| Prêtre Jean (Johannes presbyter). - Souverain légendaire de l'Orient. Vers le milieu du XIIe siècle se répandit en Europe le bruit qu'il existait au milieu de l'Asie un souverain chrétien qui allait marcher au secours des Croisés (Les Croisades). Otto de Freising en 1145 raconte que le pape Eugène III a reçu de l'évêque de Gabala (Syrie) des informations au sujet de ce roi-prêtre. Albéric en 1165 parle d'une lettre du Prêtre Jean aux rois de l'Occident décrivant les merveilles de son royaume; ces détails semblent empruntés au sixième voyage de Sindbad dans les Mille et une nuits. Le médecin Philippe au retour d'un voyage on Asie fit de tels récits au pape Alexandre III que celui-ci lui remit une lettre pour le Prêtre Jean, qualifié de Indorum rex, sacerdotum sanctissimus; il l'engageait à l'union avec l'Église romaine. On n'entendit plus parler de rien. En 1245 le pape Innocent IV, fondant les missions des franciscains et des dominicains, revint sur cette idée du Prêtre Jean; Plan-Carpin, puis Rubruquis furent chargés de s'en informer. Le dernier confirma l'existence dans l'Asie centrale, à l'époque de la prise d'Antioche, d'un prince Corchan, souverain du Kara-Kataï (Les Khitans); il aurait eu pour successeur un pasteur nestorien (Nestorius) du nom de Naïman; le peuple l'aurait appelé Prêtre Jean. L'archevêque de Pékin et Marco Polo mentionnent vers l'an 1300 un prince nestorien de l'Inde, qu'ils appellent Georges et qui serait le sixième successeur du Prêtre Jean. On raconta encore au concile de Constance qu'on attendait les ambassadeurs de ce mystérieux souverain. - La Mort du Prêtre Jean. - A la fin du XIVe siècle, on se représentait le Prêtre Jean comme un puissant et vénérable souverain des régions reculées de l'Asie, analogue au Charlemagne des chansons de geste. (Bibliothèque nationale). Au milieu du XIVe siècle, le déplacement des routes commerciales vers la mer Rouge transporte de ce côté la légende du Prêtre Jean; on l'applique à l'empereur chrétien d'Éthiopie ou d'Abyssinie. Au XVe siècle, ses ambassadeurs arrivent à Rome, en Aragon, au Portugal. Jean II de Portugal adresse une ambassade au Prêtre Jean (1486). Lorsque les Portugais pénètrent en Abyssinie (1520), ils n'y retrouvent pas les merveilles espérées; le christianisme- jacobite des Éthiopiens ne répond pas à leur espoir; toutefois les cartographes continuent de dénommer l'Abyssinie "royaume du Prêtre Jean". L'explication historique de ces récits légendaires a été abordée en particulier par d'Avezac et Gustav Oppert. L'origine des bruits propagés au XIIe siècle serait la défaite du sultan Sindjar par les Turks de l'Asie centrale (1141) en lesquels les chrétiens virent des alliés (Le Monde turco-mongol) . Le fondement réel de la légende c'est que les Kéraïtes (Les Mongols) qui dominaient au Nord du Hoang-ho étaient chrétiens. Ils ont été confondus avec leurs voisins Kara-Khitans et Naïmans dans l'imagination des Occidentaux, et le nom de Prêtre Jean serait une traduction erronée soit du titre de Gour-Khan (Corkhan, Iorchen, Jochanan, Johannes) pris par Yelu-Tache, souverain des Kara-Khitans, soit de celui de d'Oung-Khan des Kéraïtes (Sur les mots Khân et Khaqân). Les renseignements recueillis étant vagues et confus, la légende amalgama des éléments différents, et l'on a parfois rapproché le Prêtre Jean du Dalaï-lama du Tibet. (A.-M. B.).
| En bibliothèque - G. Oppert, Der Presbyter Johannes; 2e éd., 1870. - Zarncke, Der Presbyter Johannes; 1876-79, 2 livres. En librairie - Istvan Bejczy, La lettre du Prêtre Jean, une utopie médiévale, Imago, 2001. | | |