| Louise Victorine Choquet, dame Ackermann est une écrivaine française, née à Paris, le 30 novembre 1813 et morte le 2 août 1890 à Nice. Ses aptitudes poétiques se révélèrent dès son enfance qui s'écoula surtout à la campagne. Mariée en 1844, au pasteur Paul Ackermann, ami de P.-J. Proudhon et auteur, entre autres ouvrages lexicographiques, d'un Vocabulaire de la langue française, extrait de le dernière édition du Dictionnaire de l'Académie (1836), elle vécut deux ans à Berlin dans la société d'Alexandre de Humboldt, de Varnhagen, de Jean Müller, de Boeck, etc. Après la mort de son mari (26 juillet 1846), elle vint se fixer à Nice, auprès d'une de ses soeurs. Louise Ackermann n'a recueilli qu'assez tard quelques-unes de ses inspirations, signalées depuis Iongtemps au public lettré par Havet, Caro et Deschanel. Ses Contes (1855, in-18; Nice, 1861, in-16), et ses poésies, divisées en Premières poésies et en Poésies philosophiques (1874, in-18), ont été plusieurs fois réimprimées. Elle a donné ensuite les Pensées d'une solitaire, précédées d'une Autobiographie (1883, in-16). (M. Tourneux). - L'Abeille « Quand, au printemps, confiante et charmée, Sort de la ruche et prend son vol au sein des airs, Tout l'invite et lui rit sur sa route embaumée. L'églantier berce an vent ses boutons entr'ouverts; La clochette des prés incline avec tendresse Sous le regard du jour son front pâle et léger, L'abeille cède émue au désir qui la presse Elle aperçoit un lys et descend s'y plonger. Une fleur est pour elle une mer de délices. Dans son enchantement, du fond de cent calices, Elle sort trébuchant sous une poudre d'or. Son fardeau l'alourdit, mais elle vole encor. Une rose est là-bas qui s'ouvre et la convie; Sur ce sein parfumé tandis qu'elle s'oublie, Le soleil s'est voilé. Poussé par l'aquilon, Un orage prochain menace le vallon. Le tonnerre a grondé. Mais dans sa quête ardente L'abeille n'entend rien, ne voit rien, l'imprudente! Sur les buissons en fleur l'eau fond de toute part; Pour regagner la ruche il est déjà, trop tard. La rose si fragile, et que l'ouragan brise, Referme pour toujours son calice odorant; La rose est une tombe, et l'abeille, surprise, Dans un dernier parfum s'enivre en expirant. Qui dira les destins dont sa mort est l'image? Ah! combien parmi nous d'artistes inconnus, Partis dans leur espoir par un jour sans nuage, Des champs qu'ils parcouraient ne sont pas revenus! Une ivresse sacrée aveuglait leur courage; Au gré de leurs désirs, sans craindre les autans, Ils butinaient au loin sur la foi du printemps. Quel retour glorieux l'avenir leur apprête! A ces mille trésors épars sur leur chemin L'amour divin de l'art les guide et les arrête Tout est fleur aujourd'hui, tout sera miel demain. Ils revenaient déjà vers la ruche immortelle; Un vent du ciel soufflait, prêt à les soulever. Au milieu des parfums la Mort brise leur aile; Chargés comme l'abeille ils périssent comme elle Sur le butin doré qu'ils n'ont pas pu sauver. » (L. Ackermann, Poésies philosophiques). | | |