| Nirvâna (en pâli Nibbâna). - Mot sanscrit, peut-être emprunté à la terminologie brahmanique, et qui désigne le but idéal de la doctrine bouddhique. Proprement il signifie « extinction », comme par exemple, d'une flamme qui s'éteint, faute d'aliments : mais la question de savoir si le Nirvâna était originairement connu comme l'anéantissement total ou, au contraire, comme un mode supérieur et bienheureux d'existence de l'âme humaine après la mort, a été longuement et vivement discutée. Max Müller, Foucaux, etc., ont soutenu la dernière théorie : leur opinion a eu pour adversaires principaux Childers et J. d'Alwis. Plus tard Oldenberg a tenté de renvoyer les deux parties dos à dos en démontrant, à l'aide des textes sacrés pâlis, que la doctrine orthodoxe a toujours refusé de se prononcer pour l'une ou l'autre de ces opinions et que « la croyance bouddhique se tient en équilibre, comme sur le tranchant d'un rasoir, entre les deux alternatives ». Il serait impossible d'entrer ici dans toutes ces discussions : essayons seulement de résumer les points qui semblent acquis. Tout d'abord le Nirvâna est, sans contestation le summum bonum des bouddhistes : c'est l'unique délivrance, le seul refuge assuré contre la douleur et la nécessité de renaître; c'est le but des bonnes oeuvres et des exercices religieux de ceux qui sont entrés dans la voie de la sainteté; proprement cette heureuse mort sans renaissance est l'apanage de ceux qui ont atteint le quatrième et dernier degré de la sainteté, celui d'arhat : c'est un axiome qu'à sa mort l'achat ne renaît plus, mais qu'il atteint le Nirvâna, c.-à-d., selon les textes sacrés, la fin, la cessation, l'inconditionné, l'incréé, le vide. Mais l'état d'arhat étant ainsi la condition nécessaire et suffisante de l'obtention du Nirvâna, les deux idées finirent par être intimement associées et l'on prit l'habitude d'appliquer au Nirvâna les mêmes épithètes qu'à son synonyme la sainteté : c'est ainsi que nous trouvons dans les textes le Nirvâna parfois défini comme la fin de la souffrance, la cessation du désir, la paix, le calme, la béatitude, etc. Bien mieux, on en vint à penser que l'achat devait atteindre le Nirvâna dès ce monde, et l'on fut alors obligé de distinguer deux sortes de Nirvâna, « avec ou sans résidu de substratum », le premier qu'on atteignait de son vivant, et le second seulement à la mort. On conçoit qu'à la faveur de ces confusions d'idées les doctrines les plus différentes aient pu avoir cours au sein de la communauté : les théories des exégètes modernes ne font, en somme, que refléter sur ce point les contradictions ou l'incertitude évasive des textes. Assurément, pour quiconque se donnait la peine, de tirer les conclusions logiques des principes bouddhiques sur l'instabilité des composés et la périssabilité du moi, le Nirvâna ne pouvait être que l'abolition de toute conscience, l'absolu néant. Mais l'inconséquence logique a toujours été le plus beau privilège de l'humain, en tant qu'animal religieux ; et, de plus, aucun texte censé révélé ne contraignait le bouddhiste à accepter sur ce point aucun dogme fixe. Selon la méthode indienne, chacun était, en somme, laissé libre de se faire un idéal à la mesure de son esprit, et la solution de la question était abandonnée aux discussions des docteurs et des écoles. C'est ainsi que les bouddhistes purent professer sur le Nirvâna les idées les plus opposées sans cesser de se croire parfaitement orthodoxes : sans doute, plus d'un bon moine hinayâniste le concevait comme un état de béatitude, voire même comme un lieu de délices, une sorte de paradis, au même moment où les métaphysiciens du Mahâyâna, non contents d'en faire l'anéantissement total, allaient jusqu'à nier, dans le vide universel des choses, l'existence même de ce néant comme n'étant qu'une illusion de plus. (A. Foucher). | |