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L'Oracle de Delphes | ![]() |
![]() | L'histoire de l'oracle de Delphes est une partie essentielle de l'histoire grecque![]() Nul lieu n'était plus propre à frapper l'imagination que le site de Delphes. « L'air qu'on respire là est lourd, chargé d'une vapeur tiède, quand le soleil y darde ses rayons réverbérés par les flancs nus des rochers, et d'une fraîcheur humide aussitôt que l'ombre envahit ce recoin perdu. Les moindres bruits y sont répercutés et, grossis par l'écho sonore des Phaedriades. Cet ensemble de Sensations fortes faisait descendre dans l'âme naïve d'un Pélasge ou d'un Hellène des premiers siècles une sorte de recueillement involontaire et de secrète terreur, soit que son pied fit rouler au fond des ravins les pierres dont le sol est jonché, ou que, levant les yeux vers les cimes consacrées, comme tous les hauts lieux, à la présence invisible de la divinité, il vit tournoyer dans l'air les oiseaux de proie, ou encore que, sacrifiant aux puissances divines, il regardàt la fumée de l'autel balancer en montant ses spirales capricieuses, il attribuait à tous ces incidents une solennité particulière et comme une intention surnaturelle. Enfin, il s'endormait au murmure des ruisseaux bondissauts; ses sens ébranlés transformaient en songes prophétiques les impressions qu'ils devaient aux objets d'alentour. » (Bouché-Leclercq, t. III, p. 43).Les légendes étaient nombreuses; on parlait d'anciens cultes de la Terre, de la Nuit, de Thémis, de leurs prophéties, de celles d'un serviteur et de deux fils de Poseidon. Dans le vallon, on croyait surprendre le vol des Thries, trois nymphes à la tête poudrée qui symbolisent les trois sources (Castalie, Cassotis et Delphousa) et qu'on compare à des abeilles. La divination était localisée auprès d'une crevasse (Chasma gês) que l'on regardait comme la bouche de la Terre, de Gê, la première qui y ait dispensé les révélations. Lorsque les Olympiens succédèrent aux dieux de la nature, Poseidon avait, dit-on, occupé Delphes, qu'il dut ultérieurement céder à Apollon. Ce récit doit répondre à une succession chronologique réelle. L'oracle primitif placé sous l'invocation de Gê devait ressembler à celui de Dodone La légende des origines du culte apollinien de Delphes a été racontée dans l'Hymne homérique à Apollon Pythien L'oracle une fois au pouvoir d'Apollon, il nous faut maintenant étudier les sacerdoces qui y étaient établis et les méthodes qu'ils appliquaient. Le passé ne fut pas aboli. Les « saints » qui prétendaient descendre de Deucalion restent honorés; la crevasse sacrée demeure le lieu privilégié; ce ne fut pas sans lutte que furent mises de côté les méthodes pré-helléniques, observaton des voix de la Terre et l'oniromancie. Enfin il est bien soutenable que des prétresses de Gê aux pythies il n'y eut pas solution de continuité et que le dieu nouveau venu se borna à plier à ses volontés les prêtresses de Delphes. La fameuse pierre qui symbolisait le Zeus archaïque, l'omphalos, ne perdit rien des hommages que lui rendait la crédulité populaire. On discerne le souvenir de rites clédonomantiques et oniromantiques. En somme, avant l'organisation du sacerdoce apollinien, la divination delphique usait de l'interprétation des songes et des voix, de l'observation des oiseaux et de la flamme des autels. L'oniromancie dut être éliminée rapidement comme contradictoire avec la nature même du culte apollinien. Euripide a parlé de ce conflit (Iphig. Taur., v. 1259-1281) et c'est une tradition arrangée tardivement qui suppose une transition dans laquelle Thémès aurait enseigné la mantique à Apollon. Celui-ci conserva l'ornithomancie, la clédonomancie et les présages tirés des sacrifices. Mais il transforma totalement l'oracle en y introduisant la divination enthousiaste. La surexcitation nerveuse produite par le sentiment religieux des crises d'hystérie qui saisissaient les servantes du dieu ont eu de tout temps un grand empire sur l'imagination populaire vivement frappée par ces manifestations violentes où le corps humain semble possédé par un autre esprit. Nous avons étudié ailleurs ( Elle était intuitive ainsi qu'il a été dit. Le symbole extérieur fourni par le dieu est le trépied de bronze posé au-dessus de l'antre sacré où l'on avait dérivé les eaux de la source Cassotis. Ce trépied avait été, disait-on, donné par Jason, enfoui par les Hylléens, ravi par Héraclès ou Coraebus, rapporté et adjugé par Apollon au plus sage; après avoir été donné tour à tour aux sept Sages, il fut rendu au dieu. Sa forme exacte est inconnue. Sur ce trépied montait la pythie, instrument passif de la révélation divine; c'était une vierge qu'on choisissait belle; dans la décadence, le Thessalien Echécrate en avant enlevé une, on prit pendant quelque temps de vieilles femmes, puis on revint à la tradition. Quand s'accrut la vogue de l'oracle, on eut deux pythies, plus une suppléante, la fatigue des consultations dépassant les forces d'une seule. Au temps de Plutarque, une seule suffisait de nouveau. Les pythies se sont que des agents inférieurs quoique indispensables. Les maîtres sont les prêtres d'Apollon, la corporation recrutée dans l'aristocratie de la cité. On ignore tout de leur existence, tant ils se sont effacés derrière le dieu. La pythie dans ses extases a toujours à ses côtés un ou plusieurs prophètes qui notent ses paroles, ses cris, et en font un oracle rédigé communément en vers hexamètres, d'une obscurité calculée. Cet oracle, rédigé par les prêtres, était ensuite porté par le consultant aux devins exégètes, qui le lui traduisaient. Nous sommes assez bien renseignés sur le mode des consultations. La puissance de l'oracle fut due pour beaucoup au concours des Doriens. Cette population énergique et croyante se mit à son service. Elle lui créa un pouvoir temporel en lui asservissant les Dryopes qui furent établis près de Cirrha comme serfs ou tributaires d'Apollon. L'oracle présida à l'alliance des Héraclides et des Doriens auxquels il promit le Péloponnèse L'oracle fut ainsi placé sous la sauvegarde de la majorité des Hellènes. Son rôle politique commence avec la conquête du Péloponnèse par les Doriens. Plusieurs légendes mettent en scène des ennemis du dieu : le roi d'Argos, Danaüs; les Phlégyens d'Orchomène; Néoptolème, le fils d'Achille. Une entente s'établit avec le culte d'Héraclès, autre divinité des Doriens; on contait que le héros, ayant ravi le trépied delphique, avait été poursuivi par Apollon, et qu'après une lutte acharnée il s'était soumis. Les cultes divinatoires de Pan et d'Hermès furent subordonnés de même; les autres formes de la religion apollinienne furent absorbées. On supprima la mantique d'Apollon Karnos. La tentative faite à Argos pour organiser un oracle d'Apollon Pythien échoua; elle eût produit un schisme dangereux. L'obéissance à l'oracle de Delphes se maintint complète à Sparte dont la constitution, attribuée au fabuleux Lycurge, avait reçu la consécration de la pythie. Les Messéniens dévots de Délos On s'est étonné dans les temps modernes que des institutions fondées sur des croyances aussi illusoires et si peu confirmées par l'expérience aient joui d'un tel crédit; c'est méconnaître singulièrement la nature de la foi religieuse, et il serait bien curieux de comparer les titres de n'importe laquelle des religions modernes à la crédulité de ses adeptes avec ceux qu'invoquaient les prêtres d'Apollon. « II ne faut pas croire que la non-réalisation des prophéties put entamer à bref délai le crédit de l'oracIe. On voit tous les jours que rien n'est accommodant comme la crédulité humaine. Les croyants parvenaient presque toujours à se démontrer à eux-mêmes que la parole d'Apollon s'était accomplie, mais tout autrement qu'ils ne s'y étaient attendu. L'histoire de la divination est remplie de ces surprises qui faisaient admirer les ressources ingénieuses de Loxios et permettaient de concilier, dans la mesure du possible, la liberté humaine avec la liberté et la dignité des dieux. C'eut été mettre la fierté divine d'Apollon à une singulière épreuve que d'exiger de lui, à chaque question, une réponse catégorique; c'eût été, du même coup, écraser la liberté humaine sous une certitude impérative et l'obliger à choisir entre une révolte impie autant qu'inutile et une soumission aveugle à la fatalité. Personne ne reprochait au dieu de ne pas livrer aux mortels tout le secret des destins. Les oracles rencontraient en Grèce une disposition d'esprit très favorable, l'idée que ces immortels ne disposent pas comme ils le veulent de l'avenir et qu'ils n'ont pas le droit de bouleverser l'enchaînement nécessaire des causes : le sacerdoce pythique encourageait cette doctrine, sachant bien qu'Apollon regagnait en réputation de bon vouloir ce que la révélation perdait d'effet utile. Si quelqu'un se plaignait d'avoir été ou mal averti ou égaré par les conseils de l'oracle, on lui rappelait que nul ne peut ne ne doit entraver la marche des destins, et qu'il était insensé d'attendre d'Apollon les moyens d'éviter l'inévitable. Apollon s'était même réservé le droit de mentir ou de donner des conseils pernicieux, s'il le jugeait à propos. C'était là le châtiment qu'il réservait aux indiscrets, aux mal intentionnés ou tous ceux qui approchaient de son temple avec des arrière-pensées coupables. » (Bouché-Leclercq).Il est peu raisonnable de dire que les oracles aient été fondés sur le charlatanisme et la fourberie des prêtres; c'est méconnaître la crédulité de ceux-ci qui étaient les premiers à se convaincre de ce qu'ils répétaient; les procédés qu'ils employaient pour provoquer les névroses de leurs pythies leur avaient été transmis par la tradition liturgique, c.-à-d. enseignés par le dieu lui-même. En fait, ces accommodements ne peuvent être nettement écartés que par la science, par l'idée des lois physiques, que découvrirent et propagèrent les savants philosophes de l'lonie ![]() Les progrès du rationalisme furent funestes à la divination et à son plus puissant organe, l'oracle de Delphes; dès qu'on discuta la révélation, la foi fut ébranlée. Elle souffrit aussi des oppositions que suscitèrent les prêtres d'Apollon en intervenant dans les affaires publiques; on découvrit des abus ; quelques exemples de vénalité excitèrent une défiance générale. Mais ces causes de décadence n'agirent que lentement; au début du VIe siècle av. J.-C., l'oracle est encore universellement respecté et écouté. Le dévouement des Doriens, l'extension de l'amphictyonie lui ont assuré la clientèle de presque toute la Grèce continentale L'oracle de Delphes eut une politique inspirés de prin cipes permanents, une politique-aristocratique et conservatrice il se montra hostile aux tyrans, aux démocraties. Le bras séculier des Spartiates fut mis souvent à son service et donna une sanction efficace aux malédictions d'Apollon; les tyrans de Corinthe, de Sicyone, de Naxos, d'Athènes, furent ainsi expulsés. L'hostilité de Delphes envers Sybaris contribua à l'anéantissement de cette riche cité. Les Athéniens firent de grands sacrifices pour se concilier et conserver la faveur de l'oracle. Les complaisances de celui-ci pour le tyran Périandre de Corinthe, pour Clisthène de Sicyone « Chaque colonie florissante était pour l'oracle une fille reconnaissante, un monument de sa sagesse vigilante et prévoyante. »Les colonies isolées d'abord en terre étrangère maintiennent soigneusement les rapports avec l'Hellade ![]() « Le dieu de Delphes put donc, du poste central qu'il occupait, porter ses regards vers le monde hellénique, encourager et diriger l'esprit entreprenant de la nation, montrer, aux explorateurs leur but en leur traçant un itinéraire sur une mer sans chemins, donner aux émigrants les moyens de s'établir, en même temps que de salutaires instructions, et maintenir la solidarité des fondations nouvelles, soit entre elles, soit avec les anciennes villes. Apollon est chez les Grecs, comme Melkart chez les Phéniciens, le souverain des colonies : il est le fondateur du droit colonial et, en même temps, l'arbitre suprême de tous les conflits juridiques qui s'élèvent entre la métropole et ses colonies. » (E. Curtius).La tutelle exercée par le clergé de Delphes sur les colonies fut surtout politique et morale. Il eut part à la rédaction de leurs constitutions par le choix des législateurs. C'est lui qui désigna le Mantinéen Demonax aux Cyréniens, Zaleucus aux Locriens, qui inspira Charondas à Catane, Androdamas de Rhegium à Chalcis (de Thrace) les villes chalcidiennes d'Italie (Rhegium Callipolis), de Sicile ![]() ![]() Dans le domine du droit religieux le clergé de Delphes est très écouté; Platon l'affirme avec quelque exagération : « C'est à Apollon Delphien que nous laissons le soin de faire les lois les plus grandes, les plus belles et les plus importantes, c.-à-d. celles qui concernent la manière de construire les temples, les sacrifices, le culte des dieux, des génies, des héros, les funérailles et les cérémonies qui servent à apaiser les mânes des morts [...] car le dieu de Delphes est en matière de religion l'interprète naturel du pays, ayant exprès choisi le milieu et comme le nombril de la terre pour y rendre ses oracles. »Il fallait, bien entendu, respecter les coutumes locales très divergentes, et l'oracle conseilla toujours de « suivre les usages de son pays »; il n'avait nul désir de provoquer des querelles religieuses. Il n'essaya pas de se faire attribuer une juridiction disciplinaire sur les prêtres des cultes spéciaux; il jugea les cas qui lui furent soumis, rien de plus. Il fit pourtant des efforts persistants pour l'adoption d'un calendrier uniforme dans toutes les cités grecques. Le calendrier était surtout une liste de fêtes publiques assignant à chaque dieu son mois, ses jours consacrés. Il était fâcheux de voir des fêtes destinées à commémorer certains phénomènes de la vie naturelle se déplacer dans l'année de saison en saison à cause d'erreurs dans les supputations astronomiques ; il ne l'était pas moins que les anniversaires du même fait légendaire fussent célébrés à des dates différentes dans des pays voisins. Les jeux nationaux suivent une certaine régularité dans la chronologie. L'oracle tenta de faire accepter son cycle de huit années de quatre-vingt-dix-neuf mois qui commençait par la procession à Tempé. Le calendrier apollinien fut accepté par les Doriens du Péloponnèse ![]() L'oracle de Delphes eut une influence remarquable sur l'institution de nouveaux cultes. Il ne lutta pas contre l'importation des rites et des divinités exotiques, le polythéisme étant, de sa nature, tolérant. Il essaya de galvaniser la foi nationale en développant le culte des héros, qu'il était d'ailleurs plus aisé de grouper autour de la religion apollinienne. Ce culte, qui flattait le patriotisme local prêtait une nouvelle force à la religion traditionnelle. Parmi le grand nombre des fondations de chapelles, de sacrifices, de translations de reliques ordonnées par l'oracle, nous rappellerons les recherches des os d'Hector par les Thébains, d'Oreste par les Spartiates, d'Actéon parles Orchoméniens, le culte de Damia et Auxesia restauré à Epidanre, celui des Erynies, de Laïus et d'Oedipe à Sparte, des sept héros platéens (avant la bataille de Platées), enfin celui des dix héros indigènes donnés comme patrons aux dix tribus de la nouvelle constitution athénienne. L'oracle entreprit une oeuvre plus contestable lorsqu'il se mêla de faire des héros en décernant l'apothéose à des athlètes. Il les multiplia imprudemment, cédant à l'engouement des Grecs pour ces vainqueurs. Il aurait pu se contenter des certificats de sagesse qu'il octroyait aux hommes de bien. Mais ceci nous conduit à l'examen de la morale delphique. « Pour l'homme de bien, une goutte suffit, mais pour le méchant, l'océan tout entier avec ses flots ne le laverait pas. »Celui qui se présente avec de mauvaises pensées ne peut compter sur la bienveillance divine; s'il essaye de tromper Apollon pour préparer un crime, il risque d'être comme le Spartiate Glaucus, exterminé avec toute sa famille. L'oracle, avant accepté les rites purificatoires de l'Orient, fut obligé de se faire une opinion sur la question des souillures et dés péchés. Il n'adopta pas de solution tranchée. Lier la responsabilité à l'acte, c'était ne tenir aucun compte des progrès de la philosophie ![]() L'oracle ne se fit pas de théorie : il patronna les purifications opérées selon les rites religieux et, d'autre part, il adopta des légendes qui lui attribuaient une moralité plus élevée; Oreste, Alcméon, meurtriers de leur mère, sont frappés de folie et ne trouvent le repos qu'à Delphes. Il fallait d'abord expier l'acte coupable, et Apollon enseignait le respect de la vie humaine, lui-même ayant versé le sang avait subi une pénitence de huit années; les meurtres d'Esope, d'Archiloque, des ambassadeurs perses (à Sparte) durent être expiés de la même manière. Mais l'oracle exigeait un examen de conscience sans aller toutefois jusqu'à donner l'assurance du pardon à ceux qui se repentaient. La morale delphique était très modérée, ne recommandant nul excès, indulgente aux courtisanes et aux amoureux des deux sexes. Les maximes de la sagesse apollinienne, les « commundements » de Delphes, nous sont en partie inconnues. On les mettait volontiers sous le nom des sages inspirés par le dieu; mais celui-ci en endossait la responsabilité, puisqu'on les avait fait graver sur les murs ou les colonnes du temple. On ne sait si elles étaient en vers ou en prose, s'il y en avait cinq, six ou davantage. La plus mystérieuse est le fameux E; on le traduit EG, «Tu es », affirmation de foi du fidèle ou affirmation de responsabilité du dieu au fidèle. Les autres sont : « Rien de trop », « Au dieu l'honneur » et « Connais-toi toi-même ». Ces préceptes moraux sont intéressants, mais évidemment insuffisants. La puissance morale de Delphes tenait à d'autres causes, et elle était garantie par sa puissance matérielle. Les fêtes périodiques donnaient lieu à de grandes transactions commerciales; le marché annuel était si important que le nom de Pylaea delphique devint synonyme de foire. Pour accéder à l'oracle, on construisit pour les chars une voie sacrée de la largeur de cinq pieds quatre pouces, qui servit de modèle pour tout le réseau des routes grecques qui furent construites sur le même modèle. Les dieux étant les plus riches propriétaires du pays, leurs prêtres, en possession des capitaux les plus gros, les firent valoir. Delphes reçut des rois d'Asie Mineure Concluons par un ingénieux parallèle qu'a tracé Ernest Havet : « On a justement comparé l'autorité de Delphes à celle de la papauté. Delphes décidait souverainement les questions religieuses; elle faisait des dieux comme Rome faisait des saints; elle réglait tout ce qui regarde le culte. Mais elle savait et elle disait le dernier mot sur les choses humaines aussi bien que sur les divines. Elle était consultée même par les barbares. On ne pouvait douter que sa parole fût infaillible, puisque c'était celle d'Apollon; son « mantéon », d'ailleurs, réunissait les conditions sans lesquelles il n'y a pas d'autorité véritable : il était libre et indépendant. Les trésors, placés sous la sauvegarde de la Grèce, se grossissaient de la dîme du butin fait dans la guerre, de celle des confiscations et des amendes, des présents que les pèlerins apportaient sans cesse. On maintenait religieusement l'autonomie de son territoire et ce que nous appellerions aujourd'hui son pouvoir temporel. »Malheureusement, il advint comme d'habitude que le temporel corrompit le spirituel. L'or des barbares diminua le patriotisme du clergé delphique; sa conduite ne parut pas, dans les grandes crises de l'histoire grecque ![]() Au VIe siècle, cette décadence s'annonce par les progrès des Athéniens, bien moins dévoués à la pythie que ne l'étaient les peuples d'origine dorienne. Le clergé delphique s'immisça dans leurs affaires intérieures et soutint la puissante famille des Alcméonides. Aussi Pisistrate et ses fils se conduisirent de manière à lui être désagréable. Ils réorganisèrent le culte de Délos Il prophétisa la destruction d'Athènes, interdit aux Argiens, aux Crétois, aux Corcyréens, de rallier l'armée nationale; après les Thermopyles La démocratie athénienne et surtout son chef Périclès tendirent à séculariser entièrement la politique. Périclès fit la guerre à l'oracle. En 448 eut lieu une guerre sacrée; les Phocidiens avaient la prétention de contrôler l'administration du temple qui était situé en Phocide. Les Delphiens appelèrent les Lacédémoniens, qui chassèrent les Phocidiens; ceux-ci recoururent à Athènes et une armée commandée par Périclès vint les remettre en possession; les Athéniens se firent donner par l'oracle un droit de « promantie » pareil à celui des Lacédémoniens. Dans la guerre du Péloponnèse, le sacerdoce de Delphes prit nettement parti pour Sparte; ses ressources furent mises à la disposition des alliés et les prédictions menaçantes pour Athènes multipliées. En revanche, le culte de Délos La réorganisation de l'Arcadie Sous la domination macédonienne, l'oracle perd de plus en plus. La vie politique s'éteint en Grèce et les consultations se font rares. L'autocratie sacerdotale, décimée par la terrible guerre sacrée de 355, était déchue. Au IIe siècle av. J.-C., il n'y a plus que deux prêtres d'Apollon. Les statues, les ex-votos furent replacés dans le temple, mais non les trésors qui en avaient fait la grande banque de la Grèce |
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