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Les Saliens

Saliens (Religion romaine). - Le nom de Saliens était porté à Rome par des prêtres, qui formaient un double collège (Sodalité). Il n'est pas douteux que ce nom ne vienne du verbe salire, sauter, danser; c'étaient donc avant tout des prêtres danseurs, c.-à-d. dont la principale attribution était de se livrer à des danses sacrées en l'honneur du dieu dont ils célébraient le culte. Il n'y a aucun compte à tenir des étymologies fantaisistes données par quelques auteurs anciens, d'après lesquels le fondateur du Collège des Saliens aurait été un Grec nommé Salios, originaire de Samothrace ou de Mantinée. Nous connaissons surtout les Saliens de Rome; mais il y avait des prêtres du même nom dans d'autres villes d'Italie, en particulier à Tusculum et à Tibur; les Saliens de Tibur semblent avoir été des prêtres d'Hercule.

A Rome, il y avait deux collèges de Saliens, les Saliens du Palatin, Salii Palatini, et les Saliens du Quirinal, Salii Collini, appelés quelquefois aussi Salii Agonenses ou Agonales. La tradition romaine voyait dans Numa Pompilius le fondateur des Salii Palatini, dans Tullus Hostilius, le fondateur des Salii Collini. Les deux collèges célébraient le culte de la même divinité, Mars, que l'on invoquait sur le Palatin sous le nom de Mars Gradivus, et sur le Quirinal sous le nom de Quirinus. Suivant toute apparence, les Saliens du Palatin étaient d'origine latine, et les Saliens du Quirinal d'origine sabine. Les premiers représentaient la plus ancienne cité qui avait habité le Palatin; les seconds, la communauté sabine qui avait longtemps occupé le Quirinal et une partie du Capitole avant de contribuer à former la cité romaine. Chacun des deux collèges se composait de douze membres. Bien que les sources antiques nous renseignent presque uniquement sur les Saliens du Palatin, il est vraisemblable que les deux collèges avaient la même constitution et célébraient les mêmes cérémonies.

Les Saliens étaient recrutés exclusivement parmi les patriciens; lorsqu'une vacance se produisait parmi les douze membres du collège, le nouveau Salien était désigné par voie de cooptation; en général on le choisissait jeune; il fallait que son père et sa mère fussent encore vivants, qu'il fût patrimus et matrimus. La cérémonie par laquelle le nouveau Salien était investi de son sacerdoce, l'inauguratio, était célébrée par le chef (magister) du collège des Saliens. Ce sacerdoce était viager. Toutefois, lorsqu'un Salien devenait flamine, ou obtenait une magistrature jugée incompatible avec, ses fonctions de Salien, par exemple la prétoire ou le consulat, il était tenu de renoncer à son sacerdoce; il en était pour ainsi dire déchargé par une cérémonie spéciale, l'exauguratio

Le collège avait à sa tête un chef ou président (magister), dont le rôle principal semble avoir été, outre l'inauguratio des nouveaux membres et l'exauguratio de ceux qui devaient quitter le collège, d'initier les jeunes Saliens à leurs fonctions essentielles qui était de porter les boucliers sacrés (ancilia); les deux autres dignitaires étaient le praesul ou directeur des danses sacrées et le vates chargé spécialement de réciter les formules et les chants sacrés. Antonin le Pieux fut successivement praesul, vates et magister Saliorum. Le local où se réunissaient d'habitude les Saliens du Palatin était situé sur le Palatin et portait le nom de Curia Saliorum; les Saliens du Quirinal se réunissaient dans un sacrarium situé sans doute sur le Quirinal; mais on n'en connaît pas le nom ni l'emplacement exacts. Les Saliens portaient un costume spécial, composé d'une tunique brodée (tunica picta, dans Tite-Live, I,20), pardessus laquelle était passé un large baudrier d'airain; ils étaient coiffés de l'apex. Chacun d'eux avait une épée au côté, et tenait dans la main droite une lame ou un bâton.

Les Saliens avaient pour attribution essentielle la garde des boucliers sacrés nommé ancilia et la célébration des cérémonies dans lesquelles ces boucliers jouaient un rôle. L'origine des ancilia était légendaire. Plutarque la rapporte ainsi (Vie de Numa, § 13) :

« La huitième année du règne de Numa, une peste, après avoir ravagé l'Italie, vint fondre sur Rome. Tout le monde était dans la consternation, lorsque tout à coup il tomba du ciel, entre les mains de Numa, un bouclier d'airain : le roi s'empressa de raconter sur ce prodige des choses merveilleuses qu'il disait tenir de la nymphe-Egérie et des Muses; elles lui avaient dit que ce bouclier était envoyé du ciel pour le salut de la ville; qu'il fallait le garder avec soin, et en fabriquer onze autres exactement semblables par la forme et la grandeur, afin que ceux qui voudraient l'enlever ne pussent reconnaître le véritable. Comme la peste cessa alors subitement, on ajouta foi aux discours de Numa. Le roi manda sur le champ les plus habiles ouvriers et leur proposa de faire des boucliers absolument pareils à celui qu'il leur montrait. Ils y échouèrent tous, sauf Mamurius Veturius, un des ouvriers les plus intelligents de la cité, qui imita si bien la forme et le contour du bouclier miraculeux, et fit les onze autres si semblables, qua Numa lui-même ne put le distinguer du premier. »
D'après la critique moderne, le nom de Mamurius n'est qu'une forme archaïque du nom de Mars ou Mamers, et Mamurius Veturius serait l'équivalent de Mars Vetus, le Vieux Mars. Il est, en tout cas, certain que les Saliens étaient des prêtres de Mars. La légende tout entière semble avoir été imaginée pour rendre compte de leur fonction caractéristique, la garde des boucliers sacrés. Mais les Saliens ne se contentaient pas de garder les ancilia; ils prenaient part à de nombreuses fêtes et cérémonies, processions, danses, sacrifices, etc. Ces fêtes étaient célébrées en mars et en octobre. Les Saliens, pendant le mois de mars, exécutaient de nombreuses processions à travers la ville. C'est pendant ces processions qu'ils se livraient aux danses, d'où sans doute ils ont tiré leur noms. Ces danses, d'après Plutarque, consistaient surtout en mouvements et en pas gracieusement rythmés, en tours et retours rapides et cadencés. Tout en dansant, les Saliens frappaient les boucliers sacrés qu'ils tenaient à leur bras gauche, avec les lances ou les bâtons qu'ils portaient de la main droite. 

L'itinéraire qu'ils suivaient à travers la ville n'est pas connu avec une entière précision. On sait seulement que, pendant le mois de mars, ils déposaient les ancilia chaque soir, dans certains endroits consacrés, appelés Mansiones Saliorum, et que, parmi les lieux où ils s'arrêtaient pour se livrer à leurs danses sacrées, il y avait le Comitium, la Regia, le Capitole, et le Pont Sublicius. Pendant la procession et pendant les danses, les Saliens chantaient une sorte de litanie ou de cantique, qui remontait à une antiquité fort reculée, le Carmen Saliare. Déjà, au temps de Varron et de Cicéron, ce carmen était inintelligible même pour les Saliens qui le chantaient. ll portait le nom, dont l'origine et le sens étaient également très obscurs, d'Assamenta ou Axamenta. Il célébrait les exploits de Mars Mamurius; mais il contenait aussi l'éloge des autres grandes divinités romaines, Jupiter, Janus, Junon, Minerve, etc. Vénus seule en était exclue. Outre les processions et les danses qu'ils exécutaient eux-mêmes, les Saliens assistaient à la plupart des cérémonies religieuses du mois de mars, par exemple aux Feriae Martis du premier jour du mois, aux Equirria du 14, à la fête de Mamurius ou Mamuralia du même jour, à la fête d'Anna Perenna du 15, aux Quinquatrus ou Quinquatria du 19, au Tubilustrium du 23. En octobre, les Saliens prenaient part le la fête de l'Armilustrium, qui avait lieu le 19 de ce mois.

Le double collège des Saliens était et resta toujours l'une des institutions religieuses les plus vénérées de Rome. Sous l'Empire, il joignit aux noms des divinités que célébrait le Carmen Saliare les noms de quelques empereurs ou membres de la famille impériale Auguste, Germanicus, Drusus, Lucius Verus. Il subsista jusqu'au milieu du IVe siècle. Il semble que certaines villes d'Italie et même des provinces aient créé des collèges de Saliens, à l'imitation du double collège de Rome : tel nous paraît être le cas pour Vérone et pour Sagonte. (J. Toutain).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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