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Le
Wahhabisme est l'idéologie d'une secte musulmane fondamentaliste
fondée vers 1745 par le négociant arabe Mohammed-Abd el-Wahhâb
de la ville d'Iyané dans l'Arabie centrale. Reprenant à son
compte la vieille doctrine hanbalite (du nom de Ibn Hanbal) remontant au
IXe siècle et renouvelé au
XIIIe siècle par Ibn Taymiya, l'intention
de Wahhab était de ramener l'Islam (sunnite)
à sa forme primitive, c'est-à-dire à la forme qu'il
avait (ou qu'il était supposé avoir) chez les premières
générations de mulsulmans, d'où le nom de Salafisme
(en arabe, salaf = prédécesseur, ancêtre), qui
est donné aussi à cette idéologie. Le Wahhabisme est
aujourd'hui la doctrine religieuse et politique qui a cours en Arabie Saoudite
et au Qatar, et qui fournit son socle idéologique à divers
courants dits de l'Islam politique (mouvance issue des Frères
Musulmans, en Egypte, en Turquie, en Tunisie, etc.), ou encore à
une nébuleuse d'organisations et de groupes armés (Talibans,
al-Qaida, Daesh, Boko Haram, al-Shabbab, Abou Sayyaf, etc.), dits jihadistes
Ceux-ci prétendent, de nos jours, imposer l'Islam au monde par la
violence (jihad = guerre sainte), à la manière, en
somme, dont el-Wahhab avait cherché à imposer ses conceptions
dans la péninsule arabique au XVIIIe
s.
El-Wahhab et de
Jihad.
Afin de revenir
aux pratiques et aux conceptions supposées des ancêtres, el-Wahhâb
déclara rejeter toute tradition, aussi bien écrite qu'orale,
pour s'en tenir au Coran
et aux paroles du Prophète, les hadiths. Tous les usages
qui n'y étaient pas prescrits furent par lui combattus, spécialement
le culte des saints; tous les pèlerinages
vers d'autres buts que la Kaaba de La
Mecque interdits. Il abolit également les cérémonies
funéraires, prêcha contre le luxe des mosquées,
des tombeaux, de l'habillement, l'usage du tabac, la tolérance des
spiritueux, des jeux de hasard, toutes les formes de la corruption, imposant
la stricte observance des jeûnes, des prières
quotidiennes et même Ia communauté des biens.
Passant à
l'acte, il entreprit de convertir par la force les réfractaires,
de profaner et de démolir les chapelles des saints musulmans. Expulsé
de La Mecque, il fut accueilli par le chef
de Derayé Saoud, qu'il avait converti et auquel il délégua
l'autorité temporelle. Elle fut efficace entre les mains d'Abd-el-Aziz
(mort en 1803), fils de Saoud, puis du fils de celui-ci, Abdallah Saoud
II (mort en 1814). Ils soumirent toute l'Arabie centrale, le Nedjd. Le
chérif de La Mecque lut complètement battu (1790), le pacha
Soliman de Bagdad repoussé. Les Wahhabites,
forts de 120 000 hommes, mais presque sans armes à feu, saccagèrent
Kerbala (1801), occupèrent plusieurs fois La Mecque. L'Empire ottoman,
inquiet de savoir le chérif de La Mecque contraint d'adhérer
à la doctrine Wahhabite, fit appel à Méhemet-Ali,
vice-roi d'Égypte, dont le
fils Tousoun reprit Médine et La Mecque (1811). Puis Méhémet-Ali
vint lui-même attaquer le sultan Wahhabite Abdallah II, qu'il vainquit
complètement à Taïf (1815). Son fils Ibrahim
pénétra dans le Nedjd, tua 20 000 hommes aux Wahhabites devant
Derayé dont il s'empara (3 septembre 1818). La ville fut rasée;
Abdallah Il fut conduit à Istanbul
et décapité (décembre 1818).
Les Wahhabites survivants
s'enfuirent dans le désert où ils vécurent de brigandage,
établirent une nouvelle capitale à Ryiadh, et reprirent ascendant
sur les tribus irritées par la tyrannie des fonctionnaires égyptiens.
Une nouvelle année de Méhémet-Ali fut égarée
par ses guides et périt dans le désert. En 1863, les Wahhabites
s'étendaient de nouveau jusqu'au golfe Persique.
Mais la discorde des deux fils de Feyçal, Abdallah et Saoud, les
affaiblit, et les émirs de Haïl leur succédèrent
dans la prépondérance sur le Nedjd. La disparition de l'empire
Ottoman (1923), associé à la politique britannique au
Moyen-Orient ont placé la dynastie des Saoud au pouvoir dans
le nouvel Etat d'Arabie Saoudite, et partant favorisé le renouveau
de cette idéologie, à laquelle les pétrodollars ont
donné une assise solide.
L'expansion du
Wahhabisme.
Le Wahhabisme, sous diverses formes et
variantes (principalement les jihadistes ou khawarijs, prônant
la violence, et les cheikhistes, qui sont des théologiens)a
aussi connu des succès hors de la péninsule Arabique,
aussi bien au XIXe siècle qu'au
XXe siècle.
Les idées
wahhabites furent d'abord propagées dans l'Inde
(et au Pakistan
actuel, dans la région de Peshawar) par un pélerin,
Seijid Ahmed, converti à La Mecque vers 1820. Elles ont rayonné
de Patna sur le Nord et le centre de l'Inde. Des troubles éclatèrent
en 1831. Ahmed y fut tué. Les Anglais
obtinrent des muftis de La Mecque une déclaration d'après
laquelle l'Inde était « pays de foi-»,
où le croyant ne doit pas troubler la paix.
Le Wahhabisme
a également inspiré les mouvements des Senoussi en Afrique,
la révolte des musulmans de Chine
(1855-1874), ou bien celle des Ghilzaï en Afghanistan,
qui peuvent être vus comme les ancêtres idéologiques
des Talibans contemporains.
En Égypte, le Wahhabisme a attendu
les années 1950 pour s'implanter par le biais du mouvement des Frères
Musulmans; il y fut initié par les Saoudiens afin de contrer la
laïcisation du pays entreprise par Nasser. Il est cependant à
noter que si les Frères Musulmans puisent bien leur doctrine religieuse
dans le Whabbisme (Islam radical), ils admettent au forme de sécularisation
de l'Islam, qui fait parler ici plutôt d'Islam politique,
plutôt que de Wahhabisme proprement dit. Cette
mouvance a diffusé hors d'Egypte. On retrouve ses conceptions en
Turquie (AKP), au Liban (Jamaa al-islamiya), en Tunisie (Ennahdha), ou
encore Palestine (Hamas), etc.
On rencontre encore
l'idéologie salafiste sous ses diverses formes, y compris jihadistes,
dans les Balkans
(Bosnie), dans le Caucase
(Tchétchénie), en Syrie et en Irak, etc.
(A.-M. B.). |
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