| Le piétisme est une tendance et un parti religieux dans le protestantisme allemand. Le mot date de 1674 environ et servait alors à désigner ce que l'on taxait d'exagération de piété chez les disciples de Spener à Francfort. Un siècle environ après la réforme de Luther, l'orthodoxie luthérienne était devenue une sorte de scolastique; chez les protestants allemands, il y avait plus de formalisme que de vie religieuse individuelle. Des hommes comme Joh. Arndt, J.-V. Andreae, P. Gerhardt, Th. Grossgebauer et d'autres, qui avaient entretenu on réveillé et alimenté la vie religieuse autour d'eux, étaient des exceptions. Il fut réservé à Ph.-J. Spener de propager en Allemagne, par son activité pratique et littéraire, à partir de 1670, un mouvement religieux qui a continué celui que Luther avait inauguré en 1517. Il eut pour collaborateurs : A.-H. Francke, P. Anton, J. Breithaupt, J.-K. Schade, J.-J. Rambach et d'autres. Ils avaient débuté en 1686 à l'université de Leipzig, mais y rencontrèrent une vive opposition de la part de S.-B. Carpzov surtout. Ils se concentrèrent bientôt à l'Université de Halle, fondée en 1691. De là, dans les trente premières années, plus de 6000 pasteurs, gagnés durant leurs études au piétisme, le répandirent en Allemagne. Au commencement du XVIIIe siècle, le piétisme produisit les premières oeuvres de mission intérieure (Francke et Canstein) et de mission extérieure (Ziegendalg et aussi Callenberg). On peut dater de la fondation de l'Université de Halle la seconde période du piétisme (1691-1750 environ). Elle est caractérisée par le fait que la tendance pratique qu'était le piétisme, au début, est devenue une doctrine. Celle-ci est discutée. De là des controverses, souvent violentes, entre piétistes et luthériens, inaugurées par un mémoire de la faculté théologique de Wittemberg (1695). Les deux coryphées de la lutte furent V.-E. Loeseher (1673-1741), à la fois plus sympathique et plus capable que son adversaire piétiste, J. Lange. Aussi bien, de part et d'autre, le but fut souvent dépassé, surtout par les polémistes de second rang. Les principaux points controversés indiquent ce qu'était le mouvement piétiste. Les luthériens avaient fini par identifier la régénération avec le baptême; les piétistes attribuaient la régénération à l'action de la parole de Dieu et insistaient par conséquent sur la pénitence, l'effort personnel, la lutte douloureuse à l'effet de saisir la grâce régénératrice. Cela les poussait vers l'ascétisme. Quelques-uns proscrivaient non seulement le théâtre, la danse, etc., mais les délassements comme la promenade, choses que les luthériens taxaient d'indifférentes et allaient parfois, par esprit de contradiction, jusqu'à recommander. Les piétistes niaient que rien fût indifférent. De même, les luthériens prônaient l'importance et l'efficacité du ministère, jusqu'à en faire un sacerdoce indépendant de la moralité de celui qui l'exerçait. Les piétistes, au contraire, proclamaient le sacerdoce universel de tous les croyants, et trouvaient l'Eglise protestante, non pas tant là où s'exercent les fonctions du ministère sacerdotal, que là où s'unissaient quelques croyants pour adorer Dieu. En faisant abstraction de quelques écarts regrettables, on ne saurait contester que le piétisme était plus conforme au principe de la réforme que le luthéranisme. Il est à remarquer qu'il n'a jamais été une secte; il n'a pas causé de schisme. II visait à renouveler les cadres de l'Eglise officielle en formant ce que Spener avait appelé des « ecclésioles » dans l'Eglise, en quelque sorte ce que sont dans l'Eglise catholique les confréries et les congrégations de piété. Vers 1750, le mouvement piétiste a épuisé sa force. A ce moment, il avait pénétré un peu partout et avait, en somme, renouvelé la vie religieuse en Allemagne. Après cela, il dégénère en un vague sentimentalisme, qui fut envahi et remplacé par le rationalisme à la fin du XVIIIe siècle. Ce n'est guère que dans le Württemberg que le piétisme conserva sa sève et sa saveur et porte, jusqu'à nos jours, des fruits dans la vie religieuse. L' « ecclésiole » s'y est transformé en ce qu'on nomme la Stunde, réunion d'édification mutuelle. Parmi les piétistes wurttembergeois les plus marquants, il faut nommer J.-A. Bengel, F -Chr. Oetinger et Ph.-M. Hahn. Comme mouvements analogues au piétisme, mais non identiques avec lui, on peut citer le méthodisme dans l'Eglise anglicane, et le jansénisme et le quiétisme dans l'Eglise catholique de France, par exemple, ainsi que ce que l'on désigne, vers le commencement du XIXe siècle, chez les protestants, sous le nom vague de réveil. (F.-H. K.). | |