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Les Rois Mages

C'est sous le nom de Rois Mages que l'on désigne habituellement les Mages qui selon la Bible, vinrent visiter Jésus nouveau-né à Bethléem.
 « L'empereur Julien dit qu'à l'époque de la naissance de Jésus, il parut dans le ciel une étoile miraculeuse, et que des mages vinrent saluer son berceau; mais il s'évertue à trouver une cause naturelle pour l'apparition de cette étoile. » (Huet, évêque d'Avranches, Démonstr. évangél. Matth. II, 1). 
« La prophétie de Daniel marquant l'époque de l'avènement du Messie avait retenti sur les bords de l'Euphrate et du Tigre; les Juifs restés dans l'ancien royaume de Cyrus soupiraient après un libérateur, comme les Juifs de la Palestine. Les mages, philosophes ou astrologues de la Chaldée, informés de l'accomplissement des temps prédits, auraient pu, peut-être, sans intervention miraculeuse, songer à porter à l'enfant-roi l'encens et la myrrhe : d'après leur doctrine, chaque fois qu'un grand personnage naissait sur la terre, une étoile nouvelle qui était la sienne se montrait dans le ciel. Mais Dieu permit qu'un astre voyageur leur servit de guide. Où est le roi des Juifs qui est né? disaient les mages en arrivant à Jérusalem; nous avons vu son étoile à l'Orient, et nous sommes venus l'adorer. Ces étrangers, arrivés d'une lointaine contrée, furent les premiers qui annoncèrent à Jérusalem l'immense chose accomplie à deux lieues de la ville. (Poujoulat, Hist. de Jésus., ch. XVI, tom. I, pag. 373.)
Les commentateurs de la Bible ont  formé plusieurs questions sur le sujet des mages. Ils ont demandé qui étaient ces visiteurs, d'où ils venaient, combien ils étaient et en quel temps ils arrivèrent à Jérusalem, et aussi quelle était l'étoile qui leur apparut. On raconte communément que les mages étaient des philosophes et des devins dont la principale étude était l'astronomie; que ceux qui vinrent adorer Jésus étaient des disciples et des descendants de Balaam, qui avait prophétisé plusieurs siècles auparavant qu'il naîtrait une étoile de Jacob, et qu'il sortirait du milieu d'Israël un Dominateur (Nombres, XXIV, 17) qui frapperait les chefs de Moab, et qui détruirait tous les enfants de Seth, ou tous les enfants de l'orgueil. Ce sentiment est fondé sur le Nouveau Testament, qui dit expressément que les mages vinrent de l'Orient (Matthieu, II, 1), c'est-à-dire, de l'Arabie Déserte ou de la Mésopotamie, que les auteurs de la Bible comprennent sous le nom d'Orient. Balaam lui-même dit qu'il est venu du pays d'Aram, des montagnes d'Orient. Or il était venu de la ville de Pethora, située sur l'Euphrate. Isaïe, parlant de la venue d'Abraham dans la terre promise, dit qu'il est venu de l'Orient  : Qui a fait venir le Juste de l'Orient?

Les Arabes, les Iduméens orientaux, les Chaldéens, peuples orientaux par rapport à la Judée, se piquaient de sagesse. Le nom de mage était consacré, dans ces pays-là, pour désigner un philosophe, un homme qui faisait profession de sagesse. Tertullien, saint Justin le Martyr, saint Epiphane et parmi les nouveaux , Tostat, Mariana, Barradius, Grotius et plusieurs autres, font venir comme le feront la plupart des auteurs ultérieurs les mages de dessus l'Euphrate, ou de la Mésopotamie, en un mot, de l'orient de la Judée. Quelques auteursauteur font venir  les Mages de la Perse ou de l'Arménie, ou de l'Afrique, ou de l'Éthiopie, ou des trois parties du monde ; de l'Asie, de l'Afrique et de l'Europe

Quelques anciens Pères de l'Église semblent avoir cru que les Mages étaient au nombre de trois, et qu'ils étaient rois dans leur pays. Tertullien paraît assez fort pour la royauté des mages, mais il la prouve mal, Il suppose que pour l'ordinaire les Orientaux avaient des mages pour rois, ce qui n'est nullement certain. Saint Ambroise, ou plutôt saint Césaire d'Arles, leur donne le nom de rois; mais on soupçonne que ce nom a été ajouté à son texte. On cite saint Cyprien dans un sermon sur le Baptême, qui dit qu'ils étaient rois; mais ce sermon est d'un abbé nommé Arnaud, qui vivait du temps de saint Bernard. Pascase Radhert, qui vivait au IXe siècle dans l'abbaye de Corbie, dit que personne de ceux qui ont lu l'histoire des Gentils n'ignore que les mages n'aient été rois. Enfin Théophylacte, parmi les Grecs, a soutenu expressément qu'ils étaient rois. 

Voilà ce que l'on a de plus positif parmi les Anciens; car la plupart des autres que l'on cite ne sont nullement exprès; et pour les modernes, leur autorité n'est d'aucun poids. Ce qui a le plus contribué à faire donner le nom de rois aux mages, ce sont ces paroles du psaume qu'on leur a appliquées :  Les rois de Tarsis et les îles lui offriront des présents ; les rois d'Arabie et de Saba lui apporteront des dons.

On est assez partagé sur la profession des mages. Les uns ont cru qu'ils exerçaient les arts curieux et diaboliques de la divination, de l'astrologie judiciaire et des enchantements. L'ancien Évangile de l'enfance de Jésus dit qu'ils étaient disciples de Zoroastre; mais d'autres en ont porté un jugement plus favorable. Ils ont cru que leur magie était permise et naturelle. Saint Epiphane croit qu'ils étaient de la descendance d'Abraham et de Céthura, L'abbé Rupert leur donne le nom de prophètes et d'hommes inspirés. Origène a cru que les mages s'étant aperçus, dans leurs opérations magiques, que le pouvoir du démon était fort affaibli, s'appliquèrent à en découvrir la cause; et qu'ayant remarqué dans le même temps un nouvel astre dans le ciel, ils jugèrent que c'était cet astre dont avait parlé Balaam, et qui désignait la naissance d'un nouveau roi d'Israël : c'est ce qui les détermina à l'aller chercher, pour lui rendre leurs adorations. Saint Basile et saint Ambroise ont eu à peu près la même pensée. Saint Jérôme dit qu'ils apprirent des démons, ou plutôt de la prophétie de Balaam , que le Christ était né; et Tertullien semble dire que c'est par l'astrologie qu'ils apprirent la naissance du Messie, puisqu'il avance que jusqu'à Jésus-Christ cette science était permise; mais que depuis ce temps elle est défendue, afin que personne désormais ne s'avise de chercher dans les astres l'horoscope de quelqu'un : 

Scientia ista usque ad Evangelium fuit concessa, ut Christo edito nemo exinde nativitatem alicujus de caelo interpretetur.
Le nombre des mages est fixé à trois depuis fort longtemps. Saint Léon le suppose en plusieurs endroits. Saint Césaire le dit aussi très expressément. On voit la même chose dans deux sermons attribués autrefois à saint Augustin, mais dont l'un est de saint Léon, et l'autre se trouve ailleurs sous le nom d'Eusèbe d'Emèse. Bède, l'abbé Rupert, et après eux une foule de commentateurs, l'enseignent de la même sorte. Ce sentiment paraît fondé principalement sur les trois sortes de présents qui sont marqués dans l'Évangile. Ils lui présentèrent de l'or, de la myrrhe et de l'encens. Nous leur donnons communément les noms de Gaspar, Melchior et Balthasar; mais ces noms sont inconnus à l'Antiquité aussi bien que ces autres, qu'on leur attribue dans quelques ouvrages plus récents, comme ceux-ci qu'on donne comme noms grecs : Magalat, Galgalat, Saraim, ou en hébreu, Apellius, Amerus et Damascus; ou enfin Ator, Sato, Paratoras.
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Saint-Bertrand de Comminges : l'Adoration des Mages.
L'Adoration des Mages, sur le tympan du portail de l'église de Saint-Bertrand-de-Comminges.
Le bas-relief représente les Rois Mages apportant leurs présents à Jésus, sur les genoux de
Marie, assise sur un trône. A droite, Saint-Bertrand; en haut des anges; en bas, les douze Apôtres.
© Photo : Serge. Jodra, 2013.

On lit , chez Bède, dans un livre intitulé : Extraits des Pères, etc. que Melchior, le premier des mages, était un vieillard chauve, ayant une grande barbe et de grands cheveux blancs, qui avait une robe couleur d'hyacinthe ou de bleu céleste, un manteau jaune ou orangé (sago mileno, ou plutôt melino), une chaussure de couleur mêlée de bleu et de blanc, et un bandeau royal de différentes couleurs. Il offrit de l'or au Roi Jésus-Christ. Le second mage s'appelait Gaspar. Il était jeune, sans barbe, vermeil , vêtu d'une robe orangée et d'un manteau rouge; sa chaussure était couleur d'hyacinthe. Il offrit de l'encens, pour reconnaître la divinité de Jésus-Christ. Le troisième s'appelait Batlhasar. Il était brun, portait une grande barbe, était vêtu d'une robe rouge, d'un manteau de différentes couleurs; sa chaussure était jaune. Il offrit de la myrrhe à Jésus, pour marquer sa mortalité. Mais l'ouvrage où ces particularités se rencontrent est indigne du vénérable Bède, et est sans doute plus nouveau que lui.

Jérôme Osorius, évêque d'Algarve au Portugal, raconte qu'un roi de la ville de Cranganor, dans le royaume de Calécut (Calicut), nommé Chéripérimale, s'étant mis à voyager pour expier un inceste qu'il avait commis avec sa soeur, vint dans la Carmanie, où il trouva deux mages fameux qui étaient sur le point de s'en aller en Judée, pour y adorer un enfant nouvellement né d'une Vierge, et qui devait racheter le genre humain. Chéripérimale les pria de trouver bon qu'il les accompagnât. Ils allèrent donc ensemble, et ayant adoré Jésus, ils revinrent dans leur pays. Le roi de Cranganor, étant de retour dans sa ville, y fit bâtir une église en l'honneur de la Vierge, y fit représenter celle-ci tenant son fils entre ses bras, et ordonna qu'autant de fois que l'on prononcerait à voix haute le nom de Marie, tout le monde eût à se prosterner. C'est ce qu'Osorius assure avoir appris de personnes très instruites de ce qui regarde les Indes, et qui assurent que cela se trouve ainsi dans les anciens monuments des Indiens. Il ajoute que les Indiens dépeignent les trois mages de cette sorte. Il y en a d'abord deux qui marchent ensemble, ayant le teint blanc, vêtus à la royale, ayant leurs présents avec eux; et derrière eux, le troisième de couleur brune, à peu près comme un Éthiopien, portant aussi ses présents. Le père Maffée, dans son Histoire, fait aussi mention de cette histoire. Il nomme Périmale le roi de Calicut.

L'auteur de l'Ouvrage imparfait sur saint Matthieu cite d'anciens livres apocryphes, qui portaient le nom de Seth, qui disaient que les mages avaient été douze, choisis de toute leur nation, et se succédant de père en fils depuis plusieurs siècles, pour observer le moment de l'apparition de l'étoile prédite autrefois par Balaam. Ils montaient pour cela sur une montagne d'où ils observaient le lever des astres. Enfin l'étoile leur apparut, ayant au milieu de soi un jeune enfant et une croix au-dessus. L'enfant leur parla et leur ordonna de se transporter en Judée. L'auteur de la Glose ordinaire, sans limiter le nombre des mages, se contente de dire qu'ils étaient plusieurs. Le même écrivain, qui a composé le Commentaire imparfait sur saint Matthieu que nous avons déjà cité, enseigne que saint Thomas, étant allé en Perse, y instruisit et baptisa les mages; après quoi ils s'appliquèrent avec lui à prêcher l'Évangile. On tient qu'ils furent martyrisés dans une ville d'Arabie. Les Arméniens soutiennent qu'ils ont prêché et souffert le martyre dans leur pays (Chardin, Voyage de Perse, t. III, p. 131). Le connétable d'Arménie écrivait au roi saint Louis qu'ils étaient venus de Tangat en Arménie.

Le temps auquel les mages arrivèrent dans la Judée est un point qui a beaucoup exercé les chronologistes. Ceux qui les font venir du fond de la Perse leur donnent deux ans pour faire leur voyage; supposant que l'étoile apparut aux mages deux ans avant la naissance de Jésus. En cela le texte de l'Évangile  (Matth. II, 16) leur paraît favorable, puisqu'il y est dit qu'Hérode fit mourir les enfants de Bethléem depuis deux ans et au-dessous, selon le temps que les mages lui avaient marqué. D'autres croient qu'étant partis au moment de la naissance de Jésus, ils n'arrivèrent à Bethléem que deux ans après. Enfin d'autres les font partir au moment de la naissance de Jésus, et pour les faire arriver à Bethléem treize jours après cette naissance, ils leur donnent des dromadaires pour faire plus de diligence. Quelques-uns ont cru que l'étoile leur était apparue dès le temps de la conception de saint Jean-Baptiste, ou dès le temps de l'Incarnation de Jésus : mais il ne semble pas que personne ait osé fixer le temps précis de leur départ, quoique la plupart aient déterminé le jour de leur arrivée à Bethléem, au treizième jour depuis la naissance de Jésus. En les faisant venir des bords de l'Euphrate, on a calculé qu'ils ont pu arriver à Jérusalem en moins de vingt jours, en traversant l'Arabie Déserte sur des chameaux, qui était la monture ordinaire de ce pays-là.

Venons à présent à l'étoile qui apparut aux mages. Quelques Anciens ont avancé que c'était un astre nouveau, créé exprès pour annoncer aux humains la naissance du Messie. Origène, Maldonat et Grotius croient que c'était une espèce de comète qui avait paru extraordinairement dans l'air. Ligtfoot croit que la même lumière qui apparut aux anges près de Bethléem se fit voir aussi de loin sur la Judée aux mages, et les attira aux pieds de Jésus. D'autres ont prétendu que c'était un ange revêtu d'un corps lumineux en forme d'étoile, laquelle, ayant pris sa route du côté de la Judée, détermina les mages à la suivre. L'auteur de l'Ouvrage imparfait sur saint Matthieu, et saint Epiphane ont suivi une ancienne tradition qui se trouvait dans le livre apocryphe de Seth, qui portait que cette étoile avait paru ayant au milieu de soi un jeune enfant, et au-dessus la figure de la croix. L'auteur de l'ouvrage intitulé : Des Merveilles de la sainte Écriture, publié sous le nom de saint Augustin, assure que quelques écrivains ont cru que cette étoile était le Saint-Esprit, qui apparut aux mages sous la figure d'un astre, comme il apparut dans le baptême de Jésus-Christ sous la figure d'une colombe. Saint Ignace, dans son Épître aux Ephésiens, dit que cette étoile surpassait par son éclat toutes les autres étoiles, et que le Soleil et la Lune formaient en quelque sorte son cortège, et que tout le monde était dans l'admiration, en considérant cette nouvelle lumière.

Chalcidius, philosophe platonicien, qui a fait un commentaire sur le Timée de Platon, parle de ce phénomène en ces termes :

Il faut remarquer une autre histoire bien plus sainte et plus digne de vénération; c'est celle qui nous parle de l'apparition d'une étoile qui ne présageait ni des maladies, ni la mortalité, mais la descente de Dieu sur la Terre, pour vivre parmi les humains et pour les combler de ses faveurs. Des sages de Chaldée ayant aperçu celle étoile durant la nuit, comme ils étaient instruits dans la science de l'astronomie, ils se mirent à chercher ce Dieu nouveau-né; et l'ayant trouvé, ils lui offrirent des présents convenables à une si haute majesté.
Terminons en disant que les commentateurs de la Bible ont également discuté de savoir si l'étoile se fit voir à tout le monde, ou seulement aux mages. Les uns croient qu'elle ne fut vue que des seuls mages; d'autres, qu'ils ne la virent même que deux ou trois fois; à savoir dans leur pays, et ensuite au sortir de Jérusalem lorsqu'ils se mirent en chemin pour aller à Bethléem. Saint Chrysostome, saint Ambroise; saint Augustin, saint Bernard, l'auteur de l'Ouvrage imparfait sur saint Matthieu tiennent qu'ils la virent toujours depuis qu'elle commença à leur paraître, jusqu'à ce qu'étant disparue à leur arrivée à Jérusalem, cela les mit dans la nécessité de s'informer du lieu où le Messie devait naître. Saint Ignace le martyr, et le faux Évangile de l'enfance de Jésus , croient qu'elle parut à la face de tout le monde, que tous les peuples la virent, et qu'il ne tint qu'à eux de la suivre. Les mages, arrivant à Jérusalem, semblent supposer qu'il n'y a personne qui ne l'ait vue : Où est le roi des Juifs nouveau-né? Car nous avons vu son étoile dans l'Orient. (A19).
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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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