclus, Presses universitaires du Septentrion, 2001
La
liste des oeuvres d’Alain de Lille se divise en : authentiques, pseudépigraphes,
fortement douteuses, non attribuées mais conformes sur le fond et
la forme. L’étude de M-Th. D’Alverny, datée de 1965, mais
toujours citée comme référence, en a dressé
une liste. |
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